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pouvait avoir, des conjectures diverses, et pour la plupart aussi exagérées que leur objet.

Nous ne passerons pas brusquement à la relation que nous avons résumée des rapports officiels des deux partis, de communications particulières, et des témoignages que nous avons jugés les plus dignes de foi; nous croyons devoir la faire précéder de quelques considérations politiques sur la situation respective des puissances en Europe, au moment où le plan de l'expédition d'É gypte fut conçu et proposé au gouvernement français par le général Bonaparte, et sur les motifs qui le firent adopter : nous espérons que nos lecteurs, ainsi mieux informés, ne nous reprocheront pas de les avoir fait rétrograder jusques à une époque, seulement de quelques mois antérieure à celle d'où nous sommes partis en commençant ces Essais. Aucune des précédentes guerres d'Italie, guerres toujours sanglantes et toujours prolongées par la diversité des intérêts des petits états, ne fut aussi promptement terminée

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que celle qui fut conduite par Bonaparte en 1796 et 1797. On chercherait vainement dans l'histoire un exemple d'une aussi grande conquête achevée par des batailles décisives, assurée par la réduction de tant de places fortes, et affermie par une paix avantageuse aux deux partis, dans l'espace de seize mois.

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Les conséquences de cet événement extraordinaire devaient changer, avec la forme des états d'Italie, la face des affaires de l'Europe l'on ne peut douter que l'heureux conquérant n'eût conçu divers plans pour consolider son ouvrage ; mais il y fut arrêté dès les premiers pas. Les directeurs de la république française, comme tous les gouvernemens révolutionnaires, croyaient avoir besoin de la guerre, et ne concevaient pas comment ils pourraient soutenir la violence qu'ils faisaient à l'opinion nationale, et conserver le pouvoir dans l'état de paix : les succès de Bonaparte les avaient enorgueillis ; ils étaient accoutumés à voir rejaillir sur eux l'éclat des triomphes; ils voyaient à regret que la paix allait les dépouiller de

cette gloire usurpée, et réaliser celle des armées dont la patrie recueillerait le fruit.

Les articles préliminaires de Léoben, reçus froidement par cette politique ombrageuse, furent accueillis par la nation avec une juste reconnaissance. On vit sortir du fond des cœurs un sentiment unanime que la terreur seule avait pu comprimer, l'espoir de voir finir à la fois la guerre et la révolution.

Quoique la force des circonstances eût amené cette transaction qui pouvait avoir des suites plus heureuses pour les deux nations, l'un et l'autre parti fatigués de se combattre, s'estimant en bons soldats, montrèrent dans les premières ouvertures beaucoup de franchise et de générosité; l'on en peut juger par les communications officielles de Bunaparte avec l'archiduc Charles, prince dont le beau caractère ne s'est jamais démenti.

Nous avons dit, au commencement de cet ouvrage, comment ces dispositions se refroidirent par des difficultés qui, prolongeant la négociation, firent avorter le plus solide de

ses avantages, son influence sur la pacification générale, par de raisonnables et faciles compensations.

On sait assez quelle nouvelle crise, quelles proscriptions changèrent à peu près dans le même temps, et firent empirer l'état intérieur de la France, et quels effets ces violences dûrent produire sur ses relations extérieures.

L'espèce de dictature dont le général Bonaparte se trouvait investi, à l'époque des préliminaires de Léoben, cessa bientôt après, et lui devint aussi importune que les alarmes qu'elle avait fait naître parmi les membres du gouvernement français; et cependant, la stabilité de la paix et le sort des nouvelles républiques d'Italie dépendaient de la durée d'une autorité concentrée, sans laquelle tant de nouveaux élémens ne pouvaient s'accorder et se rasseoir.

Aussitôt après la conclusion du traité de Campo-Formio, le Directoire, recomposé depuis les proscriptions du 18 fructidor, feignit d'appeler Bonaparte pour s'appuyer de

son influence; mais il ne voulut que l'affai blir, l'éloigner de la grande affaire de la paix continentale, et lui ôter le gouvernement de celles d'Italie un vain projet de descente en Angleterre servit de prétexte pour rappeler le général, et pour éteindre les espérances d'une paix générale.

C'est un signe de faiblesse, et l'un des plus ordinaires dans un nouveau gouvernement, que de vouloir diriger l'exécution des moindres détails, et à plus forte raison, celle des opérations de guerre; de concentrer l'action de l'autorité, d'en soumettre tous les effets à l'influence individuelle. C'est ainsi qu'aux yeux des hommes animés par un intérêt de parti, presque toujours contraire à celui de l'état, tout ce qui ne s'y rapporte pas immédiatement devient suspect: ils s'irritent quand l'opinion, au lieu de leur faire honneur de ce qui s'exécute en leur nom, sépare au contraire et distingue les causes, applaudit aux effets. Combien de fois l'ancien comité de salut public ne brisa-t-il pas ses propres instrumens! combien n'entendit-on pas répéter

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