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les genres de privations : le nouveau général fit aussi une proclamation dans laquelle il considérait, comme outrageans pour l'armée, les bruits qu'on avait répandus sur la prochaine évacuation du territoire ligurien.

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Peu de jours avant l'arrivée de Championnet à Génes, cette ville avait été mise en état de siége, c'est-à-dire, que l'action du gouvernement, quant à l'ordre public et à la police intérieure, se trouvait suspendue et subordonnée à l'autorité militaire. Des troubles sérieux avaient obligé les Français à cette précaution, et le souvenir de la fameuse révolution de 1746 pouvait la justifier: car, il y a dans les caractères des peuples, comme dans ceux des individus, des traits que l'on croit effacés, et qui reparaissent tout à coup, quand des circonstances semblables réveillent les mêmes sentimens. En 1748, Génes, épouvantée et troublée à l'approche de 60,000 Autrichiens et Piémontais, avait ouvert ses portes; ils usèrent avec tant de rigueur de ce que l'on est convenu

d'appeler les droits de la victoire, que le peuple, qui obéissait en murmurant, se souleva et s'arma; le commandant fit d'abord peu de cas de cette fureur qu'il crut passagère; elle s'accrut; on forma des barricades, et la population entière de Génes devint une formidable armée qui chassa les vainqueurs : exemple mémorable de l'énergie qu'une étincelle peut ranimer, dans l'esprit d'un peuple, même au dernier dégré de la consternation.

L'effet que le gouvernement français s'était promis de ce dernier mouvement de son armée des Alpes, était sans doute de retenir en Italie le général Souwarow et les secours que l'Archiduc réclamait à son tour, ou de profiter de l'affaiblissement de l'armée alliée pour réunir les deux armées françaises des Alpes et d'Italie dans les plaines du Piémont ; et, si elles ne pouvaient y reprendre l'offensive, étendre du moins et faciliter la défense du pays de Génes, où les Français souffraient beaucoup par la difficulté des communications.

Ce but ne fut point rempli, parce que cette armée des Alpes n'était qu'un cordon de troupes renforcé, et dont les attaques réitérées sur toute la chaîne des postes que les Alliés avaient poussés dans les hautes vallées ne pouvaient attirer assez leur attention pour les distraire du siége de Tortone, et leur faire quitter les positions par lesquelles ils resser raient l'état de Génes. Lorsque le rassemblement des conscrits eut grossi jusqu'à près de 25,000 hommes les forces disponibles du général Championnet, et que, vers l'époque où se livra la bataille de Novi, il put hasarder de pénétrer plus avant, cette diversion n'en imposa point au général Souwarow, et il eût mieux valu pour les Français que ces nouvelles forces eussent été portées sans délai à l'armée du général Joubert avant la bataille de Novi. Enfin, dans cette dernière circonstance, le mouvement du général Championnet fut tardif; il semble que son plus grand effort devait être tenté au moment où Moreau sortait de sa position de Savone, et descendait des Apennins pour attaquer de nouveau

le corps d'observation du général Kray. Lorsqu'on veut, par des attaques de deux corps d'armée séparés, contraindre un ennemi supérieur en forces à chacun des deux, à céder la position qu'il occupe entre eux, il faut que ces attaques soient simultanées, et que l'ennemi soit obligé de se diviser.

Le manque de concert que nous venons de faire remarquer devait servir le général Kray; mais on n'en pouvait profiter avec plus de célérité et de précision, ni mieux remplir son objet, qui était de se maintenir jusqu'à l'arrivée des renforts qui devaient remplir le vide causé par le départ des troupes

russes.

Il ne restait guère plus que 18 ou 20,000 hommes de l'armée auxiliaire que le général Souwarow avait conduite en Italie, et qui y avait reçu au commencement d'août un renfort de 10 à 11,000 hommes venus par la route de Hongrie.

L'avant-garde de ce corps d'armée (l'un de ceux qui ait jamais livré autant et d'aussi

sanglans combats dans un espace de 4 mois), parut le 14 septembre à Bellinzona..

Les colonnes défilèrent par Agno et campèrent à Bironia, Faverna et Bedano dans les environs du Mont-Cenère. ( Le général Lecourbe avait occupé cette position trois mois auparavant.) Le général Souwarow arriva, le 15 septembre, à Lugano, après avoir rassemblé ses troupes au Mont-Cenère: il fit ses dispositions pour les attaques du Saint-Gothard, et pour sa réunion avec les corps autrichiens du général Auffenberg, qui occupait devant les avant-gardes du général Lecourbe la frontière des Grisons.

Cette division de troupes autrichiennes, qui devait recevoir encore quelques renforts par le Tyrol, était destinée à seconder le général Souwarow, dont le but n'était pas seulement de repousser le général Lecourbe, et de rétablir l'aile gauche de l'armée alliée de Suisse dans ses anciennes positions sur la Reuss, mais encore d'envelopper la droite. de l'armée française, de la séparer du Valais, et, franchissant à la fois le mont Furca, et

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