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rend imperméable: on en fait des taffes, des bouteilles, &c.

On connoît l'ufage des taffetas ou toiles recouverts de quelques couches de cette même diffolution; ils deviennent imperméables à l'eau & aux fluides aériformes.

Le caout chouc, fort rare il y a cinquante ans, eft devenu fort commun, & l'on fait qu'il peut être remplacé par le fuc de nombre d'arbres de la Guyanne, moins rares que celui qu'on tire du Pérou. Il peut auffi être remplacé par plufieurs de nos huiles végétales: l'expérience en a déjà été faite pour celle de lin, dont on s'eft fervi pour faire des fondes de chirurgie, & dont on a enduit des taffetas avec succès.

ou

Son vernis fèche même plus complétement que celui de la diffolution du caout chouc; ainfi les outres, foit qu'on les conftruise en cuir, foit qu'on les préfère en toile enduite de caoutchouc, d'huile de lin préparée par les oxides des métaux, ou oxigénée, peuvent être rendues imperméables. On pourroit fe fervir de coutil ou de toile à fix fils, comme dans la marine, dont on fait des tuyaux de conduite pour les pompes foulantes.

On peut auffi fabriquer un cuir végétal avec l'huile de lin oxigénée, au moyen de plufieurs couches de cette huile, appliquées fucceffivement l'une fur l'autre à mesure qu'elles font féchés. On fe fert d'un moule pour remplir cet objet.

par l'inégal rempliffage des outres, on ne les fuppoferoit capables de porter qu'un peu plus de mille livres (poids).

Le châflis auroit de longueur fix pieds neuf pou ces trois lignes, & pour fa plus grande largeur, deux pieds neuf pouces trois lignes: fa moindre épaiffeur & fa hauteur feroient de quinze lignes.

Un plancher recouvriroit auffi le fond inférieur des outres. Il y feroit attaché, comme le plancher fupérieur, par des lacets de fer à écrous, & ne déborderoit que de quinze lignes.

Le plancher fupérieur feroit garni, 1°. de fix anneaux de fer, placés aux fix angles de l'hexagone; ils ferviroient à lier les outres ensemble; 20. d'un double robinet en cuivre, deftiné à laiffer entrer ou à retenir l'air dans l'outre; 3°. d'une couliffe faite de deux membrures, dans laquelle fe logeroit la traverfine, qui répartiroit fur deux outres le poids du tablier.

Le châffis feroit garni, fur les deux faces latérales, de huit couffinets ou rondelles de liege, dont l'objet feroit d'empêcher la dégradation des châflis flottans l'un fur l'autre, de tenir les outres à une plus grande diftance entr'elles, & de donner plus de liberté à l'écoulement du courant.

Outre mise à la ferre pour le transport. Sans doute cela exige des expériences, mais Lorfque l'outre, que l'on peut fuppofer dila elles feroient très-aifées à faire pour les outres pro-tée, fe contracteroit, fes parois fe repliant fur pofées. En attendant ces effais faits en grand, on elles-mêmes, viendroient fe loger dans la hauteur fe bornera à de plus petits, 1°. avec le cuir pré- du châffis; elles y feroient reçues en entier, ainfi paré, 2o. la toile verniffée, 3°. le cuir artificiel que toute l'épaifleur du plancher inférieur; alors fix par la diffolution du caout chouc, ou de l'huile de crochets placés aux fix angles de la face inférieure lin oxigénée. On auroit bientôt fait les autres efdu châffis, quitteroient, en tournant, les crampens fais fi la forme que l'on fe propofe de donner aux fur lefquels ils étoient en repos, & viendroient outres étoit approuvée. s'agraffer for les pitons du plancher inférieur, en gliflant fur les crampons, afin de tenir l'outre fermée & pour empêcher tout balotement.

Forme des outres.

Une feule forme & des dimenfions femblables étoient néceffaires pour toutes les outres, afin qu'elles puffent réciproquement le remplacer, & qu'il n'y eût pas à fe méprendre dans l'ordre de leur affemblage.

Defcription des outres propofées.

Ainfi l'outre fe trouvant à la ferre, dans une boîte bien clofe, pourroit être chargée fur la plus petite voiture ou fe tranfporter à dos de mulet : le poids de chacune devant être de foixantedix livres, un mulet en porteroit facilement quatre; une charrette de Franche-Comté, facilement quatorze; deux autres charrettes porteroient les madriers, tabliers, uftenfiles & approvifionnemens neceffaires pour le montage de ces quatorze outres, & la nourriture des chevaux, charretiers, &c. de façon que trois charrettes légères, deux charre tiers au plus & trois forts chevaux pourroient tranfporter les objets néceffaires pour remplacer deux pontons, lefquels exigent deux haquets trèslourds, quatre charretiers & feize chevaux. Si fe fervoit de mulets, il en faudroit huit & quatre charretiers.

Le capitaine Wilhiac propofe une forme éleptique pour le fac de l'outre, mais le châffis & le plancher auxquels feroit fixé le fond fupérieur, feroient un hexagone fymétrique. Les dimenfions de l'outre feroient de fix pieds trois pouces dix lignes pour le grand axe, & deux pieds pour le petit; la hauteur feroit également de deux pieds; ce qui porteroit la folidite à un peu plus que dix-l'on huit pieds cubes. Elle ne plongeroit donc en entier que fous une charge de douze cent forxantedix livres (poids); mais à caufe des réductions nécessaires, tant par la compreflibilité de l'air que

La manoeuvre pour remplir l'outre d'air demanderoit trois hommes & une feconde de tems, fans le fecours d'aucune machine. Deux hommes

prenant les extrémités du châffis & appuyant avec le pied fur le bord du plancher inférieur, n'auroient qu'à lever pour dilater l'outre & la remplir de l'air de l'atmosphère, qui y defcendroit par fon propre poids; un troifième homme fermeroit au moment même le robinet, & l'outre feroit prête à flotter.

Ufage des outres.

Les outres ainfi conçues vont offrir une manoeuvre très-rapide, & l'application la plus fimple. Dans tous les cas de paffage de fleuves, rivières, ruiffeaux, foffés, marais, &c. & même dans le cas d'un débarquement maritime, elles fe prêteront à tous les befoins des armées fous des formes variées, ou de ponts ou de radeaux, & fans demander plus d'appareil ni d'autres moyens fupplémentaires, que quelques amarres & le tablier ordinaire des ponts.

Pont fur un fleuve rapide.

Voudra-t-on paffer des fleuves rapides ou de grandes rivières ? à mefure que les outres feroient enflées & mifes à l'eau, elles feroient affemblées en train de fept (trois à la fuite l'une de l'autre dans leur longueur, & deux de chaque côté de ces trois, & appuyées contr'elles; ce qui auroit alors la forme de la bafe d'une arche de pont). Ces outres feroient liées par deux cordes paffées dans les anneaux; elles le feroient encore par deux cordages légers pour chaque outre, qui, fixés d'un bout & à denieure aux pitons du plancher inférieur, viendroient, en fe croifant, s'attacher par l'autre extrémité, à l'angle oppofé du plancher fupérieur ou à celui de l'outre voifine. Cette feconde amarre a le double objet, 1°. de retenir dans la perpendiculaire le fond inférieur de l'outre, qui doit tendre à l'en écarter quand elle plongera fous le fardeau; 2°. de faire connoître la déperdition de l'air dans les outres. Le relâchement de ces cordages l'annonceroit d'abord, & des nœuds, placés de distance en distance fur leur longueur, ferviroient à la mefurer.

Enfin, des poutrelles feroient placées dans les couliffes; elles formeroient trois cours de traverfines

, par le moyen defquelles les poutrelles du tablier porteroient fur toutes les outres à la fois. Le train d'outres ainfi formé, remplaceroit avec avantage le ponton de cuivre, comme il eft facile de s'en convaincre. Le ponton ne peut être employé que fur des rivières peu larges, & dont le courant eft peu rapide. Il ne peut porter que des fardeaux de quatre à cinq milliers, fans être expofé au danger de la fubmerfion; l'outre au contraire feroit facilement furchargée de fix à fept milliers. Il feroit plongé à fleur d'eau, fans avoir rien à craindre de l'agitation des flots; il n'offriroit aucune prife au courant, puisqu'il le fendroit par les

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Le train pourroit auffi remplacer les bateaux d'arfenal & même les bateaux les plus grands que l'on emploie aux ponts pour la groffe artillerie & les gros équipages de l'armée : à cet effet, il fuffiroit de prolonger le train par l'addition de deux, trois, quatre ou fix outres; le train deviendroit alors capable de porter neuf, dix ou douze milliers. Voici comment le tablier fe prêteroit à cette augmentation: deux poutrelles & les traverfines néceffaires ayant été ajoutées fur l'un & l'autre côté du tablier, on enlevéroit de distance en distance un madrier que l'on remplaceroit par deux autres, mis bout à bout; ils déborderoient ainfi les premiers de la moitié d'une longueur ; fur les bouts paffant, d'autres madriers, placés au long, formeroient un trotoir que l'on élargiroit à volonté. Le pont offriroit alors un paffage de vingt pieds, quoique les madriers ne foient longs que de dix; car le plus grand avantage de cet équipage de pont, & le plus indifpenfable à fon objet, étant de pouvoir être tranfporté partout, on a dû, afin de n'être pas arrêté dans les chemins tournans, réduire les longueurs le plus qu'il a été poffible.

Tablier différent propofé.

C'est d'après cette condition impérative que les poutrelles ont été formées de deux pièces. Leur articulation fe fait de deux manières, & toutes les deux auffi expéditives, ce femble, que les clameaux au moyen defquels on les fixe ordinairement. La première eft à boutons, avec clavètes. La feconde eft compofée d'une patte & d'une frète. Cette dernière, en permettant aux bouts articulés de gliffer l'un fur l'autre, fauveroit de la fujétion d'une exactitude rigoureuse & prefqu'impoffible dans l'efpacement des trains. Sur la rivière, elle donneroit de la foupleffe au tablier par le jeu qu'elle permettroit entre la vraie & la fauffe poutrelle, lorfque le train voifin fléchiroit sous le fardeau.

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& affemblées fucceffivement en échiquier, fur un
front d'une & demi, de deux ou de trois, fuivant
le befoin. Les premières jetées, ayant été recou-
vertes du tablier, feroient pouffées en avant pourtillerie que fa furface pourroit contenir?
faire place aux fecondes, puis aux troisièmes, &
ainfi de fuite, en formant le radeau continu fur
toute la largeur de la rivière, du foffé ou du ma-
rais, & en prenant toutefois la précaution facile
de le retenir contre le courant par quelques amar-
res fixées fur la rive.

millier pefant environ, & que ce radeau n'enfon
ceroit que d'environ quatorze pouces fous la
charge de toute l'infanterie, la cavalerie & l'ar-

On conçoit combien il feroit facile de dérober à l'ennemi le lieu & l'heure d'un tel passage, avec quelle célérité le pont feroit conftruit; quel moyen il off iroit pour des furprifes en campagne, pour les affauts aux places inondées, pour le paffage des marais, &c.

Outres appliquées à l'artillerie dans les paffages à la nage.

Mais des outres feules employées ifolément peuvent être d'un fecours précieux dans un paffage à la nage, tel que l'exige quelquefois la marche rapide d'un parti ou les mouvemens d'une bataille. Quelques outres placées fous les afûts & fous les caiffons ne mettroient-elles pas l'artil erie à même de fuivre la cavalerie?

Les chevaux de la pièce, en paffant d'abord, tireroient une petite maille qui feroit filée jufqu'à leur arrivée à l'autre rive; alors cette maille étant amarrée fur l'avant-train, les chevaux tirant de pied ferme, mettroient la pièce à l'eau, & pendant la traversée quelques hommes, reftés fur la première rive, fileroient, en réfiftant, une feconde maille, fixée d'un bout fur la pièce, & de l'autre tournée à un piquet fur la rive.

Ce paffage de l'artillerie, quelqu'hazardeux qu'il puiffe paroître, eft loin d'offrir les chances & les inconvéniens, furtout de celui qui fut exécuté dans le Neker, fous les ordres de M. de la Frezelière; les pièces, amarrées fur leur afût, fu rent tirées d'un bout à l'autre pallant au fond de

l'eau.

Paffage de vive force.

Dans les paffages de vive force, où les équipages des ponts actuels font inutiles, parce qu'il faudroit avoir déjà paffé fur la rive oppofée un gros corps de cavalerie, infanterie & artillerie, les outres femblent offrir dans ces circonftances de bien plus grands moyens.

Que l'on conçoive en effet le train d'outres qui a été décrit, étendu fur les bouts & les côtes par l'application fucceffive de tel nombre d'outres néceflaires à la furface que doit occuper le corps à débarquer, & cette furface recouverte du tablier du pont, n'a-t-on pas l'idee d'un radeau fufceptible de toutes les formes, un radeau capable de porter les plus grands fardeaux, puifque chaque portion carrée pourroit être chargée d'un

On croit inutile d'entrer dans tous les détails des modifications auxquelles ce radeau pourroit fe prêter, comment on le baftingueroit, on le feroit naviguer : on pourroit s'en fervir, après le débarquement, à faire la tête du pont fur la rive ennemie, en même tems que la queue fe développeroit fur la première rive; ce qui accéléreroit la conftruction & donneroit les moyens de porter de nouvelles forces..

Débarquement maritime.

Cette propriété des outres, de fe former en radeaux, pourroit les rendre très-utiles pour un débarquement maritime.

Economie.

Après avoir donné les détails néceffaires pour la conftruction des outres, leur poids & leur ufage, le capitaine Wilhiac s'occupe des dépenfes de leur premier établiffeinent, de leur entretien & de leur tranfport. Comparées aux pontons de cuivre, il y a près de deux tiers de différence dans le prix: la travée d'outres ne se monteroit pas à 3000 liv., celle du ponton de cuivre à plus de 8000: avec & pour le prix des démolitions des pontons exiftans & la valeur des haquets, on conftruiroit un nombre égal de travées de pont d'outres.

Un autre point d'économie : le tranfport des ponts d'outres n'exigeroit pas la moitié des chevaux ou mulets néceffaires pour le transport des ponts en cuivre. Ils pourroient être tranfportes 1: partout, même à travers les plus hautes montagnes; ils le feroient avec plus de rapidité & fans gâter les chemins.

Le pont d'outres exigeroit au plus deux cent foixante mulets, ou même foixante charrettes de Franche-Comté, attelées chacune d'un feul cheval; & les pontons de cuivre, pour le moindre de tous les ponts, exigeroit cinquante-fix voitures, tirées par quatre cent quarante-huit chevaux; & fi l'on compofe l'équipage de manière à pouvoir pafler de l'artillerie de fiége, alors les officiers d'artillerie exigent cent dix haquets; ce qui feroit plus de huit cents chevaux, &c.

Ainfi donc le pont propofé par le capitaine Wilhiac paroît renfermer tous les avantages à un point éminent, furtout ceux ou proposes ou mis en ufage jufqu'à préfent.

Simplicité dans l'appareil, facilité & célérité d'exécution, légéreté des appareils: d'où s'enfuit la facilité du transport & la promptitude, la certitude de trouver toujours l'équipage fous fa main, la convenance pour tous les cas de palfage, la folidité, l'économie, &c.

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Après tous ces détails, on a lieu de s'étonner que cette découverte importante n'ait pas éte mieux accueillie, & qu'on ait même refusé de faire l'effai d'une travée.

Ofons efpérer, en le defirant vivement, que l'efprit de corps, qui étouffe en France tant de decouvertes précieuses, ne confervera pas longtems le même empire, & que l'on n'écoutera pas toujours, avec autant de confiance, tel ou tel officier de telle ou telle arme, &c.

POSITION DU SOLDAT SOUS LES ARMES. Depuis plus de quarante ans on s'occupe de l'exercice du foldat fintaflin: on raifonne, on écrit, on difcute fur la pofition qu'il doit prendre fous les armes, & cependant on n'eft d accord fur aucun des points. Les uns veulent les talons du foldat joints, les autres éloignés de quatre pouces; ceux-ci veulent voir former à fes pieds un angle droit, ceux-là un angle aigu; d'autres demandent fes bras en arrière, & d'autres très en avant; les uns voudroient les voir colés à la cuiffe, les autres un peu tournés en dehors; ceux-ci font porter le haut du corps du foldat très en avant, ceux-là veulent voir (on corps perpendiculaire fur fes hanches; les uns lui font tenir la tête haute & tournée, les autres la tête peu élevée & fixée droit devant lui; celui-ci exige un regard morne & fixe à quinze pas, celui là un regard fier & vague.

Mais avant tout ne doit-on pas confidérer le foldat comme n'étant prefque jamais un être isolé, & faifant prefque partout partie d'un rang ou d'une file.

Dans l'une & l'autre pofition, la f çon dont le foldat eft placé, n'eft pas indifférente. Comme homme de file, il doit être carrément devant lui & couvrir l'homme qui le fuit, ou être couvert par l'homme qui le précède.

Comme homme de rang, il doit être le point d'une ligne droite, être aligné avec les hommes qui le fuivent de droite & de gauche, avoir le corps aplomb & a tête bien placée.

Pour parvenir donc à fixer une pofition avantageufe au foldat, on mettroit d'abord fes deux talons alignés & à deux pouces, la pointe des pieds environ à huit pouces l'une de l'autre, les cuiffes, les os du baffin & les jambes bien aplomb fur les talons; le ventre un peu en arrière, la poitrine ouverte & faillante fans affectation, le dos aplati, le corps n'inclinant pas plus fur une hanche que fur l'autre, les br s pendans fur les côtés fans aucune gène, la tête droite; le regard fier, hardi & decidé; enfin, les épaules & les talons dans une même ligne droite & perpendiculaire au terrein qu'il occupe. Ainfi donneroit-on au foldat une pofition naturelle & en même tems militaire; ainfi lon fuiv:oit les confeils des anatomistes, ceux des écrivains qui jouiffent de la réputation la mieux méritée, & on fatisferoit aux defirs de la portion la plus nombreufe des militaires (Voyez le §. 123

de la Tatique pure, de M. Mille; l'Effai de Tactique, de M. Guibert; les Recherches fur les principes généraux de la Tactique, par M. Kéralio, &c.)

POSITION DE GUERRE. Ayez des foldats qui fachent marcher en ordre, avec légéreté, & com. battre avec audace, fermeté & courage; ayez des généraux qui connoiflent bien parfaitement les terreins fur lefquels ils doivent opérer, & qui fachent choifir les meilleures pofitions ou les créer, en fe fervant de l'art pour corriger ou aider la Nature, & vous ferez assuré de la victoire.

Le choix des pofitions dépend entiérement de la fcience, de la connoiffance des terreins: cette fcience étoit infiniment moins importante pour les anciens que pour nous. Leurs ordres de bataille, plus profonds & plus raccourcis, n'avoient pas befoin de pofition d'un grand développement. A peine les voit-on même occupés du choix des poitions. Dans le récit des batailles de l'antiquité on ne voit aucun détail topographique. Rarement voit-on dans l'hiftoire l'aile d'une armée qui ait cherché protection dans la nature du terrein pour les affaires de poites; il n'en eft certainement jamais fait mention. Mais lorsque les légions dégénérèrent, lorsqu'elles quittèrent les armes défenfives pour devenir timides & tremblantes dans les plaines, au moment où les catapultes & les baliites fe multiplièrent dans les armées, comme les canons fe multiplièrent dans les nôtres, on commença à avoir recours aux reffources du terrein. On chercha les hauteurs, on espéra augmenter par elles les effets des machines de jet, & on tácha de mettre des obftacles entre l'ennemi & foi.

Quand les armes à feu eurent acquis quelque perfection, le terrein dut commencer néceffairement à prendre de l'influence fur les opérations de la guerre; l'infanterie chercha les pays coupés; elle occupa par préférence les villages, les bois les hauteurs. Ces points devinrent des poftes & des appuis intéreffans à fe procurer. Ils entrèrent par confequent dans les combinaisons de la tactique & de la ftratégique : peut-être auffi cette influence des terreins fur les opérations eft devenue un peu trop abfolue; peut-être a-t-elle trop fait négliger l'art des manoeuvres, en faifant confifter prefque toute la science de la guerre à choisir des pofitions avantageufes.

Sans doute la fcience de la reconnoiffance des terreins eft importante: il faut la cultiver, & faire entrer fes résultats dans les combinaisons journalières de la guerre; mais e'le doit faire partie de la ftratégique, fans pour cela faire négliger la grande tactique, que trop d'officiers regardent mal à propos comme une fcience minutieufe & fubalterne. C'eft en maniant des troupes que des officiers-généraux & des officiers de l'état-majorgénéral fe fortifier oient le coup-d'oeil contre les illufions produites par la multitude, contre les

différences d'un terrein nu ou couvert de trou- | pes, &c. Ce n'eft pas en deflinant, dreffant des itinéraires, faifant mouvoir des armees imaginaires, & fouvent ne voyant pas un foldat de toute l'année, que l'on peut apprendre à s'inf truire fur le grand art des batailles. Ce n'eft pas en méprifant la difcipline & les évolutions, ce n'eft pas en reportant tout aux reconnoiffances, aux marches, aux choix des pofitions, que l'on atteindra le fublime du métier.

Sans doute il existe une théorie & des principes pour reconnoître un pays, pour en démêler les détails, les faifir & les calquer dans la mémoire; mais le grand moyen pour devenir habile dans la fcience de reconnoire les terreins, c'est la pratique journa lière. Après avoir acquis cette fcience, il faut apprendre à voir un pays militairement, c'eft-à-dire, à démêler promptement & furement quelle influence ce pays peut avoir fur les opérations militaires; quelle polition il offre dans tel ou tel cas, à l'armée ou au corps de troupes dont on fuppute les mouvemens; quels y feroient les débouches & l'en femble d'une marche fur tel ou tel point; enfin, les rapports généraux & de détail que cette maffe de pays pourroit avoir avec les armées qui y agi

roient.

Il faut donc lier la fcience du coup-d'oeil avec celle de la tactique. En effet, s'agit-il de choifir une pofition pour une armée ? fi celui qui la détermine n'eft pas tactitien, comment faura-t-il combiner, relativement à la force de cette armée, l'étendue que cette pofition devra avoir? Comment aura-t-il égard, dans le choix de cette pofition, à l'espèce d'arme dans laquelle l'armée eft la plus forte ou la plus foible? à l'espèce d'ordre de bataille dans lequel il peut être le plus avantageux de l'occuper? Faute de cette combinaison, on peut prendre des pofitions bonnes en elles mêmes, mais qui fe trouvent défectueufes, relativement au nombre & à l'efpèce de troupes qui les garniffent. On prend des pofitions dont le front eft redoutable, & où l'armée ne peut pas mancuvrer faute de profondeur. On en prend d'autres qui font formidables de toutes parts, mais dans lefquelles l'armée, réduite à la défenfive, perd l'avantage de pouvoir manoeuvrer & de profiter des fautes de l'ennemi: on en prend erna que, par un mouvement imprévu, l'ennemi parvient, ou à tourner, ou à percer, ou à faire abandonner, fans qu'on ait le pouvoir de lui réfifter.

Mais quand une pofition eft déterminée & reconnue avantageufe, foit relativement aux vues d'offenfive ou de défensive, foit par rapport au nombre & à l'espèce de troupes qui doivent l'occuper, il reste une manière d'y difpofer les differentes armes, dans laquelle il faut encore que la tactique foit combinée avec la connoiffance du terrein, fans quoi on ne tireroit pas de la pofition, tout le parti dont elle eft fufceptible: fi au contraire on fe porte en avant de la pofition, & aux

points par où l'ennemi pourroit arriver fur elle, on en découvrira plus parfaitement l'enfemble & les détails. On verra d'abord le terrein qui eft en avant d'elle, l'afpect qu'elle préfente à l'ennemi, la difpofition d'offenfive qu'elle peut indiquer. Se fuppofant enfuite à la place de l'ennemi, on cherchera quels font les moyens par lefquels il pourroit attaquer cette pofition, & quels feroient les contremoyens que l'on pourroit lui oppofer. En voyant la pofition de face, on jugeroit mieux de l'emplacement qu'il faut donner à chaque espèce d'armes, les faillans avantageux à occuper par des batteries, l'effet du feu de ces batteries fur les débouchés par où peut arriver l'ennemi, le point des hau teurs le plus convenable à occuper, pour que le feu de l'infanterie ne foit pas trop plongeant; les rideaux derrière lefquels on peut mettre une partie de fes troupes à l'abri du feu des batteries ennemies, ou faire illufion à l'ennemi fur le nombre de fes forces & fur la véritable difpofition qu'on lui oppofe.

Une bonne pofition eft un vafte développement de terrein, dont le front & les flancs fourniffent des emplacemens avantageux à l'armée qui doit les occuper, & préfente à l'ennemi qui vou droit l'en dépofter, des obftacles difficiles à vaincre; mais, autant que la chofe eft poffible, il faut que cette pofition ne puiffe pas être tournée, à moins que ce ne fût de très-loin & de manière à pouvoir prévenir l'ennemi. Bien mieux vaudroit encore choifir toujours ces pofitions très-rares, qui, touchant à l'objet qu'elles veulent couvrir, ne laiffent la reffource de manoeuvrer ni fur leur derrière ni fur leur flanc.

POSTES. Les connoiffances que le général doit avoir relativement aux terreins & aux pofitions, les officiers-généraux, les chefs de corps & même les officiers particuliers doivent les avoir pour les poftes.

Il y a deux efpèces de poftes: les uns, dont l'at taque ou la défense est confiée à des chefs fubalternes, & fur ce point nous croyons pouvoir renvoyer aux détails donnés au mot MAISON. Les autres poftes font eux-mêmes des espèces de pofition dont on confie l'attaque ou la défense à des officiers-généraux. Le meilleur choix des poftes, la manière de les défendre, celle d'attaquer ceux choifis par l'ennemi, font des points importans de la fcience militaire, & tiennent par une infinite de côtés à l'art des batailles.

POUDRE A CANON. (SON INFLUENCE DANS LA GUERRE ). Un officier dont le nom & les ouvrages font trop peu connus en France, M. Mauvillon, major au fervice du prince de Brunswick, a fait fur cet objet un excellent ouvrage. 1°. On y voit que l'invention de la poudre eft la véritable caufe du changement de l'armement & de l'ordonnance des troupes, & qu'il fe

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