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vifions, pour arriver à leur place dans la ligne de bataille, traverfent l'hypothénufe ou les deux cathètes

On peut lire dans l'auteur, page 96, &c. une manière plus facile de déployer, trouvée par le capitaine pruffien Roesh.

L'auteur dit enfuite quelque chofe des points de vue ou points d'alignement, fur lefquels on fe dirige lorsqu'on fe porte en avant. On n'en a point établi, affure-t-il, durant la guerre de fept ans, dans les nombreuses batailles qui ont fignalé cette période. Rien en effet n'eft plus facile, ajoute-t-il, quand on voit l'ennemi, que de marcher à lui, de manière à ne pas lui prefenter un flanc, & à fe tenir toujours à peu près parallèle avec lui, fi d'ailleurs on attachoit une fi grande importance aux points d'alignement, il feroit donc néceffaire d'en prendre d'autres à chacun des mouvemens de l'ennemi, lefquels font fouvent très-prompts: L'auteur eft perfuadé qu'il fuffit de voir l'ennemi pour pouvoir fe mettre très-vite en pofition à peu près parallèle à lui.

Il eft donc très-praticable de fe paffer de points d'alignement, & dans les marches en ligne, l'effentiel, après avoir fuffifamment examiné l'ennemi, eft de fe régler d'après la nature du terrein & des avantages qu'il peut procurer; c'est en fuite de cela & de la polition de l'ennemi qu'on déterminera les points qu'on doit occuper, fans s'aftreindre à former une ligne dont tous les points

se touchent.

facile de tout fon corps, il faut qu'il vife & que fes coups portent.

Selon l'auteur, fi l'on devoit renoncer à faire parvenir la même infanterie à la perfection néceffaire dans ces deux manières de faire ufage du fufil, alors il feroit bon de diviser les armées en infanterie pefante et infanterie légère, de n'exercer chacune d'elles que dans ce qui lui feroit propre, & d'avoir l'infanterie légère plus nombreuse que la pefante.

la plus utile eft d'avoir une feconde ligne de caQuant à la manière de renforcer une attaque, valerie derrière une première d'infanterie; elle couvre & affure la retraite de celle-ci en cas de mauvais fuccès, & achève de jeter dans le défordre l'infanterie ennemie fi l'on parvient à la battre.

Il fuit de là qu'il ne faut avoir que deux lignes, l'une d'infanterie, l'autre de cavalerie; celle-ci pouvant feule aller rapidement au fecours de la première, larecevoir, la couvrir, la feconder, &c. tandis qu'une feconde ligne d'infanterie, obligée de fe tenir hors de la portée du canon, ne peut être regardée que comme une réserve.

Quand on eft dans le cas d'effectuer une retraite régulière, ce qu'il y a de mieux & de plus facile, eft de faire demi-tour à droite avec toute la ligne, & de marcher ainfi en rétrogradant: de cette manière on fe débarraffe plus vite du feu de l'ennemi, qu'on ne peut le faire en échiquier, & l'ordre eft plus aifé à garder; ce qui mérite d'être apprécié.

grand Frédéric; mais il remarque que ce roi n'a remporté aucune victoire d'après les règles de l'échelon. Il vainquit à Leuthen, non parce qu'il attaqua les Autrichiens par échelons, mais parce qu'il parvint à fe porter fur leur flanc. A Żorndorff, on effaya de faire exécuter cette manoeuvre à l'aile gauche, mais elle réuffit mal, et les huit bataillons détachés de l'arrière-garde n'étaient pas proprement difpofés fuivant cette forme. L'expérience n'a point encore prouvé ce que cette manière d'attaquer peut avoir d'excellent, tandis que des tacticiens ont fait voir qu'elle n'étoit pas foutenable en thèse, par la raifon que chaque échelon doit être accueilli de l'ennemi par un feu fupérieur à mesure qu'il voudra s'en approcher, fans pouvoir être foutenu par les autres échelons, qui feront ou trop près & expofés eux-mêmes, ou trop loin, & conféquemment inutiles.

Maintenant les développemens des colonnes L'auteur en vient enfuite à la plus célèbre des s'exécutent loin de l'ennemi, hors de la portée de modifications qu'on ait faite au front oblique, fon artillerie, & couverts par une forte avant-l'attaque oblique en échelons, inventée par le garde qui eft en ligne; en plaine, la cavalerie couvre ce mouvement & la marche en bataille qui le fuit. Avec ces précautions, cette opération fe termine avec fûreté, & n'exige pas une fi grande précifion de tactique qu'on le croit communément. Au refte, c'eft, felon l'auteur, l'unique opération militaire où la tactique de l'infanterie en rangs ferres foit indifpenfable: tout le refte peut s'exécuter par les tirailleu s. Ces développemens de colonnes ne demandent pas autant d'exactitude que ceux qui ont lieu pendant les combats; ainfi la troupe, bornée à cette feule manoeuvre, n'a pas befoin d'être auffi bien exercée que celle qu'on deftine aux combats d'infanterie réglée & en male. Ce dernier exercice eft ce qu'il y a de plus difficile, & ce qui exige le plus de tems dans l'inftruction des foldats. Il eft cependant indifpenfable de leur enfeigner à charger & à tirer, mais d'une manière différente que cela ne fe fait ordinairement dans la manière ufitée. Le foldat ne tire point comme un individu, mais comme partie d'un tout, comme membre d'une perfonne collective. En tirailleur, il faut qu'il fache faire ufage de fon arme comme s'il étoit feul; n'étant point gêné par fon voifin, & pouvant faire un ufage

Il feroit cependant poffible, felon l'auteur, pour tirer mieux parti de cette manœuvre, d'augmenter confidérablement les feux du premier échelon attaquant & de celui qui vient immédiatement après, en doublant leurs lignes pendant qu'on lailferoit les autres plus foibles, encore ne faudroit-il fe fervir de ce moyen que dans le cas qu'on a ca

tête un ennemi plus fort que fois car fi on a la fupériorité des forces, il faut attaquer en même tems en front & fur les deux flancs.

Après avoir ainfi parcouru les points les plus effentiels de la ftratégie et de la tactique, l'auteur paffe à la feconde partie ou aux conféquences de fon principe ftratégique, d'une bafe militaire antécédente à toute opération.

L'afcendant, dit l'auteur, que le plus grand nombre obtient fur le plus petit, eft, dans le fyftème moderne de guerre, un réfultat indifpenfable de la néceffité de ne point laiffer dépaffer fes ailes, & de l'avantage qui réfulte de dépaffer celles de l'ennemi: fi l'on a plus de monde que fon adverfaire, & qu'on fache faire l'ufage convenable de cette fupériorité, on rend nulle la bravoure & l'habileté des troupes qu'on a en tête.

Mais à infériorité de nombre, plus les vainqueurs avanceront, plus ils s'expoferont à être enveloppés & féparés de leurs magafins.

Que l'on ne dife donc point qu'avec une armée de trente mille hommes parfaitement braves & difciplinés, l'on fera quitter la campagne à un enneini trois fois plus nombreux : les plus courageux, les mieux exercés doivent céder lorfqu'on leur détache des corps qui les prennent en flanc & les écrafent de leur masse.

Ainsi, parmi les modernes, la victoire fe décide pour le nombre, & non pour le courage & la fcience en tactique; mais il faut que ce nombre foit conduit avec habileté, car dans les batailles, lorfque les fronts fe choquent, fans doute les plus exercés mettront en fuite ceux qui le font le moins.

Mais il est important d'avoir fous fa main ou de pouvoir raffembler, avant l'ennemi, une grande quantité des élémens propres à nourrir la guerre': alors, au moyen de cette maffe impofante, on écrafera fon ennemi fous ce poids, & entre deux états, le mieux pourvu en figne représentatif, mais le moins bien fourni en matières que la guerre exige, paiera incomparablement plus cher une quantité moindre de ces matières, que celui qui fe trouvera dans un cas tout-à-fait oppofé.

Mais il ne fuffit pas que ces maffes exiftent, il faut encore les organifer dans la forme la plus avantageufe. Le principe de la bafe enfeigne qu'il faut déployer les élémens qui fervent à faire la guerre, de la même manière que les combattans avant une action. Pour que ces amas de matériaux foient vraiment utiles, il faut les difpofer fur une ligne à côté les uns des autres, & non les uns derrière les autres: tel eft le principe ftratégique; mais comme ces provifions ne font en fûreté que dans des places, la ligne dont nous parlons n'exifte proprement qu'autant qu'on l'établit fur un rang de places fortes qui fe touchent.

Si les maffes étoient égales & conduites avec la même habileté, les forces qui embrafferoient

une plus longue bafe, triompheroient de celles qui leur feroient oppofées.

D'où l'auteur conclut que les petits états deviendront inceffamment la proie des grands états, & que l'Europe ne fera plus partagée bientôt qu'en quelques grands états.

Mais ces états nouveaux ne pourront pas paffer leurs bornes naturelles, parce qu'au-delà les opérations offenfives ne réuffiroient plus.

il

En effet, on concevra, d'après ce qui a été dit, que les forces militaires d'un état devant diminuer en proportion directe de la ligne d'opération dès qu'on a fait des progrès un peu confidérables, faut fe bafer de nouveau; car plus on laiffe de distance entre fa bafe & foi, plus l'angle objectif devient aigu & conféquemment mauvais, les flancs, les derrières & les fubfiftances devenant alors toujours d'autant moins affures; ce qui expose à une retraite précipitée fi l'on ne veut pas mourir de faim ou être enveloppé & anéanti.

On pourra donc facilement déformais calculer l'extenfio poffible des progrès militaires d'un état. Chaque puiffance finira en conféquence par être circonfcrite dans une certaine fphère d'activité militaire qu'elle fe gardera bien d'outre-paffer.

Plus on avance en pays ennemi & plus le nombre des combattans devient moindre, à caufe des pofts qu'il faut laiffer pour la fûreté des derrières & des flancs; mais au contraire ce nombre va s'augmentant chez l'ennemi, dans la même proportion, parce qu'en reculant il se rapproche de fa métropole, & par conféquent des fources de fa puiffance.

Il en eft de même, dans cette circonftance, des élémens matériels de la guerre; ils diminuent chez les attaquans, & deviennent plus abondans au contraire chez ceux qui fe défendent en fe retirant fur leur pays: ils auront donc, dans tous les genres, des maffes iinpofantes à produire contre l'ennemi qui s'eft éloigné de fes propres frontières, de manière à ce qu'elles ne peuvent plus lui être d'aucun fecours. Il fuit de là que l'attaqué doit immanquablement repouffer fon adverfaire jufque dans la bafe, quand même ce dernier feroit beaucoup plus fort que l'autre, en comparant les deux états fous tous leurs rapports.

Mais ce n'eft pas feulement la longueur des lignes d'opération qui affoiblit les opérations offenfives: la nature de l'efpace à travers lequel elles s'étendent, y contribue puiffamment. Si les lignes d'opération paffent par des montagnes, elles doivent, relativement au tems, être confidérées comme d'autant plus longues, que ces montagnes ont plus de tortuofités. Les chemins des montagnes font ordinairement très-étroits ; ils ne font pas praticables dans toutes les faifons on perd donc toute communication avec les fources de fa puiffance; fi cette fituation fe prolonge, elle devient extrêmement dangereufe; car l'ennemi, étant à même de fe renforcer continuellement

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pas difficile de franchir une rivière; mais il eft très-difficile de fe maintenir à l'autre bord fi l'on éprouve la résistance convenable.

Cependant il ne faut pas compter entiérement fur les barrières naturelles ; il eft encore effentiel de les fortifier par l'art.

De l'afcendant que le fyftème de guerre moderne donne au grand nombre fur la valeur & la bonté intrinfèque des combattans, l'auteur conclud que l'avantage eft aujourd'hui du côté de la juftice & de la liberté, c'est-à-dire, que cet ordre de chofe favorife la guerre défenfive, & l'infurrection des citoyens d'un état (en cas d'oppref fion) contre une armée réglée & difciplinée.

Enfin, du danger pour un gouvernement d'opérer au-delà des frontières que la Nature lui a prefcrites, l'auteur pense qu'il doit s'enfuivre une paix perpétuelle.

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L'intéreffant Montaigne, en parlant des vertus de Céfar, dit « qu'il était finguliérement fobre, & fi peu delicat en fon manger, qu'Oppius récite qu'un jour lui ayant été présenté à table, en quelqe fauce, de l'huile médecinée au lieu d'huile fimple, il en mangea largement pour ne faire honte à fon hôte. Une autre fois il fit foueter fon boulanger pour lui avoir fervi d'autre pain que celui du commun.

On fe rappelle de la manière de vivre de ce conful Fabricius, que les ambatfadeurs de Pyrrhus trouvèrent mangeant des légumes dans des uftenfiles de bois.

En général, les grands capitaines dûrent être fobres & tempérans; car rien n'eft plus difficile plus difpendieux & de plus mauvais exemple que la bonne chère dans les armées.

C'eft le luxe des tables qui occafionne la multitude des équipages, les requifitions outrées, les contributions, les vols, les pillages, les vexations chez l'ennemi, la débauche, l'oubli de fes devoirs, le mépris de la difcipline, &c.

Quelle révolution s'eft faite à cet égard dans nos armées, depuis environ un fiècle ! Turenne, en campagne, mangeait des viandes communes dans des affiètes de fer aujourd'hui la table du moindre officier-général eft fervie & décorée fur un champ de bataille, avec la délicateffe & la magnificence d'un feftin. Le grand-homme que nous venons de nommer, tous les officiers-généraux de fon tems, Louis XIV lui-même, dans fes premières campagnes, alloient au rendez-vous de l'armée à cheval, & maintenant l'officier particulier, l'officier fubalterne ne veut plus voyager qu'en voi

ture.

Ne diffimulons point que c'eft pendant le règne même de Louis XIV qu'a commencé cette corruption. Le marquis d'Humières, qui, à la tranchée devant Arras, donna l'exemple fcandaleux de fe faire fervir des ragoûts & des entremets dans de la vaiffelle plate, eût dû être caffé fur le champ & renvoyé de l'armée avec ignominie.

Louis XIV et Louvois font inexcufables d'avoir Art Milit. Suppl. Tome IV.

fouffert l'introduction du luxe & de la moleffe dans nos armées. Comment ne prévirent-ils pas les effets pernicieux de ce poifon? Comment ce Louvois, qui fit tant de lois militaires, n'en portat-il point pour arrêter un défordre fi fatal? Il mérite bien plus de blâme pour cette grande faute, qu'on ne lui doit de reconnoiffance pour les fuccès paffagers qu'on lui attribue.

Aujourd'hui le mal eft d'autant plus difficile à guérir, qu'il eft porté à l'extrême; & cependant tout eft perdu fi la fageffe & la fermeté du gouvernement ne rétabliffent la fimplicité des mœurs militaires dans nos armées, & furtout dans la claffe des officiers-généraux.

Le réglement provifoire de 1778, fur le fervice de campagne, au milieu d'une infinité de fages difpofitions, en contient plufieurs relatives à l'objet dont il s'agit, objet bien digne fans doute de fixer l'attention du législateur. Mais qu'il nous foit. permis d'obferver que ce réglement, beaucoup trop indulgent pour les vices du fiècle & de la nation, laiffe encore un champ bien vafte au luxe de nos armées. Comparez ces lois (omptuaires à celles des armées de Pruffe, vous y trouverez une difference frappante; & cependant ce luxe modique des officiers pruffiens paroîtra prodigieux auprès de la fimplicité févère des généraux de la Grèce & de Rome, dans le tems même que ces contrées étoient au comble de la richeffe & de l'opulence. Des citoyens romains, auffi riches que des rois, fe foumettoient, dans les camps, à la vie auftère & fobre du fimple foldat; logeoient, comme lui, fous la tente, fe nourriffoient des mêmes alimens, marchoient à pied à la tête des légions. Ainfi, tandis que le luxe fatiguoit déjà les villes, la frugalité régnoit encore dans les armées. Et voilà ce qui fauva l'Empire romain; voilà ce qui prolongea fa gloire militaire bien avant dans les fiècles de la

corruption.

Un abus introduit dans les armées modernes par la loi même, eft cette infenfée progreffion de luxe qui va toujours s'elevant avec le grade, & doublant prefque dans chaque grade fupérieur, comme s'il y avoit une echelle progreffive de befoin en même proportion; comme fi un homme pouvoit en avoir cert fois plus qu'un autre homme; comme fi, au-delà d'un certain terme pour les gens, même délicatement élevés, tout le refte n'étoit pas frivole oftentation, & comme s'il étoit bien néceffaire de tranfporter dans les camps ce

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falte que la vanité opulente étale dans le fein des villes.

Sans exiger des hommes de nos jours des vertus au deffus de leur foibleffe, & prenant nos moeurs pour ce qu'elles font, nous difons qu'il n'y a pas une feule raifon folide pour qu'un officier-généra! tienne tous les jours à l'armée une table de vingt couverts, qu'il traîne à fa fuite plufieurs carroffes, trente ou quarante chevaux, avec prefqu'autant de valets. Si l'on fe repréfente cette foule d'officiers-généraux qui peuplent nos armées, quel total effrayant! quelle immenfité d'embarras quelle énormité de confommation! Et voilà ce qui fait que les armées françaises ont tant de peine à fubfifter, qu'elles dévorent un pays avec la rapidité d'un incendie: voilà ce qui leur rend néceffaire ce nombre infini de magafins & de convois fi ruineux, ces pofitions fi étendues & fi difficiles à garder: voilà ce qui les oblige à cette difperfion de leurs forces; enfin, voilà ce qui à chaque guerre nous entraîne dans de fi grandes dépenfes, & fouvent dans de fi grands malheurs.

verts feulement, fans deffert; à un lieutenant-général, huit couverts & fix plats, fans deffert ; à un major-général, fix couverts & cinq plats, fans deffert. Il y a loin fans doute de cette fobriété aux feftins donnés par nos officiers-généraux. A l'égard de cette attention du roi de Prufle à fupprimer tout deffert, elle est fondée apparemment fur ce que ce fervice de pur agrément prolonge inutilement le repas, & peut même devenir une occafion d'intempérance. Peut-être ce prince se fouvenoit-il qu'un de ses prédéceffeurs, moins vigilant que lui, fut furpris à table avec tous les généraux de l'Empire, par le maréchal de Turenne, qui, dans cette occafion, avec vingt mille Français, battit, prit ou diffipa foixante-dix mille Impériaux.

Il y auroit auffi des réductions à faire fur les équipages des régimens, lorfque, fans aucune condefcendance pour la vanité & la moleffe, on reduira l'équipage de chaque officier au néceffaire véritable, & même à la décence que, fuivant nos préjugés frivoles, chaque grade peut exiger: on pourra fe permettre des diminutions confidérables dans les équipages.

Sans doute un général doit recevoir à fa table officiers que leur devoir appelle auprès de lui; mais c'eft là où, bien mieux que chez l'avare, il faut manger pour vivre, & non pas vivre pour manger; c'est là où il faut fe borner à des mets groffiers & au pur nécessaire.

Et d'ailleurs, fe peut-il que le foin de tenir tous les jours une table fplendide, de furveiller une maifon nombreufe! que les attentions & les diftractions diverses, fuite inévitable d'un train files prodigieux, n'enlèvent beaucoup d'inftans à l'application que des hommes fur qui roule le falut de l'état, doivent donner à de fi grands objets! On auroit beau dire qu'ils fe repofent de ces foins particuliers fur des hommes de confiance. On fait aflez, d'après l'expérience, qu'ils en font leur principale & prefque leur feule occupation, & on doit peu s'en étonner. Ils feroient ruinés après quelques campagnes s'ils agiffoient autrement; & beaucoup, malgré leur vigilance économique, feroient écrasés après deux ou trois années de guerre, à moins qu'ils ne fe dédommageaffent de leurs depenfes exceffives fur le pays ennemi, & ne fe permiffent ce qu'ils devroient punir dans les autres.

Le réglement provifoire n'affigne point de bornes au luxe du général en chef: on en a vu plufieurs entretenir journellement un table de cent & deux cents couverts. A combien d'égards cet excès de magnificence n'eft-il pas funefte! Sans parler de l'appareil épouvantable de cuifine, de provifions, de chevaux, de valets qu'exige un tel état, & de la furcharge qui en réfulte pour l'armée, quel chaos! quel tumulte dans le logis du général! Et s'il a la tête affez forte pour qu'un pareil tourbillon lui laiffe toute la liberté de fes pensées, affez de fageffe pour ne point donner à une vaine représentation aucun des inftans que réclament les deftinées de l'état, dépofées dans fes mains, en fera-t-il de même de tous fes alentours, qui influent, plus peut-être qu'on ne penfe, fur les grands événemens ?

L'ordonnance de campagne du roi de Pruffe permet à un feld-maréchal une table de dix cou

Si l'on en croit tout ce que l'on raconte de la trop grande partie des généraux français, dans les dernières années de la guerre de la liberté, ils ont fait détefter la nation par les tables qu'ils ont tenues partout aux dépens des ennemis chez lefquels ils fe trouvoient, & par le luxe, la profufion & le gafpillage qu'ils fe font permis bien qu'ils auroient dû protéger au lieu d'enexiger la diffipation.

Dans d'autres tems, on voyoit prefque tous les officiers-généraux & particuliers fe ruiner ou s'endetter à la guerre. Dans celle que l'on vient de faire, prefque tous les employés, les commiffaires des guerres, les officiers-généraux & plufieurs officiers particuliers fe font en ichis au point que, rentrés en France, eux feuls achètent impunément les plus belles terres de la République, & ofent étaler dans la capitale & dans les villes où ils fe trouvent, un luxe bien affligeant pour les malheureux rentiers dont ils ont acheté les terres, bien contraire aux mœurs d'un républi cain, & qui prouve trop évidemment la manière fcandaleufe dont ils ont abufé des places qu'ils occupoient, & de la force dont on leur avoit fi mal à propos confié la direction & l'emploi.

TACTIQUE. La tactique eft la fcience des ordres & des manoeuvres générales dans les dif férentes pofitions qui fe préfentent à la guerre. Elle eft auffi furtout la fcience des mouvemens qui fe

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