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DES PEINES ET DES SUPPLICES.

La peine de mort, chez les Grecs et les Romains, s'infligeait de différentes manières : par la décapitation, le poison, la strangulation, et la pendaison, le crucifiement, la lapidation, peine réservée particulièrement à ceux qui avaient été surpris en adultère; tantôt on brûlait les criminels, ou on les assommait à coups de massue, tantôt on les précipitait d'un lieu élevé. Il y avait à Athènes, dans le quartier de la tribu Hippothoontide, un gouffre profond où l'on jetait les condamnés. Ce gouffre était, en bas, garni de lames de fer pour que la mort fût plus prompte.

A Lacédémone, du temps d'Hérodote, les exécutions ne se faisaient jamais de jour. (Hérod., liv. Iv, ch. 146.)

La noyade se rencontre dans l'histoire de tous les peuples. Turnus Herdonius d'Aricie, calomnié par Tarquin, <«< fut, dit Tite-Live (liv. 1, ch. 51), condamné à périr d'un nouveau genre de supplice. On le couvrit d'une claie chargée de pierres, et on le noya dans les eaux de Fé rentina. )

« Nos pères, dit Cicéron, ont imaginé un supplice réservé aux seuls parricides, afin que la rigueur du châtiment détournât du crime ceux que la nature ne pourrait retenir dans le devoir. Ils ont voulu qu'ils fussent cousus vivants dans un sac de cuir, et jetés ainsi dans le Tibre. O sagesse admirable! ne semblent-ils pas les avoir séparés de la nature entière, en leur ravissant à la fois le ciel, le soleil, l'eau et la terre, afin que le monstre qui aurait ôté la vie à l'auteur de ses jours, ne jouît plus d'aucun des

éléments qui sont regardés comme le principe de tout ce qui existe? Ils n'ont pas voulu que les corps des parricides fussent exposés aux bêtes, dans la crainte que, nourries de cette chair impie, elles ne devinssent elles-mêmes plus féroces; ni qu'ils fussent jetés nus dans le Tibre, de peur que, portés à la mer, ils ne souillassent ses eaux destinées à purifier toutes les souillures. En un mot, il n'est rien dans la nature d'aussi vil et d'aussi vulgaire, dont ils leur aient laissé aucune jouissance. Qu'y a-t-il, en effet, qui soit plus de droit commun, que l'air pour les vivants, la terre pour les morts, la mer pour les corps qui flottent sur les eaux, le rivage pour ceux que les flots ont rejetés? Eh bien, ces malheureux achèvent de vivre, sans pouvoir respirer l'air du ciel; ils meurent, et la terre ne touche point leurs os; ils sont agités par les vagues, et n'en sont point arrosés; enfin, rejetés par la mer, ils ne peuvent, après leur mort, reposer même sur les rochers 1.))

L'empereur Justinien, dans ses Institutes publiées en 533, rappelle encore cet antique usage emprunté à la législation des Douze Tables. «Ce ne sera ni par le glaive, ni par le feu, dit-il, ni par aucune autre peine ordinaire, que le coupable sera puni ; mais, cousu dans un sac avec un chien, un coq, une vipère et une guenon, il sera jeté dans la mer ou dans le fleuve voisin, afin que tous les éléments commencent à lui manquer même avant sa mort, que le ciel soit dérobé à ses yeux, et la terre à son cadavre. » (Institut., liv. iv, tit. 18, § 6.)

On retrouve souvent ce supplice dans notre histoire. Il semble surtout avoir été en usage aux quatorzième,

'Plaidoyer pour Sextus Roscius, ch. 25 26. OEuvres complètes, collect Dubochet, t. II, p. 44.,

quinzième et seizième siècles 1, souvent pour des délits d'une nature assez singulière, comme en fait foi une ordonnance du prévôt de Paris, publiée le 25 juin 1493, et dont nous donnons la teneur, parce qu'elle relate un fait assez important et peu connu :

<< Combien par cy devant ait été publié, crié et ordonné à son de trompe et cry public par les carrefours de Paris, à ce que aucun n'en pust prétendre cause d'ignorance, que tous malades de la grosse vérole vuidassent incontinent hors la ville, et s'en allassent les estrangers ez lieux dont ils sont natifs, et les autres vuidassent hors Ladite ville sur peine de la hart; néantmoins, lesdits malades en contempnant lesdits cris, sont retournés de toutes parts, et conversent, parmi la ville, avec les personnes saines, qui est chose dangereuse pour le peuple et la seigneurerie qui est à présent à Paris.

« L'on enjoint, de rechef, de par le roy, et mondit sieur le prévost de Paris, à tous lesdits malades de ladite maladie, tant hommes que femmes, que incontinent après ce présent cry, ils vuident et se départent de ladite ville et faubourg de Paris, et s'envoisent lesdits forains faire leur résidence ez pays et lieux dont ils sont natifs, et les autres hors ladite ville et faubourgs, sur peine d'estre jelés en la rivière, s'ils y sont pris le jourd'huy passé, et enjoit-onà tous commissaires, quarteniers et sergents prendre ou faire prendre ceulx qui y seront trouvés, pour en faire l'exécution 2. >>

Suivant une croyance générale, la maladie vénérienne nous serait venue d'Amérique, ou aurait été rappor

1

Voy. Dom Vaissète, Histoire générale du Languedoc, t. iv, p. 519. 2 Recueil des anciennes lois françaises, t. xI, p. 213. Cri touchant les věrolés et les immondices.

tée en France après l'expédition de Charles VIII à Naples. La pièce que nous venons de citer réfute ces deux opinions. En effet, 1° Christophe Colomb ne revint de son premier voyage en Amérique que le 15 mars 1495, et l'ordonnance du prévôt est du 25 juin de la même année, et mentionne plusieurs édits antérieurs; 2° l'expédition de Charles VIII n'eut lieu que l'année suivante. Les Italiens sont donc peut-être plus fondés à appeler cette maladie le mal français, que nous ne le sommes àl'appeler mal de Naples.

En Angleterre, on noyait les voleuses dans un fossé plein d'eau. (Du Cange, vo FOSSA.)

Jusqu'au milieu du seizième siècle, on jeta les faux monnayeurs dans l'eau bouillante. Voici, d'après un compte de l'Ordinaire de Paris de l'année 1417, quelles dépenses ce supplice occasionnait :

« A Estienne le Bré, maître de la haute justice du roi notre sire..., douze sols pour trois maçons et leurs aides qui firent le trépié pour asseoir la chaudière où furent boullus trois faux monnoyeurs; item, quatre sols parisis pour quatre sacs de plâtre à faire ledit trépied, quatre sols pour celuy qui blanchit ledit trépié, avant que lesdits maçons y voulussent ouvrer; vingt sols pour un cent et demi de coterets et un demi-cent de bourrées qui furent arses ledit jour pour faire bouillir l'eau en la chaudière; huit sols parisis pour une queue et deux muids où fut mise l'eau, lesquels, la nuit que la justice fut faite, furent mal pris et emblés; trois sols pour une queue d'eau de quoi furent bouillis iceux faux monnoyeurs 1. »

1 Sauval, Histoire et recherches des antiquités de Paris, t. m. p. 274. — Voy. de pareilles quittances dans le premier volume de l'Histoire du privilége de saint Romain, par M. Floquet.

L'horrible supplice du feu a été, on le sait, en usage jusqu'à la fin du dernier siècle. — Bornons-nous à citer la manière dont, suivant Hérodote, on l'infligeait aux faux devins en Scythie :

« On remplit de menu bois un chariot auquel on attelle des bœufs; on place les devins au milieu de ces fagots, les pieds attachés, les mains liées derrière le dos, et un bâillon à la bouche. On met ensuite le feu aux fagots, et l'on chasse les bœufs en les épouvantant. Plusieurs de ces animaux sont brûlés avec les devins; d'autres se sauvent à demi brûlés, lorsque la flamme a consumé le timon 1. >>>

Le supplice de la roue, usité dans l'antiquité, fut trèscommun au moyen âge et dans les temps modernes, et il s'infligeait de plusieurs manières. Chez les Grecs, le patient était attaché sur une roue que l'on tournait avec rapidité. Sur les colonnes Trajane et Antonine, on voit des hommes attachés aux roues des chariots. Grégoire de Tours en parle ainsi dans son troisième livre : « D'autres, dit-il, furent étendus sur l'ornière des routes, et des pieux étant fixés en terre, on fit passer dessus des voitures chargées, et on brisa ainsi les os de ces malheureux, dont les corps furent ensuite donnés en pâture aux oiseaux et aux chiens. >>

Bouchard, l'un des assassins de Charles le Bon, comte de Flandre (2 mars 1127), « fut, par un raffinement de rigueur, dit Suger (Vie de Louis le Gros), lié sur une roue élevée, où il resta exposé à la voracité des corbeaux et des oiseaux de proie; ses yeux furent arrachés de leurs orbites; on lui mit toute la figure en lambeaux ;

' L. IV, ch. 69.

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