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chargea de ses dépêches, et de nouvelles assurances de bonne harmonie dont il avait soin de multiplier les signes publics; le pavillon turc flottait à côté du pavillon tricolore dans tous les postes occupés par les Français.

Cependant cette conduite politique ne pouvait avoir à Constantinople un effet assez prompt pour balancer les démarches pressantes des ambassadeurs d'Angleterre et de Russie, qui avaient des griefs à faire valoir, des injures à faire ressentir; aussi, malgré la délivrance d'un grand nombre d'esclaves turcs que Bonaparte envoya à Constantinople, la nouvelle de la prise de Malte, de la destruction de l'ordre et de sa marine (avantage dont la Porte, dans d'autres temps, eût reçu l'annonce avec joie, et qu'elle eut payé peut-être par de grands sacrifices), ne produisit d'autre effet que d'alarmer sur la destination ultérieure de ce formidable armement. Ces alarmes se combinant avec celles que donnait plus justement l'échec qu'avait reçu Ali-Pacha devant Widdin, il y

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eut beaucoup d'agitation dans la capitale. Le gouvernement, menacé d'un double danger, crut que Constantinople pouvait être à la fois attaqué par terre et par mer, il étouffa des actes de rigueur les germes d'une sédition, qu'on assurait avoir été ourdie par les partisans de Passawan Oglou, dont on ne manquait pas de représenter la rebellion comme concertée avec l'expédition d'Égypte.

Que pouvaient contre de telles présomptions les conférences, les démarches officielles du chargé d'affaires Ruffin, dont la famille et la personne étaient depuis longtemps très - considérées par le Divan, mais qui n'avait ni les instructions, ni les moyens nécessaires pour, conjurer un tel orage?

L'ambassadeur d'Angleterre, sir Spencer Smith (frère du commodore Sidney Smith, qui venait de s'échapper miraculeusement de la tour du Temple où il était retenu prisonnier, et que le ministre anglais destinait déjà à l'importante station de l'Archipel

du Levant), profita de l'inquiétude croissante du gouvernement: il négociait avec le Reis-Effendi un traité d'alliance entre la Porte, l'Angleterre et la Russie, dont les bases étaient très-difficiles à poser, lorsque la nouvelle du débarquement des troupes françaises, et de la prise d'Alexandrie parvint à Constantinople. Déjà M. Tamara, ambassadeur de Russie, avait obtenu une extension des anciens traités, pour le libre passage de la mer Noire dans l'Archipel ; il avait aussi conclu une convention particulière, en conséquence de laquelle une escadre et un convoi russe défilèrent deux par deux par le canal, et se réunirent au détroit des Dardanelles ; cependant les secours offerts par le gouvernement anglais, tant en officiers qu'en moyens de marine et en munitions de guerre, n'étaient point encore acceptés. Enfin, l'importante victoire rem- / portée à Aboukyr par l'amiral Nelson, fixa les incertitudes du Divan, effaça les dernières traces de méfiance entre les parties contractantes, et entraîna avec la déclara

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tion de guerre de la Porte contre la République française, l'emprisonnement des agens français, et les violations qui, chez ces peuples à demi-barbares, font partie de ce qu'ils appellent les droits de la guerre.

L'amiral Bruix, après avoir protégé le débarquement de l'armée, ayant fait sonder la passe du vieux port d'Alexandrie, reconnut qu'il n'y avait pas assez de fond pour que les vaisseaux de 74 pussent y entrer. Quelques officiers proposèrent sagement d'alléger les vaisseaux de leur artillerie, pour les faire recueillir le plus tôt possible dans ce port très-sûr et très-facile à défendre. L'amiral Bruix, ignorant la route qu'avait faite l'escadre anglaise après sa courte apparition, et s'attendant à chaque instant à la voir reparaître, ne voulut point tenter une opération dont le succès n'était pas incontestable; il se contenta de faire mouiller dans le vieux port d'Alexandrie, le convoi et les bâtimens de guerre dont l'échantillon inférieur garantissait la facile entrée, et il alla avec 13 vaisseaux de ligne, 3 frégates et

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un aviso, mouiller dans la rade d'Aboukyr le

5 juillet.

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On a pu s'étonner que Bruix, après avoir rempli si heureusement sa mission, ne pouvant douter que le lord Saint-Vincent désabusé, n'eût dirigé contre lui des forces au moins égales et vraisemblablement supérieures, n'eût pas quitté une rade ouverte, où il était au moins exposé à livrer un combat inutile, tandis, qu'en se relevant de la côté d'Égypte, il pouvait gagner Corfou et Malte, et peut-être recevoir de nouveaux renforts avant que l'amiral Nelson eût reçu tous ceux qui lui étaient destinés.

Le 1er août, la flotte anglaise fut signalée pour la seconde fois sur la côte d'Egypte, et parut vers trois heures après midi devant la baie d'Aboukyr. Les 13 vaisseaux français y étaient mouillés sur une seule ligne à quatre lieues et demie de terre, et à deux tiers de câble les uns des autres. Ils s'étaient approchés, autant que les bancs de sable avaient pu le permettre, du rivage sur lequel on avait élevé quelques batteries, in

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