Le prince de Condé envoyé au fecours de cette armée battue, voulut abfolument prendre fa revanche fa marche fur Nortlingen, dont il vouloit former le fiège, le mit bientôt en préfence du généraliffime bavarois, qui venoit au fecours de cette place. Mercy prit alors une pofion fort avantag use Ses deux aîles étoient fur deux monticules ; le village d'Aller-Heim, qui fe trouve un peu en avant & entre ces deux monticules, fut occupé par des moufquetaires placés dans l'églife & dans le clocher; Finfanterie du corps de bataille, formée derrière, étoit à portée de les foutenir. Ce village paroît avoir été uniquement attaqué en face; on ne fongea jamais à faire attaquer fes flancs, d'après la mauvaise habitude de l'ordre & de Fattaque parallèle. Luxembourg à Fleurus, & furtout Frédéric à Liffa, à Prague, à Torgaw, ont trop démontré l'utilité de l'ordre & de l'attaque oblique pour pouvoir la révoquer en doute. L'aile droite de l'armée française fut défaite, & en même-tems celle des ennemis fut mise en déroute complette. Le prince de Condé ayant perdu plus de monde les ennemis, & ayant été obligé de fe retirer que fous Philisbourg, & de laiffer prendre fous les yeux Wimphen, où étoit fon gros canon, cette prétendue victoire ne paroît pas en être une en aucune manière. L'année d'enfuite le vicomte ne pouvant plus effectuer la jonction avec les Suédois, en paffant le pont de Philisbourg, cet habile général trouva le moyen d'effectuer cette jonction par une des plus belles marches de ce fiècle. Ayant paffé la Mofelle au-deffus de Coblentz, il continua fa route le long de la rive gauche du Rhin, & pafla ce fleuve à Wezel: enfuite il defcendit le long de la Lippe jufqu'à Lippeftadt, & joignit enfin l'armée fuédoife entre Vetzlar & Geiffen. Dès ce moment il ne ceffa de chercher l'ennemi, & parvint bientôt à le prévenir, en s'emparant du pofte important de Boffamas fur la Nidd. Ayant fait défiler fon armée par ce paffage, il côtoya l'armée leurs maximes les leçons des anciens qui les avoient inftruits. Quelle fagacité dans les campagnes de 1672, 1673, 1674 & 1675; dans de l'empereur, & fe plaça entre Francfort & Hanan, de manière à forcer les Impériaux de le combattre s'ils vouloient marcher vers le Mein. Ainfi, par cette belle manoeuvre, étant parvenu à établir fon armée de manière à entrer, quand il le voudroit, dans la Suabe & dans la Bavière, l'ennemi ne s'étant point décidé à déranger ses projets, il profita de fon inaction pour faire à-peu-près la conquête de ces deux belles provinces, & réduire l'électeur de Bavière à faire la paix ; c'eft alors où, par des marches vives & favantes, l'habile Turenne répara brillamment la défaite de Mariendal, & prit fa place parmi les généraux du premier ordre. Quelques années après, Turenne reparut avec le plus grand éclat fur le théâtre qu'il avoir voulu quitter; il foutint fon début fi brillant de fa campagne de 1672, par la belle expédition, pendant I hiver, contre les armées combinées de l'empereur & de l'électeur de Brandebourg. Ce grand général eut alors la goire d'empêcher, pendant trois mois, deux armées très fupérieures en nombre, de pafler le Rhin, en faifant la démarche hardie de le paffer lui même pour mieux en défendre le paffage aux ennemis. Dans une pofition auffi favante, l'habileté & l'activité de M. de Turenne fut contenir trois armées fupérieures de près de moitié à la fienne, pendant trois grands mois audelà du tems des campagnes ordinaires. Ayant enfin réuffi à les obliger d'abandonner le projet de puffer le Rhin, it alla les poursuivre dans le pays des a liées de la France, où ils avoient projetté de prendre des quartiers d'hiver. C'est là où il leur fir etfuyer tant de difgraces, que Montécuculli, défolé de perdre fa gloire par les ordres pufillanimes du cabinet de Vienne, quitta le com mandement. Après fon départ, Turenne pouffant les avantages avec une plus grande vigueur, fit repaffer la Lippe aux deux armées combinées, les fit reculer jufqu'audelà de l'évêché de Paderborn, & les obligea de fe féparer. En 1673, Montécuculli ayant à-peu-près carteblanche, vint fe mefurer à forces égales avec le vicomte; fon projet étoit de faire reculer les Français & de leur faire perdre leur communication avec la Hollande, ou de tomber fur l'Alface, dans laquelle il y avoit peu de troupes. Le vicomte voulut défendre le paffage du Rhin en fe portant encore en avant de ce feuve; fon projet paroît avoir été de s'affurer du cours du HautMein, de manière à se facilfer an befoin une jonc celle de 1674, ce grand général avoit combattu un corps de troupes à Sintzheim, il . avoit livré la bataille d'Ensheim; malgré ces tion avec l'électeur de Bavière, & de s'opposer aux projets de Montécuculli, qui débouchoit de Bohême à la tète de quarante m lie hommes (M. de Turenne en avoit à peine vingt mille), par la route d'Egra à Nuremberg. Ce général ayant palé le Mein fur le pont de cette ville, pénétra bientôt jufqu'a Voltenberg, & paroifloit ainfi fe diriger fur l'Alface. Le vicomte voulant arrêter fes progrès, pafla le Tanber à Mariendal, pouffa jufqu'à Rotting, & s'avança même très-près de Voltenberg. D'après cette difpofition, il paroiffoit abfolument décidé à empêcher Montécuculli de fe porter fur le Bas-Mein. Sans doute il craignoit peu pour l'Alface; d'ailleurs, ilfe réfervoit toujours la poffibilité de fuivre l'armée impériale d'affez près pour entreprendre avec fuccès fur fon arrière-garde, fi elle avoit voulu traverfer la petite rivière du Jacht, en fe dirigeant par Hall. La pofition de Hall eft auffi peu refpectable, & Is impériaux en auroient été trop peu protégés pour oler traverfer la rivière affez confidérable du Kocher, fans pouvoir éviter une affaire d'arrière-garde trèsdésavantageufe. L'objet donc vraiment principal pour les deux généraux, étoit le paffage du Bas-Mein. Montécuculli, pour y parvenir, fit la démonftration de marcher en avant fur le vicomte; ce mouvement lui faifant croire au defir, de la part de fon adverfaire, de lui livrer bataille, il arrêta fon armée pour fe mettre en état de le recevoir. Montécuculli profica de l'erreur du vicomte pour faire défiler fa feconde ligne vers le Mein, fa première paroiffant toujours prète à combattre. La feconde ligne & les équipages ayant défilé, il fit rompre la première, & vint prendre une pofition entre Ochfenfurt & Wurtzburg, Mais toutes les manœuvres auroient été inutiles, & fes efperances auroient échoué devant les mancures favantes & les fages précautions du vicomte, si l'évêque de Wurtzburg n'avoit trahi sa neutralité & livré le paffage de fa ville et de fon pont aux Impériaux trahilon qui donna d'abord les moyens à Montécuculli de battre une foible troupe de cinquante maîtres qui efcortoient un convoi de vivres très-confidérable pour le camp du vicomte, qui 'avoit pas dû s'attendre à l'infidélité de l'évêque; trahifon qui donna encore les moyens de détruire tous les magafins établis à Werthein, & d'enlever des dépôts très-intéreflans. On a pu facilement depuis, & apres les événemens, blâmer M. de Turenne; mais il étoit infiniment inférieur en forces il devoir compter fur la fidélité de l'évèque ; & c'eft d'après ces calculs, dictés par la raifon, qu'il a dû fe conduire. Si l'évêque n'ouvroit pas les portes de Wurtzburg, Montécuculli n'auroit pas pu paffer le Mein, & Turenne étoit couvert de gloire. Cette avantages, la guerre d'Allemagne alloit devenir défenfive de la part des Français. M. de Turenne qui avoit été obligé de fe retirer dans la trahifon ayant forcé le vicomte à se borner à la défenfe du pallage du Bas-Mein, & de partager fon attention entre ce point capital & celui de veiller à la fûreté de fa communication avec Philisbourg, ou l'on venoit d'ètre forcé de faire établir de nouveaux magasins, il fut bientôt obligé d'abandonner encore ce pallage important. Montécuculli ayant fait paroître une tête de troupes vis-à-vis d'Afchaffenburg, le vicomte fut encore obligé de céder à cette apparence; & Mentécuculli ayant fait faire très-promptement un pont de bateaux, força le paffage du Mein à-peu-près dégarni, & prit la poffeflion de Stersheim. Le vicomte n'ayant pas cru pouvoir l'y combattre, fe vit obligé de reculer fous Philisbourg, Montecuculli ayant fait jerrer un pont de bateaux au-deflus de Mayence, fur lequel il pouvoit pafler le Rhin & pénétrer en Alface. Dès que le vicomte fut fous Philisbourg, Montécuculli envoya fon infanterie à Coblentz, paffa le Rhin avec fa cavalerie, fe porta fur Trêves, & vint prendre, avec fon armée réunie au-delà de la Mofelle, une pofition d'où il couvroit le fiège de Bonn. Les manœuvres mifes en ufage par ce général doivent être un objet d'étude pour tout militaire qui veut s'inftruire des moyens propres à vaincre fon ennemi fans s'expofer aux rifques d'un combat, fans oublier cependant l'infériorité de forces du vicomte de Turenne, l'infidélité de l'évêque de Wurtzburg, qui procura de fi grands avantages à Montécuculli, Alface, le mit dirs l'impoffibilité d'empêcher la & en obligeant le vicomte de veiller davantage fur jonction des Impériaux avec les Hollandais & les Efpagnols. Ainfi forames-nous bien loin de penfer avec quel ques militaites, que cette campagne foit une preuve de la fupériorité de Montécuculli fur le vicomte, dans la guerre de campagne & dans le choix des meilleurs plans à exécuter. A ces obfervations nous croyons devoir en joindre quelques autres du général Grimoard, qui a écrit d'une manière fi favante les quatre dernières campagnes du maréchal de Turenne. Lorraine allemande, y laiffe rétablir fon armée dans les bons quartiers; & après avoir reçu des fecours de la Flandre par une marche cachée رو aux ennemis, il fe porte au milieu de leurs quartiers dans la Haute-Alface, il en enlève plufieurs, bat ceux qui s'étoient raffemblés auprès » cuculli à Vinsheim & au-delà, vers Rothenbourg, nières forces fous le feu de fon infanterie. Ces pré»n étoit qu'une démonftration pour éloigner l'ar-cautions fages furent les caufes du glorieux fuccès mée françaife & l'attention de Turenne, afin de de cette journée. s'approcher enfuite de cette rivière fans que ce » derrier pût s'y opposer ». 30 Les marches des Autrichiens, depuis Langenzen jufqu'à Brechtzhuffen, furent donc une rufe qui ronpa le général fiançais. Turenne avoit propofé un projet dont l'exécution cut empêché les Impériaux de former aucune entreprite: c'étoit d'aller mafquer les dé» bouchés de la Bohême. Louvois répondit au gé» néral français, que le roi ne difconvenoit point qu'il ne fut très-avantageux d'y retenir les forces » de l'empereur; mais qu'en confidérant la longue » marche que l'armée feroit obligée de faire, il fuffifoit d'empêcher l'ennemi de s'avançer beau» coup au delà de Nuremberg. Le maréchal, obligé » ainsi de s'établir fur le Mein, ne put s'oppofer à » ce que les Impériaux pénétraffent en Franconie ; » il couvroit le Haut-Rhin, où ils ne vouloient » rien entreprendre; mais il étoit très-difficile, pour » ne pas dire impoffible, de leur barre: le chemin » du Bas-Rhin. Moutécuculli cacha parfaitement » fon deflein, & manoeuvra habilement pour l'exé Guter». Le vicomte, trompé par les apparences, paffe le Tauber pour couvrir les places fituées fur cette rivière, & même pour combattre les Allemands s'il en trouvoit loc afion. Le général de l'empereur feint aufli de defier une bataille; & tandis qu'il paroît s'y difpofer, fes troupes s'approchent du Mein & s'établiffent près de cette rivière. On ne peat difconvenir Turenne fut, dans cette occaque fin, dupe de fon adve: faire mais la faute du général français donna feulement aux ennemis le moyen d'exécuter leur projet quelques jours plutôt. pu Ajoutons en quelques autres avec le général Gi moard. taille, fut conftamment de déployer toutes les forces Premièrement, l'objet du maréchal dans cette baobliquement en gagnant du terrain vers fa droite, qu'il fit protéger par de l'infanterie qui prenoit en finc la cavalerie ennemie, & en refufant la gauche, pretégée de même par de l'infanterie poitée dans les haies, & prête à prerdie en flanc les troupes de li droite des ennemis qui auroient voulu tenter d'attaquer cette gauche. Secondement, les ennemis s'étoient fi mal établis dans le pofte de Sintzheim, qu'ils forcèrent pour ainli dire le maréchal à profiter de leurs fautes. Is devoient pofter dans Sintzheim, dans le château, & derrière les haies, toute l'infanterie, foutenue d'une parie de leurs dragons; garnir le défilé avec le rete, fecondé par quelques efcadrons, & ranger toute la cavalerie de manière qu'il ne reftât pas de terrein a Turenne pour fe mettre en bataille, dans le cas ou il eût puffé le défilé qu'on pouvoit boucher par un abattis. Les confédérés s'éloignèrent fi fort de la gorge dont un rideau leur cachoit l'entrée & la fortie, qu'ils ne pouvoient découvrir les mouvemens du vicomte. Cependant le duc de Lorraine & le comte de Caprara devoient avoir pour unique objet de battre les Français en détail à mesure qu'ils pafferoient le défilé. Turenne profira donc habilement des fautes des Allemands; & quoique le deffein de les combattre paroille, au piemier coup d'œil, fort hafardeux, leur mauvaile difpofition y engageoit. De fon côté, le prince de Condé faifoit une campagne bien favante dans l'art des campemens, & prouvoit combien il poffédoit la vraie fcience militaire. La campagne de 1674 fut ouverte par le combat de Fintzheim; le vicomte, un peu entraîné par l'usage du moment, y fut peut-être plus entrepreCependant le vicomte n'ayant pu empêcher les nant que fage & mefuré. En effet, s'il avoit été ennemis de paffer le Rhin fur le pont de Strasbourg, battu, comment fon armée auroit-elle faire fept & les voyant les maîtres de s'étendre en Alface, en ou huit lieues pour regagner Philisbourg au travers Lorraine & en Franche-Comté, par leur jonction de défilés & de bois dans un pays ennemi, fans être expofée à fe voir anéantie? D'ailleurs cette frontière. aux troupes de l'électeur de Brandebourg, prit le parti d'aller les attaquer avant cette jonction, quoin'avoit que cette armée pour la garder; & en perdant la bataille, on l'expofoit entièrement à l'en-qu'ils euffent quarante mille hommes & lui feulement vingt-deux. nemi. Au reste, on doit la gloire du vicomte & à Les talens militaires, de faire remarquer fon attention à déployer fa ligne avec ordre; celle d'avoir interit l'arme a feu, & d'avoir fait faire ufage uniquement de l'épée; celle d'avoir mêié des pelotons d'infanterie aux efcadrons, & d'avoir fait déployer ces der Leur négligence à garder la Brufch en rendit le paflage alfé aux François, & facilita le gain de la bataille. On voit dans cette action combien l'ufage de partager fa cavalerie en deux corps égaux, placés fur chaque aile, étoit accrédité. Si l'on avoit alors de Mulhaufem & de Colmar, & force l'armée ennemie, encore fupérieure à la fienne, à repaffer le Rhin pour aller prendre des quar fu marcher en colonnes, l'armée françoife, en marchant ainfi, auroit développé fur fa droite, & auroit eu affez de force pour emporter ce bois & s'y établir folidement; au lieu de cette manœuvre eflentielle, il lui fallut batailler tout le jour pour s'en emparer. Sa gauche étoit trop près de l'ennemi, puifqu'il fe Rouva à portée de l'infulter aufli vivement, et le vicomte ne put parvenir à fon grand but, de féparer ette armée de Strasbourg; aufli cette journée futle plus brillante que réellement utile. Les confédérés, outre la faute de s'être éloignés le la Breufch, de manière que le vicomte de Tutane pût fe former entre leut front et cette rivière, n commiren: plufieurs autres, foit dans la difpotion des troupes, foit dans la conduite de l'action: s devoient garnir d'infanterie & de canons le bois i couvroit leur gauche, afin d'empêcher le général rançois d'attaquer cette aile avec avantage; le rand nomb e de troupes placées à la droite ne ervit à rien, & l'entreprife contre la gauche du aréchal fut mal dirigée. Au moment où Caprara surnoit l'infanterie françoife, le refte de la droite uroit dû marcher de front au comte de Lorge, & s dragons & les Croates le prendre en flanc; alors maréchal victorieux à la gauche et battu à la roite, auroit eu le défavantage de fon côté ; les anemis pouvoient auffi laiffer leur droite dans inaction, & s'en fervir pour renforcer leur gauche : battre le maréchal. Hs firent auffi une faute norme en abandonnant le champ de bataille, & avouant vaincus en fe rapprochant avec précipiition de Strasbourg. On trouvera en même-tems très-étonirane de la art d'un général auffi fage que M. de Turenne, de i voir hafarder le paffage de la Breufch avec des orces la moitié moindres que celles de l'ennemi, & e le voir combattre fans connoître le terrain qu'ils cupoient; car il ne fit fouiller le bois qu'à l'aproche de l'armée françoife; si les Allemands ne 'euffent pas négligé, le vicomte auroit vraisemblalement évité toute efpèce d'engagement, & il fe at pofté & retranché à la vue des ennemis pour les ontenir & les referrer jufqu'à l'arrivée de l'électeur de Brandebourg. L'électeur de Brandebourg vint bientôt fe joindre à l'armée allemande & augmenter encore fa fupé-à riorité en nombre de la manière la plus décisive. Pour en profiter, il ne tarda pas à marcher fur Turenne, qui naturellement devoit être écrafé par le nombre; mais la molleffe des manœuvres de l'ennemi, & la jufteffe des fiennes, lui valurent l'avantage de fe tirer d'un auffi mauvais pas. Peu de mois après il fit cette belle marche, dans laquelle, étant parti d'Ingerviller au milieu du mois de décembre, il rentra en Lorraine par le défilé de la Petite-Pierre ; & ayant fait rafraîchir dans cette province les renforts qui lui étoient arrivés de Flandre, il les fit marcher du côté de la Franche-Comté, en leur envoyant des ordres de route qui aboutiffoient tous au pied de la chaîne des Volges. Dès qu ils y furent arrivés, il s'empara du paffage important de Remiremont, & fit paroître des tétes de colonnes dans tous les défilés par où l'on peut entrer Duras étoit venu de Franche-Comté avec quelques de Lorraine en Alface. De son côté, le duc de troupes; & s'étant porté fur Béfort pour veiller a ennemis. Sur-le-champ le vicomte porta la têre de la fureté de cette place, il bartit un quartier des fon armée vers rette direction; & quoique les en vers Alt-Kirck & Colmar, ils ne firen: allez de pas nemis euffent commencé à refferrer leurs quartiers diligence pour empêcher le vicomte de battre, prefqu'en débouchant en Alface, un gros co:ps de cavalerie à Mulhaufen. En arrivant enfuite auprès de Colmar, il trouva les Impériaux derrière la petite branche de la Fech. Le vicomte voyant la difficulré de forcer de front le paffage de certe branche, fit manoeuvrer par fa droite, comme fi fon projet avoit été dattaquer Colmar. Les ennemis ayant cru à ces démonítra-' tions d'attaque, y portèrent une partie de leurs forces. Pendant ce tems cet habile général faifoit paffer cette petite branche de rivière un peu au-dessus de fa gauche, par un gros détachement. Les Impériaux s'étant apperçus tard de cette manœuvre, firent de bien foibles efforts pour s'y oppofer. Un peu avant la nuit, le détachement françois s'étoit emparé des ponts des ennemis fur la grande branche de la Fech, il avoit pris poffeffion de Turkeim après un léger combat. La prife de ce pofte établitoit ce détachement fur le flanc droit des ennemis. Pour s'y maintenir plus fûrement, une partie fe porta fur la montagne qui commande cette petite place. Le reste de l'armée françoife éroit resté en-deçà de cette branche de rivière, & y entretenoit un combat affez vif par le feu, pour en faire retirer les Impériaux, le vicomte ne voulant jamais confentir les faire pourfuivre. Sa pofition menaçante fur le flanc droit, & la vigueur des troupes françoifes, avertirent les ennemis du danger où ils étoient; pendant la nuit, ils allèrent prendre une autre pofition vers Scheleftat, afin de pouvoir faire défiler fûrement leurs bagages & se retirer un peu en ordre fur Strasbourg. Le vicomte fe borna alors à les faire un petre Dans cette même campagne de 1674, l'électeur de Brandebourg vouloit forcer M. de Turenne à abandonner l'Alface ou à combattre avec défa preffer, & il eut la fatisfaction de faire repaffer le Rhin toute cette armée. Ainfi, dans dix-huit jours feulement, la capacité & la fcience militaire vinrent à bout de chaffer une armée ennemie avec une qui lui étoit inférieure de près de moitié. que On ne peut fe refufer de rappeller le fouvenir de faits fi mémorables, ni de brûler fon petit grain d'encens en l'honneur de l'homme miraculeux qui les a opérés; rien ne doit inspirer plus de vénération, d'aufi grandes facultés dans le génie militaire. Quelle diftance énorme d'un chef de cette espèce, a tous ceux qui parviennent à de femblables commandemens! La préfomption les aveugle, l'orgueil les demine, la crainte, fille de l'incapacité, les gouverne. S'ils font égaux en forces, ils fe tiennent fur la défenfive, laiflent tout faire à leur ennemi, toujours dans la crainte de fe compromettre Ils font des marches fans objet, des retraites fans néceffité; ni précision dans lours mouvemens, ni vues utiles; & leurs campagnes finiffent de la façon la plus briliante, dit-on, lorfqu'ils n'ont point été battus. Dans la favante campagne de 1675, le vicomte de Turenne prévint fon rival, en paffant le Rhin avant qu'il eût fait défendre la Kinch, & furtout fait occuper en forces le point important de Wilftedt. Prévenu ainfi par le vicomte, Montécuculli voulut à fon tour l'inquiéter fur fes ponts ; & s'étant étendu au-deffus de Wilstedt, le long de la Kinch, Offenbourg devint fon quartier-général. Il peut fans doute paroître fingulier que ce général, maître de la rive droite de la Kinch, n'ait pas entrepris fur le pofte de Wilftedt, fitué fur cette même rive, & conféquemment féparé de l'armée du vicomte par la rivière, quoique petite & guéable prefque partout; les Impériaux alors auroient pu combattre avec avantage l'armée française, fi elle avoit pris le parti de la pafler vis-à-vis d'eux pour défendre le château. Si, au contraire, elle ne s'y étoit pas décidée, Montécuculli auroit pu entreprendre avec fuccès fur le pofte de Wilftedt. La vue du terrain peut confirmer ces idées, les environs de Wilftedt offrant des pofitions excellentes pour défendre le paffage de la Kinch & pour couvrir l'attaque de cette petite ville. vantage. Mais le maréchal fe plaçoit toujours de manière à avoir fa retraite affurée pour reprendre une nouvelle pofition, fans craindre d'être attaqué dans fa marche, & fe tenoit avec hardieffe à portée de combattre. Il en impofoit par-là à l'élect ur, & dès la nuit il alloit prendre une autre pofition avantageute; par ce moyen favant & hardi, M. de Turenne abandonno't toujours un pays confommé, & mettoit l'électeur dans l'impoffibilité de rien entreprendre fur aucune place. Les manoeuvres de M. de Turenne, en 1675, pour forcer Montécuculli à abandonner le pays qui eft entre le Rhin & les montagnes du Wirtemberg, ne sont pas moins infiniment favantes, & fervent à prouver combien la fcience de la guerre avoit fait de grands progrès. Vis-à-vis cher du Rhin & à prendre pofte à Rhenshenloch. Le vicomte vint fe camper à Dufchem. La Renchen, petit ruiffeau, coule dans un vallon très-marécageux, des deux côtés duquel règne un bois très-fourré, de cinq à fix cents pas de large. Cette pofition réciproque empêchoit les deux armées de rien entreprendre l'une fur l'autre fans fe compromettre. Dans cette pofition, l'armée françoife étant mal à l'aife, le vicomte fe décida à s'établir au-dessus de la Renchen, fur le flanc gauche des ennemis. Peut-être Montécuculli auroit pu le faire repentir de cette hardieffe. L'attaque projettée fur le pofte du gué de la Renchen fut manqué par l'égarement dans les chemins, des quatre mille hommes destinés à cette attaque. Celle-ci n'ayant pas donné le figual convenu, le duc de Lorraine, destiné à en faire une autre par derrière, fe borna à une escarmouche entre fon avant-garde & une partie de la première ligne d'infanterie du vicomte. Le défaut de fignal convenu arrêta également l'attaque de Montécuculli fur le camp de Freystedt, en y marchant par le défilé empêché le vicomte de s'en emparer. de Renchenloch, dont il avoit confervé le pont & Ce fut dans cette même campagne de 1675 que la France perdit, le 27 juillet, le maréchal de Turenne, âgé de foixante-quatre ans : les généraux de Lorges & de Vaubrun ramenèrent l'armée de Turenne lar le Phin; Montécuculli la pourfuivit & l'attaqua à Altenheim. L'avantage fut à-peu-près égal des deux côtés le courage feul des troupes françoifes les garantit d'une entière défaite. Elles fe mirent en bataille & manoeuvrèrent d'elles-mèmes avec tant d'intelligence & de fermeté, qu'elles pafsèrent le Rhin, après le combat, fans obftacle de la part de l'ennemi. Montécuculli ayant marché de la Kinch au ruiffeau de la Schutfer, vers l'abbaie de ce nom. força le vicomte de venir s'oppofer à lui, & l'obligea à D'autres généraux parurent avec des talens plus defcendie à Allenheim, fon pont placé à Ottenheim. ou moins inférieurs à ce grand homme & à fon Ce changement engagea Montécuculli à fe rappro-antagoniste : il peut être inftructif de les obferver. d'un |