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était embarrassée et retardée par un immense convoi; la flotte anglaise, au contraire, forçant de voile, et faisant toujours bonne route, devait, sur le même trajet, et avec les mêmes vents, gagner sur la première au moins un tiers de l'espace à franchir : en effet, elle la dépassa sans la rencontrer, et arriva le huitième jour de son départ de Sicile à la vue d'Alexandrie (le 28 juin).

Les officiers que l'amiral Nelson fit mettre à terre lui ayant rapporté qu'on n'avait aucune nouvelle des Français, qu'aucun bâtiment n'avait paru, et que nuls préparatifs n'avaient annoncé un projet de descente en Égypte, l'amiral se borna à répandre l'alarme sur la côte; il inspira aux habitans d'Alexandrie assez de confiance, par la présence de son escadre, pour les engager à se défendre ; il fit passer à Alexandrie un paquet pour l'Inde, et remit à la voile pour aller audevant de la flotte française.

L'amiral Bruix reconnut, le 25 juin, l'île de Candie : il eut soin d'arrêter tous les bâtimens marchands qu'il rencontra, et les

força de le suivre, afin que les Anglais ne pussent recevoir aucune nouvelle de la mer et calculer sa route. Il s'éleva un peu dans le nord, en approchant de la côte d'Égypte, afin de se placer entre la terre et le convoi, atterra sur la tour des Arabes, et parut le 1er juillet devant Alexandrie. Nelson, au contraire, serra le vent, et prolongea la côte vers l'ouest.

Informé par le consul de France que la flotte anglaise s'était présentée deux jours auparavant, Bonaparte fit dès le soir même commencer le débarquement.

Nelson, après une inutile croisière, se trouvant le 9 juillet à la hauteur de Candie, et manquant déjà d'eau et de bois, fit voile pour la Sicile, où, conformément aux promesses et aux ordres donnés par la cour de Naples, il fut reçu, et se ravitailla avec la plus grande activité dans la rade de Syracuse, à Augusta et quelques autres mouillages de la côte jusqu'à Girgenti (Agrigente); il arriva en Sicile le 19 juillet, et en repartit cinq jours après.

Bonaparte, qui devait croire que l'escadre anglaise avait établi sa croisière de manière à veiller sur l'atterrage d'Alexandrie, pressa le débarquement malgré le vent frais et la mer houleuse qui, brisant sur les rescifs, rendait cette opération difficile, et même périlleuse. Le général Menou débarqua le premier avec sa division, à une lieue et demie d'Alexandrie, au mouillage du Marabou, sans y trouver aucune résistance; les divisions des généraux Kléber, Bon et Reynier se joignirent à lui, mais il fut impossible de débarquer l'artillerie ni les chevaux. Cependant Bonaparte ayant déjà mis à terre 5 à 6,000 hommes, laissa au général Reynier le soin de continuer le débarquement, et marcha sur Alexandrie. Une colonne conduite par le général Menou suivit la plage vers l'ouest de l'enceinte de la ville des Arabes qui couvre la nouvelle Alexandrie : le général Kléber se dirigea du côté de la colonne dite de Pompée, où Bonaparte se porta de sa personne. Une troisième colonne, sous les ordres du général Bon, mar

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chait du côté de l'est sur la porte de Rosette.

Bonaparte, ayant reconnu cette enceinte, flanquée de tours dont les brèches avaient été réparées, et qu'un peuple armé, tumultueux, et poussant de grands cris, se préparait à défendre, sans attendre son artillerie, fit serrer ses colonnes à demi-portée de fusil de la muraille, et livra l'assaut malgré le feu des assiégés et la grêle de pierres qu'ils lançaient sur les assaillans. Le général Menou parvenu sur la muraille avec ses premières troupes, fut blessé grièvement et précipité : le général Kléber, désignant un endroit plus praticable, fut aussi blessé. L'enceinte fut escaladée; les Arabes et les Turcs, délogés des tours, et vivement poursuivis, se réfugièrent dans le fort triangulaire, dans le Phare, et dans la nouvelle ville : ils s'y défendaient encore opiniâtrément, quand les principaux habitans vinrent au-devant du général français. Les deux châteaux capitulèrent, et avant la fin de la journée, Bonaparte fut entièrement maître de la ville, des forts et des deux ports: le convoi entra à

Alexandrie, et l'escadre alla mouiller à la rade d'Aboukyr, pour achever le débarquement de l'artillerie.

Maître de la principale entrée de l'Égypte et du port le plus important, Bonaparte ne perdit pas un instant pour marcher vers le Caire, faire remonter le Nil, occuper tous les postes de la côte, profiter de la première impression, et atteindre les Mamelucks avant que les Beys eussent pu se concerter et former un plan général de défense. Il ne commit point la faute qui coûta si cher à Saint Louis, lorsque, pour avoir attendu trop long-temps à Damiette l'arrivée du comte de Poitiers, il laissa écouler la saison favorable aux opérations.

Bonaparte signa la capitulation d'Alexandrie le 5 juillet, et dès le lendemain son avant-garde, commandée par le général Desaix, arriva à Damanhour, après avoir traversé quatorze lieues de désert.

Le même jour, les autres divisions se mirent en marche d'Alexandrie et de Rosette, et le 22 elles furent réunies sur le bord

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