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On peut s'arrêter au règne de Juftinien I"., comme l'un des plus propres à faire une époque d'où l'on puiffe confidérer le déclin de l'art de la guerre, & celui de la difcipline romaine.

Deux généraux, Belifaire & Narfès, (1) foutinrent l'empire chancelant de Juftinien. Malgré la licence effrénée des foldats, les légions s'étoient fouten..es jufqu'à Conftantin-le-Grand. On les comptoit encore felon l'ordre de leur d nomination, comme fous Augufte, les mêmes grades, les mêmes honneurs, les mêmes prix pour la valeur y étoient confervés, les mêmes récompenfes fe donnoient aux vétérans ; mais après la chute de l'empire d'Occident, ce qui reftoit des vieilles légions s'éteignit infenfiblement, & fous le règne de Juftinien il n'en étoit plus queftion. Les armées alors ne furent plus compofées que de barbares foudoyés. Belifaire écrivoit à l'empereur afin de lui apprendre fes peines, pour lever en Thrace quelques foldats mal vêtus, & qui ne vouloient point aller à l'ennemi. Narfès qui lui fuccéda compofa une armée de Lombards, d'Hérules, d'Huns, de transfuges perfans; mais il fut les former

de trouver dans cette occafion de grandes preuves de capacité & de fcience militaire.

On ne trouve rien qui inftruife de l'ordonnance de ces Goths qui battirent les Romains. Il auroit été au moins curieux de comparer leur armure avec celle des Germains, & de favoir s'ils avoient des armes comparables à cette lourde épée germaine, à la lance & à la fronde, au maillet, au javelot, à la hache & au cotege, avec lefquels ces derniers avoient lutté fi inégalement contre les pilum, les épées tranchantes des deux côtés, les piques, les lances & les fabres des Romains,

Agathias nous apprend feulement que l'infanterie des barbares étoit affez conftamment au centre de l'armée, formant à-peu-près le coin ou l'embolon des Grecs; la pointe de ce coin étoit formée par cent jeunes homimrs choifis; ils plaçoient la cavalerie fur les aîles, & fouvent l'entremêloient de pelotons d'armés à la légère.

(1) Procope en nous parlant des victoires remportées par Belifaire & par Narfès, a négligé de nous laiffer quelques détails un peu inftructifs, fur la tactique des armées de ce tems. Les troupes étoient compofées d'hommes, allant la plupart à la guerte fans avoir appris à la faire; la plus grande partie de ces milices du tems des rois de notre première race, allant à la guerre fous la conduite des Leudes, des évêques & des comtes, paroît avoit été composée d'hommes à pied armés légérement, à-peu-près comme les Gaulois. Le grand nombre des Leudes étoit fans doute à cheval; il en étoit de même de plufieurs autres.

& les difcipliner; & l'empire auroit peut-être pu reprendre fon ancienne fplendeur, fi Juftinien eût fecondé les fuccès de ses généraux par une fage conduite.

Ce qui étoit appelé alors infanterie romaine étoit armé partie avec des javelines, partie avec des boucliers; on diftinguoit les uns des autres; ces deux efpèces de foldats formoient la ligne; on mettoit au premier rang les armes de longueur & les plus courtes au fecond. H y avoit auffi des archers, mais toutes ces troupes étoient en genéral formées par des étrangers. Les Romains dans leur décadence fe fervirent de toutes les nations; le zèle, l'émulation l'efprit de difcipline, & tous les principes de l'art militaire étant entiérement relâchés, ils trouvoient plus commode de foudoyer différentes troupes étrangères, qui avoient chacune leur propriété. L'ordre de bataille étoit alors fur une ligne formée en phalange, l'infanterie au centre & la cavalerie fur les ailes; les premiers rangs étoient armés très-pesamment; toute l'armure légère, archers & frondeurs, étoit poftée derrière la ligne, en attendant le moment d'entrer en action. La cavalerie partagée fur les aîles, armée partie d'écus & de javelines, partie d'arcs & d'épées, quelques-uns de lances, tous étoient couverts d'armes défenfives.

Telle étoit la manière d'armer les troupes, telle étoit celle de les ranger en bataille, dans l'armée de Narfès lors de la bataille de Caffilin. Dans cette bataille, à-peu-près la dernière dans laquelle on fit quelqu'ufage de la tactique des anciens déjà trop oubliée, Narfès paroit avoir formé fes difpofitions fur les mêmes principes qu'Annibal à Cannes. Au moment où les Francs rangés en coin, avançoieut lentement & venoiena. donner dans le centre de l'armée romaine, qui fe trouvoit vide par l'abfcence des Hérules; Narfès replioit fes deux aîles comme une tenaille & enveloppoit les Francs, forcés par ce mouvement d'abord de s'arrêter, & enfuite de prendre. la fuite:

Ces détails prouvent combien à cette époque on étoit déjà éloigné de l'ordonnance des cohortes romaines, à peine même fe fouvenoit-on du nom de légion; les principes de l'art militaite étoient tout-à-fait corrompus. L'efprit qui foutient la difcipline & la relève quand elle eft relâchée, ne fubfiftoit plus; & il étoit trop difficile de le faire revenir de fon affaiffement; c'étoit une machine ufée, dont les refforts négligés depuis trop long-tems n'avoient plus d'action & que perfonne n'ofoit plus tenter de reconftruire. Auffi doit-on fixer ici le terme des recherches. fur l'art de la guerre chez les Romains leur hiftoire n'offre plus rien à aucun militaire qui

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court, la barbarie reprit fon empire, des prêtres
régnèrent à Rome, des tartares à Conftanti,
nople; & dès cet infiant la fcience militaire
fe perdit entiérement en Europe, pour y repa-
roitre trois ou quatre fiècles après.

tactique, fans difcipline & fans troupes exer-
Pendant tout cet intervalle, l'Europe fut fans
cées. Le clergé empêchoit les arts de renaître,
tenoit l'Europe dans des ténèbres qui faifoient
il poffédoit tous les livres des Anciens, il main-
la grandeur des miniftres du feigneur. On ne
faifoit
pas moins la guerre, mais comment &
n'étoit exempt de porter les armes; chaque
avec quels foldats? dans chaque état perfonne
nifloit un certain nombre de troupes, comme
province dans les occafions de guerre, four-
aujourd'hui les cercles en Allemagne; les évêques,
les abbés y envoyoient leurs fujets, & les comtes,
les ducs, &c., y menoient la dixième partie
de leurs ferfs ou efclaves. Bi ntôt les fouverains
imaginèrent de donner des terres de leur domaine
pour un tems ou à vie, à quelques-uns de leurs
fujets, fous la condition de mener à la guerre
une plus grande quantité de combattans que les
autres. Ces bénéfices qui reflembloient aux
timars chez les Turcs, devinrent enfuite ce que
l'on appela des fiefs; les princes par ce nouvel
arrangement, s'affaroient une plus grande quan-
tite de fujets, prêts à les fervir lorfqu'ils vou-
droient faire la guerre. Mais l'ambitior de dominer
s'arrête rarement dans de juftes bornes ; les oppo-
veraius de la part des feigneurs leur fervirent
de prétexte pour chercher des moyens de s'y
fouftraire, & ils imaginèrent la milice des
com.nunes. On la leva dans les villes auxquelles
pour cette raifon on tranfporta les fonctions des
baillis & des vicomtes, en impofant dans cha
cune à leurs habitans, la charge du fervice
militaire. Mais pour donner aux villes le pou-
voir de lever des troupes, on fit un corps des
principaux bourgeois auquel ce pouvoir fut
contéré; de-là les échevins, les maires & la
jurisdiction des maifons de ville, qui fut établie
à l'époque de la milice des communes & par
rapport à elle, connue & mife en ufage ha
pren ière en France, & bientôt aufli connue
& mife en ufage dans la plus grande partie de
l'Europe.

(1) Dès le tems de Charlemagne, l'armure étoit devenue plus pefante. Ce prince parvint à diminuer infiniment les énormes abus qui s'étoient introduits dans la forme de a levée & de ia comcompofition des armées; dès le moment où des hommes plus puiffans que leurs pères avoient dirigé leurs principaux efforts, pour arracher des mains des monarques quelque partie de leur autorité. Si ce grand homme en rendant à la clatle du peupe, deja trop méprifée & trop furchargée, une partie de ce droit naturel, inhérent à tout homme d'exercer de l'influence fur ce qui le regarde perfonnellement, vint a bout de reprimer quelques abus criants d'au-fitions trop fréquentes qu'eprouvoient les foutorité chez ceux qui en étoient les principaux difpenfateurs, fa mort tarda peu à renverter le bel édifice mais trop peu folide, qu'il avoit commencé à élever, par la forte d'équi ibre de pouvoir où il avoit mis les différentes claffes de la nation.

Dans ce moment, les comtés fe retrouvèrent affez de force pour ne faire fervir, comme avant fon règne, que ceux qui n'avoient ni l'a gent, rile crédit néceflaires pour s'en faire difpenter. A'ors les foldats furent pris conftamment dans la p us vile & la plus néceffiteufe popu.ace. Sans doute même beaucoup d'entr'eux n'avoient nullement le moyen de fe procurer un bouc ier, une lance, un arc, des flèches, & les autres uftenfi es mi itaires prefcrits par Charlemagne à chaque caballarius, d'apporter avec lui, fuivant la décifion qui fut accompagnée d'une autre, qui ordonne à tout poffeffeur de trente arpens de faire le fervice mi itaire; & à ceux qui en poflédoient moins de s'arranger entr'eux pour en partager la peine & la dépenfe.

Mais ces efforts paffagers, de retour à l'ordre, cédèrent bientôt aux fecouffes auffi violentes que continuelles, qu'excitèrent les guerres interminables dont l'Europe étoit déchirée. Si à l'aide de quelques réformes utiles dans la compofition de fes foldats, 'ce grand prince vint à bout des Lombards, des Saxons, des Sarrazins, des Goths, des Huns, des

Abares, c'eft que ces derniers avoieur des foldats encore plus mal armés & plus mal difciplinés que les fiens. C'eit que leur manière de combattre le bornant à fe mêler confufément, fans obferver ni rangs ni files, fans pouvoir exécuter par conféquent le moindre mouvement en corps & encore moins en ligne, ils devoient fans celle être battus par ceux qui obfervoient du moins quelques-uns des principes les plus triviaux de l'art de la guerre,

Ces milices des communes, compofées feulement de bourgeois, étoient obligées de marcher à leurs frais, jufqu'à une certaine diftance de leur demeure; fi on les menoit plus loin, c'étoit au roi à les defrayer; les communes d'un pays faifoient un corps à part auquel on donnoit le nom de légion.

Les feigneurs ne voulant pas fe confondre avec les communes, combattirent à cheval & fourni ent des cavaliers. De-là cette inftitution militaire de la chevalerie qui peut être envié par un fecie de lumière à ces tems d'ignorance;

mais cette inftitution qui étoit celle de la valeur, n'étoit pas celle de la fcience (1).

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Dans cet état trop peu fait pour combattre avec avantage, ils n'avoient ni les moyens ni le courage de s'oppofer aux efforts d'une gendarmerie, compofée de tous ceux qu'ils étoient accoutumés de regarder comme leurs maîtres: ainfi la plus prompte fuite étoit la feule reffource de ces malheureux appelés alors vilains; heureufement leurs maîtres firent réduire le fervice militaire d'obligation à trente ou quarante jours. La cavalerie fut le feul moyen de fortir de l'obfcurité de fa condition, & elle maintint dans le cœur des Français cet amour de la gloire & ces paffions nobles, qui fe trouvent fi rarement dans les ames des tyrans ou des efclaves.

On trouve cependant quelque trace de capacité militaire à la journée d'Haftings. Les Anglais y combattirent à rangs ferrés, comme les Ambrons & les Cimbres faifoient au tems de Marius & fans doute à une grande profondeur. Cette manière de combattre leur avoit fait difputer la victoire, depuis fix heures du matin jufqu'à trois heures du foir; Guillaume employa alors une manoeuvre, qui prouve de la difcipline parmi fes foldats; il fit fonner la retraite, & fes troupes fe retirèrent en défordre. Dès-lors cette espèce de phalange angloile rompit fon ordonnance redoutable, pour pourfuivre les Normands, qui, à un nouveau fignal de leur général, furent fe rallier avec affez d'ordre & de promptitude pour cha ger les Anglais défunis, & les mettre facilement en déroute.

La nouvelle milice des communes fe trouvant indépendante de tous autres feigneurs, ne dut pas

La tactique reftoit bornée à quelques ufages, dénués de calculs & de combinaisons, point de proportions ni de rapports entre les différentes

tarder à devenir fupérieure en courage, en difcipline & en armure aux milices féodales.

Il ne paroît pas cependant que ces nouvelles milices euflent acquis une grande fupériorité, lors de la bataille de Bouvines. Ce fut entre la cavalerie des deux armées, que fe paffa tout le fort combattant, & non les manoeuvres d'une ou de de l'action; mais ce fut la force & l'adreffe de chaque

plufieurs bannières qui décidèrent la victoire.

On commença à faire ufage d'un corps de réferve dès le treizième siècle; on doit le renouve lement d'une des maximes les plus utiles de la guerre à Errard de Valery; ayant fait placer huit cents chevaux derrière une colline, hors de la vue des ennemis, il parvint à contenir le courage bouillant de Charles; jufqu'au moment où après avoir été témoin de la déroute de fa cavalerie, il eut vu les ennemis livrés au défordre, qui étoit fi habituel à des foldats à peu-près maîtres de leurs actions, & furtout de s'abandonner à leur ardeur pour le pillage. Dans le moment où ils étoient épars, les huit cents chevaux venant à fondre fur eux en bon ordre, tuèrent ou diffipèrent tout ce qui fe trouva fur leur paffage; & ayant raliié les fuyards, ils fe trouvèrent en état de choquer & d'enfoncer le corps victorieux, commandé par Henri de Castill..

Ainfi cette bataille qui donna le trône de Naples & de Sicile à l'heureux Char es, fut entiérement gagnée au moyen d'une réserve de cavalerie.

On devroit s'attendre à voir faire des progrès en France à l'art militaire, depuis l'inftant où Philippe Augufte eut pris la coutume d'avoir quelques troupes à fa folde, fi toutefois il en a eu d'autres que les fergens d'armes; mais nous ne pouvons citer aucun autre trait que celui précédent.

La présomption, la légéreté, l'ignorance, continuèrent affurément d'être le trifte partage des guerriers du tems de Philippe-'e-Bel; on "dut à ces dangereux défauts, malheureufement trop ordinaires aux Français par eur chevalerefque ignorance, la défaite fous Courtrai, par des vilains à peine échappés de l'efclavage, des cheva iers français, de fept mile hommes de cette gendarmerie fi connue & furtout fi vantée par les prouelles, foutenus par quarante mille hommes de pied, fous les ordres d'un prince du fang français, regardé par tous les guerriers du tems comme un des plus grands capitaines.

Cette armée perdit plus de vingt mille hommes, deux cents chevaliers, un nombre infini d'écuyers, deux maréchaux de France, le connetable, quatorze

armes, nulle connoiffance de la ftratégie; point de liaifon déterminée entre les campemens, les marches & les ordres de bataille. Les communes

des plus grands feigneurs, & le comte d'Artois leur généraliffime.

Peu après, la journée de Crécy vint ajouter une leçon auffi févère & auffi inutile. Mal à propos, ce me femble, quelques auteurs veulent attribuer à l'artillerie une très-grande partie de ce défaitreux événement.

Pour en bien juger, il faut fe repréfenter cent mille hommes de l'armée française marchant fur une feule colonne, divifée en trois corps ou batailles. Le premier étant compofé d'archers génois, fait à la hâte trois grandes lieues; il arrive à la vue de l'ennemi, avec des archers fatigués d'avoir porté leurs arbalètes à la main pendant toute marche.

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Il n'en eft pas non plus queftion à la journée de Poitiers, où l'on voit l'imprudent roi Jean avec une armée de foixante mille hommes, complettement battu cette le prince Noir avec huit mile par hommes; d'où l'on peut conjecturer l'excès d'indifcipline & de défordre où le trouvoit l'armée françoife.

Philippe confeillé par le moine de Bafche, vouloit faire arrêter la bataille commandée par le brave, mais fougueux, mais inconfidéré comte d'Alençon, & il ne fut pas obéi. Les archers génois, fatigués & fans pouvoir repofer leurs bras & remettre en ordre les cordes de leurs arcs, rendues lâches par la pluie, eurent affaire à d'autres archers placés à pofte fixe, ayant non-feulement mis à couvert leurs arcs de cette pluie, mais s'étant encore couverts par une espèce de retranchement, formé par des piquets ferrés plantés en terre, les pointes dirigées vers l'ennemi. Des avantages auffi marqués décidèrent bientôt le commencement du combat, en faveur des archers anglais. D'ailleurs ce même comte d'Alençon affez mauvais général, fit attaquer l'ennemi par un feul point, fans faire exécuter fur fes flancs ou fur fes derrières quelqu'attaque faufse ou véritable; & fe livrant enfuite à la futeur & à l'inconfidération, s'élança avec fa gendarmerie par deffus le corps de ces malheureux archers, traités de ribaudaille, & foulés aux pieds de fes chevaux.

Le terrein ou fe livroit la bataille étoit en forme d'entonnoir, dont l'ouverture étoit du côté des Français. Les bannières accourant toutes à qui mieux mieux pour le trouver au premier rang (où les idées de ce tems avoient placé exclufivement la gloire, malgré les ordres du roi, s'entafsèrent & fe prefsèrent au point de culbuter les chevaux & les gendarmes & de les écrafer par leurs chûtes.

Ceux qui fe trouvoient à ce premier rang (pofte fi glorieux), trouvant devant eux des foflés ou des retranchemens armés de pointes, furent en grande partie percés des fêches angloifes; & fuccombant fous leur effet meurtrier, leurs corps & ceux de leurs chevaux formèrent bientôt une nouvelle barrière, impoffible à forcer par toute la fougue & F'impétuofité des bannières reftées en arrière.

Les bannières des comtes d'Alençon & de Flandres

Dans la confufion horrible où étoit la France entiere fous le malheureux règne de ce roi, on ne s'attend pas à voir de grandes preuves de capacité militaire à la journée de Briguais; plus on faifoit la guerre, plus on la faifoit mal.

La fougue qui emportoit les Français, fous des chefs médiocrement eftimés, cédoit cependant quelquefois à l'autorité de ceux qui jouilloient de l'eftime générale. La bataille d'Auray offre un exemple de docilité de la part des foldats & de la part de Hugues Caurelée, qui à l'inftigation de Chandos, ayant attendu le moment du défordre dans l'armée, pour donner avec fon corps de réferve fur la queue de la bataille de Charlesde-Bois, rétablit très-bien les affaires, dont le commencement avoit été défavantageux au conte de Montford, & décida complettement la victoire pour ceux qui avoient eu la capacité d'adopter le meilleur ordre de combat.

Au quatorzième fiècle on commençoit déjà à revenir du point-d'honneur, fi fort en vogue chez les anciens, de donner toujours bataille. Cette reffource de l'ignorance fut alors moins fouvent employée.

On ne prenoit plus fi facilement des provinces couvertes de châteaux fortifiés. Il falloit former des fièges devant chacun d'eux; le tems fe perdoit à faire de ces obfcurs exploits, les hommes & l'argent fe confommoient; enfin l'épuifement total des deux partis engageoit à faire des traités de paix.

La chevalerie fi renommée dans notre hiftoire du moyen âge, avilie & dégradée par le trop grand nombre de ceux admis à jouir de cet honneur; & commençant à ne plus rendre d'auffi bons fervices, quand elle eut à lutter contre des

Quand

Quand on fe fut affez convaincu de l'inus tilité d'une pareille troupe, les rois ne perdant jamais de vue l'extenfion de leur pouvoir,

compagnies de cinquante ou de cent lances, perdit ien vite cet ancien crédit, dû à l'ignorance des rais principes.

On voit à la bataille d'Azincourt les Anglois Fanc perfectionné leur tactique, non feulement par dreffe de leurs archers, par l'ensemble avec lequel ; favoient fe retirer ou marcher en avant; par ces eux ferrés dont ils fe faifoient un retranchement, ais encore par le foin de leurs généraux de faire cuper par deux cents archers des brouffailles fur flanc droit de l'attaque, et de placer quatre cents mmes d'armes dans un bois fur le flanc gauche. L'indifcipline la plus décidée régnoit dans l'armée ançaile à cette bataille, comme aux journées de ecy & de Poitiers; les feigneurs voulurent comttre aux premiers rangs; le connetable ajouta à fautes celle de combattre dans le boyau de la ine qui fe trouve près d'Azincourt, & de laisser taffer dans ce grand défilé, une multitude d'homs d'armes, qui bientôt ne purent plus s'y réunir. Ces fautes fi capitales fur le champ de bataille, la négligence d'éclairer & d'affurer les flancs de taque, le joignant aux grands inconvéniens du faut de difcipline, & d'avoir négligé de fe fervir l'artillerie pour ouvrir un paffage a travers les arers anglois, donnèrent à Henri la gloire de remfter une des victoires les plus brillantes & les plus les de fon fiècle.

On voit cependant ces mêmes Anglois commettre fautes les plus groflières dans la journée de

Iner.

La bataille de Bafworth, également importante decifive, paroît avoir été perdue par la faute de chard. Ce prince n'avoit pas eu la précaution d'emyer une partie de fa nombreuse armée à former corps de réferve.

Long-tems avant cette journée, l'artillerie avoit é employée avec fuccès dans les batailles.

La dernière victoire qui acheva de rendre l'heureux harles maître paisible de toute la France, fut celle Formigny; l'artillerie ne dut pas être d'un grand fet dans cette occafion, par rapport aux localités. Quelque tems après (1468) le comte de Charoois (le Téméraire) renouvella l'ufage pratiqué par es Romains, de fortifier fon camp. Trois ans s'éoient à peine écoulés; Louis XI, fe trouvant en réfence de l'ennemi, assemble un confeil de guerre ; ur l'aveu des vieux capitaines, de leur ignorance pour empêcher le défordre & la grande confufion armi un grand nombre de foldats, il prend le fage parti d'affamer fon ennemi & de fe mettre en (ureté Art Milit. Suppl. Tome IV.

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Les batailles de Granfon, de Morat, & furtout celle de Nanci, commencèrent à redonner à l'iufanterie une confidération perdue depuis la décadence de l'empire romain.

Peu de tems après (1479), Louis XI, ou peutêtre le maréchal de Guerdes, réunirent fix mille Suiffes pris à la folde de la France; et quelques compagnies d'ordonnance, dans un camp où ces troupes furent exercées aux manœuvres qui auroient été faites fi l'ennemi avoit été en préfence. Ce modèle excellent à fuivre, l'a été de nos jours par Frédéric, qui en a feul fenti l'utilité, & auquel il a été fans doute redevable de la fupériorité de fon armée, fur toutes les autres de l'Europe.

Le médiocre Charles VIII penfa donner à Fornoue le fecond fâcheux exemple d'une armée françoise détruite & de fon roi fait prifonnier. La mort de Rodolphe de Gonzague rendit inutile le corps de réserve destiné à foutenir les deux attaques principales, & affura à Charles VIII le bonheur inespéré, d'échapper à l'atmée italienne, plutôt en fugitif qu'en vainqueur.

Le progrès général des lumières ayant fait fentir aux guerriers le mérite & l'utilité de l'infanterie, la France eut encore l'avantage d'être une des premières puiflances à en former une des meilleures," remplacée fous Louis XII par une meilleure encore, prife indifféremment dans toutes les provinces du

royaume.

Dans la journée d'Agnadet, ayant à fa tête le' brave Vandeneffe, elle remplaça les Suifles qui avoient été repouffés, & elle chargea avec fuccès les Vénitiens, malgré leur canon, dont ils fe fervoient avec quelqu'habileté.

A la journée de Ravenne, l'infanterie espagnole s'y diftingua par fon enfemble, au plus fort du combat. Attaqué de front et par derrière, ce corps obferva affez de difcipline pour faire cette retraite fière & redoutable, qui coûta la vie au malheureux Gafton.

Dans ces guerres d'Italie, on commença à mêler des arquebufes à crocs avec les piquiers.

En vain à Pavie les bandes noires montrèrentelles le plus grand courage; en vain François Ier. montra-t-il toute la valeur d'un brave chevalier; en vain la nobleffe la plus diftinguée s'empreffa-t-elle de fuivre fon exemple; l'armée françoife fans ordre,

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