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& de doubles outils, feront destinés pour les trois angles faillans du chemin couvert. Ces trois gros auront chacun un ingénieur, ou du moins des hommes intelligens, pour les difpofer.

Trois autres cents travailleurs coupés par brigades auront chacun deux ou trois officiers pour les commander, deux ingénieurs pour les conduire, & feront employés à la place d'armes de communication, éloignée d'environ quatre cents toifes de la contrefcarpe. Deux détachemens chacun de cinquante hommes, foutiendront & affureront les travailleurs de la place d'armes, & que, felon le befoin, on pourra difpofer le long de la ligne.

Trois autres gros de travailleurs, faifant enfemble trois cents hommes, divifés comme les précédens, auront auffi leurs officiers & leurs ingénieurs pour les difpofer, & formeront la place d'armes, où fera le corps de réferve, diftante d'environ quatre-vingts toifes de la feconde, & éloignée de cent-vingt autres toifes des angles plus avancés de la contrefcarpe.

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Deux détachemens de cinquante hommes chafoutiendront les travailleurs du troifième ordre, & empêcheront qu'ils ne s'écartent. Ces détachemens, outre leurs armes, apporteront des fafcines fimples.

Suppofé maintenant que l'attaque foit réfolue & réglée fuivant cet ordre, avant que de partir du camp, on attendra que le jour commence à baiffer, & immédiatement après le coucher du foleil, on rangera les troupes en bataille, fuivant les difpofitions du plan; à mesure que la nuit avancera, on marchera vers la place avec le même ordre, fans bruit, faifant halte de temps en temps pour fe remettre, & pour donner le temps aux foldats de refpirer. Ils auront befoin de ce relâche, parce qu'étant fort chargés, le moindre trajet ne peut que leur être extrêmement incommode.

Quand on fera à peu près à cent dix ou cent vingt toifes du chemin couvert, on fera halte pour la dernière fois; on réitérera les ordres aux officiers, & on leur indiquéra de nouveau les endroits où il s'agira de former l'attaque; enfuite on fera faire filence d'un homme à l'autre, & on donnera enfuite le fignal, foit par un battement de mains, foit par un coup de fifflet. Auffitôt les détachemens des lieutenans marcheront paisiblement aux angles faillans du chemin couvert qui leur auront été montrés.

Y étant parvenus, ils fe couleront le long de la paliffade, chafferont les ennemis de leurs poftes, & les pourfuivront vers les angles rentrans, où ils aâcheront de les couper, en faisant promptement un paffage dans le chemin couvert; il continueront de les pourfuivre, jufqu'à ce qu'ils les aient entiè

rement diffipés, & s'ils n'y trouvent par-tout que des endroits qui foient aperçus de la place, ils reviendront aux angles, où ils fe tiendront avec les capitaines qui les auront fuivis de près.

Les travailleurs entreprendront de leur faire inceffamment un petit couvert à la tête, en dreffant & ferrant bien leurs fagots contre la paliffade. Ils y pourront auffi arranger les fafcines doubles, les mettre les unes fur les autres, & les foutenir par des piquets, ou les y placer debout. Tandis qu'une partie des détachemens fera occupée à ce travail, l'autre fera un feu continuel fur les défenfes, foit que l'ennemi y paroiffe ou n'y paroiffe point, & afin d'être moins expofés, ils mettront un genou en terre.

Les troisièmes détachemens fuivront les feconds à la distance de trente ou quarante pas; ils occuperont à côté d'eux les faces, contre lesquelles ils appuye◄ ront leurs matériaux, & exécuteront en tout le refte la même manœuvre des premiers; les uns & les autres doivent faire grand feu. Cet avantage doit même être en quelque façon du côté des affiégeans, non-feulement à caufe du plus grand nombre, mais parce que les affiégés pris au dépourvu n'auront pas fongé à garnir le fommet de leurs défenfes. Ainfi, tout bien confidéré, fi les affiégeans ordonnent bien leurs logemens portatifs, quoique d'ailleurs trop foibles, ils feront toujours en état de faire autant de mal à la place qu'ils en pourront recevoir.

Pendant que les troupes donneront de la befogne à l'ennemi, le gros des travailleurs s'emparera des trois angles de la contrefcarpe, fur lefquels les ingénieurs auront foin de les établir, & de leur faire embraffer également les faces de part &

d'autre.

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Auffitôt que la première ligne fera mife en mouvement, la feconde & la troisième marcheront de fuite jufqu'aux endroits qui leur feront marqués par les ingénieurs, & on les pofera fuivant les lignes à la même distance dont nous avons parlé.

Les troupes qui doivent les foutenir, fe porteront à droite & à gauche, s'y coucheront ventre à terre, & tomberont fur l'ennemi, en cas d'alarme. Pour plus de foutien, on pourra encore faire avancer cent chevaux fur la droite, & autant fur la gauche, qui, à quatre-vingts où cent toifes de la contrefcarpe, fe placeront dans le premier couvert qui fe trouvera à portée de l'attaque. Il feroit bon que pendant la nuit on eût donné ordre à la cavalerie de porter des fafcines à la dernière place

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d'armes, afin de donner aux travailleurs toute Paifance d'accélérer les logemens.

A la pointe du jour, les troupes entreront en partie dans les leurs, en partie dans ceux qui auront été faits par les ouvriers, que l'on fera relever au grand jour, s'il eft poffible; ceux qui leur fuccéderont s'emprefferont d'achever ce qu'ils trouveront d'imparfait, afin qu'au moins, fi l'ennemi fe préfente, on puiffe le recevoir fans beaucoup rifquer. Deux ou trois cents hommes dans chaque place d'armes ne feroient rien moins qu'inutiles. Ils fe rangeront d'abord fur les extrémités, pour ne point embarraffer le travail du milieu, & fe rapprocheront lorfqu'il s'agira de céder le terrain aux ouvriers.

La nuit fuivante on perfe&ionnera les logemens, auxquels on joindra des places d'armes par des communications. Cette nuit-là même on commencera à faire les defcentes des foffés, & à dreffer les batteries, de forte qu'au troisième jour de tranchée ouverte on pourra placer le canon fuṛ les foffés.

Tout cela fe doit conduire avec beaucoup d'ordre, & il faut être entièrement sûr de la foibleffe d'une place, avant que de fe réfoudre à Pentreprendre. La brufquer dans l'incertitude, ce feroit courir rifque d'être chaffé, d'avoir le deffous du jour au lendemain, & peut-être de n'y revenir de longtemps, ce qui ne fauroit arriver fans qu'il en coûte.

Au refte, les deux places d'armes tiennent ici lieu de la feconde ligne, & du corps de réferve dans les batailles; elles en ont la difpofition, & qui eft même plus avantageufe, puifque fi l'ennemi tombe avec tout le fuccès poffible fur la première ligne, qui eft le logement, le premier effet de la feconde, qui eft la place d'armes ou parallèle, fera, 1°. de recevoir ceux qui auront été chaffés, & de les garantir dans la pourfuite du feu de l'ennemi; 20. de l'empêcher de monter fur le haut du logement pour le démolir; 3°. de tenir les fiens à portée de les reprendre pendant la nuit.

Lorsqu'il fe trouvera des ouvrages à corne, couronnés ou tenaillés, qui auront des foffés fecs, on n'hésitera pas de les infulter; mais il faudra fe munir d'échelles & de haches pour en couper la fraife, & avoir foin d'en couper les gorges dans Padion. Le fuccès en eft plus douteux que celui de l'attaque des contrefcarpes; mais aufli quand il eft favorable, on gagne un foffé qui fournit une place d'armes où l'on peut mettre à couvert telle quantité de monde qu'on veut.

Je n'en dirai pas autant de ces fortes d'ouvrages 'dont les foffés feroient pleins d'eau; la difficulté qu'il y auroit d'en venir à bout doit les faire excepter de la règle, qui ne s'étend que fur les places dont les défenfes participent aux défauts que nous avons détaillés. La meilleure manière est de

les entreprendre tout d'un coup, & de ne pas y aller à deux fois.

Il faudra faire la feconde place d'armes far la contrefcarpe, avec quantité d'ouvertures pour defcendre dans le foffé de l'ouvrage à corne, fans qu'il foit befoin d'une troisième, à laquelle on fuppléera par des bouts de tranchée en arrière, que l'on prolongera auffi loin qu'il fera poffible.

Les gens deftinés à ces attaques doivent être munis de vivres pour vingt-quatre heures, & ne doivent manquer ni d'aumôniers, ni de chirur giens, ni de quelques ingénieurs pour diriger le travail. On aura la même attention pour les places d'armes, & fur-tout pour la feconde, qui étant moins éloignée de la place, aura beaucoup plus de dangers à effuyer ».

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BULLETIN. On donne le nom de bulletin au rapport qu'un général fubordonné, chargé d'un fiége, ou de quelqu'autre opération particulière, fait parvenir au général qui l'a détaché. On peut, en falfifiant ce bulletin & le faifant tomber entre les mains des ennemis, obliger un général crédule ou foible à rendre une place pour laquelle il n'efpère plus de fecours, ou à abandonner un pofte impor&c.: mais un homme habile & ferme ne s'en rapporte jamais à des avis de ce genre; il fe méfie de tout ce qui vient de l'ennemi. On peut encore faire ufage d'un bulletin pour ranimer ou exciter le courage de fa propre armée, en lui annonçant un prompt fecours, l'arrivée d'un convoi, lui communiquant la nouvelle d'un avantage remporté par un autre corps de troupes; fi le bulletin à été falfifié, il faut profiter avec promptitude de l'erreur que la falfification a produite, car elle s'évanouira bientôt, & l'armée, en perdant fon erreur, perdra beaucoup de fon courage.

BUREAU, (frais de.) On comprend fous le nom de frais de bureau toutes les dépenses qui se font dans les corps militaires, pour payer les appointemens des différens écrivains, pour la folde des ports de lettres, l'achat du papier & de la cire d'Espagne, &c.: c'eft le quartier-maître du régiment qui fait les avances de tous ces objets; ils lui font remboursés fur la maffe générale d'après l'examen & la décifion du conseil d'adminiftration: ce confeil ne peut apporter trop d'attention à vérifier tous les articles de dépenfes, car fi les quartiers - maîtres manquent de probité, ils peuvent employer plus de copiftes qu'ils n'en ont réellement befoin pour leur travail; porter en dépenfe des lettres qu'ils n'ont point reçues, ou qui ne font point relatives aux affaires du corps; ils peuvent groffir de même le refte des articles du mémoire. Ce que je viens de dire des bureaux des quartiers-maîtres de régiment, eft également applicable à tous les autres bureaux.

Il eft un objet fur lequel les ordonnances militaires n'ont point prononcé & qui mériteroit

cependant de fixer l'attention des législateurs. C'eft le bois néceffaire pour chauffer les bureaux. Aujourd'hui on prélève ce bois fur la portion que la loi donne aux foldats: fi les foldats ont trop de bois, il faut que la loi en retranche une partie ; s'ils n'en ont pas trop, perfonne n'a le droit de leur en enlever une feule bûche; en euffent-ils de refte, c'est à leur profit que cet excédant doit tourner, & non à celui du corps. En donnant aux bureaux le droit de prendre, fur ce qui revient au foldat, le bois dont ils ont befoin on donne lieu aux juftes plaintes des troupes, & à beaucoup de malverfations qu'il eft très-difficile de modérer & impoffible de punir.

BUREAU de la Guerre. On donne ce nom à un édifice dans lequel les commis du département de la guerre fe raffemblent pour travailler.

Si Padminiftration d'un grand empire eft une machine vraiment effrayante, même lorfque le génie, fecondé par une fage économie, fe charge de la diriger, que doit-elle être quand l'infouciance & la pareffe ont multiplié les refforts à l'excès quand les adminiftrateurs, au lieu de chercher à tout fimplifier, ne fe font occupés qu'à tout compliquer; quand une baffe cupidité à multiplié les agens fubalternes, afin de fe procurer un plus grand nombre de vils courtifans, ou afin d'échapper avec plus de facilité, à l'aide de la divifion dans les détails, aux yeux clairvoyans d'une probité févère.

Je ferois un gros volume fi je voulois transcrire toutes les plaintes qu'ont arrachées aux militaires François les abus qui s'étoient gliffés dans les bureaux de la guerre. Ils fe plaignoient qu'ils avoient une extrême difficulté à pénétrer jufqu'au commis le plus fubalterne; qu'ils étoient mal accueillis par tous; ils difoient que les expéditions étoient toujours retardées ; ils prétendoient qu'il y avoit une connivence marquée entre les bureaux & tous les fourniffeurs des troupes; ils affuroient enfin que c'étoit-là le vrai repaire du defpotifine ariftocratique fous lequel l'armée gémiffoit. Je n'ajouterai point de foi à ces inculpations; grâces en foient rendues à la révolution qui s'eft opérée parmi nous, nous n'aurons plus fans doute de pareils maux à craindre. La bureau

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cratie périra du même coup qui a fait mourir les autres monftres qui nous dévor ient. Un miniftre de la guerre, animé par le patr otifme & l'efprit d'économie, réduira ce grand nombre de commis à quatre fecrétaires, qui ne porteront même point le titre de commis; qui ne partageront point les dignités militaires avec les défenfeurs de la patrie. Quand le nombre des expéditions à faire fera très-grand, il appellera quelques copiftes à un écu par jour. Ces fcribes certains qu'on ne les appellera point une feconde fois s'ils ne travaillent la première avec autant de foin que d'exactitude commenceront leur travail dès l'aurore & ne l'abandonneront que très-tard dans la nuit. Quoi, dira-t-on, quatre fecrétaires, & de temps en temps quelques copistes, tandis que nous avons aujourd'hui 129 commis! Quand nous aurons fimplifié nos loix; quand perfonne ne voudra, n'ofera les interpréter; quand il n'y aura plus ni régie, ni directoire; quand l'ordre de l'avancement fera invariable; quand les garnifons feront permanentes ; quand les municipalités feront formées & chargées d'un grand nombre de détails, quatre fecrétaires fuffiront au miniftre; Louvois n'en avoit que douze, & la machine étoit bien plus compliquée qu'elle ne l'étoit il y a quelque temps. Frédéric II avoit une armée plus confidérable que la nôtre, fes troupes étoient difperfées fur la furface entière de fon royaume, il entroit dans les plus petits détails militaires, & il n'avoit cependant pour tous commis qu'un très-petit nombre de fourriers de fon armée. Frédéric,il eft vrai, travailloit beaucoup lui-même: eh pourquoi nos miniftres ne travailleroient-ils point? Frédéric étoit économe de fes finances : eh pourquoi nos miniftres ne deviendroient-ils. point économes des tréfors de l'état? Frédéric étoit un grand homme: eh pourquoi n'aurions. nous pas de grands hommes pour miniftres ? La France feroit-elle épuisée en ce genre? Quand on le voudra bien, quand on ne fe bornera point à choisir dans une claffe très-petite, on trouvera des hommes dignes de remplir les places importantes, des hommes qui aux vertus & aux qualités néceffaires aux miniftres joindront les talens qu'ils doivent réunir. Voyez MINISTRE DE LA GUERRE.

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ordonnance, qui elle-même a été détruite par celle qui a été promulguée par le confeil de la guerre. Il n'y a aujourd'hui que deux cadets gentilshommes par régiment.

Lorfque M. de St Germain créa les cadets gentilshommes, il ne voulut point augmenter le nombre des combattans; il ne voulut point non plus augmenter celui de leurs chefs; il voulut feulement préparer un grand nombre de jeunes gentilshommes à remplir, avec diftinction, les emplois de fous-lieutenans, ou, ce qui eft la même chofe, procurer à la jeune nobleffe du royaume une éducation conforme à fa naiffance & analogue aux emplois qui lui étoient destinés. Rien de plus beau fans doute que ce projet, rien de plus digne d'être loué, mais peut-on parler en mêmes termes des moyens qu'on employa pour l'exécuter?

Quelles lumières pouvoient acquérir à la fuite des régimens les jeunes gentilshommes qu'on y plaçoit? Ils pouvoient tout au plus y apprendre le maniement des armes & les ordonnances militaires; car la loi n'avoit pourvu à leur fournir des maîtres d'aucune espèce, des fecours d'aucun geare. C'est quelque chofe fans doute que les ordonnances & l'exercice, mais un très-petit nombre de mois fuffifent à cette double inftruction, qui ne renferme d'ailleurs qu'une très-petite partie des connoiffances néceffaires à un officier françois. Voyez CAPITAINE. Le cœur des cadets gentilshommes pouvoit-il fe former à cette école, leur innocence fe conferver, leurs moeurs s'épurer, lears manières fe polir? Ils étoient toujours enfemble, & l'on fait, comme l'a dit Rouffeau, que l'haleine de l'homme eft mortelle à fes femblables, je veux dire qu'il n'eft point, pour les jeunes gens, de compagnie plus dangereufe que celle des jeunes gens. Voyez MENTOR. Ils n'étoient farveillés que par un feul officier, & l'on fait qu'un Mentor choifi avec foin & vivement intéreffé à la conduite d'un feul pupile, ne réuffit pas toujours à le garantir des piéges parfemés fous les pas des jeunes militaires. Voyez MENTOR: cet officier, choifi par le colonel, étoit d'ailleurs le plus fouvent un officier de fortune, & l'on fait que les hommes qui compofent cette claffe peuvent enfeigner la valeur & la probité, mais que c'eft à ces feules vertus que fe bornent communément leurs exemples & leurs leçons.

Mais pourquoi chercher à démontrer qu'on n'avoit point pris, en créant les cadets gentilshommes, toutes les précautions qu'exigeoit une opération de ce genre, puifqu'il eft aife de faire voir que le gouvernement ne peut efpérer, quelques dépenfes qu'il faffe & quelques moyens qu'il employe, de faire donner une bonne éducation à des jeunes gens raffemblés à la fuite d'un régiment? je veux dire qu'il ne peut fe flatter de Art. Milit. Suppl. Tome IV.

voir leur efprit s'éclairer, leur cœur fe former, & leur corps fe fortifier.

Ce feroit en vain que le gouvernement compteroit aujourd'hui fur le fecours des aumôniers des régimens ces eccléfiaftiques ont, je le crois, les vertus & les talens propres à l'état qu'ils ont embraffé; mais il y a bien loin de là aux talens & aux connoiffances néceffaires pour inftruire les jeunes militaires. Avant d'employer les aumôniers, il faudroit donc les renouveler tous, ou prefque tous, & les remplacer par des hommes qui euffent eux-mêmes reçu une éducation & une inftruction analogues à l'objet auquel on les destineroit. Voyez AUMONIER.

On compteroit aufli vainement trouver dans les régimens des foldats ou des bas-officiers capables de donner aux cadets gentilshommes des leçons de mathématiques, de deffin, de langues, &c. : à peine y trouve-t-on des maîtres d'efcrime paffables; & de tous les maîtres, ces derniers ne font certainement point les plus néceffaires.

Ce que j'ai dit des régimens eft également applicable aux deux tiers de nos villes de garnifon Condé, Bouchain, le Fort Louis du Rhin, Mont-Dauphin, Longwi, &c., tous les quartiers de cavalerie font dépourvus de toute efpèce de maîtres; il faudroit donc que le gouvernement créât tout, fît tout, dans ces petites places, & qu'il payât chèrement un profeffeur pour fept ou huit jeunes gens.

Les villes de premier ordre qui, au premier afpect, paroiffent très-favorables à l'inftruction des cadets gentilshommes placés à la fuite des régimens, ne le font cependant guères plus que celles du quatrième ou cinquième ordre. Comme les maîtres y font payer chèrement leurs leçons, & comme les cadets gentilshommes font cenfes n'être point riches, il faudroit que l'état fît encore là de groffes dépenfes; car il ne s'agit point d'établir des cours, ce font des leçons particulières qu'il faut à de jeunes militaires : les cours peuvent inftruire des hommes faits, très-défireux d'acquérir des connoiffances & déja un peu inftruits; ils peuvent être utiles pour certaines fciences qui, fi l'on peut s'exprimer ainfi, font du reffort des yeux; mais ils ne fuffifent point à des enfans diffipés, à de jeunes militaires; ils ne fuffifent point pour les fciences mathématiques; ils ne fuffifent même point pour l'étude des langues, ni peut-être même pour celle de deffein. Voici une preuve frappante de cette vérité.

Le commandant en chef des Trois - Évêchés, perfuadé que les cadets gentilshommes en garnison dans la capitale de fon gouvernement devoient fixer une grande partie de fon attention, & qu'il ne pouvoit répondre dignement aux vues paternelles du roi, qu'en faifant inftruire gratuitement ces jeunes gens, l'efpoir de la géné. ration future, chercha & parvint à faire ouvrir

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taires, on auroit été tenté de croire que ces derniers étoient fâchés de voir leurs fucce Teurs avoir des connoiffances & des talens dont ils étoient eux-mêmes privés; & que les premiers craignoient qu'on les comparât un jour avec ceux de leurs camarades qui auroient paffé par l'école

des cadets.

Ce que je viens de dire des mathématiques & du deffein étant également applicable à la plupart des fciences & des arts néceffaires à de jeunes officiers, je puis, ce me femble, conclure que des jeunes gens affemblés à la fuite d'un régi ment, ne peuvent que très-difficilement acquérir les connoiffances néceffaires à des officiers françois. Voyez les articles CAPITAINE, AGE, EXAMEN, MOURS, & MENTOR.

pour eux, en 1780, un cours de mathématiques gratuit, & une école de deffein infiniment bon marché. Un bénédictin, grand mathématicien & habitué à inftruire des enfans, fe chargea de faire le premier de ces cours: il remplit pendant plufieurs années, avec toute la patience & toute l'intelligence poffibles, les obligations qu'il avoit contractées, & cependant il ne parvint à conduire aucun de fes élèves à la fin de la géométrie élémentaire. Un officier général, étonné du peu de progrès que faifoient les cadets gentilshommes, m'en ayant demandé la caufe, je lui fis la réponfe fuivante: Qu'est-ce qu'une leçon publique par jour, lui dis-je, pour vingt-cinq ou trente jeunes gens qui n'écoutent point ou qui écoutent peu; dont la plupart n'ont pas les premiers élémens du calcul, dont plufieurs ne font pas en état d'énoncer un nombre ; & à quelques-uns defquels il faut enfeigner à former leurs chiffres? Que peut-on faire dans deux heures, quand l'un des élèves en eft à la numération, l'autre à l'extraction des racines, & un troisième aux proportions? &c. Celui qui eft au tableau eft prefque le feul qui puiffe profiter de la leçon; car ceux qui ont depaffé la propofition fur laquelle on travaille, croyent qu'il leur eft inutile d'écouter., & ceux qui n'y font pas arrivés, penfent qu'ils écoute-faire entendre, par ces mots, que les mœurs des

roient en vain: fi le profeffeur eft impartial, chaque élève ne va donc au tableau qu'une heure & demie ou deux heures par mois, & que peut-on apprendre dans un fi court efpace de temps? ces deux heures pourroient cependant être utiles, fi les élèves, piqués par l'émulation, ou aiguillonnés par la crainte des châtimens, étudioient en leur particulier; mais ils n'ont aucun châtiment à craindre; mais l'étude, vraie jouiffance quand on P'aime, eft un tourment quand on la hait; mais le travail, qui produit toujours des fruits quand on s'y livre avec plaifir, n'en rapporte aucun quand on le fait à contre-coeur. Qu'on joigne à tous ces vices, que je ne fais qu'efquiffer ici, le tapage que font vingt-cinq ou trente jeunes gens qui, portant depuis peu un habit militaire, croyent être entièrement libres, & l'on concevra aifément qu'une troupe de jeunes militaires ne doivent faire que très-peu de progrès en fuivant un cours de mathématiques.

Après avoir prouvé que le cours de mathématiques ne pouvoit produire de grands fruits, je palai à l'école de deffein, & je monttai de même qu'il eft prefque impoflible qu'un feul maître puiffe, dans un petit nombre d'heures, former un grand nombre de jeunes gens dont le goût pour s'inftraire n'eft pas vif & la volonté ferme. Ce qui rendoit encore l'inftruction des cadets gentilshommes & plus difficile & plas lente, c'étoient les propos. des jeunes officiers avec lefquels ils vivoient, & méme ceux des anciens qui daignoient quelquefois caufer, avec eux à entendre ces deux claffes mili

Quant au cœur, ce que j'ai dit dans le troifième alinéa de cet article, & les réflexions que j'ai faites dans les articles Maurs & Mentor, prouvent, ce me femble, qu'un régiment eft une école où la candeur & l'innocence des jeunes gens doit fe perdre avec vîteffe; où leurs ma nières, loin de fe polir, doivent devenir chaque jour moins douces, & où leurs mœurs doivent promptement fe corrompre je ne prétends pas

officiers françois ne font point bonnes pour eux, mais qu'elles ne font point faites pour fervir de modèle à des jeunes gens qui quittent pour la première fois, & à l'âge de quinze ans, le fein de leurs familles.

Quant au corps, on croiroit au premier afpe&t que celui des jeunes gens doit acquérir avec promptitude, à la fuite des régimens, un développement rapide, une force confidérable: on n'entend les militaires parler que d'exercices, de manœuvres, &c. Il n'y a néanmoins pendant la paix que les routes qui puiffent aider au développement du corps des jeunes militaires. Nos exercices ne méritent vraiment point ce nom : des poftures méthodiques & toujours les mêmes; une immobilité conftante, des pas lents & cadencés, des armes légères qu'on tient fans ceffe dans la même pofition, tels font les exercices de notre armée; qu'il y a loin de tout cela aux exercices auxquels la jeuneffe grecque fe livroit dans le Gimnafe, & la jeuneffe de Rome dans le Champ de Mars! qu'il y a loin de là aux jeux qu'on joue dans nos colléges, aux courfes qu'on y fait, & à tous les exercices que les inftituteurs modernes recommandent avec tant de raifon!

Puifque l'efprit des cadets gentilshommes raffemblés à la fuite des régimens ne peut s'éclairer, leur cœur fe former, leur corps fe développer, nous devons donc abandonner pour toujours les projets de ce genre. Mais quel parti prendrons-nous pour préparer à nos armées des officiers dignes d'en commander les petites fubdi vifions, & de parvenir enfuite à en commander

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