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étoit placée la cavalerie du Czar, joint au dé-à-peu-près au point où ils étoient parvenus; mais sordre trop commun dans une attaque de cavail fe formoit fur l'Oder un royaume dont le lerie faire fur une feule ligne, mirent en défordre fouverain, Frédéric II, porta l'art militaire à un cette même ligne victorieufe. Le Czar, fecondé point de perfection, on oferoit dire inconnu, très-efficacement par le prince de Menzickoff, vu les grandes armées auxquelles il fut imprimer ayant profité de ce moment heureux pour rallier des mouvemens à fa volonté, & l'immenfe quancette cavalerie, effrayée plutôt que battue, tomba tité d'artillerie qui étoit traînée à leur fuite, vivement fur celle de Charles, qui fut entière- deux obftacles regardés comme infurmontables, nent enfoncée & obligée d'aller fe rallier à plus & qui n'avoient jamais contrarié les opérations l'un grand quart de lieue, derrière fon infan- des plus fameux généraux de l'antiquité.

erie.

Ce grand avantage fut fuivi d'une attaque géérale & à-peu-près parallèle, de l'armée ruffe. on canon tirant à toute volée fur les Suédois, ins être combattu par le leur, acheva de porter découragement à fon comble dans une armée sque-là £ brave; auffi l'infanterie partagea bienit avec la cavalerie le danger de la déroute la us totale.

Il paroît que dans cette bataille, fameufe dans s faltes de la guerre, Charles fut mal fervi. Si général Creuts étoit arrivé à tems, la cavalerie ofcovite étoit défaite, Slipenback venoit fondre r le flanc des Ruffes fortant de leurs lignes, & lenzickoff n'auroit pas pu venir intercepter le nfort des trois mille hommes qui venoient indre le roi de Suède. Ainfi, quoiqu'on l'ait amé d'avoir livré cette bataille, parce qu'il la erdit, on devoit au moins convenir qu'il avoit is tous les moyens fuffifans pour la gagner; & l avoit été fecondé, il auroit infailliblement uffi & fe feroit couvert de gloire.

Après cette légère efquiffe des actions de harles & de fes troupes, on aura pu voir l'innterie fuédoife auffi infatigable & auffi-bien fciplinée que les légionnaires; elle chargeoit épée à la main comme eux, avoit à fa tête excellens officiers généraux, commençoit à onnoitre l'art des déploiemens & des mancutes; & peut-être enfin eût-on dû au roi de aède la perfection de l'art militaire, s'il avoit écu davantage.

Après la mort de Charles, les Suédois dégéétèrent; les Ruffes (1), au contraire, reftèrent

(1) En 1706 le czar ayant augmenté fa grande ompagnie, en forma deux régimens d'infanterie ommes les Gardes Preobafinski; il forma encore l'autres régimens d'infanterie, celui d'Ingermarcland, commandé par le prince Menzikoff, & compofé de Jons officiers étrangers, donna l'exemple à toute armée ruffe, & l'accoutuma à obéir aux officiers qui a'étoient pas nationaux ; tous ces officiers, il est vrai, fortoient de l'infanterie, & ce fut fans doute pourquoi les dragons, feule cavalerie de ligne dans

En vain le maréchal de Saxe, inftruit par fes connoiffances, fes victoires & fes campagnes, avertiffoit-il les François de leur ignorance (2);

l'armée ruffe, fe conduifirent fi mollement à Pultava, tandis que l'infanterie s'y comporta avec bravoure. Après avoir été difciplinée par le maréchal Ogilwy, elle fut perfectionnée par le général Munich, fous les ordres duquel fe trouvèrent alors les Lafcy, les Keit & les Lowendal, qui figurèrent fi brillamment enfuite parmi les plus célèbres généraux de ce fiècle.

L'artillerie de cette armée avoit fait de grands progrès fous la direction du général Bruce; la difpofition générale de l'efprit de la nation avoit facilité l'inftruction dans cette partie de l'art militaire. Bientôt auffi Pierre Ier attacha-t-il à chaque bataillon d'infanterie & à chaque régiment de dragons deux pièces de campagne de trois livres de balles.

Sous le règne de l'impératrice Anne, le comte de Munich fit mettre fur pied trois régimens de cuiralfiers, dont la plupart des officiers, & bas-officiers furent envoyés par le roi de Prusse : la difficulté d'avoir en Ruffie des chevaux propres à ce fervice, en avoit dégoûté le czar, qui s'en étoit tenu à fes dragons & à fes huffards.

a

(2) Si les armées du Nord gagnoient chaque jour du côté de l'inftruction, ce.les d'Autriche & de France étoient loin de faire de tels progrès. Jugeonsen par la bataille de Parme.

L'armée des alliés étoit campée fur la rive gauche de la rivière; celle des Impériaux l'étoit fur la droite : la première auroit eu une barrière très-refpectable, fi la Parme eût été plus large et plus profonde, & fi elle n'avoit pas des gués plus ou moins profonds, felon la féchereffe où l'humidité de tems. En vain le flanc gauche de l'armée des deux couronnes paroifloit protégé par le château de Colorne, protection bien illufoire, ce pofte fe trouvant fur la rive où étoient placés les Impériaux, à une lieue au moins de la gauche où étoient les Français La ville de Parme paroiflit protéger plus directement la droite; mais quoique fur la meme rive, dle étoit auffi à une lieue.

Le général Mercy, bien inftruit des localités, forma le projet de pafler la Parme au-deffus de la

en vain écrivoit-il à M. d'Argenson cette lettre fi connue, il en refultoit à peine de futiles exercices, & dans le refte de l'Europe on ne cherchoit pas davantage à s'éclairer.

Mais au milieu de cette inaction militaire, où des guerres trop longues & trop continuelles venoient de jetter l'Europe entière, le roi de Pruffe, né avec de l'ambition, forma, d'après fon caractère & fon genie, le projet non-feulement d'affermir la puiffance commencée par fon père, mais encore de l'augmenter, en faisant valoir des prétentions dont il croyoit pouvoir calculer la certitude de la réuffite, contre des puiffances épuifées ou hors d'état de fe mettre allez promptement en mesure.

Pour remplir un projet auffi vafte, il falloit d'abord économifer, augmenter enfuite fes forces militaires, & enfin inftruire davantage fon armée. En mettant de l'économie dans fes finances, Frédéric fe procuroit les moyens de pouvoir augmenter le nombre de fes foldats, & la reuffite de cette opération dépendoit d'une volonté conftante & ferme ; mais il n'en étoit pas de même de l'inftruction de fon armée: il pouvoit l'attendre de fon génie feul, foit pour créer l'inftruction elle-même, foit pour y habituer les différens individus, foit pour rendre cette inftruction affez fûre, affez invariable & affez fupérieure à toute autre, pour s'être affuré des

victoires.

ville & de la droite de l'armée des alliés, afin de fe trouver fur fon flanc droit; & s'il réuffifloit, de l'obliger de fe retirer vers fes ponts fur le Pô, près de Cazal Maggiore; ce qui lui donnoit l'efpoir de 1 maltraiter dans fa retraite & de refter maitre de Parme.

Déjà le général Mercy avoit paffé la rivière audeffus de Parme, & fe difpofoit, après avoir tourné la ville, à fe mettre en bataille fur le flanc droit de l'armée ennemie ; mais M. de Maillebois accourut avec l'avant-garde, et fe me tant en bataille devant la ville de Parme, arrêta le général Mercy, qui, faute d'établir des communications fur les foffés dont les plaines font remplies en Italie, ne profita pas de fa fupériorité en nombre pour porter une partie de fes forces fur le flanc des ennemis; de part & d'autre auffi la cavalerie refta derrière l'infanterie, fous le prétexte ridicule de la foutenir; mais en réalité pour lui être très-nuifible.... Bientôt le petit front de l'avant-garde française put s'étendre au moyen des troupes qui accouroient de l'armée ; bientôt auffi le régiment du roi, par une décharge faite à propos, fit reculer les Impériaux; ce qui raffura les François qui, ayant mis leurs quatre rangs genoux en terre, fufillèrent à la croate. - Ici le

Outre la manière de rendre fon armée immortelle, en la compofant prefqu'entièrement de nationaux, & en partageant fon pays en diftricts chargés de tenir les régimens complets, au défaut des recrues étrangères, Frédéric 1 avoit laiffé à fon fils des foldats déjà très-avancés dans la difcipline & la tactique particulières de l'infanterie, les feuls en Europe qui fuffent manier leurs armes avec autant de dextérité & de promptitude. Quant à la cavalerie, elle étoit diftinguée par la beauté des hommes; & pour le refte, auffi peu avancée dans la tactique que celle des autres puiffances de l'Europe.

C'étoit déjà beaucoup pour le roi de Pruffe d'avoir un fond d'armée fupérieur à celui des autres, & une manière la meilleure de l'augmenter & de l'entretenir; mais il n'y avoit ni grande tactique, ni école pour les officiers géné raux; & cependant de-là feul pouvoit dépendre l'instruction de l'armée, de façon à la rendre la meilleure, & fes principes les plus invariables.

Frédéric, plein de l'étude de la guerre des anciens & de celle faite par les Condé, les Turenne, les Montécuculli, &c., fut y puifer les grands principes de la tactique; il fut s'approprier ces doublemens & ces dédoublemens de la phalange grecque, établis dans les troupes de Pyrrhus, & ceux de M. de Puységur et de M. de Saxe, dont il fit les élémens de fes deploiemens & de fa tactique, qui fera long

général Mercy ayant été tué, le duc de Wirtemberg, qui le remplaça, ne penfa pas davantage à étendre fon front; & s'étant borné à remplacer pendant quelque tems les régimens de première ligne trop malaités par ceux de la feconde, il fe retira enfuite fans beaucoup de perte; la cavalerie françoife toujours immobile, n'ayant point préparé les moyens de l'inquiéter.

Ainfi voit-on dans cette journée, de la valeur & de la fermeté parmi les troupes, de l'ignorance dans les généraux.

A Guaflalla, le prince de Wirtemberg ayant voulu poffer vigoureufement une affaire d'arrière garde, on doit remarquer la conduite de la cavalerie des alliés, commandée par le duc de Châtillon, a gauche arrivée en bon ordre, au trot, fur trois rangs, & à cent pas de celle des Impériaux, qui reftit immobile, s'élança au galop, l'enfonça, la diffipa, & la pourfuivit aflez chaudement pour occafionner la déroute de la feconde ligne; ainsi l'infanteie allemande fut entièrement découverte ; mais elle fe battit affez courageufement pendant près de huit heures, pour donner le tems à l'armée de repaffer le Pô.

tems l'admiration des militaires capables de la étoit à portée de l'ennemi. Les mouvemens de

juger.

Quant à l'inftruction des officiers & des foldats, il y travailla fans relâche ; il tint fes troupes continuellement en haleine, par des revues annuelles & par des camps de manoeuvres. Ses revues, il les fit en perfonne; fes camps, fes manœuvres, il les commanda lui-même; & l'on fentira quel reffort, quelle unanimité & quelle émulation devoient acquérir des troupes continuellement exercées par un grand général, qui étoit en même-tems leur roi. Par-là il dainement faire mettre en pratique toutes les idées nouvelles, retenir les bonnes & rejetter les mauvaises.

put

fou.

Frédéric avoit eu peu de chofes à faire pour perfectionner fon infanterie ; mais il falloit trouver un moyen de tirer un grand parti de la cavalerie; il parvint à porter cette arme à un degré de perfection dont il n'y eut jamais d'exemple, en ordonnant aux cavaliers de ne jamais faire feu, & en faifant confifter la force de la cavalerie dans la velocité de fes mouvemens & dans La plus grande impétuofité poffible de fa charge combinée avec l'enfemb e. Tous ces moyens une fois acquis, Frédéric eut bientôt habitué & les individus & les corps de fon armée, à la tactique dont il étoit le créateur, & au moyen de laquelle ils furent fe féparer, fe réunir, fe plier à toutes les difpofitions & à tous les terreins, & fe mettre en bataille par des moyens de détail plus simples & plus rapides.

Depuis la prodigieufe multiplication des armes à feu, aucun homme de génie n'avoit étudié la tactique; auffi, dans les deux plus belles journées de la gloire du maréchal de Luxembourg,

fon armée fe mit lentement en bataille la veille en présence des ennemis qui reftoient immobiles dans leur pofition. Ni les victoires de Malboroug, ni celle des Catinat, des Vendôme, &c., ne furent dues à un grand mouvement de tactique. Guftave, Charles XII, avoient eu des idées imparfaite s des grands principes. M. de Saxe avoit dit qu'un jour le fecret des batailles feroit dans l'ordre & dans les jambes. Le roi de Pruffe fit feul ce que les autres généraux avoient ou tenté, ou indiqué, ou apperçu ; & par la manière vraiment ingé nieufe dont il fut organifer fes armées, il diminua l'inconvénient des longues colonnes de marche & de la lenteur proceffionnelle avec laquelle elles fe mettoient en bataille. Il habitua plufieurs colonnes à obferver des diftances, à marcher à la même hauteur, à fe mettre en bataille dans toutes les directions, &c. D'après ces principes & ces moyens, il put devenir plus hardi dans fes mouvemens, & déterminer ou faire connoître fes difpofitions d'attaque au moment feulement où il pouvoit agir & où il

chaque colonne en particulier, & ceux de plusieurs colonnes enfemble, étant devenus plus colonnes entr'elles étant perfectionnés, il apprit parfaits & plus rapides, les rapports de plufieurs à fes officiers-généraux à les conduire & à les remuer d'après tous les ordres & les fignaux donnés ; il les familiarifa, par une pratique convariété des terreins & des circonftances. Il tinuelle, avec les diftances, les obftacles & la s'affura entre chaque corps individuel de fon armée, d'un enfemble d'après lequel il étoit dequ'il croiroit la plus avantageufe pour affurer fes venu le maître de 1. ur faire prendre la difpofition fuccès. Enfin les événemens extraordinaires & multipliés des différentes guerres où il fe trouva engage, dirigèrent & guidèrent fes fpéculations, & elles donnèrent l'effor aux officiers qui travailloient à fe faire valoir auprès de lui.

Mollwitz. 1741. 10 avril.

Ainfi à Mollwitz, la fermeté de l'infanterie pruffienne, fon feu fupérieur & foutenu, l'ordre inconnu jufqu'alors dans lequel elle avança, & les manoeuvres qu'elle exécuta, ramenèrent la victoire prête à s'échapper, avec la cavalerie pruffienne, mife en déroute fur les aîles par celle des Autrichiens.

Pour la première fois, Frédéric commandoit des armées & remportoit des victoires (1); il lui

(1) Écoutons ce grand homme parler lui-même des fautes de fes ennemis & des fiennes. Cette

journée devint une des plus mémorables de ce fiècle, parce que deux petites armées y décidèrent du fort de la Silésie, & que les troupes du roi y acquirent une réputation que le tems ni l'envie ne pourront leur ravir.

L'obfervateur aura remarqué fans doute, dans l'ouverture de cette campagne, que c'étoit à qui feroit le plus de fautes, du roi ou du maréchal de Neuperg. Si le général autrichien étoit fupérieur par les projets, les Pruffiens l'étoienr par l'exécution. Le plan de M. de Neuperg étoit fage & judicieux. En entrant en Siléfie, il fépare les quartiers du roi il pénètre à Neiffe, où Lentulus le joint, & il eft fur le point non-feulement de s'emparer de l'artillerie royale, mais encore d'enlever aux Pruffiens leur feul magafin à Breflaw; mais M. Neuperg auroit pu furprendre le roi à Jægerndorff, & par ce coup feul terminer toute cette guerre. De Neiffe il auroit pu enlever le corps du duc de Holftein qui cantonnoit à un mille de-la. Avec un peu plus d'activité, il auroit pu empêcher le roi de paffer la Neifle à Michelau; de Grothau encore, il auroit dû marcher jour & nuit pour prendre Ohlaw & couper le roi,

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de Breflaw. Au lieu de faifir ces occafions, par une fécurité impardonnable, il fe laitla furprendre, & fut battu en grande partie par fa faute. Le roi donna encore plus de pri e que lui à la cenfure. Il fut averti à tems du projet des ennemis; il ne prit aucune mefure fuffifante pour s'en garantir. Au lieu de marcher à Jægerndorff pour éparpiller encore plus fes troupes, il auroit du raffembler toute fon armée & la placer en cantonnement refferré aux environs de Neille: il fe lailla couper du duc de Holftein, & fe mit dans la néceflité de combattre dans une pofition où, en cas de malheur, il n'avoit aucune retraite, & où il rifquoit de perdre l'armée et de fe perdre lui-même. Arrivé à Mollwitz, ou l'ennemi cantonnoit, au-lieu de marcher avec vivacité pour féparer les cantonnemens des troupes de la reine, il perd deux heures à fe former méthodiquement devant un village où aucun ennemi ne paroiffoit; s'il avoit feulement attaqué ce village de Mollwitz, il eût pris toute cette infanterie autrichienne, à-peu-près de même que vingt-quatre bataillons français furent pris à Blindheim. Mais il n'y avoit dans fon armée que le maréchal de Schwerin qui fût un homme de tête & un général expérimenté. Il régnoit beaucoup de bonne volonté dans les troupes, mais elles ne connoiffoient que les petits détails; & faute d'avoir fait la guerre, elles n'alloient qu'en tâtonnant & craignoient les partis décilifs. Ce qui fauva proprement les Prufliens, ce fut leur valeur & leur difcipline. Mollwitz fut l'école du roi & de fes

troupes.

Après les obfervations de Frédéric, ofons ajouter combien il fut aifé de fe convaincre, dans la journée de Mollwitz, que ces mêmes Pruffiens, formés de longue main à tenir leurs rangs ferrés fans gêner le foldat, à marcher enfemble par bataillons & par régimens, en faifant conftamment foixante & quinze pas par minute, favcient porter en avant leur ligne exactement alignée, en obfervant imperturbable ment des intervalles toujours égaux entre leurs ba

le fuit le lendemain avec le refte; vers la nuit le prince fe trouve en face des ennemis, qui s'étoient déjà emparés de Czaslaw: ii fe campe près de cette ville & de Chotufilz.

La bataille fe donne; l'aîle gauche de la cavalerie autrichienne eft affaillie & culbutée par la cavalerie prufienne; le roi la fuit avec la droite de fon infanterie: fur la gauche des Pruffiens, 1.s ennemis font plus heureux; après s'être renforcés, ils renverfent la cavalerie pruffienne, & l'infanterie autrichienne s'avance vers Chotufilz; mais l'aile droite du roi déjà victorieufe, décide de l'iffue du combat en prenant l'ennemi en flanc près de Chotufilz. En mê ne-tems le général Levald fort de ce village & fond, la bayonnette au bout du fufil, fur ce qui refte d'ennemis, qui fuit & gagne la Moravie (1).

taillons, leurs efcadrons & leurs lignes. Ils fe développoient par échelons fur le point où ils jugeoient à propos, foit à leur droite, foit à leur gauche, & portoient plus ou moins de forces fur celui où ils vouloient faire effort, avec la plus grande célérité, tandis que le refte de leur armée, ralentiffant fon pas, & finiflant quelquefois par s'arrêter, refufoit ain de s'engager, & fe bornoit alors à foutenir & à couvrir le flanc de l'attaque. Bientôt on les vit porter enfemble leurs lignes de cavalerie à deux mille pas au moins en avant, au galop, fans déranger leur alignement, foit avec des intervalles entre les efcadrons, foit en muraille. L'infanterie avoit déjà la poflibilité de pouvoir fournir un feu continu bien fupérieur à celui de l'infanterie autrichienne & des autres puiffances, par la conftruction particulière de fes futils, & par fa formation fur trois de hauteur, au moment où leurs ennemis étoient encore fur quatre & fur cinq. On ne tarda pas auffi à s'appercevoir combien ils poflédoient le grand art de cacher long-tems leur projet par des mouvemens fimulés, qui, femblant menacer tout le front de l'ennemi, l'obligent de fe tenir également en garde fur tous les points, jufqu'au moment où ceux fur lesquels les Pruffiens fe font décidés à faire effort, foient attaqués avec l'ordre & l'enfemble obfervés alors dans leurs lignes; ce qui prouva que cette fcience de faire manoeuvrer toute une ligne procuroit le grand avantage de pouvoir prefque toujours attaquer, d'avoir la facilité de renforcer affez la partie attaquante, pour culbuter & renverser tout ce qui peut fe trouver devant elle; & fe rabattant alors fur les flancs de l'ennemi, l'obliger à une retraite précipitée.

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&

(1) Nous allons continuer de copier le jugement du roi de Pruffe fur cette bataille. Les généraux des deux partis firent des fautes: il eft bon de les examiner pour n'en pas commettre de pareilles. Commençons par M. de Kanigfeck. Il forme le

Mais le roi de Pruffe, en reprenant les armes en 1744, ne va plus être dans les armées uniquement pour s'inftruire; il va fe montrer le géneral de fes généraux, & donner à fes actions militaires un caractère plus décifif. Cependant les événemens qui fe fuccè ent rapidement & qui lui font contraires, viennent mettre Frédéric dans la pofition la plus critique. L'empereur Charles VII meurt; Marie-Thérèse conclut avec le jeune electeur de Bavière la paix de Fulfen; elle oppofe à l'union de Francfort l'alliance de Varfovie avec a Saxe, l'Angleterre & la Hollande: la Ruffie raccède. Elle fait d'avance avec la Saxe, par le

rojet de furprendre les Pruffiens; il s'empare de uit de Gzaslaw, & fes troupes légères elcarmouhent jufqu'au lever de l'aurore avec les grand'gardes es Prufliens. Etoit-ce à deffein de les tenir alertes de les empêcher d'être furpris, ou de les avertir u projet qu'il méditoit? Le jour de l'action il pouoit, dès l'aube du jour, tomber fur le camp du rince Léopold, que ie roi ne joignit qu'à fix heures. ue fait-il I attend jufqu'à huit heures du matin our fe mettre en mouvement, & l'avant-garde ruflienne arrive. Quelles fautes fait-il dans la baille même ? I laiffe au maréchal de Buddenbrock liberté de se faifir d'une hauteur avantageuse, où la cavalerie pruffienne fond fur fon aîle gauche l'accable: il prend le village de Chotufilz; & leu de s'en fervir pour tourner entièrement le inc gauche de fon ennemi, il fe prive de cet avange en y mettant le feu & en empêchant lui-même s troupes de le paffer; ce qui protége la gauche des rufliens. Il fixe toute fon attention fur fa droite, & néglige fa gauche, que le roi déborde & force de culer jufqu'au ruiffeau de la Dobrava, où la confoa de cette aile fe communique à toute l'armée. e qu'on peut cenfurer dans la conduite du roi, eft de n'avoir pas rejoint fon armée dans ce camp. pouvoit confier fon avant-garde à un autre offier. Quant aux fautes commifes dans la manière ccuper le terrein, elles doivent être attribuées au ance Léopold; il auroit dù fortir de fa fécurité, veti des desseins de l'ennemi par fes continuelles carmouches. Il n'avoit pas fait un ufage judicieux u terrein où il devoit combattre; il auroit dû jetter uelqu'infanterie dans le parc de Spilaw qui couroit fa gauche; elle auroit empêché la cavalerie utrichiennè d'en approcher. Sa cavalerie auroit dû 'appuyer à ce parc; par-là elle auroit laiffé derrière lle les ruiffeaux qu'elle fut obligée de pafler en téfence de l'ennemi, & fe feroit trouvée dans un errein où elle eût pu agir librement. La faute prinipale du prince Léopold, avant l'action, fut de ne vouloir croire à l'attaque des ennemis qu'au moment u il vit leurs colonnes fe déployer devant fon front. Heureufement la valeur des troupes triompha des ennemis, des obftacles, du terrein, & des fautes de ceux qui les commandoient.

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Une feule bataille, qui dura trois heures, changea dès le début la face de toutes les chofes, fauva la Silefie, & donna au roi la fuperiorité pour le refte de la guerre (1). Mais cette bataille, Frédéric fut la difpofer, y conduire les ennemis, & y faire tout plier devant lui, par fon génie.

Le prince Charles & le duc de Weiffenfeld marchoient pour envahir la Silefie. La fituation des af faires demandoit donc un événement décifif. En se tenant fur la défenfive, & fe bornant à empêcher les ennemis de pénétrer en Siléfie à travers les montagnes, le roi auroit été obligé de facrifier bien du monde, & d'énerver fes provinces & fes finances, parce que fon armée auroit été obligée de fubfifter à fes propres dépens, en courant encore les rifques de ne pas réuffir par rapport à la fupériorité des forces de l'ennemi, qui avoit derrière lui toutes celles de la Bohême, & une fi grande quantité de troupes légères, qu'il lui étoit très-aisé de paffer toute la campagne à faire la petite guerre. De plus, le roi ayant befoin de toutes les forces pour faire tête au prince Charles & au duc de Weiffenfeld, devoit abandonner les hauteurs de la Silefie, où il étoit à craindre qu'on ne lui rendit fes fubfiftances très-difficiles. Il étoit donc abfolument néceffaire d'amener une bataille, afin de chaffer les ennemis de la Silefie, & de tranfpotter le théâtre de la guerre en Bohême. Frédéric fit donc un coup de génie en feignant de craindre la fupériorité de l'armée combinée, & en faifant courir le bruit qu'il alloit prendre un poste entre Breflaw et Glogaw, fur l'Oder, pour la commodité de fes convois. En conféquence il évacua les montagnes de la Haute-Siléfie & le pays de Glatz, raffembla tous les corps de fon armée,

(1) Comment les hommes qui tiennent les rênes. des gouvernemens peuvent-ils jamais oublier l'inl'efpace de quelques inftans, anéantiflent toutes les fluence décifive de certaines batailles, qui, dans combinaifons de la politique, trompent toutes les efpérances de l'ambition, ôtent où donnent des provinces, renverfent des trônes, humilicnt ou fubjuguent des nations? Comment, à la vue de ces grandes leçons, peuvent-ils négliger leurs armées dédaigner les vertus militaires, & ne pas s'aflurer d'excellens officiers-généraux, & des foldats pleins de vigueur, de courage & de patriotilme.

(Eloge du roi de Prufe.)

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