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toire univerfelle angloife, la pag. 431 du tom. XVIII. Ces coupes, qui n'étoient qu'une espèce de bouclier votif, paroitroient une récomperie bien choifie, s'il y avoit quelque analogie entre une victoire & une coupe, & files Romains, après avoir préfenté les trois coupes aux Dieux, n'en avoient Jaiffé qu'une fur l'autel, en avoient donné une à Camille, & placé la troisième proche du champ de Mars eft-il un François qui, voyant dans fa maifon une coupe, un bouclier, une épée qu'un de fes aïeux auroit reçu comme une récompense de fes hauts faits, ne fût point tranfporté par le défir d'obtenir un femblable prix. Ces armes, Ces coupes parleroient bien plus fortement à tous les yeux, à tous les cœurs, que des parchemins qu'on ne lit guères, ou qu'on ne peut étaler fans encourir un vif ridicule. Voyez dans le Supplément notre article ARMES.

BOULANGERS. L'ordonnance relative aux fubfiftances militaires, rendue fur l'avis du confeil de la guerre, établit dans chaque régiment une brigade de boulangers destinés à faire le pain néceffaire à chaque corps. Cette brigade étoit dans le principe en dehors du complet, elle a été depuis comptée dans la force.

une

Rien de mieux vu, rien de plus fage que de créer ainsi, dans chaque corps militaire, efpèce de manufacture pour les différens objets qui leur font néceffaires; ainfi on fe prépare des artifans utiles à la guerre, on économise des hommes & de l'argent. Cette obfervation générale pourroit cependant recevoir quelques modifications pour le pain c'eft ce que nous examine

:

rons dans l'article PAIN.

BOURG, gros village entouré de murailles. voyez l'article VILLAGE; c'eft-là que nous avons parlé de la manière de mettre un bourg en état de défense, de le garder, de le défendre & de l'at

saquer.

BOURRER, c'eft frapper avec le gros bout de la baguette la cartouche qu'on a mife dans le fufil. Pourquoi n'y a-t-il ordinairement que le coup du camp qui faffe un grand effet? C'eft parce que tous les autres font chargés avec trop de précipitation. Comme il eft bien difficile, comme il eft prefque impoffible qu'on faffe aujourd'hui d'autre faute en chargeant, que de bourTer trop ou trop peu, on parviendroit à rendre tous les coups femblables au coup du camp, fi l'on enfeignoit en temps de paix aux foldats à bien bourrer, & fi on leur en faifoit contracter Phabitude.

BRACELET, (récompense militaire.) Les bracelets, qui font uniquement deftinés aujourd'hui à fervir de parure aux femmes, furent mis par les Romains au rang des récompenfes militaires.

M. le Beau a configné, dans la pag. 207 du Art. Milit. Suppl. Tome IV.

tom. XXXV des mémoires de l'académie des infcriptions, un fait qui nous paroît mériter d'être tranferit ici: il prouve que les Romairs donnoient à leurs guerriers des bracelets comme une récompenfe militaire, & que ce n'étoit pas la valeur intrinsèque de la récompense qui la rendoit précieufe aux yeux des Légionnaires, mais la main qui la leur diftribuoit.

Labiénus ayant donné des bracelets d'or à un foldat qui s'étoit diftingué, Scipion, fon général, lui dit : « Vous voilà récompenfé par un homme » riche ». A ces mots le cavalier jetant aux pieds de fon général le préfent que Labienus lui avoit fait, refta immobile, les yeux baiffés & le vifage abattu de trifteffe; mais il reprit fa gaîté, lorfqu'il entendit Scipion lui dire à haute voix: relevez ces bracelets, c'eft votre général qui vous les donne. Le général étoit l'organe de la République,

Les bracelets ne pouvant guères, à caufe de la forme de nos habits, devenir une récompenfe militaire françoife, nous ne propoferons pas d'en faire ufage pour cet objet; mais nous obferverons que les récompenfes accordées par la loi font chez les François, comme elles l'étoient chez les Romains, les feules qui flattent leur amourpropre.

BRANCARD, forte de voiture fur laquelle on tranfporte un malade tout couché. Cette voiture eft portée par des chevaux, des mulets, ou des hommes.

Il y a toujours dans les boyaux de la tranchée des brancards deftinés à emporter les bleffés ; les hommes préposés à cet objet doivent fe creufer de petites logettes dans le talus de la tranchée, qui eft du côté de la place.

Comme on a cherché à perfectionner les brancards destinés, dans la marine, à transporter jufqu'au pofte des chirurgiens, les hommes bleffés fur le pont d'un vaiffeau, on devroit de même chercher à donner de la perfection à ceux qui font deftinés à transporter les malades ou les bleffés de l'armée de terre d'un hôpital à l'autre, de la tranchée ou du champ de bataille à l'ambulance..

Il devroit y avoir dans chaque régiment un brancard deftiné à tranfporter les foldats malades de leur quartier jufqu'à l'hôpital.

BRAVOURE. Il n'eft pas poffible de confondre aujourd'hui, grâce au travail fait fur nos fynonymes, les mots courage, intrépidité, avec le mot bravoure; mais il eft encore infiniment aifé de confondre la bravoure avec la valeur, ou pour mieux dire, il eft bien difficile de fe former une idée nette de la vraie fignification de chacun de ces deux mots. L'académie françoife a dit, il eft vrai, article BRAVOURE, brayoure, valeur éclatante; mais comme elle a dig

M

auffi, article VALEUR, valeur, bravoure, vaillance vertu qui confifle à s'expofer courageusement à tous les périls de la guerre ; l'homme qui cherche à s'inftruire refte donc, après avoir lu ces articles, dans l'incertitude où il étoit plongé avant de commencer fes recherches: fi, pour en fortir, il confulte le dictionnaire de littérature qui fait partie de cette Encyclopédie, il y eft replongé plus profondément que jamais, car la valeur eft mife dans cet ouvrage bien au-deffous de la bravoure. En attendant le moment où les législateurs de la langue françoife auront levé nos doutes à cet égard, nous demanderons fi l'on ne peut pas dire que la bravoure eft à la valeur comme la poltronnerie eft à la lâcheté un nouveau danger rend le poltron lâche; de même des paffions ardentes, de grandes récompenfes, de vives harangues rendent le brave valeureux. On ne peut donc que relever la bravoure abattue, la fortifier, l'augmenter, voyez ENCOURAGEK; mais on peut faire naître la valeur il faut par conféquent que tous les gens de guerre foient braves.

d'en

La bravoure n'ayant rien d'éclatant, Braînant, ne fuffit pas à l'officier, il lui faut de la valeur. La valeur a encore cet avantage fur la bravoure, c'est qu'elle tient au moral, au courage.

Nous demanderons avant de terminer cet article, s'il n'y a pas une différence réelle entre l'homme brave & l'homme qui a de la bravoure ; l'homme brave peut, ce me femble, être comparé à l'homme totalement adonné au vin, & que nous nommons ivrogne, tandis que celui qui n'a que de la bravoure peut être comparé à P'homme qui n'eft que très-rarement furpris par le vin. Si l'on adoptoit cette différence, le mot brave défigneroit un homme conftamment difpofé à braver les périls de la guerre, tandis que celui à qui on n'accorderoit que de la bravoure n'y feroit difpofé qu'accidentellement.

BRETELLES DE FUSIL, (punition militaire.) L'ordonnance du 1er juillet 1786, met les bretelles de fufil au nombre des punitions militaires : cette punition eft regardée comme infamante; elle eft infligée à celui qui eft convaincu d'avoir été le chef d'un complot de déferter, quoique ce complot n'ait point été exécuté. Celui qui a été paffe par les bretelles eft chaffé avec une cartouche jaune.

Nous n'entrerons point dans des détails fur la manière de paffer par les bretelles; les raifons de ce filence font motivées article Baguette. Mais nous demanderons pourquoi on a rendu les bretelles infamantes, tandis que les baguettes ne le font point. Si l'une des deux punitions pouvoit ne point être infamante c'étoit certaine ment les bretelles; elles font une portion de l'équipement du foldat: il paroît d'ailleurs que

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le mal caufé par les baguettes doit être plus grand que celui qui eft caufé par les bretelles.

terme

BRETTEURS. L'auteur de l'article bretteurs dans le dictionnaire militaire portatif, dit, «quoique ce ne foit pas militaire, & qu'il paroiffe ne devoir pas avoir rang dans ce dictionnaire, cependant je l'y place pour dire que les bretteurs, qui étoient plus en vogue autrefois qu'ils ne le font à préfent, font regardés aujourd'hui comme la lie & le déshonneur des troupes, & toujours les premiers à lâcher le pied dans les occafions ». Voyez notre article DUEL, Tom. II, pag. 222.

BREVETS. Parmi les changemens heureux, opé rés d'après les avis du confeil de la guerre, on doit placer au rang des heureux ceux que les brevets militaires ont éprouvés. On en a changé le protocole & la forme.

Le changement dans la forme des brevets eft heureux en ce qu'il offre, au premier coup d'oeil, la date à laquelle l'officier a joint fon corps; l'époque à laquelle il a été reçu les campagnes qu'il a faites dans chaque grade; les bleffures qu'il a reçues; les actions auxquelles il a aflifté; les grâces pécuniaires qu'il a obtenues," & les motifs qui les lui ont values; la date de fon admiffion aux ordres de chevalerie militaire ; en un mot, toutes les récompenfes qu'il a obtenues, & toutes les actions distinguées qu'il a faites.

Le changement dans le ftyle des brevets eft heureux ils font rédigés en langage moderne : ce langage eft un peu trop fec, à la vérité, mais, comme on ne vouloit être que laconique, il a bien fallu fupprimer tout ce qui pouvoit flatter l'amour propre. Les changemens que le temps a produits dans notre conftitution en produira aufli fans doute dans le ftyle des brevets; on jugera fans doute à propos aujourd'hui de faire ufage de la louange; elle est un fi puiffant motif d'émulation!

Les officiers françois ont vu avec peine l'ar ticle de la loi relative aux brevets, qui les forçoit de les laiffer entre les mains des chefs de leur régiment: ils ont cru reconnoître dans cette difpofition une efpèce de chaîne: fi le rédacteur a dit ce qu'il a voulu dire, ils ont eu raison. Pour qu'on remette fon brevet à un officier, il faut qu'il meure, ou qu'il paffe à un grade fupérieur, ou qu'il obtienne fa retraite s'il vouloit quitter fans retraite, pourquoi ne lui donneroit-on pas fon brevet. Mais à quoi bon s'appefantir fur de pareils objets : l'efprit qui dirigea l'ordonnance du 17 mars 1788 n'exiftant plus, toutes les difpofitions abufives qu'il a enfantées difparoitront bientôt fans doute. Une nation ne peut concevoir, & moins encore exécuter le projet d'ayilir fes défenfeurs, & de

les priver de leurs emplois, lorfqu'ils n'ont point été légalement jugés indignes de les remplir.

BRIGANDINE. On fe fervoit fous Louis XI, da mot brigandine, pour défigner une espèce particulière d'arme défenfive. La brigandine étoit une armure faite de lames de fer, pofces les unes fur les autres, & appliquées fur de petits matelas. Les brigandines recevoient divers noms fuivant les endroits où elles étoient appliquées. La plupart des Bourguignons portoient des brigandines lors de la guerre du bien public. Les brigandines étoient plus ou moins fortes & pefantes fuivant l'épaiffeur des plaques de fer dont elles étoient compofées, & des petits matelas fur lefquels elles étoient appliquées. Les petits matelas des princes & des grands feigneurs étoient faits en fatin.

BRONZER. Bronzer le canon d'un fufil, c'est lui faire prendre, au moyen d'une opération bien fimple, une couleur d'eau.

Nous ne parlerons point ici de la manière dont cette opération s'exécute, elle eft infiniment aifée, elle est d'ailleurs décrite dans le dictionnaire des arts & métiers, article ARQUEBUSIER.

On bronzoit jadis tous les canons des fufils de uition pourquoi ne les bronze-t-on plus? C'eft, je penfe, à des erreurs qu'on doit attribuer ce changement: un militaire aura lu dans Plutarque que Philopamen recommandoit à fes foldats de tenir leurs armes très-p -propres, trèsbrillantes, parce que, difoit ce grand homme Féclat & le brillant des armes en impofent à l'ennemi, & contribuent ainfi à diminuer fa fermeté; & de là ce militaire aura conclu que nous devons donner aux canons de nos fufils un poli miroité un autre aura lu dans l'histoire que Scipion occupoit de cinq en cinq jours fes foldats à fourbir & à éclaircir leurs boucliers leurs dards, leurs javelots, & il aura imaginé que nous devons de même , pour bannir l'oisiveté de l'armée, éclaircir tous les cinq jours nos fufils, nos moufquets, nos carabines. Si ces militaires avoient fait attention à la différence immenfe qui existe entre nos armes & celles des Grecs & des Romains, ils ne feroient certainement point tombés dans cette erreur; c'eft ainfi qu'un paffage de quelque auteur ancien ou moderne que l'on tronque, que l'on applique mal, ou qu'on n'entend point, caufe fouvent des maux encore plus funeftes que celui-ci & plus difficiles à réparer. On a dit encore pour autorifer le poli miroité, qu'il eft dangereux de confier aux foldats le foin de bronzer leur fufil, parce qu'ils en brûlent quelques-uns; cela peut être; mais je demanderai s'il ne vaut pas mieux s'expofer à voir quelques fufils mis hors de fervice par l'opération du bronzer, que l'armement entier des troupes détruit, dans un petit nombre d'années, par la potée, l'émeri,

ne

le bruniffoir, la baguette, &c. Je demanderai encore s'il eft quelque raifon qui nous empêche de confier aux armuriers que nous avons da is nos régimens, la direction de la chaude, ou coup de feu qu'il faut donner au canon pour le bronzer, laiffant feulement au foldat le foin de le frotter avec la pierre fanguine. Au moyen des précautions que j'indique, nos fufils ne feroient jamais ni endommagés par le feu, ni confumés par la rouille, ni affoiblis par des frottemens violens & fouvent réitérés : nos foldats verroient plus une partie de leur paye absorbée par les ingrédiens qu'ils font obligés d'acheter pour entretenir leurs armes; ils ne craindroient plus autant la pluie, les brouillards &c. Ils auroient enfin du temps à donner aux objets effentiels auxquels on pourroit, on devroit même les occuper. Cet article étoit fini quand un excellent ouvrage de M. Mauvillon (effai fur l'influence de la poudre à canon dans l'art de la guerre moderne) m'eft parvenu. Cet écrivain veut prouver que nous aurions tort de bronzer le canon de nos fufils. Ses réflexions font trèsfages, mais font-elles faites pour convaincre ? Nous allons, en tranfcrivant l'opinion de M. Mauvillon, mettre le lecteur à portée de décider cette queftion, plus importante qu'on n'eft d'abord tenté de le croire.

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« J'ai lu quelque part, fans pouvoir me rappeler où, que l'on feroit bien de brunir les fufils de l'infanterie, les raifons alléguées en faveur de ce fentiment font frappantes. D'abord l'ufage de polir les armes comme un miroir les rend minces, & fujettes à crever, ce qui ne peut que caufer de fâcheux inconvéniens. Enfuite des troupes, foit en marche, foit en embuscade, font bien plus aifément découvertes, & de très-loin, au moyen de ces armes brillantes, que fi elles étoient brunies; & ce n'eft pas tout de décéler les troupes, elles découvrent la direction de leur marche, elles fourniffent des lumières fur leur nombre, fur leur position, enfin fur une infinité de chofes qu'il convient communément de cacher à l'ennemi. Tout cela ne fauroit fe contefter. Mais obfervons d'un autre côté que la rouille eft le plus grand ennemi des armes à feu, & les fait crever bien plutôt & plus sûrement que le frottement; que la malpropreté dans leur entretien, à laquelle la pareffe ne pouffe que trop le foldat, dès qu'on lui ouvre les moindres moyens de s'y livrer, fait bien vite naître cette rouille; que la moindre tache frappe l'œil fur des armes polies, au lieu qu'il en échapperoit beaucoup à une recherche même exacte fur des armes brunies; ce n'est pas tout tous les peuples du monde ont toujours attaché un point d'honneur à leur propreté, & à l'éclat brillant qu'elles jetoient au loin, par le poli qu'ils leur donnoient; ils y ont même mis une certaine confiance par l'idée de

l'impreffion que cet éclat devroit faire fur l'efprit des ennemis. Qui fait, il feroit peut-être bien plus dangereux qu'on ne penfe, d'arracher à la multitude une idée fi profondément enracinée ».

BROUETTE. Il y a deux efpèces de brouettes dont les militaires fe fervent; des brouettes ordinaires à une feule roue, & des brouettes à quatre roues. Les premières font connues de tout le monde; elles fervent à transporter les terres qu'il faut remuer pour conftruire les ouvrages de fortification les fecondes feront décrites dans le dictionnaire de l'artillerie, parce qu'elles font néceffaires au travail des mines.

BROUETTE, (punition militaire.) On a fait de l'action de pouffer la brouette une punition militaire; cette punition eft faite pour être adoptée; elle punit visiblement & utilement pour l'état. Voyez TRAVAUX PUBLICS & PIONNIERS.

BROUILLARD. Le nombre affez confidérable d'événemens militaires importans, auxquels des brouillards épais ont donné lieu, nous ont déterminé à placer ici ce mot, quoiqu'il n'appartienne point réellement au vocabulaire de l'art de la guerre.

On doit fe garder avec autant de foin, & marcher avec autant de précaution pendant les jours de brouillard, que pendant une nuit épaiffe; les ennemis peuvent profiter de cette vapeur qui obfcurcit l'air pour furprendre les poftes, les places & les camps; pour paffer une rivière, pour former une grande embufcade. Les brouillards font utiles aux petites armées qui en ont de grandes à combattre; ils le font encore aux troupes dont la principale force confifte dans des armes de main. Indiquons des exemples à l'appui de chacune de ces affertions.

Un brouillard épais contribua au gain de la bataille de Magnéfie : Antiochus ne pouvoit diftinguer les différentes parties de fon armée, les conduire, les faire agir à propos, parce que fes troupes occupoient un terrain très - vafte : les Romains, dont l'armée étoit raffemblée & peu nombreuse, agiffoient avec autant d'ordre que fi le jour eût été clair & ferein: les brouillards contribuèrent encore d'une autre manière aux fuccès des Romains; c'étoit avec les armes de main qu'ils combattoient, & leurs ennemis avec des armes de jet. Si les brouillards concoururent aux fuccès des Romains à Magnéfie, ils concoururent à leur défaite à Trafimène, ils favorisèrent la groffe embuscade qu'Annibal avoit dreffée. Uladillas furprit, à la faveur d'un brouillard épais, le camp des chevaliers Teutoniques. Charles XII s'approcha de même, fans être découvert, du camp des Ruffes campés fous Narva. Charles - Quint paffa l'Elbe en 1547 à l'aide d'un épais brouillard, & le duc de Savoie le Pô en 1705. Le nombre des furprifes de places, exécutées pendant un temps de brouillard, eft très

confidérable; les principales font celle de Turi par les Impériaux en 1542, & celle de VieuxBriffac par le prince Eugène. Voyez l'article SUR

PRISE.

BRUSQUER. Brufquer une place, c'est l'attaquer d'emblée, ou du moins ne point fuivre dans la manière d'en faire le fiége, les règles prefcrites pour l'attaque.

Brufquer une place digne d'un fiége en forme, c'eft une entreprife que l'épithète de folle ne caractérife que foiblement; brufquer une place médiocre, c'est une témérité, on perd beaucoup de monde, & on donne lieu à une place peu importante de fe défendre comme une bonne; brufquer une place mauvaise, c'est encore compromettre la vie de beaucoup d'hommes, pour être maître quelques heures plutôt, d'une bicoque que la plus petite tranchée, que le plus petit appareil d'un fiège enforme eût forcé de capituler & de fe rendre : comme les circonftances peuvent cependant obliger à brufquer une place, nous allons tranfcrire ici les règles de conduite que nous a donné fur cette opération l'auteur du Dictionnaire militaire por

tatif.

« Ces fortes d'entreprifes ne peuvent réuffir, que lorfque la garnifon eft très-foible; que les défenfes de la place font en mauvais état; que le front attaqué eft fort étroit; que les dehors, s'il y en a, font à foffés fecs; qu'il s'en trouve qui font commencés, & non encore achevés; que les glacis ne font pas rafés de la place; qu'il n'y a point de paliffade, ou qu'elle eft mal plantée; enfin, qu'il y a au delà du glacis quelque haie, rideau, ravin, enfoncement, maison, jardin, clos, foffés, &c., qui puiffent faciliter les travaux & les communications aux logemens du glacis.

Telles font les obfervations les plus effentielles, qui déterminent les cas où l'on peut brufquer une place.

Il y a encore d'autres circonftances dans lefquelles on peut ne point balancer; par exemple, fi entre une place & une avenue extrêmement étroite, il fe trouvoit quelque large efpace de terrain rempli de travaux de terre, qu'il s'agiroit de franchir, pour abréger un chemin également long & pénible. Cependant il faudroit ne pas négliger de bien s'établir au delà de l'avenue; car fi l'ennemi revenoit fur fes pas, il y auroit grand rifque de payer l'attaque au double.

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Après avoir donc reconnu ces défauts ou tous ou en partie, dans une place, fi l'on juge à propos de l'attaquer brufquement, on fait de grands amas d'outils & de matériaux parmi lefquels on met grand nombre de fagots d'un pied de diamètre & de quatre de hauteur, ayant chacun un bout de piquet aux deux extrémités, pour pouvoir les planter à terre facilement, & en couvrir les troupes qui auront donné, jufqu'à ce que les logemens foient faits.

On fait auffi provifion d'échelles pour paffer par deffus les fraises des ouvrages que l'on veut infulter. En même temps on règle le nombre des travailleurs, tant pour les logemens des ouvrages, & ceux du glacis, que pour la parallèle & les communications; celui des troupes, dont les unes font deftinées à attaquer le chemin couvert & les dehors, & les autres à foutenir les tra vailleurs, dont elles doivent occuper les ouvrages, dès qu'ils feront faits; & celui de la cavalerie foit pour porter des fafcines au lieu marqué pour la parallèle, foit pour se tenir fur la gauche, & fur la droite, & arrêter les forties de Pennemi.

2

Tous ces préparatifs étant faits, dès que la nuit approche, & que l'ennemi ne peut découvrir les démarches de l'affiégeant, on fait avancer les troupes, les travailleurs faifant halte de temps en temps, pour ne les pas fatiguer, jufqu'à ce qu'on foit arrivé environ à cent toifes du glacis, où l'on fait halte pour la dernière fois.

Peu après on donne le fignal par un battement de mains, ou un coup de fifflet, & chaque corps s'avance vers l'endroit qu'il doit infulter le plus vite & avec le moins de bruit qu'il peut, obfervant de tomber tout à la fois fur les angles faillans du chemin couvert, d'où on chaffe l'ennemi, qu'on pourfuit jufqu'aux angles rentrans pour ticher de le couper, & l'empêcher de rentrer dans la place.

S'il y a quelque demi-lune, ouvrage à corne ou autre dehors de fimple terre ou de gafon qu'on veuille attaquer, il faut dans le même temps y planter des échelles, & tâcher d'y entrer auffi par la gorge, pour s'en rendre maitre plutôt, & y faire fes logemens avec beaucoup de promptitude.

Cependant les ingénieurs font avancer les travailleurs chacun dans leur pofte, & leur distribuent le travail, qu'on doit faire avec beaucoup de diligence. Les troupes qui doivent les foutenir le couchent ventre à terre auprès d'eux, & celles qui ont chaffé l'ennemi fe mettent à couvert des traverfes, s'il y en a, ou fe retirent derrière la paliffade fe faifant une espèce de parapet avec des fagots.

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Elles doivent faire feu le refte de la nuit contre les défenfes de l'affiégé, pour l'empêcher d'y paroître & de tirer fur les travailleurs en quoi on a de l'avantage fur lui, parce que la lucar du eiel fait découvrir facilement le fommet des parapets, au lieu que l'ennemi tirant du haut en bas & dans l'obfcur, ne peut le faire qu'à coups perdus.

En même temps qu'on travaille aux logemens, à la parallèle & aux communications, il faut aulli faire pouffer vers la campagne un ou deux

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bouts de tranchée, pour communiquer au camp avec moins de danger. Tous ces ouvrages doivent être en état de défenfe au commencement du jour, ce qui peut fe faire aifément le front de l'attaque n'étant pas ordinairement fort large dans ces occafions, & fe trouvant toujours quelque couvert chemin creux 2 haies, &c., qui facilitent les travaux.

Dès que le jour paroît, on fait retirer les troupes dans les logemens, & la place d'armes, que l'on perfectionne le jour & la nuit fuivante, tandis qu'on amène en même temps du canon pour placer les batteries fur le chemin couvert, & achever le refte du fiège à l'ordinaire.

Ces fortes d'entreprises doivent fe faire avec beaucoup d'ordre & de diligence, & les troupes qu'on y envoye doivent être plus nombreufes que la garnifon, pour être en état de la repouffer facilement toutes les fois qu'elle s'avifera de faire des forties, fans qu'elle puiffe endommager les

travaux.

Si ce que je viens de dire fur la manière de brufquer une place, ne fuffit pas, voici ce que dit encore fur le même fujet l'auteur de l'inftruction pour la conduite des fiéges. Pour donner une idée de l'ordre qu'il voudroit qu'on obfervât dans pareille attaque, il fuppofe d'abord la place régulière, où il compte en tout fix ou fept cents hommes de pied, & cent ou cent-vingt chevaux de garnifon; il fuppofe encore que les glacis ne font point rafés du corps de la place, que la paliffade eft élevée d'environ quatre ou cinq pieds, & qu'elle eft plantée fur le fommet de fon parapet.

Les chofes étant ainsi, on enverra, dit-il, fix lieutenans, dont chacun a à fes ordres un détachement de trente hommes, avec deux fergens & fix grenadiers; on fera après marcher cinq autres détachemens, commandés par autant de capitaines qui ont chacun un lieutenant, un enfeigne & deux fergens, cinquante hommes & dix grenadiers.

Les premiers détachemens ne porteront que leurs armes, hormis quelques haches pour couper les paliffades, en cas de befoin; mais les feconds auront chacun une fafcine double, avec un piquet de la longueur de cinq pieds, pour pouvoir l'arrêter contre la paliffade.

Suivront quatre pelotons de travailleurs de cinquante hommes chacun, chargés de fafcines & d'outils, qui doivent marcher après les détachemens des capitaines, & fe retrancher dans les angles fur la place d'armes de la contrefcarpe.

Quatre pelotons de cent hommes suivront encore les détachemens des capitaines, ceux-ci porteront, outre leurs armes, chacun un fagot.

Après eux, trois gros de travailleurs de cent hommes chacun, chargés de fafcines, de piquets,

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