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empire, dont la réalité n'existait plus depuis longtemps.

Rien de plus judicieux que les réflexions de Machiavel sur cette époque de l'histoire où un ancien ordre de choses s'écroulait, tandis que le nouveau se développait avec peine au milieu des plus affreuses calamités. Il ne sera peut-être pas hors de propos de rappeler ici ses observations les plus frappantes : «S'il y >> eut jamais, dit-il, des temps désastreux pour l'Italie, » ce fut depuis Arcadius et Honorius jusqu'à Théo» doric. Si on réfléchit sur les maux que le chan>> gement de maîtres et de régimes peut produire dans » un état, par les discordes intestines, on comprendra >> facilement quelles furent alors les calamités de » l'Italie et des autres provinces. Le gouvernement, » les lois, les coutumes, les moeurs, la religion, le >> langage, l'habillement, tout, jusqu'aux noms pro>> pres, changea de forme et de nature; le tableau de >> ces causes suffit pour effrayer l'imagination: la >> ruine, l'origine et l'accroissement de différentes >> villes en furent les effets.... Les provinces, dit-il » plus bas, les lacs, les fleuves, les mers n'eurent » plus les mêmes noms.... Les hommes en changèrent; >> ils devinrent Pierre et Mathieu, au lieu de César » et de Pompée.... La nouvelle religion opposant des » miracles aux anciens préjugés, il en résulta des » tumultes et d'horribles divisions.... Les disputes des

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>> diverses églises entre elles et celles des Hérétiques >> contre les Orthodoxes, affligeaient l'univers..... Au >> milieu de tant de persécutions, les hommes portaient » écrit dans leurs yeux l'effroi qui agitait leurs âmes. >> Dans cet abîme de calamités, ils n'avaient pas même >> la ressource de pouvoir recourir à la Divinité, qui » est la consolation des malheureux: car, ne sachant » à quel dieu s'adresser, ils mouraient dans les » horreurs du désespoir ».

L'Italie respira sous Théodoric; ce prince ayant vaincu les Hérules, établit le siége de son empire à Ravenne. Il se fit respecter des rois barbares, gouverna ses sujets avec sagesse et avec douceur; et sous un règne paisible de trente-huit années, les nouveaux principes qui devaient animer le corps social, se développèrent; le nouvel ordre de choses commença à prendre quelque solidité.

Un des élémens les plus actifs qui devaient le composer', l'autorité des papes prend son origine à cette époque. Ils la dûrent d'abord à l'influence de leurs vertus: ce fut leur sainteté qui leur acquit la confiance. Lorsque l'empire avait été transféré de Rome à Constantinople, ils étaient devenus, en quelque sorte, les chefs ou du moins les patrons du peuple parmi lequel l'empereur ne résidait plus. Lorsque ces mêmes empereurs se virent forcés de livrer Rome et l'Italie aux incursions des barbares,

les papes se trouvèrent encore; par la sainteté de leur office, les seuls intercesseurs des vaincus auprès des vainqueurs, et l'on vit saint Léon-le-Grand. délivrer Rome de la rage même d'Attila. Théodoric ayant fixé sa résidence à Ravenne, et rendu à Rome une ombre de son ancienne liberté, l'influence des papes ne fit que s'accroître. La confiance et la nécessité l'avaient établie; ses effets bienfaisans la consolidèrent, et la durée des mêmes circonstances, des mêmes besoins, lui donna cette force que l'habitude communique à toutes les autorités. Celle des pontifes romains ne sortit point de ses limites tant que les empereurs ou les rois demeurèrent assez puissans en Italie pour leur interdire toute idée de souveraineté, ou seulement d'indépendance. Les papes leur obéirent, et les servirent même comme leurs autres sujets. Tout changea après la mort de Théodoric. Ses faibles successeurs donnèrent à Justinien la facilité de reconquérir l'Italie par ses généraux. Les Ostrogoths se ranimèrent sous Totila, et reprirent deux fois la ville de Rome; enfin, Narsès anéantit leur domination en Italie par la défaite et la mort de Téïa.

Ce nouveau règne d'un peuple qu'on appelait encore les Romains, acheva de détruire tout ce qui restait de l'ancienne Rome. L'exarque Longin lui ôta ses consuls que lui avait laissés Théodoric; il la

soumit au pouvoir d'un duc, et divisa de même en duchés tout le reste de l'Italie. Ce beau pays ne demeura pas long-temps à l'empire d'Orient. Narsès, pour se venger de l'impératrice Sophie, y appela les Lombards, qui poussèrent leurs conquêtes jusqu'aux portes de Rome; mais après la mort de leur roi Cléfi, qui les avait gouvernés en tyran, ils élirent trente ducs au lieu d'un monarque, et leur puissance divisée s'affaiblit.

Il y eut alors une paix entre les Lombards et l'exarque; chacun garda ce qu'il possédait, et l'on convint de poser les armes. L'Italie se trouva ainsi morcelée; les empereurs grecs et les rois lombards s'y balançaient; plusieurs villes, plusieurs ducs acquirent une sorte d'indépendance, et les papes, comme chefs du peuple de Rome, commencèrent à traiter d'égal à égal avec les souverains.

C'est aussi à compter de cette époque que l'on voit leur politique se développer, son principal but étant d'empêcher qu'aucune puissance ne devînt prépondérante en Italie. Dès que l'empire d'Orient fut affaibli sous Héraclius, par les conquêtes des Esclavons, par celle des Perses et des Sarrazins, dès que cet affaiblissement de l'empire fit craindre aux papes la domination des Lombards, qui commençaient en effet à reprendre des forces, et qui attaquèrent l'exarquat, ils appelèrent les rois de France.

On sait comment Pépin et Charlemagne battirent successivement les Lombards, comment le dernier mit fin à leur monarchie, et comment le Pape le fit proclamer empereur et le couronna. L'établissement des Carlovingiens sur le trône de France était une usurpation que l'autorité pontificale avait légitimée; le couronnement d'un empereur par les mains d'un pape, qui suivit cette usurpation, fut un aveu de plus que les couronnes étaient à la disposition des pontifes, et le premier fondement des prétentions qu'ils développèrent bientôt. Au reste, ce n'était pas sous Charlemagne qu'ils auraient osé les montrer. Ce prince laissa vivre les Lombards en Italie; il n'ôta même pas leur nom aux pays qu'ils occupaient; mais il fit revivre, autant qu'il le pouvait, le nom romain, en appelant Romagne les provinces voisines des Lombards. L'empire d'Orient conserva de son aveu la partie méridionale de l'Italie. Son fils Pepin porta le titre de roi du pays entier, et les papes ne jouirent encore que de cette sorte d'indépendance qui convenait au chef suprême de la religion.

Sous les faibles successeurs de Charlemagne, l'Italie fut la proie de nouveaux malheurs ; les Lombards se relevèrent. Les papes, qui craignaient toujours une puissance si voisine, eurent recours à Béranger, duc de Frioul, Les Sarrazins soumirent la Pouille et

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