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nous différons entiérement d'opinion avec meffieurs les officiers du génie : voyons d'abord ce qu'ils difent à ce fujet.

« Nous ne concevons pas comment le général Montalembert peut fuppofer que le canon du » revêtement cafematé empêcheroit la conftruc» tion de la batterie de brèche de quatre pièces: "il fuffit de fe rappeler que le canon le plus élevé » du revêtement étant inférieur de neuf pieds du » rempart du couvre - face, & à vingt toiles au plus de distance, tout boulet qui ne paffera pas >> au-deffus de cette batterie, s'enterrera dans le » talus du rempart, fans faire à la batterie plus » de tort que n'en fouffre la butte d'une école » d'artillerie, que le canon bat pendant tant d'an» nées fans la détruire. Ce fait d'expérience eft » d'incontestable notoriété, & rend également » impoffible à l'artillerie des flancs cafematés quand même elle feroit toute en action, d'empêcher la conftruction de la batterie de brèche de neuf pieds, dont il a été parlé ci-dessus. Difons d'abord que chaque année on répare foigneufement la butte de l'école d'artillerie, & qu'à laide d'un travail confidérable on refait la partie que le canon a détruite pendant la campagne. Ce fait d'expérience eft d'incontestable notoriété.

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Difons enfuite que nous ne concevons pas à notre tour comment on peut fuppofer que le canon du revêtement cafematé, qui fera au plus à vingt toifes de diftance, tirera toujours au deffus ou au deffous de la batterie de brèche de quatre pièces, fans jamais tirer fur cette batterie; il faudroit pour cela qu'il y eût une retraite confidérable entre la contr'efcarpe & la batterie, & alors cette batterie ne verroit plus le pied du revêtement cafematé, et ne pourroit plus le battre en brèche. D'ailleurs, comment fuppofer que, d'un point quelconque, on verra un autre point, fans accorder auffi que de cet autre point on verra ce point quelconque ! Le canon du revêtement cafemate pourroit donc fort bien empêcher la conftruction de la batterie de brèche de quatre pièces; & parce qu'il eft inférieur de neuf pieds du rempart de couvre-face, il n'en hachera pas moins les fauciffons des embrâfures; il ne les déchiquetera que plus facilement; il ne fera pas moins ébouler dans le foffé les terres de la batterie, ce n'en fera pas moins toujours un combat d'artillerie de cinquante-quatre pièces contre quatre.

Mais pourquoi le borner à des tufils & à des canons? Ces batteries de brèche, placées à vingt toiles du revêtement cafe maté, ne pourrions-nous pas les battre avec des obufters? Nous avons l'expérience qu'un obufier de buit pouces, dont la capacité eft remplie de poudre, tiré à chambre pleine à quarante toifes de diftance, dans une terre forte & non remuée, y produit, en éclatant, une excavation de douze pieds cubes de terre: d'où nous conclurons qu'à la même distance, & tiré dans une terre fraîchement remuée, il y proArt Milit. Suppl. Tom. IV,

fduira une excavation de vingt- un à vingt-deux pieds cubes. Chaque obus, tiré contre ces batteries, y fera donc l'effet d'une véritable fougaffe: un feul, logé dans un merlon & près d'une embrâfure, en éclatant, fuffiroit pour en renverfer toute une joue; tous jetteroient hors de l'entonoir la plus grande partie des terres remuées, qui s'ébouleroient dans le foffé. Nous ne parlons pas des dégâts que cauferoient les nombreux éclats de ces obus; mais nous demandons à meflieurs les officiers du génie, s'il exifte quelque moyen de conftruire des batteries au milieu des fougaffes qu'on place pour ainfi dire à volonte, & qui fe renouvellent fans ceffe.

La conftruction de ces batteries eft donc démontrée impoffible: il n'y aura donc pas de brèche faite au corps de la place; elle ne fera donc point prise.

C'est donc fans prefomption que l'on peut dire, 1o. que les méthodes du général Montalembert font préférables aux méthodes en ufage; 2°. qu'elles procurent à la défense une véritable fuperiorité fur l'attaque ; 3°. que cette fupériorité eft telle qu'on ne peut raifonnablement efperer de prendre une place conftruite d'après ces méthodes; 4. que la fortifica.ion de Louisville eft en effet la veritable fortification, celle qui fupplée au nombre, à la qualité des troup.s & même au génie des commandans.

C'eft d'après les limites que vient de fe donner la France, c'eft d'après le defir fi nature! que l'on doit avoir de n'entretenir fur pied que le moins de troupes poffible; c'eft avec des frontières qui, bien fortifiées, nous mettroient entiérement en fûreté; c'eft avec une milice nationale très-nombreufe, qu'il devient plus important que jamais d'avoir des places qui puiffent rendre une médiocre quantité de foldats égale en force à une puiffante armée, & dans lefquelles furtout on puiffe fe fervir de troupes qui ne feroient ni formees ni aguerries. Or, la fortification de Louisville, propofée par le général Montalembert, réunit ces cond tions effentielles.

Cette fortification fe prêce autant, & plus que toute autre, à toute action de vigueur que voudroit tenter une nombreufe & brave garnifon; mais nous avons précedemment démontré que ces actions ne font pas néceffaires à la défenfe, & que fa force abfolue fuffit pour en affurer les fuccès.

Ici les fiéges ne font plus une fuite de batailles dans lefquelles il feroit impoffible qu'une médiocre quantité de foldats fût égale en force à une puiffante armée. La fortification de Louifville fupplée au nombre des troupes.

On a vu pareillement que l'affiégé pouvoit toujours, & dans tous les cas, empêcher l'établiffement des feux de l'affiégeant: or a vu que, même en fuppofant ces feux établis, l'affiégé auroit encore l'avantage d'en avoir de plus nombreux & d'étre mieux couvert: d'où il fuit que des troupes encore peu formées pourroient aifément y V v v v v

tenir tête à l'armée la plus aguerrie. La fortification de Louisville fupplée à la qualité des troupes..

» 1°. Nous difons qu'un flanc destiné à la dé » fenfe d'uu ouvrage eft meilleur qu'un autre, lorfqu'il a plus d'étendue, c'est-à-dire, qu'un » flanc de foixante à cent vingt toifes de longueur » est plus avantageux qu'un flanc de vingt-sept à

כן

>> trente.

» 2o. Qu'un flanc couvert que la bombe ne » peut detruire, vaut mieux qu'un flanc décou

» vert.

Enfin M. de Vauban lui-même nous apprend que celles des places actuelles, qui font fortifiées avec le plus de foin, ne font guère plus de défenfe que les médiocres, à moins qu'elles ne foient défendues par des officiers dont la capacité dans la fortification & le fervice de l'infanterie ne foit entièrement connue Le fuccès de la défense d'une telle place dépend donc d'un bon ou d'un mauvais choix. On a pu remarquer au contraire que, pour defendre la nouvelle fortification, il fuffifoit que le commandant fit ufage des moyens qui lui ont été préparés, fans être obligé de rien changer à leur difpofition. La fortification de Louisville fupplée» au génie des commandans.

Il nous refte encore à dire deux mots fur la dépenfe. Les auteurs du Mémoire difent, avec beaucoup de raison: « Il n'y a de véritable économie dans les arts, que celles qui font évidemment utiles. » Nous adoptons entiérement ce principe, qui nous paroît inconteftable; ainfi, en accordant que la dépenfe du nouveau fyftème feroit double de la dépense de l'ancien, comme le fuppofent meffieurs du génie contre les calculs trèsdifférens du général Montalembert, la question fe réduiroit à favoir s'il eft plus avantageux de fortifier pour un prix quelconque une place, de manière à ce qu'elle foit prife en trente ou quarante jours, où de la fortifier pour un prix double, de manière à ce qu'elle foit réellement imprenable.

Avoir propofé un mode de fortification qui rend la défenfe fupérieure à l'attaque, qui fait qu'une place fupplée au nombre des troupes, à leur qualité & au génie des commandans, c'eft avoir propofé la feule fortification que l'on doive mettre en ufage. Comment fe fait-il cependant qu'à peine elle foit connue parmi nous? Ecoutons, en finiffant, ce que dit le général Montalembert à ce fujet.

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Lorfque des préjugés ont paffé pour des vé»rités pendant une longue fuite d'années, ceux qui perfiftent dans l'ancienne opinion, en fe re» fufant à des preuves convaincantes, méritent quelque forte d'indulgence: il n'eft pas donné » à tout le monde de voir d'abord autrement que » par les yeux de l'habitude; il faut du tems pour fe familiarifer avec de nouvelles idées. D'ailleurs, on craint d'être éclairé pour n'avoir pas » à convenir qu'on a paffé fa vie dans l'erreur. » Alors on fe refufe à l'évidence même. On cherche à retarder, autant qu'il eft possible, un mo»ment qu'on regarde comme humiliant; cepen»dant il eft des vérités qu'il eft encore plus » humiliant de ne pas fentir, & celles qui font » la bafe de nos fyflèmes de fortification, nous paroiffent être de cette nature, puifqu'ils ne font fondés que fur des axiômes inconteftables & qui fe réduifent à un petit nombre.

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» 3°. Qu'une batterie découverte, de quatre à

cinq pièces de canon, ne pourra détruire une' » batterie couverte du double de pièces; mais qu'au contraire cette dernière batterie détruira » la première, & qu'elle la détruira d'autant plus tôt, que fa conftruction fera plus folide & que » fa fupériorité en canon fera plus grande.

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» 4°. Que le moyen le plus certain de confer»ver dans leur entier les remparts d'une place » de guerre, eft de détruire l'artillerie destinée » à les renverfer. Il n'eft point de murailles plus » fortes que celles contre lesquelles on ne peut » tirer.

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5. La difpofition la plus avantageufe à l'ar»tillerie de l'affiégé contre celle de l'affiégeant, » eft donc le plus grand avantage qu'on puiffe » donner aux remparts d'une place de guerre.

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» De ce petit nombre de vérités auxquelles il eft impoffible de rien oppofer, il réfufte qu'un fyftème de fortification fera meilleur qu'un » autre, lorfque fes flancs auront plus d'étendue, lorfque fon artillerie fera toujours couverte, & » placee de manière à être quatre fois, fix fois, dix fois plus nombreufe que celle qu'il fera » poffible de lui oppofer. »

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SYSTÈME DE GUERRE MODERNE (ESPRIT DU). C'est avec bien de l'empreffement que nous faififfons ici l'occafion de faire connoître un ouvrage qui vient d'être publié fous ce titre, traduit de l'allemand par le citoyen TranchantLaverne, & compofé par M. de Buloir, officier pruffien.

Les officiers qui auront parcouru avec quelqu'attention les mots renfermés dans le Didionnaire militaire, fe feront fans doute arrêtés à celui LIGNE D'OPERATION, inféré dans le Supplément, d'après les idées du général Lloyd; mais peut-être auront-ils remarqué avec raifon que ce mot étoit très-incomplet, & que le général Lloyd n'avoit pas fuffifamment développé ce principe fi important, & peut-être le feul de la ftratégie dans l'art de la guerre moderne. Auffi croyons-nous rendre un grand service aux officiers ftudieux, & jaloux de connoître à fond, tous les grands principes de cet art, devenus malheureufement fi néceffaires, en leur traçant une efquiffe fuffifante de l'ouvrage de l'officier pruffien, pour leur faire naître le defir de connoitre & d'étudier les idées de cet auteur dans l'ouvrage même.

Ainfi que le général Lloyd, l'officier pruffien

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établit toute l'importance de la ligne d'opération; mais il développe davantage ce fujet en diftinguant dans toute opération, 1°. le fujet ou la base de l'opération; 2°. la ligne d'opération; 3°. l'objet. 1°. Le fujet ou la bafe des opérations eft les migafins.

2o. La ligne d'opération eft formée par celle que parcourent les convois pour arriver des magafins à l'armée qui opère.

39. L'objet de la guerre eft la direction des lignes d'opération, toujours en avant contre le ys ennemi , parce que les lieux qui renferment les élémens de la puiffance militaire (les magafins), font bien plus importans à détruire que les homines, qui ne font rien fans leur fecours.

Les lignes d'opération font donc du genre offenfif.

Il est donc néceffaire d'avoir des magasins, & non moins important de les avoir dans des places fortes, afin qu'ils foient d'autant plus en fûreté.

Mais fuffiroit-il que ces magafins fuffent renfermés dans une feule place de guerre, qui ferviroit de bafe à la ligne d'opération? L'auteur prouve très-évidemment que ce feroit commettre une grande faute, par la raison que les convois, partant d'un feul point & fe dirigeant sur l'armée par une feule ligne, feroient très-expofés à être coupés à mesure que l'armée s'avanceroit, cette armée ne pouvant point les protéger à moins de rétrograder, & les troupes qui fe trouveroient dans la place d'où ils fortent ne le pouvant pas davantage, parce qu'elles ne feroient pas affez fortes pour agir contre l'armée ennemie qui chercheroit à couper les convois, & qui d'ailleurs feroit affurée des fiens, qui lui viendroient de fon pays, où elle feroit toujours à même de fe retirer.

Il eft donc effentiel d'avoir fes magasins dans plufieurs places, difpofées à peu près fur une même ligne fur la bafe; mais l'auteur prouve encore ici que l'éloignement qui doit fe trouver entre ces places, n'eft pas arbitraire, & qu'afin d'entreprendre avec fûreté une opération offenfive contre l'ennemi, il faut que les deux fortereffes des extrémités de cette ligne foient fituées à une telle distance l'une de l'autre, que les deux lignes d'opération qui en émanent, en fe rencontrant à l'objet de l'opération, forment un angle au moins de 90 degrés : tout angle plus aigu expoferoit la ligne d'opération à être coupée préfqu'aufi facilement que s'il n'y en avoit qu'une.

Il faut auffi, autant que poffible, avoir une base parallèle à celle de l'ennemi.

On fentira facilement auffi que les magafins dont une armée se trouveroit féparée par des fortereffes ennemies, devroient être confidérées comme n'existant pas pour elle.

Si donc l'on fe trouvoit dans un pays fans défenfe, il faudroit faire ufage des lignes d'opéra

tions divergentes d'un point central à une circonférence.

Mais ce feroit prouver, ajoute l'auteur, qu'on n'entend rien à l'art de la guerre, que de commencer une guerre offenfive par ces opérations divergentes, parce que les derrières & les flancs font toujours à découvert.

Vos lignes d'opération ne font point affurées, tandis que l'ennemi n'a rien à craindre pour les fiennes.

Quant aux attaques parallèles, l'auteur affirme qu'à moins d'une fupériorité décifive, les opérations offenfives parallèles ne font pas un moyen de fuccès. En effet, l'ennemi peut alors fe concentrer & changer la défensive en offensive, & au moyen des marches diffimulées ou gagnées, tomber fur un des corps de l'armée, ou en prendre à dos, ou agir contre leurs lignes de convois.

Après avoir parlé des manières d'agir offenfivement, l'auteur s'occupe des retraites.

La meilleure manière, felon lui, de couvrir un pays qu'on a derrière foi, eft de fe jeter fur les Hancs de l'ennemi qui avance, & de changer, par ce mouvement hardi, la défense en attaque.

Une retraite en ligne parallèle eft meilleure fans doute que les retraites concentrées ; mais les retraites excentriques font les meilleures, tandis que les meilleures opérations offenfives font celles concentriques: ainfi ne faut-il pas fonger à arrêter fon ennemi en s'oppofant à fon front, mais au contraire en arrêtant fes flancs, qui font fes parties les plus foibles; en l'inquiétant fur fes derrières, en menaçant fes fubfiftances & fes communications avec les fources de fa puiffance.

Il eft donc évident qu'il eft plus conforme au génie de la guerre & à la manière la plus moderne de la faire, de prendre pour objet principal des opérations, fes propres magafins & la fûreté de fes lignes de convoi, que l'armée ennemie elle-même. La raison en eft, comme l'obferve l'auteur, que les armées modernes n'ont pas au milieu d'elles, mais au contraire hors d'elles les fources de leur con fervation. Les magafins font le coeur, qui ne peut être offenfé fans que le raffemblement d'hommes, que nous nommons une armée, ne foit anéanti. Les lignes de convoi font les muscles du corps militaire, lequel deviendroit paralytique fi on les lui coupoit; mais comme les convois n'arrivent que par les côtés & par les derrières, il s'enfuit que l'objet majeur des opérations, foit dans la guerre offenfive, foit dans la défenfive, eft de conferver intacts fes derrières & fes flancs. Il faut donc éviter les combats, furtout ceux de front: l'on eft bien plus fûr, dans la guerre offenfive, de forcer l'ennemi à reculer en faifant des mouvemens autour de lui & en l'inquiétant pour fes fubfiftances, qu'en le jetant de force hors de fa pofition; car bientôt il en trouvera une feconde, où il fe défendra de nouveau.

Quant aux guerres défenfives, il fera facile d'y V v v v v 2

découvrir l'inutilité de toutes les pofitions, de toutes les marches parallèles, pour oppofer une digue à l'ennemi. Il n'y a point de pofition, quelque bien protégée qu'elle foit contre une attaque de front, quelque 'bien choifie qu'elle paroiffe pour couvrir le pays qu'on eft intéreffé à garder, de laquelle on ne puiffe être expulfé très-vîte par das manoeuvres de l'ennemi fur vos flancs, furtout fi l'on a en tête un ennemi fupérieur en force: d'où l'auteur conclud la règle abfolument neuve, de ne jamais faire proprement de guerre defenfive, mais de la transformer promptement en offenfive, par le procédé fimple de fe jeter fur les flincs de l'ennemi & d'opérer fur fes derrières : fût-on foible même, il n'en feroit pas moins au pouvoir d'un généra habile, de foncer à la retraite & à la défenfive une armee fupérieure, en attaquant fes magafins & fes lignes de fubfiftance, & cela d'autant mieux qu'il fuffit de s'approcher des lignes d'opération pour les rendre inutiles il ne faut donc pas prendre fa pofition directement en face de l'ennemi, mais de côté, relativement à lui.

Toutes ces règles de ftratégie font applicables à la tactique en changeant la bafe en ligne de bataille, & les lignes d'opération en ligne de marche & de feu: d'où il réfulte ces maximes : Qu'il eft toujours poffible d'éviter un combat en ne laiffant pas top approcher l'ennemi de foi; Qu'il ne faut jamais attendre l'attaque en place, mais le mettre foi-même en mouvement pour attaquer, même quand on auroit une pofition inexpugnable;

Qu'il n'y a aucune pofition qui ne puiffe être tournée;

Qu'il ne faut qu'occuper & amufer le front de l'ennemi, & que l'attaque férieufe doit être dirigée fur fes flancs;

Qu'il faut envelopper l'ennemi, c'eft-à-dire, avoir un plus grand front que lui;

Que l'on enveloppe l'ennemi quand on eft fur fes flancs, fût-on méme très-inférieur en nombre; Qu'il eft plus efficace de combattre en tirailleurs qu'en rangs ferres, le defordre étant bien plus aifé à mettre dans ceux-ci;

Que la manière de combattre en tirailleurs donnant plus de facilité pour s'étendre, il eft auffi plus aife à des tirailleurs d'arriver fur les flancs de l'ennemi ;

Que la manière de combattre en tirailleurs affoibliffant encore davantage l'infanterie, il faut conftamment foutenir les tirailleurs par de la cavalerie, que pour remplir cet objet, le mieux eft de placer la cavalerie en feconde ligne, derrière l'infanterie, fur deux rangs, les files étant très-ouvertes & les rangs faifant feu l'un après l'autre & en fe remplaçant.

L'ordre en colonne eft la meilleure forme de défenfe pour de l'infanterie contre la cavalerie: il faut donc, ou tirailler, ou fe mettre en colonne.

Mais l'expérience ayant appris que la cavalerie, quand elle eft brave, triomphe même d'une infunterie en colonne, ce qui provient de fon gente d'armure, il ne faut jamais, même dans les ter reins qui paroiffent les plus im raticables pour les chevaux, qu'une infanterie foit abandonnée fans cavalerie pour les combats.

Dans le fytème de guerre moderne, il faut donc avoir beaucoup plus de cavalerie, puifque partout il faudroit en placer de manière à foutenir l'infanterie, qui, dans aucun cas de fuite, ne peut le faire que dans une grande confufion, & le feroit alors avec plus de fécurité.

Les retraites après les combats doivent avoir lieu excentriquement, rapidement & couvertes par la cavalerie; ainfi protégée, l'infanterie peut le retirer à la courfe & en défordre.

i fout, après un combat perdu, penfer fur le champ à de nouvelles opérations offenfives, commencer la guerre des troupes légères, éviter les batailles & fe borner à manoeuvrer.

En développant fon système de ftratégie, l'auteur faifit toutes les occafions qui fe préfentent pour communiquer fes idées fur ce qui regarde la tactique, qui ne doit être & qui n'eft en effet que le complément de la ftratégie.

Ainfi convaincu de la néceffité d'occuper le front d'une troupe dont on veut attaquer les Alancs, il croit qu'il fuffit de fe fervir d'une troupe éparfe en tirailleurs, en ayant cependant la fage précaution de la faire foutenir par de la cavalerie, derriere laquelle elle puiffe fe mettre à couvert. L'auteur defireroit que ces retraites fa fiffènt trèsrapidement, duffent-elles être expofées à un peu de defordre, & que les tirailleurs, raffurés & railiés, revinffent à la charge avec la même proptitude; il penfe que de cette manière on occupe bien plus le front d'une armée adverfe, que pat les corps compactes & par les canonnades.

On perfiftera peut-être à dire, ajoute l'auteur, qu'il vaut mieux, dans l'attaque des flancs, ou lo fqu'on veut fimplement manoeuvrer pour couvrir, pour gagner une marche ou pour opérer fur les fubfittances de l'ennemi, paroître à rangs ferrés, parce que les lignes tirantes étant plus preffées, fourniffent un feu plus nourri; mais, répond l'auteur, fi l'on eft une fois fur les flancs de l'ennemi & affez près pour pouvoir fe f. rvir du fufil, il eft indifferent alors d'attaquer à rangs ferres on en tirailleurs, parce que, ni plus ni moins, l'ennemi fera battu fi l'on charge avec vigueur. Ileft bon de remarquer encore que, formé en trailleurs, on a plus de lignes de feu que l'enreni re peut en oppofer, puifqu'on l'enveloppe

Si l'on penfoit que le feu d'un peloton ou d'un bataillon à rangs ferrés dût produire plus d'ef fet que le feu irrégulier d'une troupe éparfe, par la raifon que, toute la maffe tirant enfemble, l'ennemi reçoit à la fois un plus grand nombre de balles; ce feroit faute de réfléchir à la vérité de

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ce que tout foldat qui a fait la guerre témoigne,
que dans un combat d'infanterie le feu de file &
alternatif s'établit de lui-même; mais alors ce
genre de feu, lorfqu'il fe fait à rangs ferrés, n'é-
quivaut certainement pas à celui que produifent
des foldats féparés, qui, ne fe gênant point les
uns les autres, jouiffent mieux infailliblement de
leurs facultés corporelles, & peuvent ajuster leurs
coups avec bien plus de précifion: de plus, l'in-
fanterie a une manière mécanique de manoeuvrer
le fufil, qui ne peut atteindre qu'à un certain éloi-
gnement; mais le foldat, qui n'eft point dans le
rang, n'eft affujetti à aucune gêne; enfin, l'on.
fait de refte que la plus grande partie des balles
d'un feu de peloton ou de bataillon paffent par-
deffus la tête de l'ennemi, & lui tuent fort
de monde.

peu

Cette manière de combattre éparfe eft ce qu'il y a de mieux, furtout pour une infanterie de nouvelle levée & fans difcipline: la règle eft d'éviter les combats, & furtout les batailles génerales lorfqu'on n'a que des troupes neuves a opposer à de vieilles bandes, & de le contenter de manoeuvres, comme de couper les fubfiftances, d'attaquer les magafins & de faire des diverfions dans le pays de l'ennemi, fur fes flancs & fur fes derrières; mais pendant ces opérations il faut occuper le front de fon adverfaire, & cela ne peut point avoir lieu d'une manière plus efficace que par celle que nous venons de détailler : c'est une méthode qui n'exige point autant d'ordre que les combats d'infanterie 1gère, dont j'ai parlé plus haut. Il fuffit d'apprendre à fa troupe à profiter des avantages du terrein il faut que le foldat soit inftruit à se glitter, en rampant, jufqu'à l ennemi : à tirer & à rcharger couché, il faut qu'il fache fe couvrir par des arbres, fe jeter dans des follés ou derrière des haies, afin de tirer fans être vu & fans pouvoir être atteint par les balles de l'ennemi.

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palement dans fa maffe & dans fa viteffe, qui doivent la faire triompher facilement d'une infanterie lans profondeur.

Une infanterie exercée à fe défunir & à refaire enfuite fa ligne avec promptitude, fi elle étoit conduite par des chefs qui fuffent profiter de l'avantage du terrein, envelopperoit les flancs d'un ennemi qui s'avanceroit fur elle à rangs ferrés, avant que celui-ci ait pu faire les difpofitions convenables de défense: une ligne fermée ne peut avancer qu'à pas lents: on a fixé fa marche, chez les Prufliens, à foixante-feize pas par minute; elle ne fauoit garder l'alignement, ni même éviter de s'ouvrir fi elle fe précipitoit davantage : une telle ligne ne fe meut donc que pefamment, tandis qu'au contraire l'infanterie légère peut ufer de toute la vitefle de fes jambes, pourvu que le foldat foit inftruit à retrouver fans peine fon rang & fon ch.f de file: il fuffit qu'elle foit fur deux hommes de hauteur, parce qu'une ligne de feu ne doit pas être compofee de trois rangs: c'eft trop peu, quand il s'agit de fe rompre de manière à produire un effet décifif, & c'eft trop pour faire feu fimplement, parce qu'ici tout dépend de l'extenfion.

Si donc les attaques & les retraites avoient lieu de cette manière, & qu'on eût foin, par-deffus tout, de les faire foutenir & couvrir par une nom breute cavalerie, la plus grande partie des évolutions tactiques de l'infanterie tomberoient. 11 ett cependant indifpenfable que les troupes fachent toujours exécuter le développement des colonnes en ligne de bataille : cette manoeuvre pourroit fe faire en laiffant défiler la troupe à la courfe, par peloton, & il n'y a aucun inconvénient à fe fervir de ce procédé pour tous les mouvemens de côté, qu'on exécuteroit étant en ligne; mais dans les marches de route cela feroit contre la prudence : autant il eft effentiel de s'étendre dans les manœuvres de ligne, autant il l'eft de fe ferrer dans les marches. De quelle longueur ne feroient pas les colonnes, fi l'on ne marchoit que fur deux ou trois hommes de front? Qel tems ne mettroit - on pas à fe développer? car plus les colonnes ont de profondeur, plus I ur déploiement eft long. D'après cela il faut obferver de donner aux colonnes le plus de front poflible, comme cinq ou fix hommes, par exemple, fi le terrein le permet. Jofephe nous raconte que les Romains fiifoient leurs fections de fix hommes de front; les Pruffiens en mettent cinq.

On apprendra facilement tous ces exercices des jeunes gens ; néanmoins, lorsque le tems le permet, il eft de la plus haut importance de les dreffer à manoeuvrer en corps réguliers: cependant fi l'une des deux manières devoit être abfolument abandonnée & mife de côté, il faudroit plutôt, felon l'auteur, renoncer à l'infanterie de ligne, parce qu'il eft de fait qu'on peut s'en paffer dans le fyftèine moderne, furtout quand on a la fupériorité de force; cependant il faut que l'armée la plus neuve en fache affez du moins pour le développer en ordre de bataille étant en colonne ; On fait que, dans une marche par les flancs ou il est néceffaire encore qu'elle foit divifée en com--dans une marche parallèle, on fe met en ligne au pagnies, en bataillons, & ainfi de fuite; qu'elle ait un nombre fuffifant d'officiers, parce qu'il feroit impoffible de la conduire fans toute cette organisation.

Mais quant à la cavalerie, il eft indifpenfable qu'elle foit plus exercée, qu'elle fache former une attaque régulière & en corps ferré dans le mouvement le plus rapide, car fa force confifte princi

moyen d'un quart de converfion : ce mouvement doit s'exécuter d'autant plus rapidement, qu'il ne faut que quelques pas pour que les divifions fe mettent à découvert les unes les autres; au contraire, dans une marche directe ou perpendiculaire fur le front de l'ennemi, il eft néceffaire, pour former la ligne, de développer la colonne; ce qui exige infiniment plus de tems; car il faut que les di

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