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vous pourrez en régler l'exécution & en affurer la réflite. La fituation & l'étendue du front de L'ennemi & le nombre de vos troupes détermineront la difpofition & le nombre des attaques vraies & fauffes: fi vous ne pouvez en faire plufieurs éloignées les unes des autres, bornezvous à une générale, ce qui eft moins avantageux que quand on peut obliger fon adverfaire à divifer fes forces; attaquez deux heures avant le jour, pour que l'ennemi ne puiffe voir votre difpofition: l'infanterie fera foutenue dans la plaine, par la cavalerie, & fur les plateaux, par des troupes légères à cheval. Si l'ennemi a des redoutes en avant de fes retranchemens, l'attaque doit s'en faire ( en même tems que celle des autres retranchemens) avec des troupes légères à pied ou des grenadiers foutenus par des bataillons.

Si l'ennemi eft retranché fur des hauteurs d'une pente un peu rude & difficile, marchez à lui lentement, pour que vos troupes ne foient pas effouflées en arrivant ; ce qui les expoferoit à être renversées facilement. Vous avez d'autant plus de raifons pour ne pas vous preffer, que le feu de l'ennemi du haut en bas n'eft pas dangereux.

S. V.

Des lignes dans les montagnes.

C'est l'officier qui commande dans la place, qui donne le mot de l'ordre; c'eft un officier d'étatmajor qui le reçoit, le diftribue ou le fait diftri buer par des aides ou fous-aides: l'objet particulier du mot de l'ordre eft de prévenir les surprises.

l'of

Une heure avant la fermeture des portes, ficier d'état-major & fes aides fe rendent chez le commandant de la ville. L'officier d'état-major prend d'abord le mot de ralliement, qu'il distribue fur le champ aux officiers chargés de la fermeture des portes, afin qu'ils le rendent aux poftes extérieurs lors de cette fermeture; il prend enfuite le mot d'ordre pour le diftribuer fur la place d'armes, après la fermeture des portes, aux fous-officiers de service.

L'officier d'état-major s'étant rendu fur la place d'armes, ordonne aux tambours de battre à l'ordre: à ce fignal, tous les fous officiers de garde ferment un cercie qui commence par les feigens & maréchaux-des-logis des plus anciens corps, & finit par le caporal ou le brigadier du corps le moins ancien.

Lorfque ce cercle fe forme, l'officier de garde fur la place d'armes envoie un caporal & fix fufiliers, qui fe placent à quatre pas alentour du cer cle, & préfentent les armes en dehors.

L'officier d'état-major entre alors dans le cercle, précédé du caporal de configne de la place d'ar mes, qui porte un falot: il appelle enfuite à l'orLes lignes qu'on fait pour garder les gorges, dre & ôte fon chapeau; les fous-officiers ôtent le feront facilement tournées des leur. L'officier donne le mot, en commençant par les montagnes par environs, quelqu'innacceffibles qu'elles paroifle fous-officier du plus ancien corps, qui le donne fent être, & malgré tous les soins qu'on aura au fous-officier qui eft à fa gauche; celui-ci au pris pour en gâter les fentiers. Les détachemens troifième; ainfi de fuite jufqu'au dernier, qui le qui les auront tournés, n'auront qu'à fe montrer rend à l'officier. pendant qu'on les attaquera de front, pour faire tomber les armes des mains de ceux qui les défendent.

Un autre inconvénient des lignes dans les montagnes, c'est lorfqu'on eft obligé de garder plufieurs gorges de front, qui fe communiquent difficilement; l'ennemi peut réunir fes efforts fur l'une de ces gorges, & s'il la prend, il pénètre & en profite pour tourner les autres.

MOT. On diftinguera deux espèces de mots : le mot de l'ordre, le mot de ralliement. L'objet commun de ces deux mots eft la fûreté des camps, des poftes, des places & des troupes qui les gardent: il y a entre ces deux mots des différences que nous allons faire connoître.

S. Icr.

Du mot de l'ordre.

Le mot de l'ordre eft compofé de deux mots, du nom d'un faint, d'un grand-homme, d'une vertu, &c. & d'une ville; la lettre initiale de ces deux mots eft affez ordinairement la même.

Lorfque le mot a été rendu à l'officier, s'il fe trouvoit qu'il eût été changé, il le donneroit une feconde fois & autant qu'il feroit néceffaire, pour qu'il n'y eût point d'erreur.

Le mot étant donné, l'officier commande rompez le cercle: à ce commandement, tous les fousofficiers retournent à leur pofte, porter le mot chacun à celui qui le commande.

Lorfque les fous-officiers donnent le mot aux officiers, ils le leur donnent à l'oreille, ayant le chapeau bas, & les officiers le reçoivent de même.

il

L'officier d'état-major envoie chaque jour le mot à l'ingénieur en chef, au commandant de l'artillerie, au commiffaire des guerres, par un des fergens de la garnifon qui le leur porte; l'envoie par écrit & cacheté à l'officier-général, s'il s'en trouve d'employé dans la place. (Voyez, pour l'ufage du met de l'ordre, les mots RONDE, PATROUILLE.)

Comme il n'eft pas prudent d'admettre, pen dant la guerre, une ronde ou une patrouille à donner le mot avant qu'elle fe foit fait reconnoître en donnant le contre-figne, ne devroiton pas exiger le même préalable pendant la paix? N'oublions jamais que lorfque la paix n'eft pas

Fécolo

l'école de la guerre, la guerre eft obligée de donner elle-même des leçons qui font presque toujours fanglantes.

Le chevalier Folard a eu fur le mot une idée faite, ce femble, pour être adoptée. Il auroit voulu qu'au lieu de donner le nom d'un pieux folitaire ou d'un humble cénobite, & celui d'une ville inconnue dans les faftes militaires, on eût donné le nom d'un grand capitaine, accompagné de celui d'une ville qu'il auroit prife, ou d'un champ fur lequel il auroit remporté une victoire ou fait quelqu'action d'éclat, ou d'une place qu'il auroit défendue avec gloire. Saxe & Fonteoi, Lowendal & Berg-Op - Zoom, Chamilly & Grave, d'Affas & Cloftercamp, Défiles & Nancy, Defaix & Marengo, feroient en effet plus militaies & plus inftructifs que Saint Antoine & Arles, Saint Bonaventure & Bourbonne, &c.

L'idée propofée par le chevalier Folard feroit ne efpèce d'hommage rendu aux grands-hommes ui ont illuftré la France, & un objet d'une vive mulation pour tous les militaires vivans. On ourroit faire entrer dans cette nomenclature, fqu'aux traits de bravoure, de générofité ou 'humanité de chaque foldat, & au moyen d'une ourte notice hiftorique du fait, du jour, de année & du lieu où il s'eft paffé, du corps où voit le foldat & du lieu de fa naiffance fi c'éit un fimple trait à honorer, ou avec de plus rands détails fi c'étoit une bataille, un fiége, n combat, la prife ou la défenfe d'une ville ou 'un pofte, &c. Il n'y auroit pas une grande ou ne bonne action d'inconnue, & le moindre folat connoîtroit malgré lui l'hiftoire militaire de on pays, & les hommes que l'on doit y honorer. entré dans fes foyers, il en amuferoit fes enins ou fes parens dans les foirées d'hiver, & il n réfulteroit fans doute ce refpect qui eft dû, à int de titres, aux hommes à qui feul l'on doit la ropriété que l'on poffède, & la tranquillité dont n jouit pendant la guerre & même pendant la S. II.

lix.

Du mot de ralliement.

Le mot de ralliement peut être confidéré omme une espèce de cri de guerre : il fert, dans es opérations militaires nocturnes, à aider ceux ui les exécutent à fe reconnoître.

On donne, dans le fervice des places, le mot le ralliement aux poftes extérieurs qui ne doivent oint rentrer dans la ville pendant la nuit.

L'ufage n'a rien prefcrit fur le choix de ce mot: es circonftances le dictent ordinairement. Le rainqueur de Berghen donna, le foir de la bataille de ce nom, les noms de Saint Ferdinant & Brunfvick pour le mot d'ordre, & ils furent donnés pour le mot de ralliement.

Quelqu'utile que foit le mot de ralliement, on Art Milit. Suppl. Tome IV.

fent bien que, pour aider les commandans des différens poftes à fe reconnoître, il vaut mieux recourir à des fignes vifibles, qu'à un mot qui peut être bientôt connu des deux partis.

N. B. Depuis la révolution on s'est écarté de l'habitude de donner pour le mot de l'ordre le nom d'un faint & d'une ville; mais il eft plus à craindre que l'on ne revienne à ce ridicule ufage, qu'il n'eft à espérer de voir adopter l'idée fi heureuse, & dont on pourroit tirer un fi grand parti, du chevalier Folard.

MOUSQUETON. C'eft un fufil plus court que celui de l'infanterie, dont on arme ordinairement une partie des troupes à cheval. Depuis long-tems on auroit dû fe convaincre de l'inutilité du moufqueton pour la groffe cavalerie, &c.

N'a-t-on pas déterminé le genre d'armes que doit avoir le cavalier en le montant fur un cheval grand & fort? Occupé à le conduire d'une main n'eft-il pas dans l'impoffibilité de fe fervir d'une arme à feu qui exige, pour être maniée, que l'on ait les deux mains libres? Comment tirer d'ailleurs un coup de fufil avec avantage, fur un cheval auquel on feroit obligé d'abandonner la bride qu'on ne pourroit plus contenir, & qui feroit dans un mouvement perpétuel ?

D'ailleurs, fi toute action de feu en troupe eft impropre à la grofle cavalerie, le mousqueton lui eft donc inutile, & ne pourroit lui fervir qu'étant à pied; ce qui ne doit pas être fa deftination.

Mais fi le choc devient la feule action propre à la groffe cavalerie, il faudra donc, d'un côté, rendre ce choc redoutable, en augmentant la vitesse de la cavalerie en troupe; de l'autre, il faudra armer le cavalier d'une façon analogue à fa manière de combattre.

Si la cavalerie n'eft redoutable que dans un premier effort, fi elle eft incapable d'un fecond; repouffée, elle fe rallie très-difficilement ; fi victorieufe, elle peut difficilement profiter de fa victoire, voilà encore de nouvelles raisons qui viendront aider à fe déterminer fur le genre d'armes de la cavalerie, & fur l'éloignement du moulqueton.

MOUSTACHE. La moustache est cette partie de la barbe qu'on laiffe croître au deffus de la lèvre fupérieure.

Cet article n'eft confacré, ni à des recherches fur la moustache, ni à des difcuffions fur les variations qu'elle a éprouvées, mais bien à un court examen de fes avantages ou plutôt de fes inconvéniens.

Si nous avions à combattre des hommes qui, privés de la barbe, cruffent que quelques poils de plus ou de moins font une marque ou même une preuve de fupériorité, il faudroit fans doute que tous les militaires portaflent, non-feulement la mouftache, mais encore une grande barbe; & comme fouvent une grande partie des foldats franGgggg

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çais eft encore imberbe, il faudroit adopter l'ufage | des barbes poftiches. Mais la mouftache de nos guerriers ne fut jamais capable d'intimider nos ennemis elle ne donne d'ailleurs ni l'air martial ni l'air terrible; elle a été pendant long-tems un ornement commun aux hommes de tous les rangs & de tous les états. Ainfi les Français, en adoptant la mouftache, ont fuivi la mode ou l'exemple de leurs rois.

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Si la moustache étoit très-agréable aux guerriers, on pourroit oublier qu'elle leur eft inutile; mais elle eft très-incommode, très-mal-propre, & expofe plufieurs de ceux qui la portent, à des maladies de peau fur la lèvre fupérieure. L'auteur de l'Examen critique du Militaire français a dit : « Je blâme infiniment l'uniformité qu'on a voulu donner aux mouftaches. Par quelle bizarrerie veut-on que celui-ci, qui a » les fourcils & les cheveux blonds, ait la mouf»tache noire ? Cela eft auffi ridicule que de vou» loir que tous les hommes fe reffemblaffent. On » a pourtant tyrannifé les grenadiers & les cava»liers, pour fe fatisfaire fur cet article, en fai"fant poiffer les poils de la barbe fur la lèvre fupérieure, avec le même cirage deftiné aux » bottes chacun doit porter la mouftache comme » la Nature la lui donne. »

Comment concevra-t-on que M. de Bohan, qui avoue que l'on en eft venu jufqu'à tyrannifer les grenadiers & les cavaliers, pour qu'ils euffent tous des moustaches uniformes, & jufqu'à fe fer'vir à cet effet du cirage des bottes, puiffe confeiller de conferver cet ornement bizarre, accoutumés, comme nous le fommes, à fuivre les modes, même les plus ridicules? Comment ne s'eftil pas élevé contre un ufage auffi nuifible qu'il eft inutile & déplacé.

MUSIQUE. Nous allons donner fur cet objet, que nous regardons comme affez important, des réflexions d'un amateur dont on jugera facilement le goût, la philofophie & les connoiffances.

Nous entendons ici par mufique militaire, nonfeulement l'ensemble des inftrumens de mufique employés à la tête de nos troupes, mais auffi les airs qu'ils y exécutent. Trois queftions fe préfentent fur cet objet. Les inftrumens qui compofent les mufiques de nos régimens, font-ils militaires? Les airs que nos mufiques exécutent, ont-ils un caractère propre à échauffer le courage de nos guerriers? Y auroit-il un moyen de faire produire à nos mufiques militaires tout l'effet qu'on en a espéré ?

Les fons pleins, mâles & bruyans, étant les plus convenables pour peindre les mouvemens d'une ame qui s'élève au deffus des dangers, plane fur les abîmes, & tour-à-tour s'avance de fang froid ou s'élance impétueufement vers la g'oire; ils doivent être les plus propres à faire naître dans nos ames les paffions vives & ardentes

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néceffaires aux guerriers, & même cette fermeté inébranlable qui ne lui eft pas moins utile. On auroit donc dû n'admettre, dans nos mufiques, que des inftrumens capables de rendre des fons de cette efpèce; & cependant presque tous ceux dont elles font compofées, ne peuvent guère inspirer que des affections, ou tendres, ou douloureuses, ou une joie innocente & pure.

Quel inftrument a le fon plus lugubre que le baffon? Confultons les ouvrages de nos compofiteurs; voyons dans quelle occafion ils ont employé cet inftrument, & nous le trouverons tou jours confacré à peindre la plus fombre trifteffe.

Les cors donnant un ton de chaffe, feroient peut-être affez militaires; mais le goût a profcrit ces fons plus bruyans qu'agréables, & le cor, entre les mains de nos grands maîtres, n'eft devenu qu'un inftrument tendre & touchant.

Le hautbois eft bien mieux placé dans une fère villageoife, à la tête d'une troupe de bergers, qu'à celle d'une troupe de foldars.

La trompette nous paroit peu digne du nom de guerrière, dont les poetes l'ont décorée. Peutêtre celle des anciens rendoit-elle des fons plus pleins & plus éclatans; mais des fons grêles, ai• gres, & le plus fouvent faux, ne peuvent avoir d'autre expreffion que celle qu'ils reçoivent d'un antique préjugé.

Les clarinettes ont fans doute un timbre plein & fonore, foit dans le bas, foit dans le médium de leur diapafon; mais on leur fait perdre fouvent cet avantage en les élevant au deffus de la feconde octave les fons en deviennent alors nafards & toujours triftes, s'ils ne font pas défagréables.

Puifque les mufiques qui font à la tête de nos troupes, ne font compofées d'aucun inftrument vraiment militaire, il en résulte néceflairement qu'elles font peu propres à l'effet auquel elles font principalement destinées.

Mais n'avons-nous point des inftrumens plus militaires que ceux dont nous faifons usage? Nous en avons, mais nous n'avons pas daigné nous en fervir, ou nous les avons relégués dans ce que nous appelons la petite mufique tels font les fifres, les petites flûtes ou octavins, les triangles, les tambourins, les cymbales, les tambours même; telles furent encore les timbales un fon rajeltueux, quoiqu'affez fourd, l'aptitude à marquer les cadences muficales, en rendoient l'effet impofant; les groffes caiffes les remplacent jufqu'à un certain point.

Si quelqu'un étoit furpris de cette espèce de prédilection que nous accordons à des inftrumens prefque barbares, comme les cymbales, les triangles, &c. ; s'il s'étonnoit que l'on refufe à ceux qui tiennent le premier rang dans nos troupes, le droit de peindre le courage, qu'il confulte les chefs-d'œuvre de nos compofiteurs ; ce n'est pas dans les airs guerriers qu'ils ont fait taire les violons, pour ne faire entendre que nos prétendus

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inftrumens militaires. Si les clarinettes, les cors & les baffons euffent eu un caractère guerrier, M. Grétri les auroit-ils employés feuls dans fon tableau magique de Zémire & Azor? A-t-il manqué fon effet, en leur faifant accompagner des chants triftes & plaintifs? Avec quel fuccès M. Gluk n'a-t-il pas employé les cymbales, les triangles, les petites Aûtes, pour peindre le courage ou la férocité. Oui, ce n'eft qu'en employant euls ces derniers inftrumens, ou bien en les mêant avec ceux qui compofent nos grandes mufiques, que nous pouvons efpérer de faire naître lans le coeur du foldat les paffions que nous fomnes intéreffés à y trouver.

Mais fuffit-il de faire ce mélange d'inftrumens ? Ne faut-il pas encore que les airs exécutés par es mufiques militaires aient un caractère propre à effet qu'on veut produire ? Avons-nous, en un ot, été jamais jufqu'ici plus adroits dans le choix es airs, que dans celui des inftrumens ?

Les airs adaptés à notre mufique militaire ne ont guère plus faits que nos inftrumens, pour xciter le courage de nos foldats: la plupart de es airs font pris au hazard dans nos opéras, & uvent ils y étoient placés en des circonftances où compofiteur n'avoit jamais rien moins eu en vue u'un air militaire. Des marches religieufes ou illageoifes, des airs deftinés à accompagner les ouvemens d'un peuple, ou transporté de joie, u accablé de trifteffe, tels font les airs qu'on xécute indiftinctement à la tête de nos troupes. i quelques marches ont été composées pour nos ataillons, l'auteur n'a eu le plus fouvent en vue ue de faire un air agréable & bien cadencé, une efure & un mouvement déterminés la régulaté dés phrases musicales, deux croches, dont la remière eft pointée, & la feconde fuivie d'une oire, cela feul a fuffi parmi nous à déterminer le aractère d'une marche.

Notre mufique militaire ne pouvant donc, telle u'elle eft aujourd'hui, être de quelqu'utilité pour fpirer le courage à nos troupes, doit-on la fuprimer? Non fans doute : la mufique rompt la lonue monotonie des exercices; elle en adoucit & nfait supporter plus facilement les fatigues ; elle eut donc être agréable: cherchons à la rendre

tile.

Remarquons d'abord que, dans la plupart des ccafions où l'on prend les armes, en tems de aix, la mufique n'a alors d'autre objet que de égler les pas & d'égayer le foldat: la parade, les xercices ordinaires, l'arrivée d'une troupe dans ine ville où elle doit féjourner, voilà des occaions où toute espèce d'air agréable & bien mefuré ourra fuffire, pourvu qu'on évite avec foin tout ir tendre, trifte ou efféminé.

Mais c'eft principalernent dans les camps que la nufique doit s'adreffer au coeur du foldat: il eft même des inftans, pendant la paix, où l'on doit faire naître l'illufion dans fon ame, lui préfenter

l'image de la gloire, & exercer ainfi fon activité, qu'un long repos pourroit anéantir.

Ce feroit dans les exercices à feu, lors de l'entrée d'une troupe dans un fort ou dans une ville de guerre, que la mufique devroit ceffer d'être indifférente, & qu'elle devroit exercer toute la plénitude de fa puiffance; mais quels feroient les moyens à employer pour remplir cet objet ?

La mufique agit de deux manières, par fon expreffion propre, & comine un figne qui nous rappelle des fenfations que nous avons autrefois éprouvées réuniffons ces deux puiffances de la mufique, & elle produira, fur nos guerriers, l'effet que nous avons lieu d'en attendre.

Afin que la mufique militaire agiffe par fon expreffion propre, on demanderoit aux compofiteurs les plus célèbres un air de marche, on leur feroit connoî re tout l'intérêt qu'on y attache. Cette marche auroit un caractère de fierté : les piano de cet air ne feroient pas remplis par des chants tendres, ainfi que dans les marches ordinaires, mais par l'expreffion d'une férocité concentrée, dont les accens, croiffant peu à peu, se termineroient par un uniffon de toutes les parties, ou par un chant fimple, noble & fier, accompagné par les accords les plus fimples: les modulations en mode mineur y feroient foigneufement évitées, à moins qu'on ne leur donnât un caractère ferme. Point de folo pour les cors, encore moins pour les baffons: ces paffages font néceffairement, ou tendres, ou triftes; les clarinettes s'éleveroient peu au deffus de leur feconde octave, pour conferver leur fon plein & éclatant; des batteries à la feconde clarinette feroient d'un bel effet, pourvu que le nombre des premières clarinettes fuffit à bien faire entendre l'air; enfin, cette marche guerrière feroit accompagnée par deux tambours au moins, les cyınbales, les triangles, quelques octavins, &c.

Mais le moyen le plus propre à rendre utile notre mufique militaire, feroit fans doute de la faire agir comme un figne qui rappelleroit à l'ame de nos guerriers les fentimens dont ils ont été enflammés. On fait avec quelle force un air nous retrace la fituation où nous étions lorfque nous l'avons entendu plus cet air a été répété dans les mêmes circonstances, & plus l'effet en eft puiffant. Jean-Jacques, attendri & verfant des pleurs en chantant l'air favori de fa nourrice; les Suiffes, ne pouvant retenir leurs larmes, & la plupart d'entr'eux abandonnant leur drapeau au fon du rang des vaches, font un exemple frappant de cette vérité. Pourquoi ne mettrions-nous pas à profit cette propriété de la mufique? Que chaque corps ait une marche compofée fur les principes que nous avons établis; qu'elle foit affez courte pour se graver toute entière dans la mémoire du foldat; qu'elle foit reçue avec folennité, & annoncée par cette courte harangue : Soldats, vous entendrez cet air toutes les fois que vous marcherez à l'ennemi; qu'on ne l'emploie jamais, qu'il foit même trèsGgggg 2

ftrictement défendu de l'employer en tems de guerre, fi ce n'eft pour attaquer l'ennemi ou pour le repouffer en tems de paix, que le foldat ne l'entende que dans les exercices à feu, dans les combats fimulés, dans les occafions enfin où fa tête doit s'exalter, & où l'apparence d'un combat doit faire naître en lui l'enthoufiafme de la gloire. N'eft-il pas évident qu'un air que jamais il n'aura entendu de fang-froid, retentira pour ainfi dire dans fon cœur, & y fera renaître les nobles tranfports qui l'agitèrent dans de femblables circonftances? qu'à chaque nouvelle occafion il acquerra une puillance nouvelle, puifqu'il réveillera plus de fenfations à la fois, & qu'enfin cet air fera, pour ces guerriers, le fignal de la gloire? Lorfque les drapeaux & les étendards arrivent au milieu d'un bataillon, ils y font reçus avec toutes les marques de vénération & de refpect. Si l'on penfe qu'il foit intéreffant d'infpirer aux foldats ces fentimens, ne fera-t-il pas poffible de les graver plus fortement dans leur ame, en les fai

fant exprimer alors par les inftrumens militaires? Un air fimple, lent & majeftueux, exécuté par les clarinettes, les cors-de-chaffe, les baffons & les cymbales feulement, accompagnera le falut que les troupes font à leurs drapeaux, & jamais cet air ne fera entendu en d'autres circonftances.

On fourira peut-être à la lecture de ces idées, on fera furpris des vues minutieufes qui paroiffent les avoir dictées; mais fi l'on daigne faire atten tion que c'eft par les moyens les plus foibles en apparence, que les arts d'expreffion produifer les plus grands effets; fi l'on apperçoit que notre mufique militaire n'eft maintenant qu'un objet de luxe ou d'agrément, qu'il n'en coûteroit aucun frais pour la rendre utile, que les moyens propofés font puifés dans le coeur humain, qu'ils fort fondés fur l'analogie & confirmés par l'expérience, le critique défarme laiffera peut-être tomber d fa main les traits qu'il étoit prêt à lancer, & réunira à nous pour demander une innovation pea confidérable, mais utile.

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