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des foldats qui meurent dans les hôpitaux, font | brûlés par l'eau-de-vie & le vin : l'ivreffe eft la cause première des punitions infligées aux foldats; mais cette vile paffion, fi dangereufe pendant la paix, le devient bien davantage pendant la guerre; auffi les Carthaginois ne permettoient point à leurs foldats de boire du vin pendant tout le tems de la campagne; le foldat romain n'en buvoit pas non plus: cependant, c'eft moins la privation totale du vin dont il faut s'occuper, que de chercher à en prévenir les excès, pendant la paix comme pendant la guerre.

L'excommunication lancée fous Charlemagne, contre les foldats qui s'enivroient, feroit de nul effet dans ce moment. Ce même prince voulut encore que le militaire qui avoit trop bu ou qui avoit invité quelqu'un à boire, avalât une quantité d'eau déterminée. Cette espèce de loi du talion feroit bonne file foldat rougiffoit de l'iyrognerie; mais elle ne paffe point pour un crime parmi eux, & l'opinion du peuple ne l'a pas rangée parmi les actions honteuses. Charlemagne déclara aufli les ivrognes incapables de tefter: rarement le foldat feroit-il puni par cette difpofition de la loi, & elle feroit auffi dure que difficile dans fon application. François Ier. voulut que tout homme convaincu de s'être enivré, fût em

prifonné pour la première fois, foueté la feconde, éforeillé & banni à la troisième. Avec une pareille loi, combien d'hommes feroient fans patrie & fans oreilles ! Et comment donc François I. auroit-il fait pour punir des fautes plus graves? Si l'on veut faire refpecter les lois, il faut les rendre d'une exécution facile. Banniffez l'oifiveté parmi vos foldats, & bientôt l'ivrognerie deviendra moins commune; frappez de nullité d'avancement tout foldat adonné au vin; dégradez tout fous-officier ou tout officier fujet à ce défaut capital; puniffez très-févérement tout militaire qui s'enivrera lorfqu'il fera de fervice; condamnez aux peines les plus févères toutes les fautes que l'ivreffe fera commettre; ne pardonnez pas furtout au vivandier qui aura donné à un foldat plus de vin ou d'autre.liqueur enivrante qu'il n'en falloit pour lui faire perdre la raifon, &c. Nous devrions auffi adopter une loi établie en Pruffe : il eft défendu à tout officier ou fous-officier de parler au foldat ivre. Souvent en le réprimandant pour un léger délit, on l'expofe à commettre des fautes plus graves, peutêtre même des crimes: il en eft de l'ivrefle comme de la colère; ce n'eft pas au moment où ces paffions font dans leur force, qu'il faut chercher à les vaincre.

JALON. On donne le nom de jalon à une longue

perche qu'on plante dans la terre, & à l'extrémité fupérieure de laquelle on attache un faisceau d'herbe ou de paille: ces jalons fervent, soit à déterminer une ligne de direction pour le mettre en bataille, foit le chemin qu'un corps de troupe doit fuivre.

JALONEURS. Les jaloneurs font des fous-officiers ou des foldats que l'on emploie pour affurer la direction d'une colonne ou la marche d'un bataillon déployé.

Pour diriger la marche d'une colonne vers un point donné, trois jaloneurs vont fe placer fucceffivement à trente pas les uns des autres, & là, dans la direction indiquée, offrent ainfi des points intermédiaires: il eft prefqu'impoffible à la colonne de fe devier. Cette manière de diriger la marche des colonnes eft mathématiquement infaillible; mais eft-elle militaire? & eft-il poffible d'avoir des jaloneurs à la guerre ? Si ce moyen de direction eft impraticable en campagne, pourquoi l'employer pendant la paix? N'eft-ce pas s'expofer à la marche ridicule & mal affúrée des hommes menés trop long-tems à la lifière. Les partifans des jaloneurs prétendent que l'habitude une fois prife pendant la paix, on pourra impunément abandonner ce moyen pendant la guerre & en tirer un grand parti; mais ne doit-on pas craindre, au contraire, qu'habitués à fe diriger fur des points trèsréels, on ne fache plus s'en paffer. Si nous fommes foibles & mal-adroits, dit Rouffeau, c'eft que nous avons des moyens en foule pour fuppléer à notre mal-adreffe & à notre manque de force: d'où l'on doit conclure qu'il feroit bien plus avantageux d'habituer les foldats à favoir marcher droit de

vant eux, fans fe jeter ni à droite ni à gauche, que de leur donner des moyens de direction dont il eft impoffible de faire ufage à la guerre.

Les rédacteurs des ordonnances ont fi bien reconnu les vices du jalonement en avant, qu'ils n'en ont point fait ufage dans la marche en bataille, & ont préféré de placer les jaloneurs en arrière; mais ce jalonement un peu moins vicieux, a toujours le vice radical de ne pouvoir pas être employé à la guerre, & ne doit conféquemment point être adopté pour la direction des colonnes ou de la marche des troupes en bataille: on doit préférer le choix des objets très en vue, & qui doivent aider à diriger dans la marche, à éviter les flottemens & à faire arriver plus directement au but; & encore comment espérer pouvoir se fervir de ces moyens à la guerre, au milieu de la fumée, du bruit, de la terreur, &c.?

J

JALOUSIE. Le defir de pofféder ou de jouir, exclufivement devenu paffion, fe transforme en une fantaisie ombrageufe & chagrine, appelée jaloufie. L'amour-propre, la vanité, l'envie, compofent l'effence de cette paffion.

La jaloufie, qui tient beaucoup à l'envie, est l'inquiétude produite en nous, par l'idée d'un bonheur dont nous fommes privés, & dont nous fuppofons les autres en jouiffance. La jalousie fuppofe une abfence des avantages ou des qualités que l'on fuppofe exifter dans ceux dont on eft jaloux.

L'envie & la jaloufie font des fentimens naturels à tous les hommes; mais pour le bien de la fociété, on doit réprimer foigneufement l'une & l'autre. La jaloufie a occafionné de grands maux, furtout de la part des militaires affligés de cette paffion malheureufe: tout eft devenu à leurs yeux un fpectacle déchirant; il n'eft point d'avantages obtenus par quelqu'un de leurs égaux ou de leurs inférieurs, qui ne leur ait porté un coup mortel & fait commettre quelques fautes; irrités par leur élévation, bleffés par leur réputation, leur gloire les a mis au défefpoir, & ils n'ont rien négligé pour y nuire.

Actius avoit remporté trois grandes victoires fur Gondicaire, roi des Bourguignons, & une fur Attila; mais l'empereur Valentinien III, jaloux des éloges dont Rome combloit Actius, le tua de fa propre main, & condamna fes amis à différens fupplices.

Agricola foumit le premier l'Ecoffe & l'Irlande aux Romains; il réduifit les Bretons & conferva fes conquêtes par fes vertus & par le maintien de la difcipline militaire. Bientôt les victoires furent l'objet de la jaloufie de Domitien, qui le rappela, & cet empereur lui fit ordonner d'entrer de nuit à Rome, afin de le priver des honneurs du triomphe. Agricola, trop fage pour témoigner fon reffentiment à ce monftre, fe retira chez lui, & y vécut dans un repos honorable.

Antoine de Leve empêcha le duc de Brunswick de pénétrer dans la Lombardie, parce qu'il étoit jaloux de la gloire qu'il auroit acquife dans cette expédition.

Le duc d'Orléans renonça aux conquêtes qu'il pouvoit faire dans le Luxembourg, par un motif lâche & honteux une jaloufie mêlée de haine contre le dauphin, lui fit craindre que ce prince ne vainquit les Efpagnols dans une bataille rangée, & il voulut, finon lui ravir, au moins partager avec lui la gloire de cette action.

Jaloux de ne pas commander en chef, le maré

chal de Châtillon vit avec plaifir l'embarras du marquis de Feuquières devant Thionville, & ne fe preffa pas de lui mener des fecours comme il en avoit l'ordre.

La principale caufe de la perte de la bataille de Novarre fut la jaloufie de Trivulce, qui lui fit manquer d'empêcher la jonction d'un corps de troupes ennemies, & d'arriver à tems pour foutenir la Trimouille.

La jaloufie du duc de Guife contre le maréchal de Termes empêcha ce dernier de faire de grands progrès dans la Flandre pendant la campagne de 1558, & fut peut-être la caufe de la perte de la bataille de Gravelines.

La jaloufie entre le duc de Nemours & le comte d'Aubigni fut, en 1502, la cause de la perte de Naples.

Quel général ofera fe plaindre d'avoir éprouvé les effets de la jaloufie, quand, en lifant l'hiftoire, on voit les généraux de Charles VII jaloux dé Jeanne d'Arc, & des difpofitions perfides fe former contr'elle à la cour, par rapport à l'afcendant que devoient lui donner fes exploits & fes fervices. Les courtisans, las de fa gloire, la haïffoient; les généraux firent veiller avec moins d'attention fur elle dans les périls où elle s'expofoit; on la fuivoit de moins près aux affauts. Ayant reçu, au fiége de Paris, une bleffure affez confidérable pour lui faire perdre beaucoup de fang & lui ôter l'ufage de fes forces, elle refta pendant une journée entière au même endroit où elle avoit été bleffée : heureusement elle fe trouvoit à couvert par une petite éminence des traits des Parifiens, & ce n'est pas fans beaucoup de fondement qu'on a foupçonné le gouverneur de Compiègne d'avoir fait fermer, pour la perdre, la barrière de la ville.

leur profit. Pouvant difpofer à leur gré de l'argent qu'ils gagnoient par leur travail, on leur fou:nif foit des furtouts, des culottes de toile, & on leur abandonnoit leurs vieux uniformes, le tout comme vêtement de travail.

Dans tous les travaux publics, tels que confec tion ou réparation des grands chemins, defféchement de marais, &c. les foldats étoient employés comme travailleurs, & en pareil cas ils étoient nourris & on s'occupoit de leur amusement. Les jours de fête, on les encourageoit à fe récréer par des danfes & d'autres amusemens innocens : des officiers & des fous-officiers faifoient l'office d'inspecteurs.

Pour donner de l'agrément aux foldats & rendre le recrutement plus facile, on donna aux régimens des garnisons inamovibles.

:

Enfin, des jardins furent formés pour les foldats, en vue furtout de mettre en vigueur la culture des pommes de terre à cet effet l'on prit des portions de terrein dans les villes de garnifon ou autour de leur enceinte, & elles furent données exclufivement en propriété aux fous - officiers & aux foldats. Chaque terrein fut divisé par régiment, bataillon, compagnie, chambrée, & quatre des dernières divifions formèrent la part d'une com pagnie. On affigna à chaque chambrée affez de terrein pour que la part de chacun des hommes dont elle étoit compofée, fût une aire de trois cent foixante-cinq pieds carrés.

& on le donnoit à quelqu'autre de fes camarades plus laborieux que lui.

Les divifions de ces jardins militaires étoient marquées par des allées plus ou moins larges, cou vertes de gravier & proprement tenues. Les allées principales, qui étoient plus larges que les autres, demeuroient toujours ouvertes, & fervoient de promenade publique à tous ceux qui aimoient à obferver l'intéreflant fpectacle des travaux champêtres.

Chaque foldat demeuroit propriétaire de cette portion de terrein pendant toute la durée de fon engagement; il pouvoit la cultiver à fon gré, & difpofer comme il lui plaifoit de fes produits; cependant il étoit tenu de ne pas la laiffer en friche & d'en extirper les mauvaises herbes ; s'il ne rem pliffoit pas ce devoir, s'il montroit de la fainéan JARDINS. Le comte de Rumfort, ayant paffétife & de la négligence, fon terrein lui étoit ôte, au fervice de Bavière en 1784, & ayant été chargé spécialement par l'électeur d'introduire parmi fes troupes un nouveau fyftème d'ordre, de difcipline & d'économie, s'appliqua à rendre d'abord la condition du foldat auffi douce & auffi attrayante qu'il étoit poffible. A cet effet la folde fut augmentée, l'habillement fut plus foigné: on lui donna ce degré de liberté qui eft compatible avec le bon ordre & la vraie fubordination. Les exercices militaires furent fimplifiés, l'inftruction rendue plus courte & plus facile, & le fervice affranchi de tous les ufages fuperflus: on donna une attention particulière à la propreté des cafernes & des quartiers deftinés aux foldats. Leurs enfans & ceux des payfans du voisinage furent admis gratuitement dans des écoles établies dans chaque régiment, pour apprendre à lire, à écrire & à compter aux foldats. On fournit aux écoliers, des livres élémentaires, des plumes, de l'encre & du papier. Outre ces écoles, on en inftitua d'induftrie, où l'on inftruifoit à différens travaux les foldats & leurs enfans; ils recevoient des matières brutes qu'ils ouvroient à

Les effets de cette mesure furent très-remarquables dans le court efpace de cinq années.

Les foldats, de fainéans qu'ils étoient, & n'ayant aucune notion de jardinage & de ce que rapporte un jardin potager, devinrent les jardiniers les plus actifs & les plus expérimentés; ils contractèrent une telle prédilection pour les mets tirés du règne végétal, que ces productions utiles & falubres formèrent bientôt les principaux articles de leur nourriture journalière.

Chaque foldat ensuite qui s'absentoit par congé ou qui retournoit dans fon pays natal à l'expira

tion du terme de fon engagement, ne manquoit pas d'emporter avec lui des graines potagères & des pommes de terre, qu'il fe propofoit d'y cul

tiver.

Pour faciliter aux foldats ce genre d'occupation, on leur fourniffoit gratuitement des uftenfiles de jardinage, & de tems en tems du fumier & différentes espèces de graines; mais les plus laborieux ramaifoient ou achetoient du fumier, & recueilloient dans leurs propres jardins les femences qui leur étoient néceffaires; chaque compagnie entretenoit auffi une couche de fumier pour fe procurer des plantes précoces, afin qu'au printems les foldats puffent attirer fans délai de quoi varier leurs repas.

En vue d'attacher davantage les foldats à leurs petites poffeffions, dont la culture & le produit augmentoient les profits & leur bien-être, on avoit conftruit, pour chaque compagnie, un certain nombre de cabanes où ils trouvoient un abri contre la pluie, & dans lefquelles ils pouvoient fe repofer quand ils étoient lus.

M. d'Efthérazi, convaincu des avantages fans nombre que l'on pouvoit retirer du travail des foldats, après avoir obtenu que fon régiment refteroit en garnifon à Rocroi, avoit aufli imaginé de donner des jardins à fes huffards.

En Corfe, M. de Falkenheim, commandant à Corte, fit défricher un terrein abandonné, où il fe créa un jardin audi ucile qu'agréable. En même tems les foldats du régiment de Caftella, fuiffe, encouragés par leurs chefs, fe formoient un établiffement dans un espace fabloneux couvert de roches & de cailloux ; ils creufoient la terre pour les enfouir, & ils la rejetoient enfuite par deffus; ils y joignoient celle qu'ils retiroient des foffes ou qu'ils ramaffoient dans des endroits perdus. Bientôt l'ingratitude du fol fut vaincue par l'opiniâtreté de leurs travaux, & les légumes qu'ils recueillirent les dédommagèrent abondamment de leurs peines. Depuis ce tems les régimens qui étoient en garnifon dans cette place, confervèrent ce jardin en payant une mince redevance à une églife, propriétaire du fonds, & les foldats en tirèrent des douceurs qui allégèrent beaucoup le fardeau de leur pauvreté.

Nous allons communiquer ici un mémoire donné fur cet objet, & envoyé au miniftre de la guerre en 1787.

Trente ou trente-cinq arpens de terre médiocre fuffiroient pour un régiment d'infanterie : les or dures des pavillons & des cafernes, celles balayées devant leurs portes, enfin le réfultat de leur digeftion & la vieille paille de leurs lits ferviroient à faire le fumier néceffaire; les foldats auroient foin de ménager des plantes pour en recueillir les graines propres aux femences.

En fuppofant qu'on ne trouvât pas des terres vagues qui puffent être défrichées, trente-deux

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Il en coûte à préfent plus de onze deniers par jour à chaque foldat pour fe procurer la quantité dont il a befoin de ce genre d'alimens; & en formant l'établissement propofé, cette même quantité ne lui reviendroit pas à un denier; par conféquent il auroit un profit équivalent à io deniers de folde.

Suppofons huit cent foixante-fix hommes par régiment habituellement préfens dans les garnifons, fi chacun d'eux cède un denier par jour pour le légumier, on trouvera par an 365 d. qui, multipliés par 866, égaleront.... 1317 1. Et comme la dépense sera de................

La maffe propofée pour cet effet auroit un excédent de..

1300

17 1.

On ne voit donc que de grands avantages à la création des jardins, qui feroient fi utiles à tous égards.

JONCTION. Faire joindre un corps d'armée des jonctions, font, pendant la guerre, des opéou même une troupe à une autre, ou empêcher rations militaires très-importantes, & qui exigent dans l'un ou l'autre cas, de la part du général, de la hardieffe, de l'activité & des talens.

à l'ennemi, dès l'inftant où l'on eft affuré qu'il La fageffe veut que, quoiqu'inférieur en force doit recevoir des renforts, on fe hâte de lui livrer bataille avant la jonction. Ebutius, général romain, dans la guerre contre les Latins, ayant appris qu'un grand nombre de Volfques & de Janiques devoit les joindre dans l'efpace de huit jours, raffembla toutes fes forces, marcha à l'ennemi, lui livra bataille & le battit.

Le comte de Stivun, général de l'empereur, fe voyant fur le point d'être attaqué en même tems par l'électeur de Bavière, le maréchal de Villars & un corps de troupes aux ordres du marquis d'Uffon, bien loin d'attendre la jonction de ces différentes troupes, marcha rapidement contre le marquis d'Uffon, & le battit avant l'arrivée de Villars & de l'électeur.

Le comte de Doun étoit convenu de fe joindre à M. de Laudon pour attaquer le roi de Pruffe: Frédéric découvrit ce projet; il quitta fecrétement fon camp, fe porta avec 45,000 hommes au devant de M. de Laudon, & le repouffa. Le

comte de Doun s'apperçut à la pointe du jour de la manoeuvre hardie du roi de Pruffe: avec un peu de diligence, il eût peut-être atteint l'arrièregarde pruffienne & il auroit mis le roi entre deux feux; mais un moment d héfitation lui fit perdre l'occafion, & M. de Laudon repouffé fut obligé de faire fa retraite.

Au commencement d'une campagne il est toujours avantageux de fe porter en avant, afin de s'oppofer, s'il eft poffible, à la réunion entière des forces de l'ennemi.

Quant à la manière d'affurer une jonction, on fentira facilement combien le général doit mettre du fecret & de l'activité dans fes mouvemens, avec quelle science il doit choifir fes pofitions, & avec quelle fageffe il doit prendre toutes les précautions néceffaires pour ôter à l'ennemi tous les moyens de l'attaquer; des marches & des contre-marches favantes, les unes dérobées à l'ennemi, les autres le trompant fur les véritables projets; enfin, tout ce que l'art de la guerre renferme de rufe, de connoiffance & de hardieffe.

JOUE, EN JOUE. Mettre en joue ou plutôt coucher en joue, c'eft ajufter fon fufil pour tirer fur un objet qu'on veut atteindre.

en

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« Si nous confidérons, dit M. Mauvillion, & l'objet que le foldat a devant foi, & nos armes, nous verrons bien qu'il n'eft pas befoin d'en faire un habile tireur pour rendre fon feu meurtrier: l'objet a entre 300 & 400 pieds de large fur ƒ de haut, le fufil forme une ligne à peu près droite, &, placé devant un pareil objet, il n'eft prefque pas poflible de le manquer, à moins de tirer trop haut ou trop bas; il ne s'agit pas même d'être grand tireur pour cela; il fuffit de tenir le fufil dans le plan horizontal de l'objet, la balle décrivant une ligne qui ne s'écarte fenfiblement de la droite qu'au commencement ou vers la fin de fa portée. D'après ces notions il doit fuffire, pour rendre notre feu très-meurtrier, de trouver une manière de tenir le fufil, au moyen de laquelle la balle parcoure toute fa portée fans s'élever nulle part à plus de cinq pie is au deffus de l'horizon, & d'obliger le foldat à tenir toujours le fufil dans cette pofition. Alors les coups ne pourrontmanquer de donner dans un objet tel que nous venons de le décrire, à quelque diftance qu'il fe trouve endeçà de la portée des armes : il eft à croire qu'en exerçant beaucoup les troupes à charger, & en apportant la plus grande attention & même la plus grande févérité à ce que le fo dat ne couche autrement en joue que de la façon dont on lui aura montré, on réuffira à empêcher que la plupart ne tirent mal; c'eft l'habitude machinale feule qui n'abandonne jamais les hommes, même dans les occafions où le danger leur ôte la jouiffance de réfléchir.

» Notre fufil a la figure d'un cône tronqué, & l'on ne fauroit fixer fa pofition que d'après le prolongement de la ligne fupérieure du canon; mais cette ligne fait un angle avec l'axe de l'arme, de forte qu'à une petite distance la balle qui fuitla direction de l'axe, s'élève au deffus de ce prolon

De tous les tems du maniement des armes, celui de coucher en joue eft fans contredit le plus effentiel. Il importe peu en effet fi le foldat, préfentant les armes, met la main un peu plus ou un peu moins en avant; s'il place, en fe repofant fur les armes, la croffe de fon fufil à quelques lignes en dehors ou en dedans de l'endroit où il doit la placer. Il n'en eft pas de même de la manière de mettre en joue: fi la main gauche qui fupporte l'arme eft trop en avant, le bout du canon eft trop relevé, & la balle, qui alors s'élève trop, n'atteint point fon but ; fi au contraire cette main eft trop rapprochée de la platine, la balle va s'en-gement, & qu'elle s'en éleveroit toujours davanterrer à quelques pas en avant de l'homme qui a tiré: il n'en eft pas de même du talon de la croffe. Cependant la manière de mettre en joue eft une des parties du maniement des armes, dont les ordonnances militaires parlent de la manière la plus vague, & à laquelle les inftructeurs font le moins d'attention: cette négligence a fans doute pour caufe l'opinion où font les rédacteurs des ordonnances & les inftructeurs des troupes, que c'est moins de la manière de mettre en joue que de la manière de vifer d'on peut dépendre la jufteffe du tir. Si le foldat vouloit vifer ou s'il le pouvoit, la manière de mettre en joue feroit en effet prefqu'indifférente: aucun des hommes qui chaffent, ne placent également leurs mains ni le talon de la croffe; mais s'il eft impoffible au foldat qui fert en ligne de vifer, fi fur cent il n'en eft pas un qui voulût cu qui pût le faire, il faudra faire dépendre la bonté du feu de nos troupes de ligne de la manière dont on les habituera à mettre en joue.

tage fi la gravité ne la forçoit à baiffer auffi toujours vers l'horizon, jusqu'à ce qu'elle recoupe enfin ce prolongement pour tomber à terre. la hauteur à laquelle la balle monte au deffus de cette ligne, la diftance à laquelle elle s'élève le plus & celle où elle recoupe la ligne, tout cela diffère fans doute felon le fufil & la charge; mais on n'a point fait encore des expériences à ce sujet avec les fufils & la charge d'ordonnance: on fait feulement qu'à une petite distance il faut pointer plus bas que l'objet auquel on tire pour donner dedans, qu'à une diftance moyenne il faut y vifer droit, & qu'enfin à une grande diftance il faut tenir l'arme un peu plus haut que l'objet.

» Cela pofé, on ne fauroit nier que la façon de coucher en joue, adoptée dans nos exercices militaires, ne foit conforme à la nature de notre arme: nous faifons feulement peut-être un peu trop baiffer les fufils au premier rang.

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Quelques militaires inftruits prétendent que, comme on apprend au foldat à porter le fufil dans

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