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lait sa faiblesse et son instabilité. Les conseils dont il feignait de s'appuyer, les lumières, la vigilance et l'activité du général Bernadotte, alors ministre de la guerre, ne pouvaient suppléer l'unité de volonté qui manquait au gouvernement. Le vice d'organisation d'un pouvoir exécutif sans chef paraissait enfin au grand jour; le courage et les talens des généraux, la valeur et l'intelligence des soldats, qui, ne cessant de combattre, avaient soutenu depuis deux ans ce monstrueux pouvoir, sapé par tous les abus, par les excès de tant de passions, ne pouvaient plus réparer les fautes accumulées par l'ignorance et la présomption des affaires. L'esprit public s'éteignait les ressources intérieures semblaient être épuisées, les réquisitions ne pouvaient suffire à soulager la misère du soldat, les rangs étaient dégarnis des braves qui s'étaient dévoués, et les jeunes conscrits appelés pour remplir leur place désertaient leurs foyers ou leurs drapeaux; plus de la moitié de la cavalerie était hors d'état de tenir la campagne.

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Les dangers les plus réels qui eussent menacé la France depuis qu'elle était engagée dans la lutte dont l'issue devait décider du sort du continent; la discorde entre les hommes qui croyaient encore gouverner, produisirent tout à coup un nouvel ordre de choses. Leurusurpation fut hardiment dévoilée, la force publique, le pouvoir d'abroger et de faire des lois, l'armée, le trésor échappèrent à leurs mains débiles, et Bonaparte, pour qui la fortune semblait avoir mûri cette circonstance, la saisissant avec audace, arracha la France au honteux esclavage sous lequel elle périssait.

Un écrivain distingué, acteur lui-même dans les scènes qui préparèrent le dénoûment rapide du 18 brumaire (9 novembre 1799) exposa de la manière suivante le tableau de l'état de la République à cette époque, dans un écrit intitulé: La première année du consulat de BONAPARTE.

« Le mérite partout persécuté, les hom»mes honnêtes partout chassés des fonctions » publiques, les brigands réunis de toute

» part dans leurs infernales cavernes, des >> scélérats en puissance, des apologistes de » la terreur à la tribune nationale, la spolia>>tion rétablie sous le titre d'emprunt forcé, >> l'assassinat préparé, et des milliers de vic>> times désignées sous le titre d'otages, le >> signal du pillage, du meurtre, de l'incen» die, toujours au moment de se faire en>> tendre dans une proclamation de la patrie » en danger; mêmes cris, mêmes hurlemens » dans les clubs qu'en 1793, mêmes bour>> reaux, mêmes victimes; plus de liberté, >> plus de propriété, plus de sûreté pour les >> citoyens, plus de finances, plus de crédit » pour l'état; l'Europe presque entière, l'Amé>> rique même déchaînée contre nous, des >>> armées en déroute, l'Italie perdue, le ter>> ritoire français presque envahi : telle était >> la position de la France avant la révolu» tion du 18 brumaire. »

Pendant cette tyrannie moins sanguinaire, mais non moins avilissante que celle de Robespierre, les armées françaises conservèrent le feu sacré de l'honneur; non-seulement la

postérité d'accord avec les témoignages de tous les peuples contemporains, et principalement de ceux qui combattaient contre les Français, leur rendra cette justice.

les

On n'apercevait point dans les camps nuances et la subdivision des partis, l'envahissement et l'abus du pouvoir, la violence exercée contre le peuple au nom de son salut et au mépris de ses droits; toutes les proclamations de ces sauveurs de la patrie n'étaient que de vaines abstractions aux yeux de guerriers qui ne voyaient jamais ces débats funestes, pour qui ce langage des factions était aussi inintelligible qu'il paraîtra ridicule à nos descendans, et qui avaient toujours devant eux la coalition des grandes puissances de l'Europe, les menaces de destruction, la guerre d'extermination jurée à la nation française.

Cependant, lorsque la corruption du pouvoir, la présomption et l'insolent abus des succès produisaient quelque crise salutaire, le bon esprit de l'armée, s'accordant avec l'assentiment de la nation, ne man

quait pas d'en accélérer les bons effets. Ces rares circonstances, desquelles aurait pu dépendre le salut de la France et de l'Europe, s'étaient présentées quelquefois, mais aucune révolution n'avait été aussi complète que celle-ci; aucune même n'avait laissé moins d'élémens de réaction, parce qu'elle était faite dans l'intérêt du plus grand nombre, avec la faveur de l'opinion, entre les partis extrêmes et contre les partis extrêmes; ce fut l'entier écroulement des deux prétendus pouvoirs législatif et exécutif, ennemis constitués et tour à tour vainqueurs l'un de l'autre.

Aussi l'adhésion de l'armée française à tout ce qu'avait entrepris et exécuté Bonaparte, ne fut-elle point équivoque, et nulle part les soldats n'auraient suivi les chefs égarés ou mal instruits qui auraient tenté de s'élever contre cette dictature nationale..

Le général Lecourbe profita le premier de cette disposition des esprits pour relever, avec les circonstances nouvelles, le courage et l'ardeur de ses troupes ; il donna à la fois à

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