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cette campagne, nous nons sommes permis d'avancer que le général Souwarow n'avait pas tiré de ses succès tout le parti que les Alliés avaient eu droit d'en attendre; qu'en voulant trop entreprendre à la fois, il avait manqué le résultat principal, qui devait être, avant tout, d'empêcher la réunion de Macdonald et de Moreau; mais en même temps, nous avons rendu justice à l'activité du général russe, et à la constante intrépidité de ses troupes.

Une singularité remarquable de cette campagne, c'est l'importance de l'état de Gênes, considéré comme un grand camp retranché. Nous avons fait apercevoir jusqu'à quel point les lignes d'opération avaient été prolongées et divergentes; comment l'on était parvenu de part et d'autre à faire agir simultanément des corps séparés par des espaces de vingt à vingt-cinq lieues; mais il n'y a pas d'exemple que la défensive, calculée sur une aussi grande échelle, ait eu un égal succès.

Les Autrichiens, qui avaient adopté ce système au commencement de la guerre,

avaient été obligés d'y renoncer; et malgré les défenses naturelles que présente la ligne des Apennins, on s'étonnera, sans doute, que le général Saint-Cyr ait su s'y maintenir, et qu'il ait pu résister à tous les efforts des troupes autrichiennes, commandées par des généraux aussi expérimentés que Kray, Klénau, Ott et Mélas.

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Cette belle défense du pays de Génes déconcerta les projets des Alliés. Que l'on jette les yeux sur la carte, et l'on verra quels revers cette grande position prend sur tout le Piémont, en même temps qu'elle offre des débouchés sur le Milanais et la Toscane. Qu'on suppose l'armée française portée à égalité de force avec celle des Alliés, par des renforts reçus par le comté de Nice, ou par la mer; quelle eût été la situation des corps autrichiens placés dans la vallée d'Aoste, dans celle de Suze, au col de Tende, et même dans la forteresse de Coni? Une seule bataille gagnée entre Milan et Turin les eût obligés à évacuer tout le Piémont; les scènes des anciennes guerres d'Italie s'ou

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yraient de nouveau; les colonnes françaises rentraient dans le Milanais, et les rives de l'Adda, de l'Oglio, de l'Adige, pouvaient devenir encore le théâtre de la guerre. Les Alliés éprouvèrent quelle inexpugnable résistance présentaient les frontières du midi de la France, et qu'on ne pouvait raisonnablement espérer d'y pénétrer lorsque ses armées occupaient encore les Apennins, les Alpes maritimes et la Suisse."

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L'empereur avait rempli son but par les succès de ses armées en Italie, et la France ne devait pas regretter l'abandon d'un pays trop éloigné de ses frontières, si elle parvenait à y établir un équilibre qui en assurât l'indépendance. Le départ de l'armée russe était peut-être un événement favorable pour la maison d'Autriche, s'il lui eût convenu de s'assurer par la paix d'utiles et avantageuses compensations pour la perte de la Belgique.)

Parmi les motifs qui déterminèrent la cour de Russie à rappeler ses troupes, il faut compter le mauvais état de ses finances à

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cette époque; les inconvéniens d'une énorme circulation de cuivre et de papier, et l'insuffisance de son armée régulière pour soutenir, dans des expéditions lointaines, une si grande consommation d'hommes. Catherine II n'avait pas cru qu'il fût utile à la Russie de se mêler d'une manière active de cette grande querelle. Vivement pressée. au nom de sa gloire, sollicitée, tentée par le séduisant appât des subsides de l'Angleterre, elle promit des flottes et des armées; mais ses démonstrations n'eurent pour but que d'engager ses voisins, c'est-à-dire, les puissances rivales et jalouses, à commencer une guerre qui devait énerver leurs forces, et donner plus tard à la Russie l'occasion et les moyens de leur imposer des lois. Tous ces grands préparatifs qui remplissaient les gazettes du temps s'étaient bornés à des ukases; ses flottes établirent des croisières, et ses troupes ne sortirent pas de leurs can

tonnemens.

La Prusse, objet constant de la jalousie des deux cours impériales, était intéressée au

maintien de l'équilibre, et voulait jouer le rôle de puissance médiatrice. L'Angleterre seule veillait aux portes du temple de Janus, et les tenait ouvertes: elle était cependant trèsembarrassée par l'immensité de sa dette, l'énormité de ses impôts, l'extrême pénurie des moyens de subsistance, au milieu de l'abondance des denrées coloniales; tel que Midas qui changeait tout en or, partout où touchait le commerce anglais, tout se changeait en sucre et en café, sans pouvoir faire cesser la défaveur du change. Mais ces embarras, ces maux passagers ne pouvaient l'emporter sur la raison d'état, et le fond du système que nous aurons bientôt occasion de développer, après avoir rapporté les dernières opérations sur le Bas-Rhin, qui terminėrent entièrement cette campagne.

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