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pour brûler à perpétuité devant ces deux images, deux chandeliers d'argent, soixante livres de rente pour fonder une chapelle, et à payer en outre quatorze mille livres d'amende, dont dix mille aux chartreux, et le reste au roi; mais le parlement réforma cette sentence, et prononça l'acquittement des religieux de Saint-Pierre 1. » Des questions de priviléges et d'étiquette étaient aussi l'occasion de fréquentes querelles.

Le 22 mai 1271, lors des funérailles de Louis IX et des autres personnes de sa famille mortes depuis le départ de ce prince pour la croisade, les moines de SaintDenis vinrent au-devant de Philippe le Hardi qui conduisait le convoi. Mais lorsque le roi voulut entrer dans l'abbaye, les portes lui en furent fermées. Il y avait dans le cortége l'archevêque de Sens et l'évêque de Paris, et, comme les religieux prétendaient être exempts de la juridiction de ces deux prélats, ils refusèrent de les laisser entrer dans leur église en habits pontificaux. Il fallut que le roi et le convoi funèbre attendissent dans la rue jusqu'à ce que les deux prélats se fussent dépouillés de leurs ornements, dans un lieu situé hors de la juridiction des moines 2.

« Le corps du roy Charles IX estant prest à partir de Nos tre-Dame, dit Brantôme, la cour de parlement eut quelque picque de presséance avec la noblesse de l'Eglise, d'autant qu'elle alleguoit tenir la place du roy qu'elle representoit du tout en tout en l'absence du roy, qui estoit hors du royaume. Après disner, la cour de parlement envoya dire et commander à M. le grand aumosnier Amyot de leur aller

1 Histoire d'Abbeville, par F. C. Louandre, 1844, in-8, t. I, p. 305.Ce fait est extrait des monuments de la chartreuse d'Abbeville.

2 Geoffroi de Beaulieu, ch. 49.

dire grâces après disner, comme au roy; lequel leur fit réponse qu'il n'en feroit rien, et que ce n'estoit point devant eux qu'il les debvoit dire. Ils lui en firent faire deux commandements consécutifs et menasses; ce qu'il refusa encore, et s'alla cacher pour ne leur respondre plus; mais ils jurèrent qu'ils ne partiroient de là qu'il ne vinst; mais ne s'estant peu trouver, ils furent contraincts de les dire eux-mêmes, et se lever avec des menasses grandes qu'ils firent, et injures qu'ils débagoulèrent contre ledict aumosnier, jusqu'à l'appeler maraud et fils de bouchier 1. »

Les mêmes scandales signalèrent les funérailles de Henri IV. «En la préséance et ordre de marcher se meurent entre les compagnies force débats et altercations, dit l'Estoile; chose assés ordinaire en telles cérimonies. Et y en eut une grande entre l'évesque de Paris et la cour de parlement, sur la place que doit tenir la cour près l'effigie du roy, de laquelle s'empara enfin violemment, et contre toute raison, l'évesque de Paris, qui l'emporta de haute lutte par dessus la cour, favorisé et soustenu, ainsi qu'on le disoit, de M. le comte de Soissons, qui en fist boire à la cour l'affront tout entier. Les autres compagnies firent à coups de poing; principalement ceux des Aydes contre les Comptes, où les gourmades et horions donnèrent la préséance à ceux qui sceurent mieux s'aider des pieds et des mains. » Le surlendemain, lorsque l'on procéda à l'inhumation du corps, « en cette cérimonie, y eust recharge de bravades à la cour: M. le comte de Soissons refusa de rompre le basjon en leur présence, encores que de toute ancienneté

Vies des dames, illustres, Anne de Bretaigne. édit du Panthéon. t. II, p. 441.

on eust accoutumé de ce faire. La célébration des graces à leur table ne se fist point, lequel honneur toutes fois ne leur avoit jamais esté denié ni débattu1. »

<< Les sauvages, dit Tavannes dans ses Mémoires, servent les images, et nous portons à manger à celles de nos rois, quand ils sont morts 1. » En effet, pendant les quarante jours qui s'écoulaient entre la mort du roi et ses funérailles, une effigie, représentant le monarque défunt, était placée sur un lit d'honneur. « Et est à entendre et sçavoir que, durant le temps que le corps fut en effigie en icelle salle, que, aux heures du dîner et souper, les formes et façons du service furent observées et gardées, tout ainsi qu'on avoit accoutumé faire du vivant dudit seigneur (Charles IX), étant la table dressée par les officiers de fourrière, le service apporté par les gentilshommes servans, panetier, échanson et écuyer tranchant, l'huissier marchant devant eux, suivi par les officiers de retrait, de gobelet, qui couvroient ladite table, avec les révérences et essais que l'on a accoutumé de faire; puis après le pain défait et préparé, la viande et service conduit par un huissier, maître d'hôtel, panetier, pages de la chambre, écuyer de cuisine et garde-vaisselle, la serviette présentée par ledit maître d'hôtel au plus digne personnage qui se trouve là présent, pour essuyer les mains dudit seigneur; la table bénite par quelque cardinal ou autre prélat, les bassins à eau à laver présentés à la chaire dudit seigneur, comme s'il eût été

'Journal de l'Estoile (Louis XIII), année 1610, collect. Michaud-Poujoulat, 2e série, t. I, p. 610, 611.

2 On sait qu'à Rome on offrait aux statues des dieux un festin splendide qui durait plusieurs jours, et que l'on nommait lectisternium. Les dieux étaient placés sur des coussins, les déesses sur des siéges.

vif et assis dedans. Les trois services de ladite table continués avec les mêmes formes, cérémonies et essais, comme ils le souloient faire en la vie dudit seigneur, sans oublier ceux avec la présentation de la coupe, aux endroits et heures que ledit seigneur avoit accoutumé de boire à chacun de ses repas, etc. 1»

La mode des effigies funéraires subsista en France jusqu'au dix-septième siècle, tant pour le roi que pour les personnages de distinction. Quelquefois même c'était un vivant, revêtu des habits du mort, qui se plaçait sur le lit de parade; et de vieux comptes de dépenses renferment des articles ainsi conçus: Tant à un tel, pour avoir fait le chevalier mort.

Après l'assassinat des Guises, à Blois, on célébra à Toulouse, aux Pénitents noirs, un service funèbre en leur honneur. « Les deux princes étoient dépeints tous deux en trois endroits: premièrement au grand autel, où monsieur le cardinal étoit, à dextre, avec son rochet et robe rouge de pourpre, à genoux, tête nue; et monseigneur le duc de Guise étoit à main gauche, aussi à genoux, tête nue et armé de toutes pièces. Secondement, au beau milieu de l'église, près la chapelle ardente, ces deux princes étoient couchés en deux lits de triomphe, vêtus, l'un de rouge, et l'autre de blanc ; et en troisième lieu, ils étoient encore devant la grand'porte de l'église, revêtus tous deux de leurs habits ordinaires, poignardés en plusieurs endroits, et sur leur visage et sur leur corps 2. »

Les funérailles étaient terminées par une cérémonie qui

• Trespas et obsèques de Charles IX, Archives curieuses de l'histoire de France, 1re série, t. vIII, p. 259.

2 Advertyssement particullier et véritable de tout ce qui s'est passé en la ville de Tholose, ibid., 4re série, t. xII, p. 304.

s'observa jusqu'au dix-huitième siècle, et dont nous empruntons la description à une relation contemporaine des obsèques de Charles IX. « Lorsque le corps de ce prince eut été inhumé, vint monsieur le grand écuyer à tout un baston noir en sa main, lequel commença à crier: Le roy est mort, luy et trois aultres, portant les estendars et jetant leurs estendars, et faisant semblables cris, et puis vingt ung apportant la grande bannière de France, la getta dedans le monument en criant semblables cris, et incontinant la retira en criant: Vive le roy! et tous les dessus nommez: Vive le roy! Item tous les héraults d'armes, tant de France que de Bretaigne, et autres héraulx faisant semblables cry, en disant : Le roy est mort, nostre maistre est mort; incontinant réprindrent, criant: Vive le roy!

« Et ce faict, allèrent disner messeigneurs les princes dessus nommez, ensemble toute la cour du roy, et d'une autre part, la court de parlement avec Chastellet, les généraulx et aultres, et le disner faict convint dire graces, et dist les dites graces monsieur de Bayeulx; après graces dictes, monsieur le grand maistre, seigneur de la Palice, si vint et appella à haulte voix : « Tous les serviteurs du ༥ feu roy sont-ils ici?» Et on luy répondit ouy : « Et «< à cette heure, messeigneurs, je vous fais assavoir que « le roy, nostre sire, Loys, douziesme de ce nom, est tre« passé de ce siècle en l'autre, et que nostre maistre es « mort, et que nous n'avons plus de maistre pour ce que «< chacun se pourvoye là où il se pourra pourveoir, et << en signe de vérité, je romps mon baston et le gette «< contre terre. » Incontinent ces paroles dictes, on commença à crier par toute la salle, tant grans que petits, a haulte voix, Vive le roy! 1. »

L'Obsèque et enterrement du roy Louis XII, Archives curieuses de l'histoire de France, 4re série, t. II, p. 69.

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