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près de deux siècles, firent couler tant de sang. Nous négligerions de rapporter ces vaines disputes, si elles n'avaient pas eu une si funeste influence sous le méprisable gouvernement des princes du Bas-Empire, et si elles n'avaient pas essentiellement contribué plus tard à la conquête que Cosroës fit l'Égypte. Ce furent en effet, les suites des dissentions théologiques et l'opposition que les Égyptiens, accoutumés à la superstition dès le temps des Mages, soutinrent contre le concile de Chalcédoine, et qui leur attirèrent les persécutions des empereurs, et les disposèrent à se livrer au premier conquérant qui voulût les délivrer d'un joug devenu insupportable.

Ce fut sous le règne d'Héraclius, vers l'an 611, que Cosroës XI, roi de Perse, après avoir conquis la Syrie, la Palestine et la majeure partie de l'Asie, attaqua l'Égypte ; il surprit Péluse et s'avança sans obstacle jusqu'à Alexandrie. Cette ville aurait pu être secourue par la flotte, mais l'archevêque et le préfet l'emmenèrent à Chypre, où ils se retirèrent. Cosroës entra en vainqueur dans cette seconde ville de l'empire, qui conservait encore les restes brillans de son antique opulence; il y trouva d'immenses

richesses.

A cette époque, l'empire de Constantinople était menacé d'une prochaine destruction; car, tandis que les Persans s'emparaient des provinces de l'o

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rient, les Barbarês inondaient celles du nord. Héraclius sollicita la paix, mais Cosroës ne consentit à l'accorder qu'à de si dures conditions, que l'empereur ne l'accepta que pour se préparer à la

guerre.

par

Elle recommença en 627; le superbe Cosroës fut battu par Héraclius, et massacré l'ordre de son propre fils, qui fit un traité avec l'empereur, par lequel il rendit toutes les conquêtes de son père. Ainsi l'Égypte, dont la perte affamait Constantinople, retourna, mais pour peu de temps, sous la domination romaine.

Un homme qui devait établir l'empire de ses armes et de ses opinions sur la moitié de l'univers, Mahomet avait déjà conquis l'Arabie. Ses successeurs étendirent ses conquêtes et sa religion. Amrou, lieutenant du Calif Omar, s'empara de la Palestine et marcha contre l'Égypte; après un siége de trente jours, il prit possession de Péluse, la clef de cette province, et s'avança jusqu'aux ruines d'Héliopolis et jusqu'au lieu où est actuellement située la ville du Caire. Le récit que Gibbon fait de cette expédition nous a paru mériter l'intérêt de nos lecteurs, par les détails qu'il donne sur l'état où se trouvait encore l'Égypte au moyen âge.

Nous allons en extraire les passages les plus remarquables.

» A l'ouest du Nil, à une petite distance à l'est » des Pyramides, et peu loin du Delta, Memphis » déployait les restes de la magnificence des anciens » rois d'Égypte. Sous la domination des Ptolémées et » des Césars, le siége de l'empire avait été transféré » à Alexandrie, et l'opulence de cette ville éclipsant » bientôt l'ancienne capitale, Memphis voyait ses

palais et ses temples presqu'en ruine : cependant, » sous Auguste et même sous Constantin, elle était >> encore comptée au nombre des cités les plus peu

plées de l'empire. Les deux bords du Nil, large >> en cet endroit de 3,000 pieds, étaient unis par >> deux ponts de 63 bateaux chacun, liés au milieu » du fleuve par la petite île de Ronda, couverte de » jardins et d'habitations. A l'extrémité du pont, côté de l'est, était la ville de Babylone et le camp d'une légion romaine qui défendait le pas»sage de la rivière et la seconde capitale de l'É»gypte.

>> Amrou fit le siége de cette forteresse, que l'on >> peut regarder comme une partie de Memphis. Un » renfort de 4,000 Sarrazins lui arriva : le siége dura » sept mois, et la place fut emportée d'assaut. Le reste des Grecs se retira dans l'île de Ronda et à Mem>>phis. C'est sur l'emplacement de cette ville qu'a été bâti le Caire, dans le foe siècle, par les califes » fatimites. Cette ville a été construite plus loin de la

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» rivière, et l'ancienne Babylone n'en forme que les >> faubourgs.

» Malgré ce succès, les Arabes eussent été proba>>blement forcés d'abandonner leurs entreprises, s'ils » n'eussent trouvé de puissans alliés au sein même de » l'Égypte. La conquête d'Alexandrie avait été faci»litée par la superstition des habitans qui détestaient >> le joug des Perses, la religion des Mages et les sacri» léges commis contre le dieu Apis. Après un inter» valle de dix siècles, la même cause produisit la » même révolution ; les Chrétiens Cophtes, irrités des » persécutions des empereurs, regardèrent les Sarra» zins comme leurs libérateurs. Pendant le siége de » Babylone, un traité fut signé entre l'armée victo» rieuse et ce peuple d'esclaves. Ils refusèrent d'em» brasser l'islamisme, mais promirent fidélité au ca» life, et s'engagèrent à lui payer un tribut : bientôt » triomphant de la protection que les Arabes leur assu>> raient, ils expulsèrent les Grecs, dont la population » n'était que la dixième partie des habitans. Amrou » se fia à leur fidélité; ils lui servirent de guides dans >> sa route de Memphis à Alexandrie, et lui donnèrent >> tous les secours qui dépendaient d'eux. Les Grecs, >> en se retirant de la Haute-Égypte, occupèrent tous » les postes importans du Delta; ils en furent chassés >> par les Sarrazins à la suite de vingt-deux jours de >> combat: enfin, Amrou commença le siége d'Alexan

» drie. Cette première ville commerçante du monde » était abondamment pourvue de tous les moyens de » défense et de subsistance; la mer fut continuel>>lement libre; et si Héraclius eût voulu sortir de sa » léthargie, de considérables renforts de Romains et » de Barbares eussent pu être envoyés pour soutenir » les assiégés. Alexandrie fournissait d'excellens » moyens de défense, et les deux grands côtés du >> carré long qu'elle forme, étant couverts par la mer » et le lac Maréotis, les fronts d'attaque étaient >> resserrés et aisés à défendre. Omar ne cessait d'ex>> citer le courage des assiégeans; il leur envoyait con» tinuellement des renforts : les Égyptiens se dé» vouaient pour le service d'Amrou, les Sarrazins se >> battaient comme des lions (suivant l'expression du » patriarche Eutychius), et dans chaque combat le >> cimeterre et la bannière d'Amrou étaient aux pre>> miers rangs des Musulmans. Un jour, trahi par » son imprudente valeur, il fut fait prisonnier dans » un assaut. Mené devant le préfet, son audace et » son langage allaient trahir son nom, quand un de >> ses esclaves lui donna un soufflet, en l'avertissant » d'être plus humble devant ses supérieurs. Cet acte » de présence d'esprit lui sauva la vie ; il fut relâché » comme un prisonnier ordinaire, comme un simple » soldat, et les Grecs ne s'aperçurent de leur erreur » qu'à la joie que manifestèrent les Arabes, en voyant

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