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au prix des plus grands sacrifices, les obstacles que la situation respective de leurs états, et la différence de leurs intérêts mettaient à la réunion de leurs forces, on pressait vivement la cour de Prusse d'accéder à cette nouvelle ligue d'Augsbourg; on menaçait le commerce et l'indépendance des puissances neutres du second ordre, on cherchait à ébranler l'Espagne, et à la détacher de son alliance avec la République'; enfin, par les secours en vaisseaux, en troupes et en argent qu'on faisait accepter au roi de Naples, plus prochainement menacé, on s'assurait d'une occasion d'entraîner la maison d'Autriche encore irrésolue, effrayée des conséquences d'une nouvelle guerre, et redoutant d'en supporter encore une fois tout le fardeau.

Dans ce même temps, la cour de Vienne rompit la négociation particulière de Seltz, et envoya à Pétersbourg le comte de Cobentzel. Il n'y eut plus de mystère dans les démarches, ni dans les apprêts: Ulm, fortifié à grands frais, devint, par rapport à la

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Souabe et à l'Autriche antérieure, une place importante pour l'entrée de la campagne, et pour couvrir la Bavière : l'armée autrichienne en Italie fut mise sur un pied respectable; la nouvelle frontière sur l'Adige fut hérissée de retranchemens et d'artillerie de toutes parts on remarqua les signes de l'affaiblissement du gouvernement de la République, dont le plus certain est toujours l'abus de la puissance : de toutes parts on s'excita à profiter des circonstances, et la bataille d'Aboukyr, qui ne devait toucher qu'indirectement aux affaires continentales, fut pour les puissances coalisées comme un signal donné par l'Angleterre pour reprendre les armes:

Nons avons déjà dit que ce ne fut qu'après la nouvelle de la destruction de la flotte française que la Porte se décida avec éclat. Le 30 septembre, le Reis-Effendi, à la suite d'un entretien avec le ministre de Russie, manda le chargé d'affaires Ruffin, et lui déclara que le Sultan avait ordonné qu'il fût enfermé sur-le-champ au château

des Sept Tours, avec sa famille, et toutes les personnes attachées à la légation française. L'invitation à la flotte russe de se joindre à celle du Grand-Seigneur, la notificat tion solennelle de la victoire remportée par Nelson, les présens magnifiques envoyés par le Sultan à l'amiral anglais, furent les signes publics de la nouvelle alliance.

Un décret impérial annonça, avec la déclaration de la guerre, la déposition du grand Visir Jzzed Mahomed Pacha, et son exil dans l'île de Chio. Le muphti fut aussi disgracié l'un et l'autre s'étaient opposés à la conclusion du traité avec la Russie. On accusait surtout le Visir d'avoir négligé la défense de l'Egypte, et de s'être montré favorable aux vues des Français. Il ne resta plus aucun espoir de ramener la confiance, aucun moyen d'explication. M. Descorches, qui avait déjà été ministre à la Porte, et que le Directoire avait destiné trop tard à cette mission délicate, ne put obtenir d'aller jusqu'à Constantinople. Peu de temps après, il parut un manifeste dans lequel on remar

qua, pour la première fois, les formes des discussions diplomatiques : bientôt après, un second manifeste fit connaître les griefs de la Porte contre la République française, et ne laissa aucun vestige de l'ancienne politique, aucune base des relations commerciales avec la France. Le Divan avait changé de maximes; l'Angleterre et la Russie dirigèrent à leur gré les forces turques de terre et de mer qui se trouvèrent disponibles.

Djezzar, pacha de Syrie, homme d'un courage féroce, qui haïssait les Français, et gouvernait despotiquement dans une sorte d'indépendance et presque de rebellion, n'avait pas attendu la décision du Divan pour se déclarer contre les conquérans de l'Égypte ; il avait renvoyé sans réponse l'officier que Bonaparte lui avait dépêché, et avait fait mettre aux fers tous les Français qui se trouvaient à Saint-Jean-d'Acre: la bataille d'Aboukyr l'affermit dans ces dispositions hostiles, et dissipa la terreur que devait lui inspirer la présence d'une flotte française dans le golfe de Syrie.

Telles furent les conséquences de la victoire de Nelson on voit par tout ce que nous venons de dire qu'elles furent plus sensibles, et plus importantes par rapport à l'état de l'Europe que par rapport aux opérations de l'armée d'Égypte.

Bonaparte dut ressentir d'autant plus vivement la perte de sa flotte, qu'il avait pres senti et voulu prévenir ce désastre, en insistant de nouveau pour que Bruix surmontât les obstacles qui rendaient l'entrée du vieux port d'Alexandrie si difficile, ou qu'il s'éloignât sur-le-champ de la côte d'Égypte. Nelson n'eût pas manqué de le suivre, et n'osant affaiblir son escadre, il n'eût pas pu bloquer le port d'Alexandrie et intercepter les communications si nécessaires à l'armée française.

Non-seulement Bonaparte soutint ce grand revers avec beaucoup de calme, mais il sut se servir de la première impression qu'il fit sur son armée, pour relever les esprits et inspirer de plus fortes résolutions à ses compagnons qui, voyant dans cette destruc

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