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& se tint couvert entre Schweidnitz & Striegaw, bien perfuadé, fi le prince Charles defcendoit une fois dans la plaine, qu'il le forceroit ailement d'en venir aux mains. Comme le roi l'avoit prévu, fa manoeuvre enhardit les Autrichiens, qui fe mirent en mouvement pour venir camper dans la plaine de Rouftok, où ils arrivèrent à l'entrée de la nuit, bien fatigués d'une longue marche & efpérant bien s'y repofer; mais c'etoit-là où ils étoient attendus. Frédéric qui avoit reconnu le terrein où il vouloit drefler un piège à fes ennemis, & prévu jufqu'à la pofition où il les attaqueroit, ne perd pas un de leurs mouvemens; & fuppofant que, defcendus avec le foleil couchant, les Autrichiens n'auront pas le tems de faire des difpofitions pendant la nuit; au lever de l'aurore il s'eft déjà mis en bataille près de Striegaw, & a pouffé le général Dumoulin en embuscade au pied du Spitzberg, dont l'avantgarde du duc de Weiffenfeld couronnoit la crête. Dès la pointe du jour, les Prutiens ont culbuté tout ce qui fe rencontre à leur droite, & ont gagné le flanc gauche du corps de bataille des Autrichiens. A la gauche, la cavalerie pruffienne qui avoit débordé celle des ennemis, fait des prodiges ; & après fix attaques confécutives, renverfe celle des Autrichiens. Dès-lors les deux flancs de l'infanterie du prince Charles fe trouvant très exposés, ces deux ailes veulent faire un mouvement en arrière, qui, ayant fait crever le centre, le roi fe hâte de le faire attaquer, & détermine une déroute générale. Ainfi dans cette bataille, l'infanterie, la cavalerie, les huffards & les dragons, fe diftinguèrent chacun dans leur partie, & toute l'armée eut part à la victoire (1).

(1) Ainfi toutes les parties de la milice pruffienne commencèrent à marcher de front & à tendre vers cette perfection, vers cet accord qui feul conftitue une armée & la rend formidable. D'ailleurs ce fut ici une de ces batailles de grand maître, où le génie fait tout plier devant lui, & qui font gagnées dès le début & prefque fans conteftation, ne reftant plus à l'ennemi déconcerté, la poflibilité de rétablir le défordre & de prendre fur le terrein du combat une pofition nouvelle.

Quant à Frédéric, il prouva dans cette occafion, qu'il n'étoit pas moins grand capitaine pour imaginer un vatte projet & en dreffer les plans, que pour exécuter & agir avec vigueur.

crits par l'art de la guerre, & de la circonfpection qui doit obliger tout général qui commande à fuivre invariablement les règles exigées par la fuieté pour l'exécution de fes projets. Lors même que tout femble nous favorifer, le plus fùr eft toujours de ne pas affez méprifer fon ennemi pour le croire incapable de réfiftance. Le hafard conferve toujours les droits. Dans cette action même, un quipro juo penfa devenir funefte aux Pruffiens. Au commencement du combat, le roi tira dix bataillons de la feconde ligne, fous les ordres du général qui les commandoit; en même tems il envoya un aide-de-camp pour avertir le margrave Charles de prendre le commandement de la feconde ligne : l'officier, peu intelligent, dit au margrave de renforcer la feconde ligne de fa brigade qui était à la gauche. Heureufement le roi s'apperçut de la bévue & la redrefla avec promptitude. Si le prince Charles avoit profité de ce faux mouvement, il auroit pu prendre en flane la gauche des Piuffiens, qui n'étoit pas encore ap puyée au ruiffeau de Striegaw, tant le fort des Etats & la réputation des généraux tient à peu de chofe un feul inftant décide de la fortune.

Nous devons, pour la fatisfaction du militaire qui veut s'inftruire, faire part ici de quelques réflexions faites fur la bataille de Hokenfriedberg. On ju e ici le roi d'après fes propres aveux, dans l'hiftoire de fon tems, tom. II, pag. 204.

« Wenfel Wallis eut ordre de s'emparer du magafin de Schweidnitz avec fon avant-garde, & de ia il devoit pourfuivre les Pruffiens à Breslaw. Le » duc de Weiffendds, avec les Saxons, devoit prendre Striegaw, & de-là fe porter sur Glogaw » pour en faire le fiège.

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Les Autrichiens étoient donc bien affez vifiblement dans l'erreur que donne l'excès de la confiance & de la présomption, pour exécuter le dangereux projet de faire ait quer en méme-tems Sriegaw par l'armée saxonne

& de fe porter eux mêmes sur Schweidnitz, qui n'étoit pas fortifié, afin d'en enlever le magasin. Ainfi leur armée, en exécutant ce Projet, auroit eu le grand défavantage d'être séparée

& d'avoir mis entre fes aîles la diftance des deux milles (trois fortes lieues de France) qui fè trouve entre Striegaw & Schweidnitz.

Nous écoutons le roi de Prufe lui-même parler de cette bataille. Ce fut la troifième bataille qui fe donna pour décider à qui appartiendroit la Silefie, & ce ne fut pas la dernière. Quand les fouverains jouent des provinces, les hommes font les jettons Ainsi comme le corps faxon fe portoit funt Striegaw, qui les paient. La rufe prépara cette action, & la il paroît qu'en le laiflant encore marcher trois cu valeur l'exécuta. Si le prince de Lorraine n'avoit quatre heures, il n'auroit plus été à portée d'être pas été trompé par fes efpions, qui l'étoient eux- protégé par les Spitberg, & qu'ayant paflé le gros inêmes, il n'auroit jamais donné aufli groffièrement ruiffeau de Sriegaw, il fe feroit trouvé ifié dans la dans le piège qui lui étoit préparé; ce qui confirme ce qui confirme plaine de Ronftock; c'eft-là où l'on auroit pu l'enla maxime de ne jamais s'écarter dos principes pref-velopper & le détruire, puifqu'il auroit eu à franchir,

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Quelque tems après, le roi battit à Scor le prince Charles qui avoit penfé le furprendre & le forcer au moins à la retraite; il étoit à la tête de cinquante mille hommes: le roi en avoit à peine vingt-cinq mille. Tout autre fe feroit retiré, & le prince Charles efpéroit engager une affaire d'arrière garde qui probablement auroit entrainé la défaite entiére de l'armée, c'est aufli ce que préfuma le roi de Pruffe, & ce qui le décida à attaquer, aimant mieux rifquer une bataille que d'affurer fa défaite en fe retirant. Le danger ne le trouble point; il conferve tout le fang-froid de la reflexion; il n'a qu'un inftant pour le former, & il ofe le faire en faifant exécuter à fa droite une converfion qui la mette à même de préfenter un front parallèle à l'ennemi. En vain vingt-huit pièces de canon femblent soppofer irréfiftiblement au déplacement s'exécute malgré un auffi grand obftacle; aucun foldat ne témoigne la moindre crainte, aucun ne quitte fon rang, & cependant tous avoient été expofés plus d'ure demi-heure au feu meurtrier de l'artillerie, pour donner le tems à la gauche de fortir entièrement du camp; ainfi la difcipline & la bravoure de fes troupes, sa science & les fautes de l'ennemi, firent remporter au roi une victoire complette fur des troupes qui fe réjouiffoient déjà de fa défaite (1).

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pour pouvoir fe retirer, ce ruiffeau, affez profond pour obliger la cavalerie à le paffer fur un pont. L'armée autrichienne auroit eu également derrière elle cette barrière ; & fe trouvant éloignée des Saxons de trois lieues, elle fe feroit trouvée dans une pofition où l'on auroit pu peut-être la couper des montagnes d'ailleurs, après la défaite des Saxons, Frédéric auroit eu toutes les facilités pour déployer vis-à-vis des Autrichiens tous fes talens, & les écrafer. Ainfi dans cette occafion, il ne paroîtroit pas avoir tiré le plus grand parti de tous les avantages de fa pofition.

Une campagne d'hiver vint terminer, en 1745, cette guerre & la gloire du roi & de fes troupes pendant fa durée. Le prince Charles, dont on a

lâcher cette cavalerie pour donner à bride abattue dans le camp pruflien; le foldat alors n'auroit eu le tems ni de courir aux armes, ni de se former, ni de fe défendre; ç'auroit été fe procurer une victoire certaine. M. d'Aremberg, dit-on, avoit égaré fa colonne pendant la nuit, & il s'étoit formé à rebours, le dos tourné vers le camp du roi cela fit perdre du tems au prince de Lorraine, qui s'occupa à réparer ce défordre; mais lorfque les Pruffiens commencèrent à fe préfenter fur le champ de bataille, qui empêchoit alors le prince de Lorraine de les faire attaquer tout de fuite avec fa cavalerie? cette gauche auroit fondu d'une hauteur fur des troupes occupées à fe former, & fur d'autres qui défiloient

encore.

On accufoit le roi d'avoir commis autant de fautes. On lui reprochoit furtout de s'être mis, par le choix d'un mauvais pofte, dans la néceffité de combattre ; il auroit dû au moins, difoit-on, être averti de la marche des Autrichiens. Il s'excufoit fur la multitude de troupes légères dont il étoit entouré, & qui ne lui permettoit pas d'aventurer les cinq cents huffards qui lui reftoient. Mais, ajoutoit-on, il ne falloit pas s'affoiblir fi fort vis-à-vis d'une armée fupérieure à la bonne heure; mais les corps envoyés au prince d'Anhalt étoient l'équivalent des Saxons qui s'en étoient retournés chez eux; le déta chement du général de Naflau avoit été néceffaire pour pouvoir tirer fes fubfiftances de la Siléfie. A l'égard de ceux des généraux Dumoulin & Lehwald, ils avoient été indifpenfables dans les gorges des montagnes pour empêcher d'être affamé par l'ennemi; on n'avoit des chevaux que le nombre fuffifant pour amener à chaque tranfport de la farine pour cinq jours. Qnant à fe retirer en Siléfie, le roi préféroit de hafarder une bataille en Bohême; d'ailleurs une retraite précipitée auroit indubitablement attiré la guerre dans ce duché; enfin l'on confommoit en Bohême les fubfiftances de l'ennemi, & en Siléfie on auroit confommé les fiennes.

rein étroit par lequel le prince de Lorraine vint attaOn doit attribuer le gain de cette bataille au terquer le roi ce terrein ôtoit à l'ennemi l'avantage de la fupériorité du nombre. Les Pruffiens purent lui oppofer un fronr égal au fien. La multitude des foldats devenoit inutile au prince de Lorraine. Ses trois lignes fans diftances, preffées les unes fur les autres, n'avoient la facilité de combattre ; & la confufion s'y mettant une fois, elle rendoit le mal irrémédiable. Heureufement pour le roi, la valeur de fes troupes répara les fautes de leur chef, & punit les ennemis des leurs.

(1) Le projet de cette bataille (c'est toujours le roi qui parle), conçu par le prince de Lorraine ou par Franquini, étoit beau & bien imaginé. Le pofte des Pruffiens étoit, fans contredit, mauvais; l'on ne peut les excufer d'avoir penfé de préférence à leur front, & d'avoir néglige leur droite qui étoit dans un fond dominé par une hauteur éloignée de mille pas feulement. Mais fi les Autrichiens favoient ima→ giner, ils n'avoient pas le talent de l'exécution. Voici leurs fautes. Le prince de Lorraine auroit dû former fa cavalerie de la gauche devant le chemin de Trautenau & à dos du camp pruffien; en barrant ce chemin, l'armée du roi n'avoit ni terrein fe pour former, ni moyen d'appuyer fa droite. Le prince de Lorraine pouvoit auffi, en arrivant fur le terrein, Cependant malgré deux grandes victoires, le roi

Art Milit. Suppl. Tome IV.

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trop injuftement rabaiffé les talens, malgré la fageffe de fes plans pour pénétrer en Silésie par la Luface, les voit d'abord renverfés en partie par la deftruction de les magafins à Gorlitz, & bientôt tout-à-fait détruits, obligé comme il l'eft, d'accourir au fecours des Saxons battus à Keffeldorf; & malgré la fupériorité de fes forces, de laiffer prendre Drefde & de fe retirer en Bohême.

Keffeldorf. — 1745. — 15 décembre.

Dans cette bataille livrée aux Saxons par le vieux prince d'Anhalt, on voit combien déjà le roi de Prufe avoit imbu fes généraux de fes principes en tactique. Le général, après avoir examine la pofition des ennemis, décide d'attaquer leur gauche; en conféquence il fait dépaffer par la cavalerie de fa droite le front du village de Keffeldorf qui fermoit la gauche des ennemis, & il fait attaquer le village par des grenadiers; deux fois cette attaque eft malheureufe: mais les grenadiers qui défendoient le village, enhardis par leurs fuccès, fortent pour mieux repouffer les affaillans; le prince voit ce mouvement; il juge qu'il peut en profiter. Aussitôt il fait précipiter à bride abattue un régiment de dragons fur ces grenadiers; les dragons les culbutent, entrent avec eux dans le village; & tandis qu'ils en font une horrible boucherie, quelques bataillons s'emparent des batteries & du pofte. Alors des cuiraffiers fe portant à droite, chaffent des défilés & des hauteurs tout ce qu'il y avoit d'infanterie, & parviennent fur le flanc de l'armée ennemie ; bientôt après l'affaire devient générale, l'aîle gauche eft entièrement tournée, & la déroute

fut obligé de fe retirer devant l'armée vaincue & d'abandonner les fruits de fon triomphe. Les monragnes qui entourent la Bohême, les gorges qui la féparent de la Siléfie, la difficulté de nourrir les troupes, la fupériorité de l'ennemi en troupes légères, & enfin l'affoiblissement de l'armée, fournislent la folution de ce problême. Si le roi eût voalu établir fes quartiers d'hiver dans ce royaume, voici les difficultés qui fe préfentoient. Tout le pays étoit entièrement fourragé, la plupart des villes, trèsrares dans ces contrées, font petites & entourées de mauvaises murailles; il auroit fallu, pour la fûreté, y entafler les foldats les uns fur les autres; ce qui auroit ruiné l'armée par des maladies contagieufes. A peine avoit-on des charriots pour les farines; comment en auroit-on trouvé pour conduire le fourrage de la cavalerie? En quittant la Bohême, au contraire, le roi pouvoit remonter, recruter, équiper Les troupes, les mettre dans l'abondance, & leur donner du repos, afin de pouvoir s'en fervir au commencement du printems.

eft des plus entière (1). Ce fut la dernière action de guerre du vieux prince d'Anhalt, qui combattoit depuis quarante ans à la tête de cette infanterie pruffienne dont il avoit été le créateur. Après cette bataille, le prince Charles fut obligé de fe retirer en Bohême, Drefde fe rendit; & Frédéric, après y être entré en vainqueur, dicta la paix au roi de Pologne & à la cour de Vienne.

A-peu-près dans le même tems où Frédéric développoit des talens militaires auffi nouveaux,

(1) Avant de faire part des réflexions du roi fur cette bataille, nous croyons uti'e pour l'instruction, de parler de deux événemens qui prouvent combien la moindre négligence devient une faute à la guerre, dont on eft fouvent trop puni, car l'ennemi ne pardonne jamais.

Premier événement.

Pendant que l'infanterie du prince d'Anhalt entroit dans Meiffen, les cavaliers, qui avoient un chemin creux à traverfer, le paffoient un à un; deux régimens de dragons qui fe trouvoient les derniers, mirent pied à terre pour attendre leur tour; un officier faxon s'en apperçut, fondit à 1 improvifte fur eux, & leur enleva deux paires de timbales, trois étendards & cent quatre-vingts hommes. Ces Saxons étoient fortis d'un bois auprès duquel on avoit palé, & qu'on avoit négligé de faire reconnoître.

Second événement.

Le miniftre faxon, qui dominoit les généraux, & ne comprenoit pas qu'un pont pût contribuer à la perte d'un pays, ne voulut jamais confentir à la démolition du pont de l'Elbe, & ce pont fervit à faire paffer le corps du général Lewhald, & à faciliter fa jonction avec le prince d'Anha't.

Si l'on examine les fautes commifes de part & d'autre dans la bataille de Keffeldorf, on trouve d'abord le général faxon s'étant occupé uniquement, dans fon pofte, de la fûreté de fa droite, & ayant laiflé fa gauche en l'air, & le village de Keffeldorf exposé à être tourné. Et en effet, fi le prince d'Anhalt avoit pris, en arrivant, davantage fur fa droite, le village auroit été emporté à très-peu de frais. La plus grande faute des Saxons fut fans doute de fortir du village, car ils empêchèrent par-là leur propre canon d'agir contre les Pruffiens, & c'étoit leur meilleure défenfe. Une faute non moins confide 1able, fut d'avoir mis l'infanterie, poftée de Kelleldorf à Benerich, non pas fur la crête des hauteurs, mais en arrière de plus de cent pas ; de maniere qu'elle ne put défendre avec les petites armes le paffage du précipice, & le laiffa efcalader, fe réfervant à tirer lorfque l'ennemi auroit vaincu la plus grande difficulté.

la valeur françoife fe montroit d'une manière brillante en Autriche, en Bohême, en Italie, en Flandre (1).

La guerre, qui recommença en 1755, vint fournir au roi de Pruffe les occafions & les moyens de développer encore davantage toute l'étendue de fon génie militaire, & de mettre à profit les différentes leçons données par luimême à fes troupes dans fes camps de paix, dans

(1) La prife de Prague, mais bien mieux encore la retraite du maréchal de Belleisle de cette même place; le combat de Sahay; les belles difpofitions du maréchal de Noailles fur les bords du Mein; la belle campagne de Courtrai par M. de Saxe, où ce maréchal profita de la tranquillité du camp de ce nom, pour exercer l'infanterie à faire un feu mieux nourri & plus fourni; ce camp bien choifi, & le mouvement hardi fait par le maréchal pour attaquer une partie de l'armée ennemie qui avoit fait la faute de fe féparer par le ruiffeau des Pierres, profond & encaiffé, fans le couvrir de pont, fuffrent pour contenir une armée bien fupérieure en nombre à celle des Français.

Cette glorieufe campagne prouva la vérité du principe de Montécuculli, que le choix des poftes & camps décide des campagnes.

des

Cependant, malgré les foins du maréchal de Saxe pour rendre fon armée inftruite & capable d'exécuter de grandes manœuvres, elle prouva, à la bataille de Fontenoy, combien elle avoit fait peu de progrès. Quelques officiers accufent auffi le maréchal de n'avoir pas fait de bonnes difpofitions. Le village de Fontenoy, difent-ils, une fois emporté, les lignes qui étoient fur la droite & fur la gauche, auroient eu leurs flancs découverts, & les auroient préfentés à l'ennemi; refte à favoir fi ce village étoit facile à emporter. Sa pofition, à la pointe d'un angle faillant, préfentoit deux flancs, & donnoit conféquemment toute la prife poffible à l'artillerie. Les huit pièces, dont quelques-unes de quatre, qui défendoient ce village, ne pouvoient pas réfifter au feu de quarante de gros calibre, & à celui de dix mortiers & obus, avec lefquels pouvoient le battre les ennemis. Une fois le village emporté, les alliés, avec leur formidable artillerie, pouvoient battre le flanc des lignes à droite & à gauche. L'inexpérience ou l'ignorance du duc de Cumberland l'empêchèrent de diriger fes principaux efforts fur ce village, & fauvèrent l'armée françoife. Les mêmes caufes lui firent auffi commettre la faute, après avoir percé les lignes avec fa colonne, de ne pas lui avoir fait embrafler à fon gré ou Fontenoy ou la redoute du bois de Barry: elle fe trouvoit déjà établie fur le flanc de la ligne françoife, & la tête de la colonne avoit déjà dépaflé de beaucoup la gorge du village de Fontenoy.

lefquels il avoit rendu l'inftruction fi folide, fi lumineufe, fi fimple & fi profonde, par la double combinaison de la théorie & de la pratique. Tout ce que les anciens & les modernes avoient laiffé de leçons de tous genres, Frédéric avoit fu les raffembler pour en faire la bafe de fa tactique & de fes manoeuvres ; ainfi l'art de manoeuvrer devant l'ennemi pour lui donner le change, pour le déborder enfuite brufquement par une grande évolution, & embraffer fon flanc par la formation même de l'ordre de bataille, il l'étudia dans celles d'Iffus & d'Arbelles, & dans les principes indiqués par les maréchaux de Turenne, de Puifégur, de Luxembourg, &c. Céfar, à Pharfale, avoit placé des troupes en potence; le roi en prit de placer derrière la pointe de fes aîles de cavala méthode, d'avoir des brigades de flanc, & lerie, des réferves de huffards en échelons ou en colonnes, pour envelopper l'ennemi au moment de la charge.

Lovofits.1756. — 1o. octobre.

Le tems étoit arrivé où Frédéric devoit recueillir le fruit de tant de travaux. Au mois de septembre 1756, il envahit la Saxe avec deux armées, bloque avec l'une les troupes faxonnes qui s'étoient réfugiées dans le camp de Pirna, & pénètre avec l'autre en Bohême, où, le premier octobre, il attaque les Autrichiens à Lovofitz avec des forces très-inférieures, & les bat ap:ès un combat long & fanglant.

On ne peut lire fans admiration la lettre de Frédéric au général Schwerin après cette bataille, fes détails fi précieux, fi vrais, fi modeftes s combien de fang-froid dans le général! combien de difcipline, d'inftruction & de bravoure dans les troupes ! Cette cavalerie repouffée deux fois, & placée enfuite derrière l'infanterie par des mouvemens exécutés comme dans une manœuvre de paix !

Toute cette gauche d'infanterie marchant par échelons, faifant un quart de converfion, & prenant en flanc la ville de Lovofitz & l'infanterie de l'ennemi, emportant ce pofte, & obligeant toute l'armée ennemie à prendre la fuite.

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entiers ennemis, dont il changeoit feulement les drapeaux & les chefs? Tout homme en état de combattre devenoit un foldat pour lui, & plus de la moitié de ce qui fuivoit fa fortune étoit étranger; auffi doit-elle être un titre de gloire pour Frédéric, cette armée, étonnante machine, où tout paroiffoit de pièces de rapport, & prêt à fe décompofer, mais que la difcipline & fon génie lui faifoient tenir dans la main & diriger avec fuccès, comme fi elle eût été compofée des matériaux les plus parfaits & les plus homogènes.

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Prague. 1757.5 et 6 mai.

En fuivant les différens mouvemens de l'armée pruffienne dans cette journée, on eft toujours obligé de fe convaincre davantage de la fupériorité de fa difcipline & de fon inftruction; en vain les Autrichiens font-ils plus nombreux; en vain, par la fupériorité de leur pofition, font-ils plus à portée d'empêcher les Pruffiens de les déborder: ils font mis en déroute fur leur droite; & tandis qu'ils manoeuvrent pour réparer ce malheur, & qu'ils commettent la faute de faire une ouverture au centre de leur pofition, par leur mouvement vers la droite, celle des Pruffiens pénètre par cette ouverture; leurs deux aîles fe rejoignent, s'avancent, & elles coupent la ligne autrichienne, dont l'aîle droite eft forcée de fe retirer en confufion. D'après ce mouvement, qui ne pouvoit être exécuté que par des troupes auffi favamment manoeuvrières, la gauche des Autrichiens, qui n'avoit point altéré fa pofition, eft prife en flanc & en queue, & forcée de fe jetter dans Prague.

Kollin.1757-18 juin.

Après cette bataille fi glorieufe, les fuccès du roi fe ralentirent, mais non pas fa fermeté ni fon génie. On lui reprocha de s'être arrêté de vant Prague au-lieu d'avoir marché tout de fuite au devant du général Daun. Quoi qu'il en foit de cette conduite du roi, que l'on ne devroit pas fe permettre de juger auffi légèrement, douze jours après la bataille de Prague, le général Daun étoit venu fe pofter à Kollin; Frédéric ne devoit pas hésiter de le prévenir; auffi marcha-t-il avec une partie de fes forces & l'attaqua-t-il, quoiqu'il

fût dans une pofition formidable. Jamais peutêtre Frédéric ne manoeuvra d'une manière plus favante. Voyez-le en effet faire toutes les manoeuvres & les démonflrations les plus hardies pour décider M. de Daun à affoiblir fa droite qui occupoit les hauteurs de Kollin: il ne put jamais lui donner le change; il fallut donc fe décider à l'attaquer tel qu'il étoit. Jamais les Pruffiens ne combattirent avec plus de valeur & de tenacité: sept fois ils retournèrent à la charge; & ils touchoient à la victoire, lorfque des dragons qui les prirent en flanc la leur arracherent; dès-lors le roi dut s'occuper de fa retraite, & il la fit d'une manière affez impofante pour n'être ni entamé ni fuivi. (Cependant fi le maréchal Daun avoit eu plus de réfolution & d'activité, fon armée auroit pu arriver le 20 devant Prague, & les fuites de la bataille de Kollin feroient devenues plus funeftes pour les Pruffiens, que leur défaite même ).

On dit que par une méprife d'ordre, & peutêtre par un défaut d'intelligence, une partie de la ligne pruffienne qui devoit, en fe refufant conftamment à l'ennemi, appuyer l'attaque de la hauteur, s'engagea mal-à-propos avec le centre des Autrichiens, & trompa par-là les vues des favantes dispofitions du roi. Le général Daun profita en grand général des fautes des Pruffiens. Grande leçon qui, en faifant voir les fautes qu'on commet, même dans une armée inftruite & manouvrière, montre à quoi font exposées les armées qui n'ont ni la théorie ni la pratique des grands mouvemens.

Cependant on peut auffi penfer avec Frédéric, qu'une des grandes raifons de fa défaite à Kollin, fut d'avoir amené avec lui trop peu de monde pour attaquer les Autrichiens. Cette faute, une des plus grandes peut-être qu'ait commis le roi de Pruffe, fut d'autant plus funefte, qu'elle lui fit lever le fiège de Prague, évacuer la Bohême & perdre la meilleure partie de fon infanterie. Si, au contraire, il avoit gagné cette bataille, il auroit été le maître de toute la Bohême, toute l'Autriche lui auroit été ouverte, il auroit pu dicter à fes ennemis les conditions de la paix, au lieu que ce mauvais fuccès fut fuivi de fix années d'une guerre fanglante.

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