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Pomereuil, qui s'eft borné à affurer que l'on devoit négliger ces gains par rapport à ceux fi confidérales que procuroit une grande route dans les lieux qu'elle traversoit.

que l'on croit trop grande, augmente les dépenfes pour la confection des chemins neufs, celle pour l'entretien des anciens, & ôte à l'agriculture des terreins qui lui feroient d'autant plus précieux, qu'ils feroient fur les bords des grands chemins. 4. M. de Pomereuil fuppofe, à ce qu'il paroît, Les voies militaires romaines n'étoient larges très-gratuitement, que la lieue neuve de chemin que de feize pieds. Suppofons que les nôtres en doit coûter quatre-vingt mille livres; en conféeuffent trente & douze pour les deux foffés &quence, il calcule que trente - sept lieues neuves l'empatement des talus de leur glacis; cela n'exi- coûteroient environ trois millions, & que trentegera que quarante - deux pieds de furface, parce un mille foldats que l'on pourroit employer penque l'on fuppofe que l'on le foumettroit à ne plus dant cent vingt jours, à treize fous, devant coûter border les chemins d'arbres (1) comme ils le font environ deux millions quatre cent trente mille liactuellement. Il y auroit donc quarante-deux pieds vres, & le furplus des trois millions étant nécefde furface à rendre à l'agriculture, & à fupprimer, faire pour les voitures, les trente-un mille foldats ou de la conftruction, ou de l'entretien. ne pourroient faire que trente - fept lieues, dont douze de nouvelles & vingt-cinq de neuves pour réparation.

Les voitures, d'après l'ordonnance, ne devroient avoir que cinq pieds dix pouces d'effieu je leur ea fuppofe fept, donc vingt-un pieds pour trois voitures; ce qui laiffe encore neuf pieds de chemin; & fi l'on fe décidoit à y placer un trotoir de chaque côté pour les gens de pied, auquel on pourroit donner trois pieds, il refteroit encore trois pieds au-delà de l'espace néceffaire pour trois

voitures.

Mais de cette diminution dans la largeur des chemins, il s'enfuivroit des gains infiniment plus confidérables qu'on ne pourroit le croire dans un simple apperçu (2), quoi qu'en ait pu dire M. de

(1) Pour remplacer les arbres qui bordent actuellement les grandes routes, on pourroit, à tous les milles, avoir une plantation de quinze arbres de chaque côté, formant deux allées, au moyen de cinq arbres par rang, les rangs du milieu fe trouvant fur l'al gnement du foffé, qui, dans cet endroit, feroit reculé & contourneroit pour embraffer les derniers rangs du côté de la campagne. Quant aux premiers rangs, ils fe trouveroient empiéter fur le chemin, de chaque côté, d'environ fept pieds; ce qui le réduiroit a feize pieds pour les voitures, & lui donneroit foixante-quatre pieds de largeur totale, la valeur environ de foixante pieds de longueur que pourroient occuper les cinq arbres; ce qui en outre, à raison de trente arbres par lieue, & de quatre mille lieues à peu près de routes auxquelles on devroit fe borner, produiroit cent vingt mille pieds d'arbres, que l'on pourroit d'autant mieux cultiver avec foin, qu'ils feroient plus réunis & moins expofés à être dégradés, Par ce moyen les voyageurs trouveroient, à chaque demi-lieue, un abri commode, fous lequel on pourroit mettre des bancs, une fontaine, &c. & les arbres ne nuiroient plus, comme à préfent, foit aux routes, dont ils empêchent le defféchement, foit aux propriétaires, dont les terres bordent les chemins, & dont les arbres arrachent une partie de la fubftance la plus précieuse, ainfi que des engrais que l'on y met.

(2) Dans cette fuppofition, des routes à quarante

Mais M. de Pomereuil ignoroit fans doute que, pendant un espace de tems de moins de vingt années, on avoit fait en Limoufin plus de cent cinquante lieues de chemin avec le plus grand foin & la plus grande perfection, c'eft-à-dire, environ huit lieues par an; & que, quoique ces chemins paffaffent par les lieux les plus difficiles de la république, où il faut fans ceffe monter & defcendre, où l'on croiroit, en voyant la quantité de rocs qu'il a fallu brifer & de terres qu'il a fallu remuer, qu'on y a confommé les tréfors d'un grand état, jamais la dépenfe n'avoit été, l'un portant l'autre, au-delà de deux cent mille livres chaque année, donc environ vingt-cinq mille livres par lieue ce font là des faits, &'c'eft d'après eux qu'il faut calculer. Et fi cela eft, lieu de trente-sept lieues que l'on pourroit payer aux trente-un mille foldats, il en résulteroit que l'on pourroit leur en payer plus de cent (3).

au

de furface de moins dans la largeur, à ne supposer que quatre mil'e lieues de grandes routes néceffaires, au lieu de fix mille deux cents que fuppofe M. de Pomereuil, on auroit gagné plus de cinquante mille arpens, fans parler des deux mille deux cents lieues

que

l'on exige fans doute mal à propos, & que l'on pourroit probablement réduire à beaucoup moins, foit en réduifant en chemins provinciaux tous ceux trop multipliés pour fe rendre de Paris dans telle ou telle ville, foit en s'oppofant à la construction de tous les chemins neufs qui ne feront pas démontrés d'une abfolue néceffité..

Outre les cinquante mille arpens gagnés à l'agriculture par la réduction des chemins à quarantedeux pieds, il y auroit encore plus de mille lieues de moins à faire à neuf ou à entretenir ; ce qui conftitue la maffe des gains énormes que l'on feroit fur tous ces différens objets, foit par la fuppreffion entière des objets projetés, foit par l'économie dans les objets

confervés.

(3) Mais, d'après la condition de fuppofer qu'il deux pieds, & par conféquent de quarante-deux pieds faut deftiner un cinquième des fommes pour les voi

Art Milit. Suppl. Tom. IV.

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5°. M. de Pomereuil fuppofe qu'on ne pourroit | faire travailler aux chemins, que trente-un mille hommes d'infanterie françaife: il feroit très-aifé de prouver le contraire.

Nous n'avons pas quatre-vingts villes de guerre qu'il faille néceflairement garder. Il n'eft pas vrai que les grenadiers ne puiffent pas travailler aux Chemins nous les avons vu travailler au comblement des cunètes de Dunkerque, en 1763. Il n'eft pas vrai que l'on ne puiffe pas faire travailler partie de nos cavaliers, dragons & troupes légères. D'ailleurs, il y auroit peut-être un moyen dont nous parlerons, qui pourroit procurer un grand

tures, en ôtant quarante mille livres des deux cent mille employées chaque année en Limoufin, il en reftervit cent foixante mille pour les ouvriers, qui, à quinze fous, fuppoferoient qu'on a employé chaque année à peu près deux cent douze mille journées pour faire huit licues; donc, avec trois millions jept cent trente-huit mille deux cent quarante journées que pourroient fournir les trente-un mille foldats qu'on pourroit employer aux travaux pendant cent vingt jours de l'année, de l'aveu de M. de Pomereuil, on pourroit faire plus de cent trente-fix lieues chaque année dans la république or, ces cent trente-fix lieues coûteroient au total, à raifon de vingt-cinq mille livres par lieue, d'après l'évaluation des travaux du Limoulin, trois millions quatre cent mille livres.

:

Suppofez, avec M. de Pomereuil, vingt-cinq lieues neuves chaque année pour fuffire aux réparations des trois mille lieues déjà faites, il tefteroit encore cent onze lieues que pourroient faire chaque année les trenteun mille foldats, toujours d'après ce qui s'eft fait en Limousin, c'est-à-dire, dans le pays où l'on trouve le plus d'obftacles, & où l'on a du fouvent employer des ouvriers peu vigoureux, & même des enfans.

Mais fuppofons que l'on faffe trente lieues pour entretien, & qu'il ne refte que cent lieues à faire de chemins neufs chaque année. Dans la fuppofition où trois millions quatre cent mille livres fuffifent à ce travail, en en ôtant le cinquième, qui fe monte à fix cent quatre-vingt mille livres, pour la partie des voitures, il refteroit deux millions fept cent vingt mille livres ; ce qui procureroit plus de quatorze fous par jour pour chacun des trente-un mille foldats qui travailleroient.

Mais, d'après ces différentes données, on feroit exécuter trente lieues pour entretien, & cent pour chemins neufs, tandis que M. de Pomereuil, d'après

les

moyens qu'il propofe, ne pourroit faire exécuter que vingt cinq lieues pour entretien, & foixantequinze pour chemins neufs; ce qui, de fon aveu, coûteroit onze millions, tandis que ce que nous propofons, qui procureroit trente lieues de plus, ne coûteroit que fix millions quatre cent mille livres, fuppofant, comme M. de Pomereuil, trois millions pour les ouvrages de l'art.

en

Donc, au lieu d'être obligé de mettre un impôt

nombre de travailleurs, en évitant tous les inconvéniens dont parle M. de Pomereuil.

6°. L'officier dont nous difcutons les opinions, trouve des difficultés infurmontables à fe fervir des troupes pour la conftruction des chemins; d'a bord le défaut abfolu de voitures et d'attelages; mais fans entrer dans tous les détails avec M. de Pomereuil, répondons-lui par un fait : ce font les chemins du Limousin & une partie de ceux de la Normandie.

En effet, quoi de plus connu que la facilité que l'on trouvera toujours à avoir des perfonnes dans chaque province, qui entreprendront de fournir chaque année, pendant cent vingt jours, les voitures néceffaires aux chemins que l'on devra y faire; car on ne fauroit trop remarquer que tout ce que dit M. de Pomereuil fur les voitures nécef

de fix millions de plus, comme le demande M. de Pomereui, on pourroit fe borner à impofer un million quatre cent mille livres ; &, fi l'on avoit gagné fur les chemins cinquante mille arpens en diminuant leur largeur, en fuppofant chaque arpent à dix livres de rapport, cette économie produiroit cinq cent mille livres; ce qui réduiroit en réalité l'augmentation de l'impôt à peine à un million; & fi, comme il feroit aifé de le prouver, on devoit se borner à n'avoir dans la république que quatre cents lieues de grandes routes, au lieu des fix mille deux cents projetées dont parle M. de Pomercuil, en réduifant plufieurs des grandes routes actuelles en chemins provinciaux, refteroit à peine deux mille lieues de grandes routes à faire, foit pour achever toutes celles de la république, foit pour réduire celles qui font déjà faites, & qui font trop larges, foit enfin pour exécuter les plantations d'arbres, telles que nous les avons propolées.

il

Dès-lors, en dix ans, on auroit perfectionné les grandes routes, & on n'auroit dépensé que dix millions au-delà de ceux impofés pour cet objet & les ponts & chauffées, tandis que M. de Pomereuil, même dans le fyftème qu'il propofe, demande querante ans & deux cent quarante millions au-delà de l'impofition: donc trente ans de plus & deux cent trente millions donc on pourroit très-aisément se fervir des troupes, puifque c'eft dans la fuppofition que l'on fe ferviroit des trente-un mille foldats qu'ac corde M. de Pomereuil, que nous venons de faire rous les calculs ci-deffus, tandis que M. de Pomereuil ne craint pas d'avancer, pag. 520, que fi l'on fe fervoit des troupes, il faudroit deux cent quarante ou même quatre cent quatre-vingts ans pour terminer les ouvrages pour lefquels il ne demande que quarante ans, & pour lefquels, en les réduisant au point où ils doivent être, nous ne demandons que dix ans avec ces mêmes foldats fi fort rejetés, tant il eft vrai que, dès qu'on eft parti d'une fuppofition abfurde ou faufle, il ne refte plus de moyens de revenir au vrai, & l'on marche, fans s'en appercevoir, d'exagération en exagération.

aires dans le cas qu'on fe fervit des troupes, on uroit pu le dire dans la fuppofition où les chenins feroient donnés à prix fait à des entrepreneurs. Il n'y a ici qu'une différence, & elle eft à avantage du travail fait par les troupes, c'eft que les entrepreneurs feroient affurés des travailleurs dont ils auroient befoin.

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« Les officiers des troupes employées fe tiendront-ils fur les ateliers ou ne s'y tiendront-ils pas? Proposera-t-on de faire furveiller les troupes par leurs officiers? Ce feroit une de ces chofes que l'autorité ne doit jamais tenter parce qu'elle feroit compromise en y échouant, & trop malheureufe fi elle réuffiffoit. Qui ne » fait qu'un officier fe croiroit avili fi on le forçoit à veiller fur fes foldats quand on les emploieroit aux travaux publics? & que pour»roit-on espérer de ceux que le befoin enchaîne roit à ce devoir? »

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כן

Voilà, je l'avoue, des demandes & des affertions auxquelles on ne devroit, ce femble, pas s'attendre de la part d'un officier qui a du mérite & de l'inftruction. On croit qu'un des partis le plus fage à prendre fil'on employoit les foldats en corps, feroit de le faire par régiment. En conféquence, trente-huit régimens d'infanterie devroient fournir les trente-un mille hommes demandés, en ce que, en ótant les fous-officiers, les tambours, les muficiens, les ouvriers indifpenfables, les malades & le non-complet, chaque régiment ne peut pas fournir au-delà de huit cents ouvriers, dans lefquels il faut comprendre foixante caporaux ou fergens néceffaires pour les furveiller & les conduire. Et comme ces régimens emploieroient les fix plus beaux mois de l'année, mai, juin, juillet, août, septembre & octobre, à fournir les cent vingt journées demandées chaque année, il n'y auroit aucun inconvénient de les faire camper. On eft très convaincu, quoi que puiffe en dire M. de Pomereuil, qu'aucun officier ne trouveroit mauvais de préfider, tous les trois jours, aux ouvrages dont feroient chargés les foldats de leur compagnie, à raifon d'un officier par compagnie chaque jour, & d'après la fuppofition qu'il y auroit la moitié des officiers alors en congé. Quant aux compagnies où il n'y auroit pas trois officiers préfens par des événemens imprévus, le fourrier de la compagnie ou un porte-drapeau le remplaceroit. Comme, d'après ce que nous avons dit, il devroit fe trouver quatre-vingts ouvriers par compagnie, un fergent & deux caporaux préfideroint à quarante hommes dars le travail, tandis que les deux autres fergens & les quatre autres caporaux de chaque compagnie prefideroient à la nourriture & aux autres détails; & dans le cas qu'il fe trouveroit des régimens qui manqueroient d'hommes pour fournir les huit cents ouvriers, il leur feroit permis de s'affocier, pour les cent vingt journées, la quantité de jeunes gens ouvriers qui leur ferot necellaire, & que s'occuperoient à leur procurer

les entrepreneurs des chemins, à raifon de quatorze fols par jour, lefquels logeroient & mangeroient avec les foldats, & finiroient probablement par s'engager. Chaque fois que le chemin avanceroit & s'éloigneroit du premier camp que l'on auroit pris en commençant l'ouvrage, on se camperoit vis-à-vis l'ouvrage destiné à chaque compagnie, parce que, pour la commodité, on diviferoit chaque lieue en dix parties, une par compagnie; celle dont les ouvrages plus ailés feroient plus tôt finis, viendroit fe joindre à celles dont les ouvrages fe feroient trouvés les plus difficiles. Chaque régiment auroit à peu près trois lieues de chemin à faire chaque année, & en employant alternativement à ces travaux tous les régimens de l'infanterie française, chacun d'eux ferviroit trois ou au plus quatre ans pour finir toutes les routes de la république & les maintenir en bon état. Quant aux officiers, il feroit aifé d'établir un tour pour ce fervice, comme pour ceux de la guerre. Je ne m'arrêterai pas à prouver que l'autorité ne feroit ni compromife en exigeant ce fervice des officiers, ni malheureufe fi elle réuffiffoit à le leur faire trouver agréable. Aucun officier, dans le moment où nous fommes, ne pourroit fe croire avili de faire, pour le bien de fa patrie & le fien propre (puifque cela diminueroit les impôts), un fervice bien moins pénible que celui qu'il faut faire fi inutilement dans les villes de guerre, & affurément aucun d'eux ne fe foumettroit à le faire par befoin. J'aime à croire que M. de Pomereuil en conviendroit aifément s'il vouloit réflé hir à la foumiffion habituelle des officiers & des foldats français, & à leur zèle à exécuter ce qu'ils croient être utile.

7°. Mais fuivons M. de Pomereuil, qui nous dit, page 519, qu'il n'a pas encore expofé toutes fes difficultés, et voyons fi elles ne font pas plus infurmontables que les précédentes.

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כן

«Il faudra baraquer ou faire camper les foldats: baraquer feroit trop coûteux & trop incommode; » camper feroit plus analogue & avantageux aux » troupes, par l'habitude qu'il eft effentiel qu'elles » en aient.»Nous venons de dire que nous croyons que c'étoit à ce moyen qu'il falloit s'arrêter. Il est le moins difpendieux, le plus commode & le plus approprié à la vie que doivent mener les foldats. «Il faudra fournir le foldat d'outils ; il faudra le s > entretenir, pourvoir aux moyens de faire tranf» porter aux hôpitaux voifins les foldats ma»lades ou bleffés; il faudra fournir aux foldats,

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le pain, la viande, les légumes, le vin ; le foldat »ufera plus de linge, de vêtemens, de fouliers; » il aura befoin d'un habit de travail : pour tous ces » objets, à peine 6 fous par jour, de retenue, pourront-ils lui fuffire: le prix de la journée, évalué

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à 13 fous, fe réduira à fous et à fa folde, qu'en » fera tropheureux de lui faire confommer à bir ; » car il faut que le foldat ne connoiffe l'argent que » pour le dépenfer, & non pour l'amaffer. Mais Bbbbbb 2

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qui paiera les tentes, les uftenfiles, les outils, chacun d'eux, une paire de fouliers, un reffeme» les brouettes, &c. &c.? »

lage, une culotte en pantalon & une veste de tra vail; ce qui peut fe monter à dix-huit livres: donc trois fous par jour de retenue. Ainfi fept fous de nour. riture, un fou pour les jours de repos, trois fous pour le vétement, cela feroit onze fous par chacun

Je ne fais fi nos lecteurs verront comme nous; mais plus nous avançons & plus notre étonnement augmente. Et pourquoi donc 6 fous par jour de retenue, pour les objets dont parle M. de Pomereuil? C'eft, ou bien cher, ou bien bon marché.des cent vingt jours de paye à quatorze fous: donc Bien cher fi cette retenue ne regarde que quelques-uns des objets détaillés ; bien bon marché, fi cela les regarde tous. Rappelons-nous que, felon M. de Pomereuil, les trente-un mille hommes coûteroient, pendant cent vingt jours, à 13 fous par jour, deux millions quatre cent dix-huit mille livres, & nous avons deux millions fept cent vingt mille livres d'une part, & cent mille livres du furplus du produit des arpens de terre rendus à l'agriculture par la diminution des chemins (voy. la note p. 3,929): donc deux millions huit cent mille livres; mais pour payer, pendant cent vingt jours, trente-un mille fol dats employés aux travaux, à quatorze fous par jour, il ne coûteroit que deux millions fix cent quatre mille livres, donc un furplus de deux cent feize mille livres. Or, pour brouettes, pelles & pioches, je fappofe, chaque année, cent feize mille livres; ce qui doit être très-fuffifant, parce qu'une fois la première emplète faite, il ne faut au plus, pour l'entretenir, que la moitié, foit en réparation, foit en remplacement; il refteroit donc encore cent mille livres, que je fuppofe employées à la réparation, entretien ou remplacement des uftenfiles pour le campement, comme bidons, marmites, &c. dont chaque régiment doit être fourni, devant toujours être prêt à entrer en campagne.

trois fous de bénéfice; ce qui feroit dix-huit livres pour le tems des travaux. En outre, la paye de fix fous pendant les cent vingt jours, trente-fix livres donc, au total, cinquante-quatre livres, lut lesquelles, fi vous retenez à chacun douze livres pour leur bien-être ou entretien pendant les fix mois qu'ils ne travailleront pas, il leur restera encore quarante-deux livres ou fept livres pour chacun des mois des travaux ; ce qui devra fuffire pour leur procurer des douceurs, mais qu'on ne les obli gera pas de dépenfer au cabaret, quoi qu'en dife M. de Pomereuil, qui regarde cela comme une néceffité. A l'égard des foldats ou fous-officiers qui fe trouveront au régiment au-delà du nombre de huit cents, ce qui pourra bien aller à peu près à deux cents, on concevra aisément qu'en distribuant ceux qui n'auroient que fix fous à mettre à l'ordinaire, dans les ordinaires des ouvriers, ils feroient nourris comme eux, à l'exception de la boisson; quant aux fergens, caporaux & ouvriers pour le régiment, ils mettroient fept fous à l'ordinaire dans lequel ils mangeroient, & paieroient leur boisson à part; quant aux ouvriers qui pourroient tomber malades ou fe bleffer, il y auroit tous les jours aux travaux un garçon chirurgien de jour, avec des brancards, & l'on deftineroit, dans les villages à portée des ouvrages, des lits & des remèdes pour les malades ou les bleffés, dont auroit foin le chirurgien-major du régiment.

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8°. Avançons avec l'officier dont nous combattons les idées. « Croit-on que le foldat, ainsi ré» pandu fur les chemins, ne fe livrera pas davan»tage à la défertion, qui lui deviendra plus facile » à mesure que fes travaux le rapprocheront des frontières? Croit-on que le métier qu'on lui fera faire donne envie de s'engager aux habitans des » villes, qui ne fe croiront pas faits pour le métier » de manoeuvre? De là un énorme déficit au » complet des troupes; plus de défertion, moins » de recrues, &c. »

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Quant au pain, à la viande, aux légumes, au vin à fournir aux foldats, comme il faut leur fournir ces objets quelque part qu'ils foient, on fent bien qu'ils ne leur coûteront pas plus cher là qu'ailleurs, & affurément bien moins cher que dans quelque ville que ce puiffe être, puifque ce fera à la campagne, que l'on aura été prévenu, & qu'en laiffant une entière liberté à ceux qui voudront fournir ces différens objets, on eft bien fûr qu'ils ne manqueront de rien, d'autant qu'il fera très-aifé» de prendre, à l'avance & de bonne heure, toutes les précautions que l'on croira néceffaires. D'après le prix actuel des denrées dans la république, on fe croit autorifé à dire que, pour fept fous par jour, le foldat auroit une demi-livre de viande, deux livres de pain, une demi-bouteille de la boiffon du pays dans lequel il fe trouveroit, &des légumes; mais il faut obferver que, reftant pendant fix mois aux travaux, dont quatre de trente-un jours, ils auroient cent quatre-vingt-quatre jours à être nourris, & ne feroient payés que cent vingt jours, àraifon de quatorze fous ; c'est donc une différence de foixante quatre jours, pendant lefquels il faut fournir à chaque ouvrier un fou de plus par jour pour ne rien changer à fa nourriture, ne fuppofant fa paye libre qu'à fix fous; ce qui fait à peu près un demi-fou par jour à retenir fur les cent vingt; il faut enfuite, à

Au moins peut-on obferver que M. de Pomereuil ne cherche pas à affoiblir fes objections: tout à l'heure c'étoient des difficultés infurmontables, actuellement c'est un déficit énorme. Eh! pourquoi cet officier crée-t-il des obftacles qui font fans fondement? Pourquoi ne convient-il pas de ce qu'il doit favoir, que jamais il n'y a moins de défertion dans les régimens, que quand ils font dans des villes ouvertes ou dans des villages, furtout encore quand on les fait travailler. Parmi les caufes fans nombre qui occafionnent la défertion dans les troupes françaises, quelques-unes des plus puiffantes font, l'oifiveté, les exercices trop sou

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vent multipliés de la manière la plus nuifible et la plus inutile; l'ennui attaché à la manière d'être des foldats qui font fermés dans les villes de guerre & confignés à toutes les portes ; enfin, le peu de confiance qu'on leur témoigne, &c. Quant aux recrues, il y en a de deux fortes dans les régimens; l'une, qui eft la plus nombreuse, eft celle faite, dans quelques grandes villes du royaume, par des raccoleurs qui dépenfent beaucoup d'argent à enrôler quelques libertins qu'ils ont endettés, quelques dupes qu'ils ont trompées, quelques miferables qui manquent de pain, ou quelques enfans que leur inconftance & leur crédulité font arborer avec plaifir une cocarde qui doit les tirer de chez leurs parens, & leur donner, à ce qu'ils croient, une liberté après laquelle ils afpirent depuis qu'ils commencent à fortir de l'adolescence. L'autre forte des recrues eft faite dans nos campagnes et nos petites villes, par les foldats & par les officiers en femeftre. Il ne fera pas difficile, pour ceux qui connoiffent les militaires, de fe convaincre que les travaux des troupes ne nuiront en rien à la quantité de recrues que procurent les recruteurs en titre que l'on voit avec tant de peine inftallés fur toutes les places de nos grandes villes. Quant aux autres recrues, bien loin d'y nuire, on a de fortes raifons pour être convaincu que fi nos foldats étoient répandus dans nos campagnes, qu'on les y vit travailler, être traités avec douceur & intérêt ; que les jours où ils fe repoferoient, on pût affifter à leurs exercices & aux danses ou aux jeux qu'ils pourroient faire enfuite, on s'habitueroit à aimer & à defirer un état inconnu jufqu'à préfent dans une grande partie de la France où l'on ne voit jamais aucun régiment, & où l'on n'entend parler du fervice militaire qu'à des foldats en congé, qui la plupart ne doivent en donner des idées que d'après le dégoût univerfel répandu parmi eux, ainfi que parmi leurs officiers.

D'après ces idées, que je foumets furtout aux militaires qui ont un peu réfléchi fur ce qui occafionne la défertion & rend les recrues fi difficiles à faire, j'espère que l'on ne craindra pas, autant que M. de Pomereuil, le déficit énorine qui devroit fe trouver parmi les troupes fi on les employoit à travailler aux grands chemins.

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9°. « Enfin, que deviendroit l'entretien des routes?» Nous avons répondu à cette demande, en fuppofant chaque année trente lieues de chemins neufs, faits pour réparation des anciennes routes. Et dans le cas que, pendant le tems que les troupes feroient des chemins nouveaux, il eût de trop grands inconvéniens à leur faire réparer les chemins, rien ne feroit plus aifé que de trouver dans chaque province des entrepreneurs qui s'en chargeroient. J'en reviens encore à citer les établiffemens de M. Turgot en Limousin. On ne fauroit trop faire connoître les excellentes vues de ce citoyen immortel à tant de titres. En Limoufin, l'entrepreneur eft obligé, par fon mar

ché, de garnir de petits tas de pierres le long du chemin, & pour is ou 20 fous par jour un feul homme eft chargé de l'entretien d'environ tris lieues. Il fe promène chaque jour d'un bout de fa tâche à l'autre, avec une hotte & une pelle; s'il voit un commencement d'ornière, il y met une pellée de cailloux qu'il étend avec foin: l'ornière n'a jamais le tems de fe former. Si l'on en trouvoit une, le manoeuvre eft puni par la perte de fes appointemens d'une femaine; à la feconde fois, la paye de quinze jours; pour la troisième, deftitué. Jamais on n'a été obligé de prononcer ces peines.

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10°. » Ce n'eft pas tout, continue M. de Po» mereuil : la guerre fe déclare; & fi vous employez vos foldats aux chemins, au premier coup de baguette les voilà abandonnés, & ré» duits à n'être pas même entretenus. La guerre » dure dix ans ils deviennent impraticables » diminuent les bénéfices du commerce & des ≫ cultivateurs, & ajoutent une nouvelle fource » de perte à toutes celles qu'ouvre la guerre. La paix fe fait il faut tout d'un coup, & dans un » tems d'épuisement, quadrupler les fonds pour » refaire les chemins ; à peine font-ils réparés » une nouvelle guerre furvient, & ramène la » ruineufe alternative qui rendroit les routes » continuelleme::t impraticables. »>

23

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Je l'ai déjà fait remarquer, mais je le répète encore M. de Pomereuil ne voit pas les chofes en beau je vais plus loin; il les outre. Nous venons de voir que, tant que les troupes feroient des chemins neufs, les anciens feroient réparés par des entrepreneurs fi on le jugeoit à propos. Quant aux chemins neufs, on les difcontinueroit fi cela étoit néceffaire; car toutes les guerres ne font pas les mêmes, & dans la dernière, les ou vrages pour les chemins nouveaux n'auroient pas été interrompus un inftant. Et qu'on ne dife pas avec M. de Pomereuil, que fufpendre pendant la guerre les travaux des chemins nouveaux seroit faire à l'état une plaie nouvelle, dans un tems où fes ennemis cherchent à lui en faire de mortelles. Quelques avantages que puiffent procurer les grandes routes dans les pays qu'elles traverfent, il faut cependant bien fe garder de les multipliet mal à propos, d'autant, comme nous pourrons le dire encore ailleurs, qu'il femble déjà prouvé qu'on a déjà trop multiplié la plupart des grandes

routes.

11o. Je ne m'arrêterai pas ici à difcuter, avec M. de Pomereuil, s'il feroit plus avantageux ou non de fe fervir des ingénieurs militaires, & de fupprimer ceux des ponts & chauffées, parce que cela ne fait rien à la queftion propofée, fi l'on doit ou même fi l'on peut, ou non, faire travailler aux chemins les troupes françaises; mais j'oferai conclure, d'après les obfervations que je viens de hazarder en parcourant les affertions de M. de Pomereuil fur cet objet ( duffe-je paffer, commə

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