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ottomane, qui fit assembler sur les frontières de l'Arménie un corps à peu près d'é. gale force.

D'un autre côté, la rebellion de Passawan Oglou donnait à Constantinople de vives inquiétudes, à cause de l'appui qu'il pouvait recevoir des anciens ennemis de l'empire ottoman. L'impression profonde des victoires de Catherine II, et de ses prétendus projets de conquête et de partage de la Turquie d'Europe n'était point effacée; et pour prouver le changement de système du cabinet de Pétersbourg à cet égard, il ne fallut pas moins que l'offre, sans doute bien inattendue par les Turcs, d'employer le vainqueur d'Ismaïlow à réduire le pacha rebelle de Widin.

Le gouvernement français avait négligé depuis long-temps de resserrer ses liaisons avec la Porte ottomane; il s'était écarté des véritables bases de l'alliance, et avait contribué lui-même, depuis la nouvelle ère politique du traité de 1756, à affaiblir ce contre-poids à la puissance de la maison

d'Autriche et à l'accroissement de la Russie. L'incohérence, l'incertitude, le désordre que porta nécessairement la première révolution dans les relations extérieures de la France; le dissentiment des ministres, les intrigues des partis furent plus sensibles à Constantinople que dans aucune autre cour de l'Europe, à cause de l'éloignement, et plus encore à cause du respect religieux pour les anciens usages, et par la lenteur apathique des Turcs, qui ne peuvent comprendre que les résolutions, et même les institutions humaines, soient périssables comme les hommes.

Au lieu de s'attacher à fonder de nouveau et à cultiver une alliance si nécessaire pour la République, puisqu'elle se trouvait en guerre avec les ennemis naturels de la Porte, le gouvernement français, trop occupé par ses commotions successives, y mit peu d'importance; on ne seconda point les ministres et les agens qui sentaient la nécessité de respecter les formes et les usages consacrés; on en envoya qui les négligèrent; et quand on voulut quelques mois avant l'ex

pédition d'Égypte, renouer les anciennes liaisons, il était trop tard pour recouvrer la confiance; il ne restait pas assez de temps pour se mettre en mesure de traiter une affaire très-délicate, mais qu'il n'eût pas été impossible d'arranger, si la conduite antérieure du gouvernement en eût ménagé les moyens. Il eût fallu être assuré des dispositions du divan et les avoir préparées de longue-main; car la nécessité de tenir secret le but de l'expédition ne permettait pas d'entrer en négociation ouverte pour l'occupation de l'Égypte.

L'armement de Toulon, qui, s'il n'était pas dirigé contre l'Angleterre ou l'Irlande, menaçait évidemment les possessions du Grand-Seigneur, donna au ministre anglais, à Constantinople, d'utiles prétextes pour inspirer la méfiance et saper les bases d'une des plus profitables alliances de la France, et qui depuis long-temps excitait l'envie de l'Angleterre.

Cependant, même après le départ de Bonaparte, qui eut lieu le 19 mai 1798, les

derniers doutes sur le véritable but de l'expédition ne furent point levés. La flotte fit voile à l'est, et rallia successivement 36 bâtimens et 4,000 hommes sortis de Bastia, et les deux grandes divisions de la côte d'Italie: celle de Génes de 150 bâtimens de transport se joignit à la masse du convoi du 26 au 28 mai, par le travers de l'île SainteMadeleine; la flotte relâcha trois jours après dans la baie de Cagliari, et alla mouiller le 4 juin dans les eaux de la Sicile, en vue de Marsale. C'était dans ces parages que Bonaparte avait fixé le rendez-vous de la division de Civita- Vecchia, sous les ordres du général Desaix, escortée seulement par quelques frégates. L'escadre et la totalité du convoi se trouvèrent ensemble le 9 juin, sous l'île du Goze; et le lendemain, ce formidable armement parut devant Malte.

La demande que fit Bonaparte, et le refus du Grand-Maître de recevoir l'escadre française dans le port de Malte, et de permettre aux bâtimens du convoi de faire de l'eau dans les différens mouillages de l'île, ne fu

rent que de vaines formalités : s'assurer du point le plus important, entre l'Europe et l'Asie, de l'entrée des mers du Levant, et de la navigation exclusive de la Méditerranée, dont les Anglais allaient achever de s'emparer; leur ôter un port de retraite aussi commode pour leur commerce que pour le rafraîchissement de leurs croisières ; enfin s'assurer de cette communication indispensable pour l'exécution de ses projets ultérieurs, tels furent les motifs de cette attaque inattendue.

Le débarquement fut exécuté avec la plus grande activité sur divers points à la fois, et principalement à la tête de Saint-Paul, et au mouillage de Marsa Siroco, sous les ordres du général Desaix; les généraux Lasnes et Marmont resserrèrent la place jusqu'au pied du glacis.

Tant d'ardeur et tant d'audace en imposèrent aux Maltais surpris; mais même après avoir manqué de s'opposer au débarquement, cette place, l'une des plus fortes de l'Europe, eût pu soutenir un siége aussi

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