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cohérentes; en un mot, qu'à former tout au plus des pelotons de fpadaffins, mais non des combattans. Seroit-il donc impoffible d'enchâffer cette fcience dans un corps de doctrine, dont les élémens affis fur des bafes vraiment guerrières, & claffés dans des cadres judicieufement conçus, pourroient du moins mener les gens de guerre au même point où arrivent ceux qui font un cours de fciences conjecturales, & prouver jufqu'à quel point dans la guerre de campagne, ainfi que dans celle de fiége, il eft poffible à l'induftrie guerrière de fubjuguer les caprices de la fortune?

Pour réuffir dans cette entreprise très-difficile, il faudroit peut-être envisager l'art de la guerre fous trois grands afpects généraux par ties mécaniques de la guerre; parties dogmatiques; parties pofitives. Les premières façon nent les matériaux, & les organifent; les fecondes raifonnent fur leur activité, & en dirigent le cours ; les dernières, démêlées avec difcernement, purifient l'expérience que l'on a, ou fuppléent à l'expérience que l'on n'a pas. Entrons dans que'ques détails.

Premières parties mécaniques de la guerre.... C'est l'organisation d'une armée, c'est la nature des principes qui animent fon inftruction, c'eft, en un mot, une férie de procédés judicieux qui

familiarifent cette armée avec toutes les circonftances qu'une guerre de campagne peut produire, préparent les refforts fecrets qui captivent la victoire. Ainfi, 1°. cette belle ordonnance de principes qui, dégagée de fuperfluités & de tours de force, ne propofe que des moyens folides, fatisfaifans pour la raifon, faciles à concevoir, & non moins faciles à pratiquer.... 2o. Cette féconde fobriété de documens qui, généralifant les préceptes fans les obfcurcir abrege & éclaircit les données pour le genéral qui commande, ainfi que pour l'armée qui ohéit.... 3°. Cette univerfalité de reffources qui embraffant toutes les localités, & calculant toutes les poffibilités, fe trouve toujours prête à faire face aux contre-tems, & à en accabler fon ennemi.... 4° Cette fexibilité de refforts qu'un léger tact peut facilement animer.... 5. Enfin, cette fubtilité d'indication qui fend la nue, & provoque fans délai l'exécution : qualités auguftes, mais qui doivent indifpenfable

ment fe trouver réunies dans une ordonnance d'inftruction vraiment guerrière.

Secondes parties dogmatiques de la guerre... C'eft la théorie des opérations d'une armée, c'eft le régulateur qui leur imprime le mouvevement, c'eft, en un mot, un affemblage de maximes raifonnées, fortes d'expérience, & propres à diriger l'activité des refforts que la doc

trine des parties mécaniques aura judicieufe ment façonnés. M. de Feuquièrés a déjà traité ces objets; mais fes écrits font diffus, pénibles à la mémoire, difficiles même à l'intelligence vulgaire ; il y a ronibre de vérités importantes qu'il paffe fous filence ou qu'il ne fait qu'effleurer. Souvent fes bafes font gratuites & indéfinies; plus fouvent il fe plaît à montrer les fautes & les difficultés, fans donner les moyens de vaincre celles-ci & d'éviter celles-là; enfin, il écrivoit dans un tems où les reffources de la tactique moderne n'étoient pas encore autant développées. Il faut fuppléer à ces défectuofités, décomposer les faits d'armes des plus grands généraux, chercher à démêler les principes qui les ont animés, & en tirer des moyens de vaincre lumineux, sûrs & adaptés à la tactique moderne, propres à régler tous les mouvemens d'une armée dans fes opérations générales ou particulières, & à affurer la victoire.

Troifièmes parties pofitives de la guerre.... C'est le teftament des grands capitaines, c'eft le tableau de leurs actions guerrières; c'eft, en un mot, l'examen réfléchi, raisonné & approfondi de tous les faits d'armes qui peuvent offrir des traits de lumière à notre inftruction. On peut commencer ces recherches à Guftave Adolphe, regardé avec raifon comme le premier capitaine moderne qui ait fait la guerre avec art.

GUERRE. (Hiftoire de la fcience de la) vous, hommes tranquilles & Rudieux, qui vous occupez uniquement à augmenter les con noiffances & les jouiffances de vos femblables par vos découvertes & vos expériences, n'héfitez pas de nous donner l'hiftoire des fciences que vous cultivez, & qui font amies de l'humanité; dites-nous quelles font les différentes routes qu'ont fuivies les hommes de génie aux quels nous devons les progrès des fciences & des arts, dont vous travaillez tous les jours à augmenter la perfection; ofez exciter notre reconnoiffance, & ne vous laffez pas de la mériter toujours davantage Į

Mais moi, obfcur légionnaire, doué, pour inon malheur, d'une extrême fenfibilité, comment aurai-je le courage d'écrire fur la fcience de la guerre; comment pourrai - je fuivre fans dence, fa renaiffance, le génie ufant toutes fes frémir les progrès de cette fcience, fa déca reffources pour inventer des moyens toujours plus deftructeurs. Les hommes oubliant qu'ils entendre, & la rage, la fureur, la colère, les font frères. L'humanité voulant en vain se faire

douleurs & la mort femblant feules avoir des droits fur des êtres dont l'unique occupation paroît être la deftruction de leurs femblables.

Quel est donc ce charme qui accompagne

la

A

paffion des armes, & qui donnant aux hommes l'ardeur de s'entre-détruire, étouffe en eux tous les fentimens de la nature ?

Quelque chofe cependant peut confoler l'écrivain fenfible qui ofe troubler fon repos pour s'occuper de l'art deftructeur de la guerre. Devenu plus favant, il eft devenu bien plus égal & bien plus foumis à des marches & à des pofitions qu'à des combats. Enfin, connu à peuprès également par toutes les puiffances qui fe partagent la Terre, chacune eft plus intéreffée à craindre la guerre, par laquelle on ne peut plus rien gagner; mais qui néceflite impérieufement la depopulation, les déprédations, le dérangement des finances, les emprunts les dettes, la misère des peuples, la destruction du commerce, & le malheur des vainqueurs & des vaincus.

,

Pour nous convaincre de ces différentes vérités, remontons à l'origine connue des fociétés, & après avoir fuivi les différentes époques de l'art de la guerre, nous nous arrêterons au moment heureux auquel nous nous trouvons, presque tous les peuples récouvrant leurs droits ou travaillant à les récouvrer, s'emprefferont dès l'inftant où ils jouiront de la paix, de fe lier entr'eux par des traités de commerce, afin de ne faire qu'une feule famille, & de ramener les foldats au milieu des campagnes, pour leur apprendre à manier alternativement la bêche, leurs armes & la charrue.

Les hommes fe réuniffant & enchaînant leurs paffions par des lois, ne peuvent empêcher à la jaloufie, à l'amour de la vengeance & à la cupidité de fe faire fentir; de-là le de fir du plus fort d'opprimer le plus foible, & la néceffité pour ce dernier de veiller à fa sûreté & à fa défenfe. Les paffions qui maîtrifent les hommes, maitrisèrent auffi les fouverains, & les Etats fe trouvèrent entreux comme les particuliers; plus ils furent ignorans, moins ils furent inftruits fur leurs véritables intérêts plus fouvent & plus long-tems la difcorde fema parmi eux la défunion. On eft donc forcé de convenir avec douleur que l'art de fe nuire fut le premier inventé par les hommes ; & la guerre, qui produifit le defir de vaincre & de s'affurer des fuccès, enfanta l'art militaire.

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D'abord foible à fa naiffance, il fut d'homme a homme le talent de tirer parti de fon adrefle & de fa force, & dut fe borer à la lutte, au pugilat, à l'efcrime. Bientôt les moyens de deftructions fe perfectionnèrent; l'art s'étendit avec les fociétés; les hommes fe raffemblèrent en plus grand nombie, ils formèrent des armées, qui ne furent pas d'abord des corps de foldats,

mais des peuplades, où le nombre des femmes & des enfans pouvoit être égal à celui des combattans, auxquelles cependant on ne tarda. pas de donner une fpèce d'organifition. Ce fut dans ces momens d'ignorance où l'art militaire fut ce qu'il eft encore aujourd'hui chez les Arabes, les Tartares & plufieurs autres peuples de l'Afie, de l'Afrique & de l'Amérique c'eft-à-dire encore bien éloigné d'être une Tcience.

Cependant il fe formoit un peuple qui devoit, finom inventer les arts, du moins les porter tous modele dans les tems les plus reculés. Mais au plus haut degré de perfection, & fervir de d'abord agreftes et pauvres, les Grecs dûrent faire la guerre foumis à plufieurs rois, il dut y avoir fouvent des difficultés entr'eux; & defireux de fatisfaire leurs paffions, quelques-uns de ces princes plus ambitieux dûrent s'occuper à perfectionner l'art militaire, pour en fire l'inftrument de leur gloire & de leur ambition.

Pour marcher avec plus d'ordre, nous allons fixer deux époques; nous croyons qu'il faut les regarder comme les âges de la fcience de la guerre, & les momens où fes principes éprouvèrent les plus grands changemens.

La première fera occupée par les Grecs jufqu'à Philopemen, & par les Romains jufqu'à Čéfar.

La feconde fera deftinée aux modernes, à dater depuis Céfar jusqu'à nos jours.

PREMIERE ÉPOQUE.

ANCIEN S.

LES GRECS.

Ce qui porte à fare regarder les Grecs comme le premier peuple où la guerre commença à devenir un art, c'eft l'Iliade qui paroît être le premier livre où l'on ait traité de cette fcience. En effet, cet ouvrage immortel d'Homère femble parler du fiége de Troye comme d'une époque où l'art de la guerre avoit commencé à se perfectionner chez les Grecs.

Il falloit même qu'ils fuffent avancés dans cette science pour être parvenus où ils en étoient déjà au moment du fiége.

Leurs foldats étoient divifés par troupes qui avoient chacune leurs chefs; & lorfque Neftor donne des avis à Agamemnon, relativement à la partie fi effentielle de la formation, il lui confeille de féparer fes foldats mêlés fans diftinction de pays & de nation, d'en former des

troupes différentes, & de régler leurs rangs & leurs poftes, afin de faire cembattre enfemble chaque peuple, chaque tribu. En effet, des parens, des amis, des compatriotes doivent fe foutenir avec plus de zèle & de courage; chaque peuple formant alors fa troupe particulière ne partage point avec d'autres la gloire ou la honte de leurs manoeuvres. C'eft auffi un moyen donné à Agamemnon pour diftinguer le plus habile chef, le foldat le plus intrépide, le corps le mieux aguerri & le mieux difcipliné.

Ces confeils fi fages ont été trop fouvent oubliés, & on pourroit encore les donner de nos jours.

Dans une autre occafion, Neftor en ordonnant fon infanterie pour le combat, met dans le milieu les foldats les moins aguerris, afin de les encourager par l'exemple des premiers, & de les forcer malgré eux de combattre par ceux qui les fuivent.

Cette excellente méthode avoit été adoptée parmi nous en 1752; on la quitta en 1774 pour prendre celle des Pruffiens, de fe ranger par rang de taille. Ce n'eft pas la feule chofe faite par imitation & fans aucune raifon folide.

Dès lors les Grecs avoient les armes défenfives qu'ils confervèrent : le cafque, la cuiraffe, les grèves, le bouclier. Leurs armes offenfives étoient des javelots, des piques, des flèches & des épées..

L'infanterie étoit divifée en pe famment armés & arnés à la légère. Ils avoient auffi des chars dont ils fe fervoient dans les combats.

Les combats s'engageoient par les armes de jet; on fe joignoit enfuite avec la pique & l'épée.

Pour faire voir combien la difcipline des Grecs. étoit fupérieure à celle de leurs ennemis, Homère peint les Troyens marchant avec un bruit perçant & confus, comme celui des grues fous la voûte du ciel. Les Grecs, au contraire pleins d'une fureur martiale, marchoient dans le plus grand ordre, réfolus de le foutenir les uns les autres, & de combattre fans lâcher le pied le plus profond filence régnoit parmi eux, afin d'entendre & d'exécuter les ordres plus promptement. Jupiter paroiffoit avoir ôté la voix à toute cette multitude; & les armes jetoient un éclat que l'oeil ne pouvoit foutenir.

Enfin, relativement à la caftramétation, Neftor confeille de fermer le camp des Grecs d'une bonne muraille flanquée de tours fort élevées, pour mettre à l'abri les vaiffeaux & les troupes, de faire d'efpace en efpace des portes

pour le paffage des chars, de l'environner d'un foffé large & profond, garni de paliffades, afin de fe raffurer contre les forties des ennemis, & de mettre les quartiers en sûreté.

Mais au milieu de tous ces détails, on voit combien l'art militaire étoit encore dans fon enfance au fiége de Troye, on était bien éloigné des moyens employés depuis pour attaquer les villes & pour les défendre. Ici l'on ne voit ni les armes de la balistique, finéceflaires pour faire un fiége, ni les ouvrages pour combler le foffe & approcher la muraille afin de battre en brèche; il n'ett fait mention ni des baliftes, ni des catapulte, ni des béliers, ni des machines immenfes mifes depuis en ufage. Tout fe paffe hors des murs de Troye; ce font des combats féquens livrés en rafe campagne entre les affiégeans & les affiégés: bien loin d'être renfermés dans leurs murs par des lignes; bien loin d'être occupés à défendre leurs murailles & à retarder les approches des machines de l'ennemi, les alliégés fortent en troupes, fe rangent en bataille, & font fouvent trembler les Grecs dans leur camp. Auffi Neftor leur confeille til de le fortifier; & faute de cette fage précaution, ils font obligés plus d'une fois de fe refugier fur leurs vaiffeaux, où les Troyens les fuivoient le fer & la flamme à la main. Mais l'art militaire ne pouvoit pas marcher tout de fuite à fa perfection; nous le verrons y arriver lentement, & mériter le nom de fcience affez tard, & après bien des tentatives & des fautes.

Cependant au moment où fe terminoit ha guerre de Troye, on célébroit déjà plus fréquemment en Gréce ces fêtes & ces jeux qui faifoient partie du culte & des honneurs rendus à la mémoire des héros, & qui préparèrent les Grecs à de fi grandes chofes en tous genres.

CYRUS.

Tels étoient les premiers pas qu'avoit faits l'art militaire, guidé par le génie des Grecs, lorfque Cyrus voulut entreprendre la conquête de l'Afie. A en croire Xénophon, la difcipline des Perfes & leurs connoiffances militaires, à cette époque, égaloient celles des Grecs. Mais Cyrus avoit pu très-probablement connoître es moyens dont s'étoient fervis les Grecs pour perfectionner parmi eux l'art militaire, & il eft naturel qu'il en ait fait ufage, en donnant à fes Perfes les armes & l'ordonnance des Grecs. L'Afie mineure étoit pleine de villes grecques, dont les peuples combattoient très - peu differemment des Grecs d'Europe; Créfus en avoit même beaucoup à fa folde. On vouloit en avoir dans toutes les armées, & c'étoit leur tactique,

leurs armes & leur difcipline dont on tâchoit d'approcher quand on vouloit s'affurer la victoire; auffi Xénophon, en donnant les détails de la bataille de Thimbrée, étale-t-il tout l'art de la tactique grecque, en en faisant prendre aux Perfes les principes & les manoeuvres, fe fervant des mêmes dénominations, & défignant les mêmes fortes de troupes.

Peu importe, après tout, fi Xénophon n'a fait qu'un roman en écrivant les actions de Cyrus, fi ce roman peut être utile par les maximes de la meilleure politique & par d'excellens préceptes pour un général. D'ailleurs, la bataille de Thimbrée fût-elle une fiction, il n'en refteroit pas moins des détails de tactique & de conduite militaire qui prouveroient à quel point en étoit la fcience de la guerre au moment où écrivoit Xénophon (1)

(1) M. Freret, fans avoir connu la pratique de la guerre, a remarqué dans les mémoires de littérature, tom. VI, in-4°., pag. 536, deux chofes importantes fur la bataille de Thimbrée. Sa première remarque eft le retranchement que mobile de charriots, dont Cyrus forma fon arrièregarde & qui lui réuffit fi bien, a été employé heureufement par de grands capitaines modernes. Lorsque le duc de Parme, Alexandre Farnèze, vint en France, pendant les guerres de la Ligue, il traverfa les plaines de Picardie, marchant en colonne au milieu de deux files de charrio's qui couvroient fes troupes; & Henri IV qui cherchoit à l'engager au combat, n'ofa jamais entreprendre de l'y forcer, parce qu'il ne le pouvoit fans attaquer ce retranchement mobile, ce qu'il ne pouvoit faire fans s'expofer à une perte prefque certaine.

Le duc de Lorraine employa la même difpofition avec un fuccès égal, lorfqu'après avoir tenté inu ilement de jetter du fecours dans Brifac, affiégé par le duc de Weymar, il fut obligé de fe retirer prefque fans cavalerie, à la vue de cet habile général, qui avoit une armée très-forte en troupes à cheval. Le duc de Lorraine marcha fur une feule colonne, couverte fur fes deux flancs par les charriots du convois qu'il avoit voulu jetter dans Brifac, & ce retranchement rendit inutile tous les efforts que fit le duc de Weymar pour le rompre.

Ainfi voit-on dès-lors, finon la perfection de la fcience de la guerre, au moins une infinité de précautions, d'ordres & de moyens favans pour s'affurer la victoire, qui tous prouvent invinciblement combien Cyrus avoit dû méditer fur cet art, & jufqu'à quel point fes troupes étoient manoeuvrières, pour être à-peuprès affuré de vaincre les ennemis qu'il avoit à combattre car la fcience de la guerre n'a jamais pu être perfectionnée que fucceffivement, & en raifon du plus ou du moins de connoiffances réciproques acquifes par les peuples qui fe faifoient la guerre. Ainfi Cyrus, à la tête des Perles qu'il avoit exercés & difciplines, étoit bien plus affuré de la victoire vis-à-vis des peuples de l'Afie qui mettoient toute leur confiance dans leurs nombreux bataillons. Mais avec des forces infiniment inférieures, Cyrus avoit eu befoin d'avoir recours à l'art, & de pouvoir compter fur l'habitude de fes troupes à favoir combattre, fe mouvoir, fe rallier, revenir à la charge, prendre des pofitions différentes, &c. pour remporter la victoire, & fuppléer au nombre par la fcience. Ainfi à Timbrée l'attaque des réferves & le ralliement de ces mêmes réferves, après avoir renversé les ailes ennemies pour venir prendre & attaquer par derrière le centre des ennemis, tandis qu'en l'attaquoit par-devant, font des manœuvres qui ne peuvent s'exécuter qu'avec des troupes bien difciplinées, & qui annoncent autant d'habileté dans le général qui les dirige, que de courage & d'inftruction dans les troupes qui les exe

cutent.

Un fiècle environ après la guerre de Troye, les Héraciides étoient revenus dans le Peloponèfe, & avoient mis toute la Gréce dans la néceffité de prendre les armes. On fe battit partout, d'anciennes villes furent détruites, de nouvelles furent fondées, & l'on gémiffoit fous

fale, & ce fut elle feule qui lui fit remporter la victoire fur l'armée de Pompée, beaucoup plus forte que la fienne, furtout en cavalerie. Céfar lui-même nous apprend dans fes mémoires que c'étoit de cette difpofition qu'il attendoit le gain de la bataille. On appercevra fans peine la conformité des deux difpofitions de Thimbrée & de Pharfale en lifant les mémoires de Céfar, & cette conformité eft le plus grand éloge que l'on puifle faire de Cyrus dans l'art de la guerre. Elle montre que ce qu'il avoit fait à Thimbrée, a fervi probablement de modèle à un des plus grands généraux qui ait jamais paru, ou tout au moins qu'ils ont l'un & l'autre penfé & agi de même, dans l'occafion

La feconde chofe qui paroît à M. Freret mériter encore plus d'attention dans ce même combat, c'eft que Cyrus dut prefqu'uniquement fa victoire aux quatre mille hommes qui étoient derrière le retranchement, puifque ce furent ces troupes qui enveloppèrent & prirent en flanc les deux portions des ailes de l'armée lydienne, avec lesquelles Crefus efpé- la plus importante de leur vie. Le roi de Pruffe Toit envelopper l'armée perfanne.

Céfar employa une femblable difpofition à Phar

a de nos jours perfectionné ces grands moyens, & s'en est toujours fervi avec fuccès.

la tyrannie des fouverains. Mais les défordres devoient avoir un terme & ce terme devoit être funefte aux rois; ils devinrent en effet l'objet de la haine des peuples, qui laffés d'être la victime de leur ambition fecouèrent le joug. Thèbes en avoit donné le premier exemple; Athènes fe hâta de le fuivre; plufieurs autres villes de la Gréce & Sparte furtout, guidées par Lycurgue, ne tardèrent pas à imiter les Thébains imiter les Thébains & les Athéniens.

pour lui donner des fers au moment où elle venoit de fecouer le joug des Pififtrates, & où elle fentoit très-vivement tout le prix de la liberté.

D'ailleurs, Athènes étoit alors dans toute fa force; le luxe n'avoit pas encore énervé les moeurs, les Athéniens étoient durs à la fatigue, comme ils étoient intrépides à la vue du danger.

Les Lacédémoniens avoient le même amour de la liberté, le même courage, la même intrela plus dure, & au nétier des armes dès leur pls tendre enfance, ils étoient plus en lurcis & plus aguerris que les Athéniens; une difcipline entiérement militaire étoit leur unique police, & cette difcipline établie par Lycurgue s'étoit perfectionnée depuis ce législateur.

Telle étoit donc la fituation des peuples de cette contrée; aucun n'étoit affez puiffant pourpidité. Mais tous uniquement livrés à la vie commander, aucun n'étoit affez foible pour recevoir la loi; cependant, toujours jaloufes les unes des autres, les villes de la Gréce l'étoient furtout de l'afcendant qu'Athènes & Sparte prenoient tour-à-tour, elles firent des ligues pour tenir ces deux puiffances en équilibre. Mais la jouloufie leur fit faire de fauffes démarches, les vues particulières des hommes Jufqu'alors, il eft vrai, les Athéniens & les qui les conduifoient leur en firent faire de plus Spartiates n'avoient point eu de fuccès brilfauffes encore. Le fyftême politique de la Gréce lants, mais ils avoient fait des guerres inftrucfut donc expofé à des révolutions continuelles, tives. L'art militaire fe perfectionne dans les chacunes occafionnèrent des guerres, qui fuf- républiques, parce que l'amour de la liberté citées plutôt par l'inquiétude que par l'ambi-attache une grande confidération au métier des tion, contribuèrent toutes à perfectionner l'art militaire, en laiffant les peuples dans un épuifement & une haine qui les divifa de plus en plus.

Les effets de la jaloufie, dont nous parlons, furent fufpendus, il eft vrai, pendant quelque tems pour fe défendre contre les Perfes; mais ils éclatèrent après cette guerre avec d'autant plus de force, que les Grecs y avoient eu de plus grands fuccès; de manière qu'affoiblis & incapables de fe réunir contre un

ennemi commun ils finirent par être la proie d'une puiffance étrangère.

Pendant ces différentes guerres on donna plufieurs batailles; il eft néceffaire de parler de quelques-unes, afin de fuivre avec plus d'exactitude les progrès de l'art militaire, & jufqu'où fut pouffée la science de la guerre dans cette époque.

Cyrus étoit mort depuis près de quarante ans, lorfque Darius porta fes armes dans l'Attique; les Perfes alors avoient pris les mœurs des nations qu'ils avoient vaincues; ce n'étoient plus ces foldats, qui ivres des fuccès d'un chef victorieux, étoient portés à tout ofer, & qui combattoient pour le partager les dépouilles des monarchies les plus opulentes. C'étoient des armées mercenaires & corrompues, qui n'étoient encouragées par aucune efpèce de gloire, ni même aucune espèce de butin.

Athènes au contraire étoit libre; on armoit

armes & à la défense de la patrie; d'ailleurs faifant la guerre avec de petites armées, il eft plus facile d'imaginer les moyens de les divifer, de les former, d'en régler les mouvemens; on fait plus aifément des obfervamarches, le choix des armes, les ordres de tions fur la difcipline, les campemens, les batai le, les fituations les plus avantageufes pour livrer où recevoir un combat. On s'éclaire fur fes fautes, on s'éclaire fur la conduite de l'ennemi, & les découvertes faites dans une république font bientôt communes à toutes les

autres.

Ainfi la phalange (Voyez PHALANGE), connue peut-être en Gréce & ailleurs avant le fiècle d'Homère, fut perfectionnée & composée avec beaucoup plus d'art parmi les républiques grecques. Il en fut de même des troupes armées à la légère, & de tout ce qui avoit des rapports avec l'art militaire.

Les Perfes comptoient peut-être fur l'avan tage du nombre; mais cet avantage seul n'est rien. Darius, il eft vrai, venoit de fubjuguer les Grecs de l'Afie mineure; mais les Athéniens & les Spartiates étoient bien plus difficiles à foumettre, ils avoient prévu l'orage qui fe formoit dans l'éloignement. La barrière qui féparoit la Gréce de l'Afie, les progrès & les connoiffances des Grecs dans l'art militaire, ne permettoient à Darius ni de tomber tout-à-coup fur eux, ni de fe retirer facilement après un échec, ni de revenir promp

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