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et les succès des armées combinées en Italie, on ne doutait plus en Angleterre qu'il ne fût possible de forcer la France à la rétrocession de la Belgique; elle avait été arrachée à Léoben, par le conquérant négociateur, sans que la cour de Vienne eût, dans cet échange qui déplaçait tout le système politique de l'Europe, montré aucun égard pour les vues et l'intérêt principal de ses alliés d'outremer: ceux-ci poursuivaient donc avec ardeur le redressement d'un si grave dommage. Tout ce qui tendait à donner quelque stabilité au gouvernement français, et par-là même à disposer les puissances continentales à s'en rapprocher, était diamétralement opposé aux vues du cabinet de Saint-James. L'examen des intérêts invariables de l'Angleterre, et le développement des motifs du refus obstiné, et presque insultant, qu'éprouva le général premier Consul, trouveront plus naturellement leur place dans l'introduction à l'histoire de la campagne de 1800.

Outre la constance du gouvernement anglais dans la poursuite de ses plans hostiles

et cette fière obstination que l'homme d'état impartial doit savoir apprécier, deux grandes erreurs contribuèrent à rallumer à cette époque le flambeau de la guerre, et sous ce rapport, elles méritent d'être relevées.

Peu d'observateurs des scènes de la révolution avaient suivi leur enchaînement, démêlé leurs causes successives, et la complication de leurs effets: on s'occupait fort peu, même en France, de remarquer dans ces secousses fréquentes les élémens qui les avaient produites. Les intérêts froissés, les imaginations exaltées, les remords, l'ambi-. tion s'empressaient de jeter dans l'oubli, de couvrir d'un égal mépris les scènes et les acteurs qui avaient fait changer la face des affaires; on blâmait tout aveuglément. Combien de faits et d'exemples dignes de mémoire furent ignorés, combien d'ombres illustres attendront dans ces épaisses ténèbres que les regards de la postérité les dévoilent et les rendent à la vie de l'histoire !

Les ennemis de la France ne manquèrent pas de confondre la crise du 18 brumaire

avec celles qui l'avaient précédée, et d'en méconnaître les effets; cependant l'événement qui venait de concentrer l'exercice incontestable de l'autorité, et la disposition sans modification et sans partage de la force armée pour la sûreté et la défense de l'État, n'était pas moins important que celui de la première révolution, où l'ancien gouvernement se perdit en laissant désorganiser les élémens de la force publique, au lieu de les rallier dans l'intérêt national et celui de sa propre conservation. C'est entre ces deux grandes époques, celle de la divergence et de la corruption des autorités, après l'impolitique dissolution de la première assemblée nationale, et celle de la concentration du pouvoir entre les mains de Bonaparte, qu'il faut placer et resserrer l'histoire épouvantable de l'anarchie de la France, non ultrà, non citrà.

Les historiens fidèles de la révolution française, non les contemporains, mais ceux qui nous succéderont, et qui, placés au vrai point de vue, interrogeront nos ombres et

confronteront nos témoignages, sauront mieux que nous démêler la vérité, et ne se méprendront point aux vaines déclamations dont l'esprit de parti et les rivalités de nátion ont surchargé les plus précieux docu

mens.

A cette erreur sur la révolution du 18 brumaire, le ministère anglais joignait la conviction que les ressources de la France étaient à tel point épuisées, qu'on ne pourrait lever ni contributions ni soldats que par les dernières violences. Bonaparte répugnerait-il à s'en servir? Il ne pourrait rétablir ses armées et tenir la campagne; céderait-il à la nécessité, mettrait-il la terreur à la place de l'enthousiasme éteint? Alors il serait contraint de pactiser avec ses ennemis, il releverait le parti qu'il venait de terrasser, et ne pourrait satisfaire le vou national. Nous verrons ces préventions de la part des Anglais produire un effet tout contraire à leur attente, justifier le gouvernement français, disposer la nation à faire de nouveaux sacrifices : nous verrons comment la querelle se renga

gea, et fut aussi vive que si elle eût été toute nouvelle; enfin, comment la belle Europe, dévastée, presque épuisée, inondée du sang d'un million de soldats, fut condamnée à renaître pour être de nouveau déchirée par le vautour de la guerre.

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