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"Mais on doit obferver que, quoique notre façon de faire en joue réponde en général assez à la configuration du fufil & à fon ufage, elle n'est pas à beaucoup près déterminée d'une manière fixe, & fondée fur des effais comme elle devroit l'être, & l'on ne s'attache pas affez à la rendre abfolument machinale au foldat: on devroit l'y exercer bien plus qu'on ne fait, & donner la plus grande attention à ce que tous les fufils fe trouvent tout de fuite dans l'alignement prefcrit, en puniffant le foldat qui, par négligence, le tiendroit autrement qu'il ne devroit.

une pofition horizontale à la ceinture, au meme inftant où il touche à la détente, la balle n'étant pas encore hors du canon, prend cette direction & rafe l'horizon à cette hauteur; ce qui doit rendre le coup aufli jufte qu'il puiffe l'être. Nous avouons que nous ne faurions nous perfuader cette affertion. Il n'eft pas poffible de porter ainfi le fufil à la ceinture fans lui donner une fecouffe qui en élève la bouche, de forte qui fi la balle se trouvoit encore dans le canon, comme on le fuppofe, tous les coups iroient plus ou moins haut en l'air, mais il y a tout lieu de croire que la balle eft dehors avant que le foldat ait pu faire ce mou- » Quoique la manière de faire en joue foit le vement: ayant obfervé que les coups des troupes mouvement capital de la justesse, duquel dépend qui baissent fort les armes en couchant en joue, tout l'effet du feu de nos troupes de ligne, il n'y donnent en terre à une petite distance, il ne fait pas tout, & il ne faut pas qu'il foit accom aut donc pas faire baiffer extrêmement les fufils pagne de circonstances qui en rendent l'exécution u premier rang, à cause de l'élévation de la balle impoffible: or, il exilte de ces circonstances; u deffus de la ligne prolongée du canon. Alors la d'abord nos fufils font trop lourds & trop peu alle parcourra une centaine de pas à une jufte maniables avec le poids qu'on leur donne, il lévation, pour atteindre un objet à hauteur n'eft pas poffible qu'un homme d'une force ordiT'homme. On les fait moins baiffer au fecond naire ne tire en l'air ou ne le laiffe tomber en ang, fans doute par routine, ou peut-être parce avant, & ne tire à dix pas en terre s'il veut éviter que le fecond rang, fe trouvant derrière le pre- l'autre défaut. On le répète : quand nos fufils penier, il ne peut pas faire autrement; enfin, le fans porteroient à cinquante pas plus loin, à quoi roifième rang tient fes armes dans une pofitionc la ferviroit-il, fi prefqu'aucun de leurs coups orizontale & même un peu élevées, apparem- n'atteignoit le but? En fecond lieu, notre maent auffi parce que fa fituation à l'égard des nière bizarre de ranger les foldats, en mettant les utres rangs l'empêche de les tenir d'une autre plus grands au premier rang, tandis qu'ils deanière. On ne parle point des effets du feu en v.oient être au troifième, & les plus petits au aifant mettre un genou en terre, ce mouvement premier, empêche à jamais l'obfervation de toute e devant jamais s'exécuter à la guerre. règle fur la manière de faire en joue cela fera toujours que les deux derniers rangs tireront en l'air, & la pefanteur du fufil fera toujours donner les coups du premier rang en terre; de forte qu'avec ces deux inconvéniens il n'eft pas poffible que le feu des troupes devienne jamais bien meurtrier. Peut-être fi l'on effayoit d'alléger les armes, de ranger les petits hommes au premier rang, & les grands au troisième, & de les exercer en uite à fe rendre bien habituelle la meilleure façon de faire en joue, on feroit étonné de l'exécution que feroit fon feu.

» En comparant cette manière de coucher en Que avec ce qui a été dit fur la nature de notre rme, on trouvera que le premier rang doit fraper tout ce qui fe trouve en deçà de cent pas. Si ous les rangs tenoient leurs armes dans une pofiion horizontale, les balles pafferoient vraifemlablement par-deffus la tête à tout ce qui fe troueroit dans cet efpace à hauteur d'homme; le econd rang, en baiffant un peu, mais prefque inenfiblement le fufil, doit atteindre tout ce qui e trouve entre cent & deux cents pas de diftance; e troisième rang, en tenant le fufil horizontalenent, & même un peu élevé, atteindra depuis leux cents pas jufqu'à la plus grande portée: il ft vrai que de cette façon tous les coups du troiième rang font perdus, là où ceux du fecond & lu premier frappent & en fens inverfe; mais on ne enfe pas qu'on puiffe en demander davantage, inon que le feu des troupes foit bien réparti fur tout l'efpace de la portée du fufil; & c'eft ne pas bien connoît e cette arme, que de prétendre qu'il y ait une manière de la tenir au moyen de laquelle le coup en parcoure toute la portée à hauteur d'homme toujours eft-il fûr qu'une manière de faire en joue, qui feroit que toujours la troifième partie des balles frappât l'ennemi d'un bout de la portée du fufil à l'autre, furpafferoit de beaucoup ce qui fe pratique à préfent.

» Comme l'on doit s'attendre à tout, on objec tera peut-être que l'idée de rendre habituelle une façon fixe de faire en joue ne peut être avantageufe que dans la fuppofition que les troupes des deux partis fe trouvent fur un terrein de niveau; que, dans le cas où les ennemis fe trouveroient placés, ou plus haut, ou plus bas, il faudroit la varier, & que, pour rendre le feu meurtrier dans tous les cas, il faudroit toujours apprendre au foldat à vifer & à tirer jufte.

» Si l'on prétend, avec vérité, que le trouble du foldat dans le combat eft fi grand, qu'on ne fauroit lui faire exécuter aucune chose qui exige de l'attention & des ordres particuliers, à quoi aura-t-il fervi de lui apprendre à vifer, puifqu'alors il fera beaucoup trop troublé pour faire ufage de ce talent? En général, l'inutilité de cet ufage,

JUSTICE. Rendre juftice eft un des devoirs les plus facrés des chefs militaires, & autant ils doivent être juftes en puniffant févérement les fautes de leurs inférieurs ou de leurs égaux, autant ils doivent être juftes en publiant leurs bonnes actions ou les actes de leur valeur, & en les récompenfant ou les failant récompenfer.

à l'égard des troupes de ligne, eft trop clairement fufil dans la jufte pofition, pourroient-ils mettre démontrée, pour qu'on puiffe encore infifter là-l'infanterie en état de tirer avec beaucoup plus deffus. On obfervera cependant que fi l'inégalité d'effet qu'à présent. » du terrein fur lequel fe trouvent deux corps de troupes ennemies, n'eft pas confidérable, le feu ne perdra pas fenfiblement de fon effet en tirant d'après la façon ordinaire du coucher en joue; au contraire, la pefanteur du fufil, faifant baiffer la bouche & tirer trop bas au premier rang furtout, rendra le feu de celui-ci probablement plus efficace; mais fi la troupe qui tire, eft placée beaucoup plus haut, et que le feu foit plongeant, il ne pourra jamais avoir un bien grand effet; il eft de ce feu comme de celui de biais: on y exerce auffi les troupes de tems en tems; mais notre ordonnance & encore plus la fituation d'efprit du foldat, dans le feu, y répugnent; l'une & l'autre répugnent de même à ce qu'un feu plongeant foit jamais bien efficace. —Notre façon de ranger les

foldats y eft encore infiniment contraire; car com

ment les petits hommes du fecond & du troisième rangs pourroient ils tirer jufte contr'un objet placé dans un fond, dont le premier rang leur cache entiérement la vue: d'où il fuit encore davantage l'importance de ranger les petits hommes dans les premiers & les feconds rangs. Quant au feu de bas en haut, il ne vaudra jamais rien, quoi qu'on faffe ; c'est une chose connue ; auffi la science des pofitions doit-elle s'occuper fpécialement de cet objet.

כן

On follicitoit Philippe de Macédoine de favorifer un officier qui alloit perdre fa réputation par un jugement jufte, mais févère; Philippe refufa d'y confentir. J'aime mieux, dit-il, que cet officier foit déshonoré que moi.

Montluc reproche à M. de Barbezieux de lui avoir volé, auprès du roi, la gloire qu'il avoit acquife à la furprise du moulin d'Auriol; il rend n'avoir pas celé l'honneur de ceux qui faifoient au contraire juftice au maréchal de Briffac, de quelque chofe de remarquable; oncques homme l'entendit, qu'il ne l'en avertît; il ne déroboit ne fit rien auprès de lui, qui fût digne que le toi pas l'honneur d'autrui pour s'en enrichir, et il ne célait la valeur du plus grand jufqu'au plus petit.

fon

tribuer à leur avancement ou à les faire récompenfer.

Le chevalier de Forbin fervoit avec chaleur les

officiers qui étoient fous fes ordres ; il avoit obtenu du roi une récompenfe pour s'être diftingué dans une action d'éclat ; mais moins occupé de fa gloire que de celle d'un officier qu'on fembloit avoir oublié, il ofa représenter au roi que cet officier, qu'il lui nomma, ne l'avoit pas fervi avec moins de valeur & de zèle que lui. Le roi s'arrêta, & s'étant tourné vers M. de Louvois : Le chevalier de Forbin fait là une action bien généreuse, & qui n'a guère d'exemple dans ma cour.

On avoit accordé une penfion à Dugai-Trouin en 1707; il écrivit au miniftre pour le prier de la faire paffer fur la tête de Saint-Auban, Cependant, en faisant l'apologie de la manière de tenir le fufil, la plus communément ufitée chez emportée. Je ferai trop récompensé, ajoutoit-il, capitaine en fecond, qui venoit d'avoir une cuiffe la plupart des puiffances de l'Europe, on ne pré-fi en rendant juftice à mes officiers, je peux contend pas qu'on ne puiffe en trouver une différente et meilleure, s'il étoit vrai, comme paroiffent en être convaincus plufieurs militaires, que le coup acquiert la plus grande jufteffe poffible par la pofition horizontale dans laquelle le foldat place le fufil au moment où il touche à la détente, il vaudroit mieux porter tout de fuite le fufil dans cette attitude pour tirer; ce qui ne feroit pas difficile: on peut cependant douter que cela augmentât beaucoup l'effet du feu, cette direction, bien horizontale, étant fort difficile à faifir; & pour peu que le foldat tint le canon du fufil, où baiffe ou élevé pardevant, le soup iroit donner alors à terre à dix pas, ou pafferoit à vingt pieds au deffus de la tête des ennemis.-Notre manière de tenir le fufil eft donc la meilleure comme la plus naturelle : on doit néanmoins effayer de toutes celles que l'on pourra imaginer raisonnablement, furtout celle dont il eft queftion. Des expériences réitérées peuvent feules découvrir la meilleure des attitudes pour tirer à faire prendre au fantaffin de ligne peut-être quelques changemens à l'afutage, l'invention de quelqu'angin pour fixer le

Après la bataille de Coni, le prince de Conti, dans la lettre qu'il écrivoit à Louis XV, ne parla pas de fes bleffures; il ne fit mention que des fervices des officiers qui s'étoient fignalés.

Le maréchal de Luxembourg fe fit beaucoup de tort dans l'opinion publique, pour avoir eu l'in juftice de n'avoir pas rendu compte au roi de la conduite valeureufe de MM. de Vendôme à la bataille de Steinkerque.

L

LACERNE. On donnoit le nom de lacerne à

L

un habit groffier dont les foldats romains fe fervoient en campagne; c'étoit une espèce de manteau qui fe mettoit par-deffus le refte des vêtemens. La lacerne ne s'introduifit que fort tard dans les armées les premières qui y parurent, furent regardées comme un objet de recherche & de luxe. Pendant la guerre civile, elles fe multiplièrent, parce que tous les hommes qui compofoient les armées, n'étoient pas des militaires : de l'armée, les lacernes pallèrent dans les cités. Cette hiftoire des lacernes est à peu près celle de nos manteaux; mais les habitans des cités, ayant trouvé les manteaux trop amples & trop incommodes, imaginèrent la redingotte, qui tient le milieu entre les deux vêtemens, fe met fur les habits & couvre les cuiffes & une partie des jambes. Il est à defirer qu'on en vienne enfin à faire un ufage général de ce vêtement pour nos foldats d'infanterie. M. de Saint-Germain avoit adopté ce vêtement fi nécef faire au foldat pendant neuf mois de l'année, la nuit furtout. Il faudroit, en adoptant ce vêtement, y joindre un grand collet, fait de manière à fervir de capuchon la nuit aux foldats de garde, en fentinelle ou au bivouac, afin de les préferver du froid, & de leur garantir de la pluie & de l'humidité, la tête, le cou & les épaules. On doubleroit le collet, la taille & les manches de ces redingottes avec une toile couverte de l'enduit du cit. Efquinemar, au moyen duquel elle eft impénétrable à l'eau. Peut-être auffi avec ce vêtement, dont on a fenti la néceffité & les avantages dans les dernières campagnes faites en hiver & fur les montagnes, faudroit-il préférer à l'habit actuel, l'habit-vefte avec le gilet, le pantalon & la demibottine.

LACHETÉ. La lâcheté eft le vice de celui qui eft totalement dépourvu de bravoure; le lâche eft non-feulement inutile dans une armée, mais il y eft dangereux fa contenance, fon exemple, fes propos, peuvent y produire des effets défaftreux. Perfuadés de cette vérité, plufieurs généraux anciens & modernes ont mieux aimé commander à un petit nombre d'hommes, que de compter des liches parmi leurs foldats. Annibal, avant de quitter l'Espagne, & fur le point de pénétrer en Italie, licencia plus de fept mille lâches; & fon armée, quoique moins nombreuse, en devint plus redoutable; car rien n'eft plus contagieux que la lâcheté. Le chevalier Bayard laifla fortir une partie de la garnifon de Mézières, & il s'en crut plus fort. Le maréchal de Lefcure en fit autant dans Parme.

Les lâches & les fuyards étant nuifibles dans Art Milit. Suppl. Tome IV.

une armée, au lieu de les employer dans la ligne un jour de bataille, il faut, à l'exemple de M. de Vendôme à Caffano, les placer dans quelqu'endroit fort par fa nature, où ils puiffent, fans courir aucun rifque, incommoder facilement l'ennemi ou lui en impofer.

Dans les conftitutions militaires modernes, qui ne permettent, ni d'effayer les hommes qu'on enrôle, ni de licencier les gens de guerre soupçonnés de lâcheté, quel moyen refte-t-il pour prévenir les maux que la lâcheté entraîne toujours après elle?

Il n'eft pas impoffible de rendre braves les poltrons & les foibles; il eft aifé de contenir les téméraires dans les bornes de l'intrépidité. Un légiflateur habile a dans la main, pour produire ces effets, un affez grand nombre de moyens, des encouragemens, des récompenfes, des punitions même ; mais il n'en eft pas de même des lâches: la lâcheté, foit qu'elle ait l'organisation pour caufe, foit qu'elle doive fa naiffance à l'éducation, ne fe transforme prefque jamais en bravoure; elle s'élève même très-difficilement jufqu'à la poltronerie : le lâche est un être non-feulement dépourvu de tout fens moral, mais encore de la plupart des fens phyfiques; végéter eft tout pour lui: on diroit qu'il a calculé toutes les chances, & que le résultat de fes réflexions eft de trouver dans la vie l'unique bien defirable pour l'homme fage. Inutilement donc recourroit-on, pour détruire l'a lâcheté, à l'ignominie, à l'opprobre: ces peines font faites pour le poltron, pour le foible. Le lâche n'a la perspective ni de l'eftime ni de la gloire. En vain chercheroit-on à l'émouvoir: fon cœur n'a point d'oreilles; la patrie, la liberté même font pour lui des mots vides de fens: honneurs, dignités, récompenfes, aucun de ces objets ne le flatte, aucun ne frappe fes fens : la mort & la douleur, voilà ce qui peut l'émouvoir. Il faut donc avoir recours à la douleur ou à la mort; il faut réserver la crainte des peines pour cette claffe vile, & la plupart des légiflateurs & des généraux ont agi d'après ce principe. Chez quelques peuples cependant, on a joint la crainte de l'ignominie à celle de la mort, & on les en a loués. Il y a peu d'hommes foibles ou poltrons qui ne foient un peu lâches: un peuple fage, en prefcrivant la mort contre la lâcheté, fera donc utilement de joindre l'idée de l'ignominie à celle de la privation de la vie cette addition de peines n'affectera pas le lâche, mais elle empêchera la poltronerie de fe

convertir en lâcheté.

Par les lois de Solon, ceux qui refufoient d'aller à la guerre, qui fe fauvoient de l'armée ou Yyyy

qui donnoient quelqu'autre figne grave de lâcheté, étoient condamnés à ne point entrer dans l'enceinte privilégiée du foram, à ne jamais porter ni couronnes ni guirlandes, & à n'être admis dans aucun lieu d'affemblée folennelle.

Décimer, faire mourir fous le bâton ceux fur qui le fort tomboit, réduire le refte à l'orge au lieu de blé, faire camper hors des retranchemens les corps entiers, telles étoient les punitions employées par les Romains contre les individus ou les corps qui avoient montré de la lâcheté ou abandonné leurs poftes.

Si, fous Augufte, une cohorte ou une légion lâchoit lepied, ou même étoit mife en défordre, il la faifoit décimer. Les tribuns ou centurions qui abandonnoient leurs poftes, étoient exécutés fur le champ, & quand les fautes étoient légères, il fe contentoit de les faire tenir tout le jour, devant fon prétoire, avec de longues perches entre les mains.

Les Saxons qui s'étoient comportés avec lâcheté dans un combat, étoient livrés aux prêtres d'Irminful, une de leur principale divinité, qui¡ les battoient cruellement de verges. Ce peuple pouffoit même la rigueur jufqu'à condamner à la mort ceux qui avoient perdu la bataille par leur faute.

L'empereur Julien condamna dix de fes foldats qui avoient tourné le dos à une charge contre les Parthes, à être dégradés, & après, à fouffrir mort, dit Montaigne.

Dans les armées pruffiennes, un officier qui donne des preuves de lâcheté dans un combat, est d'abord mis en prifon par fon colonel, puis chaffe de l'armée comme le plus vil des hommes, & fon épée eft mife en pièces.

LANCE-PASSADE. Il y avoit en ce tems-là, dit le maréchal de la Vieilleville, en parlant du règne d'Henri II, des lances-paffades qui étoient des hommes de choix qui ne portoient jamais l'arquebufe. Boivin-de-Villars dit auffi que les lancespallades étoient des places, dans l'infanterie, deftinées à des nobles trop pauvres pour fervir dans la cavalerie. Ne feroit-il pas avantageux de créer dans les bataillons, des places intermédiaires, comme celles des lances-paffades, dans lefquelles pourroient entrer les enfans d'officiers pauvres, morts dans les armées ou aux invalides.

LANGUES. Après avoir vu au mot GÉNÉRAL & à celui CAPITAINE, les avantages que peuvent retirer les chefs militaires de la connoiffance des' langues étrangères dans un grand nombre de circonftances, nous imaginons qu'il ne fera pas hors d'oeuvre d'appuyer les principes & les réflexions, développées dans ces deux articles, par des faits confignés par l'hiftoire.

De toutes les langues qui fe font mêlées parmi nous, dit Montluc, j'ai appris quelques mots, &

par

paffablement l'italien & l'efpagnol; cela m'a fois fervi: on voit en effet dans les commentaires de ce vieux géneral, plufieurs exemples de cette vérité; aufli dit-il dans un autre endroit de fon ouvrage : Vous, Meffieurs, qui avez les moyens, & qui voulez pouffer vos enfans, croyez que c'eft une bonne chofe de leur faire apprendre, s'il eft poflible, les langues étrangères; cela fert fort, foit pour paffer, foit pour le fauver, foit pour vaincre, foit pour négocier, foit pour gagner les cœurs, foit pour avancer.

L'hiftorien de Guftave-Adolphe nous offre une preuve que les langues font, fuivant l'expreflion de Montluc, utiles pour avancer. Le général Oldinger, de domeftique d'un gentilhomme italien, parvint au grade d'officier-général : fon talent pour écrire & pour parler plufieurs langues étrangères lui ouvrit l'entrée aux premiers grades militaires.

On trouve dans l'hiftoire de l'ordre de SaintLouis, un fait qui prouve combien les langues font utiles pour le fauver. Pendant la guerre de la fucceffion, un maréchal-des-logis de dragons ayant eu fon cheval tué fous lui, fe trouva pêleniêle avec les ennemis; il demeura fur le chimp de bataille, engage fous fon cheval jutqu'à la fo du combat; il ota alors fon juftaucorps & le mit fur fes epaules. Quelques Efpagnols le voyant dans cet équipage, lui crierent dans leur langue: Qui vive? Il leur répondit: Viva l'Espana. On lui répliqua: Como ezes veftado? Ho matado un Francez, dit le dragon. Y presso y su vestido, perque & mio no valia nada. Cette réponse les fausfit, & ils continuèrent leur route pour regagner leur

camp.

La connoiffance des langues eft encore bonne pour pafler: l'hiftoire de François I. en offre une preuve. Le maréchal de Lautrec ferroit de près la ville de Pavie: Profper Colonne voulat y faire pénétrer du fecours; il fit partir en conféquence deux mille hommes d'élite, qui, au moyen d'un ftratagème, entrerent dans la place. L'officier qui les commandoit ayant rencontré un corps-degarde français, parla italien, & fe fit paffer pour un capitaine vénitien qui venoit de la guerre, & qui alloit rentrer dans le quartier des troupes de la république. Arrivé au quartier des Vénitiens, il parla français, & dit qu'il alloit, par ordre je Lautrec, prendre un pofte qu'il indiqua. On le crut, on le laiffa paffer, & il ne fut reconnu pour ennemi que lorfqu'il ne fut plus tems de l'empê cher de penetrer dans Pavie.

En 1536 la ville d'Arles faillit à éprouver les événemens les plus défaftreux, parce que les troupes qui y étoient en garnifon, avoient pour chets des étrangers, Etienne Colonne & le prince de Molphe, qui avoient infiniment de peine à fe faire comprendre du peuple, & à te faire obeir de la gainifon, de manière que la difcordes etant élévée entre les divers corps qui la compofoient,

Colonne abandonna la place, en difant au prince de Molphe:Je vous laiffe le commandement : ces mutins vous obéiront mieux qu'à toi, qui ne peux me faire entendre d'eux.

On ne peut donc mettre aucun doute fur les avantages pour les officiers-généraux & particuliers attachés à la connoiffance de la langue des peuples chez lefquels les Français peuvent porter la guerre. La langue allemande s'entend depuis les confins de l'Italie jufque fur les bords de la Baltique. Nous devons être forcés de faire quelquefois la guerre en Italie, & il efl malheureufement bien rare que nous ne foyons pas en guerre avec les Anglais au premier coup de canon que l'on tire en Europe; mais pour remplir cet objet fi effentiel, il faudroit fe convaincre de l'importance d'avoir dans chaque bataillon une bibliothèque d'ouvrages purement militaires, fous la direction d'un officier de morale, qui devroit donner des leçons de langues, de géométrie & de trigonométrie-pratique: on pourroit y joindre un officier ou un fous-officier qui donneroit des leçons fur la manière de lever des plans, les tracer & les laver; fur les fortifications, furtout celles de campagne, & des inftructions théorique & pratique d'après l'ouvrage du Guide de l'officier de campagne, du général Lacuée, & quelques autres fur le même objet.

LANSQUENETS. On trouve, pour la première fois, des Lanfquenets au fervice de la France, fous Charles VIII. Ce prince, en rentrant en France, en laiffa fept ou huit mille en Italie. Il y en avoit d'autres, dit Commines, après avoir parlé des Suiffes, que nous appelons communément Lanfquenets, qui vaut autant dire comme compagnons de pays, & ceux-là haïffent naturellement les Suiffes, & les Suiffes eux. Ils font de tous pays, comme de deffus le Rhin & du pays Souave: il y en avoit aufli du pays de Vaux en Sévonie, & du pays des Gueldres. On trouve des Lanfquenets dans notre hiftoire, jufque fous le regne d'Henri IV. Les Lanfquenets combattoient à pied, & les Reitres leurs compatriotes, à cheval.

de

LAQUAIS. Or diftinguoit autrefois les hommes qui fuivoient une armée en qualité de domneftiques, en valets, laquais & goujats.

Les valets étoient pour la cavalerie, les laquais pour les officiers & les gendarmes, & les goujats pour l'infanterie.

Les laquais formoient une espèce d'infanterie irrégulière; elle exiftoit encore du tems de Montluc. Cet officier, en parlant de la bataille de Cerifoles, dit : J'avois laiffé un mien laquais toujours devant le bataillon avec la pique.

Chez les Allemands, les officiers ont, pour les fervir, des espèces de foldats connus fous le nom de trabans; ils font armés, & peuvent être utiles pour protéger des convois, des équipages, défendre des endroits fermés, &c.

Pourquoi n'adopteroit-on pas cette fage méthode en France? Pourquoi ne donneroit-on pas un traban pour un lieutenant & un fors- lieutenant, un pour un capitaine, deux pour un chef de bataillon, & ainfi proportionnellement fuivant les grades; ils auroient, comme le foldat, une paye & une maffe d'habillement & de petit équipement; ils feroient armés d'une épée à la romaine & d'une carabine. On pourroit les prendre, ainfi que les ouvriers & les muficiens & tambours, parmi les enfans-trouvés ou les enfans de foldats, feulement depuis l'âge de dix-huit ans, jufqu'à celui de vingt-fix, où alors ils pourroient, s'ils le jugeoient à propos, s'engager comme avoué ou remplaçant.

LATRINES. Pour contribuer à la propreté des camps & à la falubrité de l'air, les ordonnances militaires veulent que l'on creufe deux latrines pour les foldats de chaque bataillon, à cinquante toifes en avant du front de bandière, & deux pour les officiers, à vingt toiles en arrière de leurs tentes; elles veulent que l'on mette des appuis à la place où ces latrines auront été marquées, & qu'on les entoure d'une feuillée; elles veulent auffi qu'on en creuse de nouvelles tous les huit jours, que l'on comble les anciennes, & qu'on les marque avec un jalon élevé & très-diftinct.

Les ordonnances militaires n'ont pas pris les mêmes précautions relativement aux foffes d'aifance à l'ufage du foldat dans nos garnifons, & elles méritent & appellent l'attention de l'adminiftrateur militaire."

1o. La plupart font mal faites, trop peu vaftes trop mal renfermées, trop difficiles à nétoyer.

2o. Eiles font en général trop éloignées des corps de cafernes, & privées des moyens d'y entretenir la propreté, qui eft fi néceffaire pour empêcher les odeurs fétides & les miafmes dangereux qui, fans ces précautions, fe répandent dans tous les bâtimens, & les infectent.

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L'éloignement des foffes d'aifance cause beaucoup d'intranfpirations & de maladies. Comment, en effet, un foldat qui fort du lit & d'une chambre affez chaude, prefque toujours nu en chemife, & qui eft obligé de traverfer dans cet état, de grandes cours ou de parcourir une étendue de rempart affez confidérable, ne s'enrhumeroit-il pas, ou ne prendroit-il pas quelque maladie plus fé ieufe? Peut-être faudroit-il qu'en attendant que l'on pût obvier à ces inconvéniens dans la conftruction des nouvelles cafernes, on fit arranger à" l'extrémité de chaque corridor, des latrines uniquement destinées pour la nuit, & qui ne feraient ouvertes qu'une heure après la retraite.

LÉGAT. Le légat était le chef fuprême d'une légion romaine. On diftinguoit deux efpèces de légats, les légats prétoriens, & les légats confulaires.

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