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lerie, qui s'avança pour couvrir le flanc droit de l'infanterie fuédoife, & chargea de front les impériaux, au moment où le roi les pre

affez profondément pour y placer des moufquetaires, fecondés par une batterie de vingt-quatre pièces de gros canons placés à leur gauche; par fept pièces placées à barbette fur leur droite, & par d'autres plus près des foffés.

En arrivant de Weiffenfelds, Guftave trouvant le chemin qui communique à Lutzen occupé par l'armée impériale, prit le parti de faire filer fa droite dans la presqu'île formée par le Floefgraben & le Luppen, d'y former fon armée, & d'attaquer enfuite de front & de flanc.

Sa droite parvint bientôt à la hauteur de Lurzen où elle fit halte; fa gauche fut appuyée au Floefgraben.

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A la tête de chacune des quatre brigades d'infanterie de fa première ligne, Guftave avoit placé un bataillon en colonne, avec du canon.

Le feu des moufquetaires impériaux & de leurs canons incommodant beaucoup l'armée fuédoife, Guftave détacha des moufquetaires de fa feconde igne pour chaffer les Impériaux, applanir les foffés x faire un paffage à la cavalerie fuédoife. Ces moufquetaires n'ayant pas réuffi, le roi fit marcher la rigade de fa droite, compofée de ses gardes, & ommée la brigade jaune.

noit en flanc & à dos. Les troupes envoyées pour couvrir le général Horn, dont le flanc fe trouvoit expofé par la défaite des Saxons, enfin l'artillerie des impériaux tournée contre euxmêmes, & de roi prenant leur corps de bataille à dos, telles font les différentes manoeuvres qui concouturent toutes à affurer la victoire au roi de Suède, & à lui mériter la réputation d'un des plus grands généraux connus.

BATAILLE DE LUTZEN. La batail'e de Lutzen où Guftave fut tué, ne mérite pas moins l'admiration de tous les militaires. Le duc de Weimard contribua à la victoire & y participa, mais elle fut due principalement à la difpofition des troupes fuédoifes qui étoit entiérement de l'invention du roi. Des pelotons d'infanterie mêlés parmi les efcadrons de cavalerie, l'infanterie rangée partie en colonne, avec les piquiers en tête & les colonnes entre-mêlées de bataillons: voilà quelles furent les caufes immédiates de la victoire. En effet, du côté de la cavalerie, celle

fauter les chariots de munitions placés derrière les, bataillons impériaux, fit une charge combinée qui eut l'effet le plus décifif; ce qui força Walstein à tourner le dos vers Merfebuig, & à entraîner dans fa fuite le refte de fon infanterie.

La cavalerie de la gauche s'étant remise bien vîte en mefure, vint feconder des avantages auffi décififs. Lorfque Papenhaim, qui s'étoit avancé à Hall, ayant appris la bataille, parut au-delà de Churzitz, avec environ feize mille hommes de troupes fraiches, un renfort auffi confidérable auroit du changer l'état des chofes ; mais Papenhaim tué dès l'abord, & les Suédois ayant formé une feule ligne des deux, afin de remplacer les vides, attaquerent ces huit régimens déjà découragés de la perte de leur chef & de la défaite de Walftein, avec tant de réfolution, qu'ils s'enfuirent, les uns vers Merseburg & Hall, les autres à Leipfick.

Cette brigade chaffa non-feulement les Impéjaux du folé, mais s'empara de trois pièces de anon, qui, jointes aux cinq de la brigade, firent eu fur l'armée impériale; le foulé fut en même tems omblé, et la cavalerie vint feconder les efforts de ette valeureuse brigade jaune qui avoit été attaquer e gros bataillon impérial formant la gauche du orps de bataille. Conduite par Guftave, la cavaerie en colonne avoit gagné les derrières de la haueur où étoit la batterie de vingt-quatre pièces de anon, & avoit attaqué vigoureufement la cavalerie Quant à Walftein, parvenu à Leitmeritz, & mpériale, l'avoit fait plier, & enfuite fort endom-ayant mis entre les Suédois & fon armée, la barnagé le gros bataillon d'infanterie placé au milieurière impofante des montagnes qui féparent la Saxe de cette cavalerie. de la Bohème, il fe crut un peu en fûreté.

Les trois autres brigades d'infanterie fuédoife marchoient lentement à caufe du feu ; mais la cavalerie fuédoife de la gauche ayant voulu fe porter au-delà des foffés, fut mife en défordre par l'artillerie. Guftave en étant inftruit, voulut s'y porter: on croit qu'il fut tué dans ce moment.

La force de l'ordonnance fuédoise eft bien démontrée dans cette bataille; même après la mort de leur roi, cette armée en battit une fupérieure de près d'un quart, & reaverfa enfuite feize mille hommes frais qui venoient à fon fecours,

Sans doute l'organisation de ces corps laiffoit enCependant la brigade jaune ayant battu le pre- core beaucoup à defirer; fans doute cette ordonmier gros bataillon, attaqua le fecond, où le trou- nance étoit fufceptible d'être perfectionnée; mais il Voit Walftein en perfonne. Cette brigade, heureu-refte toujours cette vérité, que les armées bien or Cement fecondée par la cavalerie de la droite, par données remportent ordinairement la victoire fur les trois autres brigades qui venoient de traverfer celles qui le font mal, mème fupérieures en, le foffé, & par l'heureux hafard d'une bombe qui fit nombre..

des Suédois quoique moins nombreuse, mit en déroute celle des impériaux, qui fut rompue par le feu de l'infanterie qui foutenoit les efcadrons fuédois, & qui fe jetta au milieu de ceux des impériaux. Du côté de l'infanterie,les colonnes fuédoifes trouvèrent peu de réfistance contre les piques dont elles étoient hériffées ; & la feule colonne de la brigade jaune renverfa une partie des maffes formées par Walftein avec fon infanterie; ce qui facilita encore la victoire, c'est l'ordonnance des troupes de Guftave qui leur donnoit une mobilité inconnue & impoffible aux troupes impériales, & qui aida le duc de Weimar, d'abord à chailer les Croates qui étoient parvenus à tourner la gauche de l'armée fuédoife. Enfuite au moment où la première ligne en étoit aux mains, de marcher avec une partie de la feconde contre la droite des impé riaux; & enfin de former une feule ligne avec les bataillons des deux, en mettant les colonnes en avant, lorfqu'il fallut foutenir un fecond combat, contre les troupes emmenées par Papenhaim.

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diftingué faire de grandes chofes à la tête de petites armées; mais la tactique reft encore ignorée, on n'ofoit perdre de vue fur ce point les premières inftitutions. Le duc de Rohan s'illuftroit par fes exploits & prouvoit par fes écrits & encore plus par fes actions, combien il avoit étudié & médité avec fuccès les écrits & les faits des anciens,

Dans les campagnes où il défendit la Valteline, Rohan rappella aux modernes étonnés, les généraux les plus fameux de l'antiquité dans la guerre des Montagnes. Avant de commencer cette campagne, même au moment où l'on avoit projetté d'envoyer des troupes dans la Valteline, afin d'empêcher les impériaux de porter des troupes dans le Milanès, on ne conçoit pas comment pourra faire le duc de Rohan pour remplir fa miffion. Le duc de Lorraine gardoit le paffage du Rhin vers les quatre villes foref tières qui font à l'entrée de la Forêt Noire en Souabe; & il étoit affez douteux fi les Suiffes laifferoient paffer une armée chez eux & lui fourniroient des fubfiftances. Le duc de Rohm furmonte tous ces obftacles, & d'après les ordres & fes précautions, dejà il étoit en Suiffe & l'on ne favoit point encore s'il devoit y paffer, le pain de munition fe faifoit à Berne & l'on ne foupçonnoit pas s'il devoit y venir une armée. M. Dulande s'étoit emparé de Bornio, de la rive de Chiavène, & le duc étoit campé au milieu de la Valteline, avant que l'ambaffadeur de l'empereur en Suiffe en eût été inftruit. Cependant Rohan arrivé fur le théâtre de l guerre étoit peut-être plus embarrasse; après les précautions les plus fages & les difpofitions les plus favantes, pour une déferfive très-difficile & très-étendue, il ne fe trouvoit " plus avoir fous fes ordres que trois mille hommes de pied & quatre cents chevaux, pour faire tête à près de fix mille Efpagnols du côté du Milanès, & à neuf ou dix mille Allemands du côté du Tyrol. Mas quoique cette pofition fût infi

Peur de batailles, même celles données par les généraux de l'antiquité, offrent plus de précautions, plus de fageffe, plus de mar œuvres favantes & une organifation plus fufceptible de toutes les formes exigées par le terrein & les circonftances. Cependant parmi les militaires qui fe font appliqués à connoître leur art, quel ques uns ont penfé que Gustave & Naffau, admirateurs trop outrés des anciens, en avoient appliqué trop fervilement les principes au tems où ils vécurent & aux armes en ufage alors. Ils ont cru voir dans cette manière la caufe du retardement des progrès de la fcience de la guerre & l'obftination, d'après leur autorité, å foutenir trop long-tems les préjugés des piques & de l'ordre de profondeur D'autres non moins inftruits peut-être ont foutenu la manière dont ces grands capitaines avoient ordonné leurs troupes comme la mieux faifie & la feule admif fible, regardant la profondeur & les piquesniment embarrallante du côté de la foiblesse des comme d'une néceffité abfolue pour affurer de la confiftance aux troupes, avec les moyens de fe mouvoir & de prendre les formes les plus convenables de la manière la plus fûre & la plus prompte. Ce qui ne peut être révoqué en doute, c'eft la renaiffance de l'art & de la fcience militaire fous le génie fécond de ces grands capitaines, & l'étonnement de l'Europe entière en voyant les troupes & les fuccès de Guftave.

Après la mort de Guftave, on vit marcher fur les traces, & quelquefois le furpaffer, le furpaffer, Lannier, Weimar, Gaffion, Rohan, &c. Sous ces généraux, l'art militaire fit quelques nouveaux progrès; oa vit des officiers d'un mérite

forces, & non moins par rapport à la difficulté de fe procurer les fubfiftances néceffaires aut troupes; elle devint encore bien plus épineufe par l'inconduite réïtérée de M. Dulandé, qui en jettant le général dans de grands embarras le mit heureufement plus à portée, de développer davantage tous les talens militaires. Au moyen de marches favamment combinées les troupes françoifes furprennent les Impériaux dans le val de Luvin; & après les avoir battus rentrent dans la Valteline. Cette victoire devoit décider les Grifons en faveur des Français, mais elle diminuoit encore bien peu le danger de leur pofftion & des difficultés fans nombre pour fe procurer des fubfiftances; les Efpagnols fe préparant à entrer dans la Valteline; & les Impériaux après

woir fuivi l'armée du duc fe trouvant déjà trèsprès du Tiron où ils s'étoient arrêtés. Mais fuivez le général français dans une occafion auffi critique les Allemands vont paffer l'Adda pour l'attaquer; les Efpagnols viennent d'entrer dans la Valteline par le fort de Fuentes; il n'a point de fubfiftences; & à en croire des avis dictés par la timidité ou par l'ignorance, la retraite. eft le feul parti qui lui reste à prendre. Cependant, pour fe décider, Rohan prend confeil de lui feul, & au moment où tout paroit défefpéré, au moment où l'avant-garde des Impériaux avoit paffé l'Adda & où le refte de l'armée fe préparoit à la fuivre, inftruit du deffein des Espagnols de marcher fur Tiron dans deux jours, ila bientôt pris fon parti, voyant dans la marche des Impériaux une faute dont il peut profiter. il ordonne de marcher aux ennemis & de les attaquer pend nt le tems où ils font encore occupés à paffer la rivière; fes ordres font exécutés avec promptitude & valeur; les Impériaux, malgré la manière avantageufe dont ils étoient déji poftés, font culbutés, bientôt leur pont le rompt, très peu peuvent le paffer, le refte eft tué ou pris; & fix cents Grifons, auxquels le duc avoit donné l'ordre de marcher fur la rive droite de l'Adda, arrivant dans ce moment fur le flanc des Impériaux qui étoient reftés de ce côté, jettent l'épouvante parmi eux & les mettent en fuite. Après une victoire auffi complette & auffi glorieufe, il reftoit encore au duc de Rohan de repouffer les Efpagnols, qui auroient pu s'établir dans la Valteline, fi on leur en avoit donné le tems; & il n'hésite pas de marcher tout de fuite contre Serbellon; & après l'avoir forcé de fe retirer dans le Milanois, par la fageffe de fes difpofitions, il revient fur Bornio où il attaque encore les Impériaux & les oblige de rentrer dans le Tyrol. Cependant une campagne auffi glorieufe & auffi favamment conduite, ne fut pas fuffifante pour affurer au duc de Rohan

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poffeffion tranquille de la Valteline. Les ennemis étoient inftruts des foibles fecours qui lui avoient été envoyés; en conféquence ils réfolurent d'augmenter leurs forces & leurs efforts, afin de pouvoir réuffir plus tûrement à chaffer les Français de la Valteline. En effet 24 octobre, les Impériaux rentrèrent dans la Valteline par le val de Fréet; mais leur général avoit envain formé le projet de pénétrer plus avant; le duc qui avoit calculé à l'avance tous les mouvemens de l'ennemi, & qui avoit auffi arrêté fes difpofitions en conféquence, fe décida bien vite à les attaquer dans le val même de Fréet. Et c'eft-là où l'on le vit combattre les Impériaux par des attaques fi favamment difpofées & fi vigoureufement exécutées, que fi Dulandé, avoit fuivi fes ordres, les Allemands qui fe trouvèrent Art Milit. Suppl. Tome IV.

trop heureux de fe retirer dans le Tyrol, euffent été ce jour-là à la merci des Français. Après cette importante victoire, Rohan manquant de fubfiflances & de recrues, avoit le plus grand befoin de faire repofer fes troupes; mais les Efpagnols déjà campés à Morbegne, paroiffoient décidés à venir attaquer les Français; & il étoit du génie militaire du duc de Rohan de les prévenir, foit pour profiter de la bonne volonté de fes troupes, foit pour ne pas perdre les avantages de l'offenfive, foit auffi pour conferver la Valteline. Pour parvenir à battre les Efpagnols, il falloit, il eft vrai, avec des troupes fatiguées, mal nourries & très inférieures en nombre, les forcer dans leurs retranchemens, & les défaire enfuite dans une place dont ils étoient les maîtres; tous ces prodiges, les Français les firent à Morbeigne. Če furent auffi des fuccès auffi reïtéres qui rendirent le duc de Rohan maître de la Valteline, & lui méritèrent à jufte titre la réputation d'un des plus grands généraux connus. Depuis Sertorius 'on n'avoit pas vu un général qui eût donné autant de preuves de cette lageffe, de cette prudence, de ce courage, de ces connoiffances fi néceffaires dans la guerre des montagnes. Aufli n'a-t-on pu réfilter à donner l'efquifle de ces campagnes, non-feulement afin de faire connoître les progrès de l'art de la guerie à cette époque, mais auffi afin d'obferver que depuis lors, perfonne n'a furpaffé, ni peut-être même égalé le duc de Rohan, dans cette partie fi difficile de la fcience militaire. (1).

(1) Les grands exemples de Guftave avoient appris à tous les généraux l'utilité de fe conformer à fa nouvelle manière de fe ranger en bataille, & à établir dans la conftitution & l'armement de fes armées, le même ordre & la même difcipline à l'aide defquels ce héros du Nord avoit eu les brillans fuccès dont nous venons de tracer quelques

traits.

. D'un autre côté Naflau avoit démontré par de moins brillans, mais de bien folides exemples l'utilité de fe retrancher fur une défenfive prête à fe retourner en offenfive au moment où l'occafion Le préfentoit.

Les grands généraux qui avoient paru après ces deux grands maîtres, avoient fuivi avec grand fuccès ces utiles leçons, & ils y avoient encore quelquefois ajouté des changemens avantageux; mais quels que puflent être les progrès de ces généraux, ils ne paroiffent pas av it adopté d'autre ordre de bataille que le parallèle. Cet ordre, où toute l'armée s'engage en même-rems, eft pourtant peu propre à procurer au général qui le met en ufage des avantages conftans & afurés. En faisant combattre toute l'armée de cette manière, il fe prive du parci que

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BATAILLE DE ROCROY (1) Après le duc de Rohan, le duc d'Enguien, depuis le grand Condé, âgé de vingt-deux ans, avoit gagné la bataille

l'on peut tirer de la difpofition du terrein, pour renforcer une de fes ailes à infu de fon ennemi, & pour écrafer alors décidément celle qui lui est oppofée.

Il fe réduit à combattre comme nous avons vu fouvent les anciens, à peu-près droit devant foi, fans faire manœuvre de manière à gagner les flancs,' & même les derrières de l'ennemi, par une partie de fon armée; alors celle qui n'eft point deftinée à agir, marche très-lentement en avant, ou même recule, fi l'ennemi fe décide à vouloir l'attaquar; mais alors elle met beaucoup d'ordre & d'ensemble dans fes mouvemens ; & fouvent l'ennemi, le portant avec ardeur sur elle, en obferve peu, & s'expofe à être puni de fon imprévoyante témérité.

Cette manière de combattre paroît avoir donné à la tactique moderne des moyens bien fupérieurs à employer, par la mobilité & la facilité avec laquelle les corps actuels changent de pofition & de formation, fans rien perdre de leur force.

(1) Le duc d'Enghien avoit été chargé de préferver la frontière de Champagne des infultes d'une armée principalement compotée de ces Efpagno's alors fi redoutables pour la France.

La réputation de leur infanterie s'étoit foutenue depu's fa conftitution & fa difcipline par Gonsalve & Antoine de Leve.

La feule place de Rocroy défendoit alors cette frontière, & cette barrière unique étoit affiégée par une armée de dix-huit mille hommes d'infanterie & huit mille de cavalerie, aux ordres de dom Francifco de Mélos.

Le duc d'Enghien qui en avoit une de feize mille hommes d'infanterie & de fept mille de cavalerie, réelut de rifquer une bataille pour fauver une place aufli importante.

Pour arriver de Mézières à Rocroy, on trouve des défi és affez larges, par lefquels on débouche dans la petite plaine de Rocroy. Au fortir de ces défilés, on monte une petite hauteur fuivie d'une vallée médiocrement encaifiée, au-delà de laquelle le terrein remonte & forme une autre hauteur plus baffe, qui va fe réunir infenfiblement au bafin où eft fitué Rocroy.

En arrivant du côté de Mézières, le duc d'Enghien ayant fait reconnoître les défilés, & ne les ayant Foint trouvés gardés, fit marcher Gaffion à la tête de la feconde ligne de fon aîle droite, & le fuivit de très-près avec le refte de l'armée.

Gaffion fe porta fur le fommet de la première hauteur; & l'armée française débouchant fous fa

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Dès la pointe du jour le duc d'Enghien commença l'affaire à la tête de fon aîle droite. Gaffion, avec la premiire ligne de cette aile, ayant cinquante moufquetaires à côté de chaque efcadron, fe prolongea par fa droite & tourna le bois, pendant que le duc, marchant à la tête de la feconde, en filen autant par la gauche ; de cette manière le bois étant entouré, & les moufquetaires ne pouvant plus ette fecourus, furent attaqués & tai lés en pièces. Ce bois fe trouvoit dans un trop grand éloignement de l'ai e gauche des Efpagnols, qui refta immobile, & denna le tems à Gaffion de fe former fur la hauteur pès avoir franchi le vallon, & de venir le charger fur front. Cete aîle mife en déroute, Gaffion fetit à fon flanc gauche au moment où le duc l attaquoit de fa pourfuite, & le due fe rabattit à gauche pour tomber fur le flanc de l'infanterie. Ayant rencontré des Wallons & des Allemands nouvellement levés, il 1:s enfonça fans beaucoup de réfiftance, & auroit bientôt ébranlé le refte du corps de bataille, sil n'avoit appris la déroute de fa gauche de cavalere et d'infanterie ; cel'e-ci tenant cependant encore ferme au-delà du vallon, & entretenant le combit à coups de moufquets. Dès lors le duc d'Enghien confulte fon génie & fon courage: il fait rompre la ligne victorieule, la forme en colonne; & la faifant longer derrière les lignes d'infanterie ennemie, il eft bientôt parvenu derrière l'aîle droite des E pagrols, alors remettant fa colonne en batai le par un demimouvement de caracole, il chargea avec tant de vigueur, & il fut fi bien mettre à profit l'avantage de la furprife & du défordre où le trouvoit cette cavalerie après avoir chargé, qu'il ne tarda pas a mettre totalement en déroute cette aîle d'abord victorieufe.

Gaffion, revenant de la pourfuite des ennemis, étoit venu rejoindre fon général, qui le chargea d'achever la déroute de la cavalerie de la droite, faifant donner ordre en même-tems à Defpenan de marcher contre l'infanterie efpagnole, qui vencit de fe former en bataillon quarré; & au baron de Sirop, de venir le feconder avec la réserve. Ces ordres mis

à exécution, le duc chargea de fon côté avec fa cavalerie; mais ce gros bataillon, en s'ouvrant, démafqua dix-huit pièces de canon, dont la décharge fit reculer la cavalerie françaife, & bientôt après l'infanterie. #!

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génie le plus confommé dans l'art militaire. Quoi de plus hardi en effet, quoi de plus favant que les différentes manoeuvres ordonnées ou

Malgré cet avantage, le vieux Fontaine, qui con mandoit l'infanter e espagnole, & lui avoit fait prendre cette forme favante, ne fongea pas à la faire marcher en avant pour gagner les défilés du côté de Chimay, où il auroit été en sûreté ; & alors cette manœuvre auroit été vraiment parfaite.

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Cependant la réserve étant arrivée, le prince s'approcha à-peu-près feul pour offrir quartier aux Hpagnols; mais ceux-ci trop méfians, l'ayant reçu à coups de moufquets, les Français, furieux de ce procédé, s'élancèrent de toute part fur ce gros bataillon; & l'ayant ouvert de tous les côtés, le maffacre fut général.

Après cette victoire fi glorieufe pour le jeune général, Gaffion voulut s'attribuer la plus grande partie de ce fuccès; mais étoit-il auprès du duc d'Enghien au moment où il fe décida à paffer derAère l'infanterie pour aller attaquer l'aîle droite des Efpagnols & dégager fa gauche ?

Sans doute fi es ennemis euffent eu une réferve, elle auroit pu arrêter les Français ; mais cette faute de leur part prouve encore davantage combien le jeune général avoit fu juger fainement de l'état des chofes, & combien il poflédcit ce coup-d'œil d'aig e qui, fe retraçant dans un moment le grand ensemble une bataille, fait fur-le-champ prendre le pa ti le plus avantageux.

L'ordre de bataile de cette journée étoit d'abord parallèle; mais il auroit dû devenir oblique, si le maréchal de l'Hôpital, à la tête de la gauche, au heu d'attaquer l'aile droite des Efpagnols, fe fût borné à la contenir. Chaque cor,s paroit s'être conduit relativement aux vues de fon chef, et point relativement à une difpofition générale ; mais tout cela tenoit à la mauvaife habitude du moment, qui femb.oit exiger des généraux de payer de leur perfoane: il en résulta à Rocroy de très-grands avantages, grâces à la perfpicacité & au courage du jeune duc.

Dans les combats fi opiniâtres de Fribourg Condé prouva combien il favoit exécuter de grandes chofes par lui-même. Les différentes attaques contre Mercy furent combinées avec bien de la fagacité & de la justesse. Aux yeux d'un bien grand connoisseur (M. de Turenne), fans la fau e de Defpnan, d'avoir fait attaquer les abattis avant d'en avoir reçu l'ordre, fause qui empêcha le prince d'attaquer Is Allemands fur tous les poiors, l'armée entière de l'ennemi auroit été perdue.

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Les fuites de cette journée ne furent pas trèsutiles: le général bavarrois fe reflaifit de Manheim; mais par des raifons inconnues, il négligea de reprendre Worms & Mayence.

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dirigées en perfonne par ce général; M. de Gaffion minceuvrant par les ordres du duc pour tourner, renverfer les mille moufquetaires embufqués, & aller attaquer en flanc la gauche des Espagnols, moment où il devoit l'attaquer de front. Les attaques du général fur le flanc de l'infanterie de fes ennemis, enfin fes manoeuvres pour venir fecourir & dégager fon aile gauche & celles pour écrafer l'infanterie espagnole, doivent immortaliser le duc d'Enghien, & donner de la fcience de la guerre & des connoiffances militaires du grand Condé, une idée fuffifante au moment où il livra cette bataille & celles. qui la fuivirent.

Cependant Montecuculli & Turenne (1) déployèrent bientôt après la fublimité de leur

Dans cette fuppofition, il ne feroit refté, de toutes les conquêtes faites après le combat de Fribourg, que la feule place de Philisbourg.

(1) Cet homme fi étonnant commença, pour ainfi dire, fa carrière par une faute; & il faut lui en entendre parler à lui-même avec ce ton de modeftie qui Nui étoit propre, pour cfer la rappeller.

S'étant réfolu mal-à-propos, dit cet immortel général, de faire prendre des cantonnemens à fon armée dans les environs de Mariendal, Mercy fe reporta fur lui tout de fuite avec la totalité de la fience.

Turenne n'avoit pas marqué un champ de bataille. pour recevoir l'ennemi, & il n'avoit pas donné de rendez-vous fixe, quand il fut inftruit de la marche de Mercy. Cette négligence, & celle encore plus grande de ne s'être pas couvert de la petite rivière du Neker, ce qui l'auroit reculé au plus de deux ou trois lieues, au lieu de refter dans les plaines de li Franconie fans avoir une tête de quartiers un peu fortifiée, donna l'idée à Mercy de l'attaquer. Par malheur encore, Turenne arriva trop tard à fon avant-garde; en y arrivant, il trouva Rozen ayant fait la manœuvre déplacée de porter les troupes qui y arrivoient, au-delà d'un bois, au-lien de les former en-deçà.

Comme l'ennemi débouchoit à un quart de lieue vis-à-vis de ce bois, il fe trouva trop près pour le faire repaffer à fon armée (ce qui prouve combien les mouvemens étoient alors lents & tâtonnés, car le vicomte avoit un quart-d'heure, de fon aveu, & il n'y avoit que cinq mille chevaux au plus); en conféquence il acheva de fe déployer fur une feule ligne, dont la droite étoit formée en entier de fon infanterie placée dans un autre petit bois, derrière lequel il avoit placé deux efcadrons en réferve: fa gauche étoit en entier de cavalerie, avec une réserve auffi de deux efcadrons.

Mercy étoit formé fur deux lignes ; il se portá

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