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nion des hommes, cela ne me furprend point; mais je fervis infiniment étonné fi des légifla& fur-tout fi des écrivains militaires françois adoptoient cette manière de voir; il n'en eft à mes yeux aucune qui foit plus funefte, car il n'en eft aucune qui foit plus deftructive du bonheur de la fociété & de celui des individus. Dès l'instant où l'on aura délivré les hommes des liens de l'opinion publique, comment les récompenfer, comment les punir? Votre or feroit bientôt inutile ou épuifé, & bientôt vous feriez las de faire couler le fang car il couleroit en

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vain. Le législateur a dans l'amour de l'eftime une puiffance créatrice des talens, & un principe fécond en vertus civiles & militaires; il a dans la crainte du mépris, qui eft une fuite naturelle de l'amour de l'eftime, un des moyens des plus infaillibles de corriger & de réprimer les vices, voyez MÉPRIS; il a dans l'amour de l'eftime une fource inépuifable de récompenfes qui n'appauvriront jamais l'état, & dans la crainte du mépris des punitions non-feulement plus terribles que les fupplices, mais encore infiniment préférables; elles confervent les citoyens, & les portent à faire les plus grands efforts pour effacer la honte qu'ils ont méritée. L'histoire prouve que ces fentimens infpirent à tous ceux qui en font pénétrés, une force invincible aux paffions, & une conftance capable de balancer l'empire des befoins les plus naturels, & d'éteindre l'amour de la vie lui-même. Ces fentimens ont cet avantage particulier, c'eft qu'ils font des impreflions bien plus profondes fur les hommes que la naiffance ou la fortune ont prefque mis au-deffus des récompenfes phyfiques & des punitions légales, que fur ceux que leur pauvreté rend ailés à récompenfer & faciles à punir. Le législateur qui recourra donc à l'amour de l'eflime & à la crainte du mépris, méritera notre reconnoiffance & nos hommages; mais ce point de vue, quelque grand qu'il foit, n'eft pas le feul fous lequel on doive envifager l'amour de l'eftime. Je recommanderai aux chefs, aux inftituteurs militaires de ne rien négliger pour l'infpirer aux defenfeurs de la patrie, parce que leur bonheur dépend de fon existence. Eloignés du lieu qui les a vu naître, de leurs parens, de leurs amis, de tous les objets chers à leur cœur, doucs du befoin d'aimer & fur-tout de celui d'être aimé, voyez AMITIÉ, comment le verroient-il fatisfait ce befoin impérieux, s'ils ne s'attachoient point à mériter l'eftime publique? car perfonne ne l'ignore; c'eft leflime qui conduit à l'amitié durable. Les militaires ont-ils la noble ambition de rendre de grands fervices à leur patrie, l'estime qu'ils ont obtenue leur en fournit, leur en facilite les moyens; l'eflime eft la mère de la confiance, & la confiance des fuccès, voyez CONFIANCE & AMOUR DU SOLDAT; les militaires font-ils animés par des motits moins purs, ne veulent-ils que par

venir à des emplois élevés, c'eft encore à l'effime qu'ils doivent recourir; c'eft elle qui les y conduira avec le plus de promptitude & de sûreté.

Puifque l'eflime de leurs chefs, de leurs égaux, de leurs inférieurs eft toujours utile & fouvent néceffaire aux militaires, indiquons-leur fommairement les moyens de l'obtenir.

Les avantages extérieurs préparent les militaires à l'eflime publique, mais ils ne la leur don nent point; ils doivent , pour l'obtenir d'une manière durable, unir aux vertus de l'homme probe, du bon citoyen, une fermeté d'ame inébranlable à la crainte & à la féduction, une grande juftice, l'amour de l'humanité, un juge ment droit, folide, pénétrant, un efprit orné de connoiffances utiles à leur profeffion, des mœurs pures ou moins belles; en un mot toutes les qualités & les connoiffances dont nous avons parlé dans nos articles CAPITAINE GÉNÉRAL & MOURS.

Que les militaires qui réuniront ces talens, ces connoiffances & ces vertus n'efpèrent cependant point obtenir l'eflime de tous leurs chefs, de tous leurs égaux. Il feroit trop heureux d'être militaire, fi l'on ne trouvoit fous l'uniforme que des émules, des rivaux & jamais d'envieux. Celui-là connoîtroit bien peu le cœur humain, qui afpireroit à obtenir l'effime de chacun; il eft tant d'hommes qui accordent ou refufent la leur fans difcernement & fans raifon. Ce n'eft point l'eflime individuelle qu'on doit briguer, c'eft l'efiime générale, c'est l'efime de tous. Je me trompe, on ne doit briguer ni Pune, ni l'autre ; c'eft à la mériter que l'on doit tendre, fans trop fe mettre en peine fi on l'obtiendra. La mériter, c'est ce qui rend heureux; la mériter c'est tout ce qui dépend de nous : l'obtenir ne nous rend point plus heureux; l'obtenir ne dépend point de nous. Que cette vérité ne décourage cependant point les militaires, & fur-tout qu'elle ne ferve jamais de prétexte à aucun d'entre eux. Celui qui la mérite réellement finit toujours par l'obtenir, car les hommes ne font point, à cet égard, auffi injuftes qu'on le dit, auffi injuftes qu'on veut le faire croire. Ceux qui les accufent d'injuftice fur cet objet ont d'autres vues, ils font plus injuftes qu'eux: en obfervant les hommes, on reconnoît bientôt cette vérité.

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Il eft des militaires qui, aveuglés par l'amour propre ou par leur intérêt, voudroient que l'eflime qu'ils croient mériter fût pour eux une fource d'avantages fenfibles, d'égards marqués, ou au moins de vaines louanges. Ah: qu'ils font loin de la mériter la véritable effime, ceux qui la confondent ainfi avec l'adulation. Qu'ils font heureux qu'on ne puiffe point lire dans leurs cœurs, car à l'estime qu'ils ont furprife fuccéderoit peutêtre le mépris!

Il est encore des militaires qui, dévorés par

l'amour de l'eftime, font malheureux, parce qu'ils n'obtiennent point toute celle qu'ils avoient métitée, ceux-là font vraiment à plaindre, ceuxlà font dignes qu'on cherche à les éclairer : c'est à eux que je vais offrir les vérités fuivantes. Nous croyons prefque tous mériter plus d'eflime que nous n'en méritons réellement; les hommes ne nous refulent guères ou plutôt ou plus tard celle que nous méritons; plus nous paroiffons la délirer, moins nous devons efpérer de l'obtenir : nous ne méritons point d'eftime, quand nous ne voulons qu'obtenir l'eflime, & enfin nous devons, pour être heureux, fonger plus à la mériter qu'à l'obtenir.

EXACTITUDE. Ce font, difoit J. J. Rouffeau, les petites précautions qui font les grandes vertus, & il avoit raison. Celui qui, en appliquant cette même pensée à l'état militaire, diroit: c'est Perafitude dans les petits détails qui donne les grands résultats, annonceroit une vérité non meins incontestable. Si dans une machine auffi vafte, aufli compliquée qu'une armée, tous les rouages ne s'engrainent point avec précifion & ae font point leur révolution avec exaditude, il doit s'enfuivre néceffairement un grand defordre, une extrême confufion. La plupart des militaires font convaincus de cette vérité, & cependant il en eft peu parmi eux qui portent dans l'exécution de leurs devoirs, & qui exigent de leurs fubordonnés cette exactitude dont ils fentent toute l'importance. A quoi bon, difent-ils, fur-tout dans lear jeuneffe, s'abftreindre pendant la paix à cette exaditude minutieufe qu'on nous demande, à petites obfervanees qu'on nous preferit; pendant la guerre à la bonne heure: là, tous les momens font précieux, & toutes les actions décisives; mais pourquoi tourmenter fes fubordonnés pendant la paix? pourquoi exiger d'eux cette monacale exad tude? Pourquoi! parce qu'une tranfgref fion en amène toujours quelqu'autre; parce que, dès Pinftant où les hommes fe font familiarifės avec la tranfgreifion de la loi, rien n'est facré pour eux. Aujourd'hui vous dites nous ferons exacts pendant la guerre, & alors vous direz quand nous ferons en campagne; en campagne Vous direz quand nous ferons proche de l'ennemi; quand vous ferez proche, vous attendrez d'être en préfence. Ainfi vous ne ferez jamais ni tout ce que vous pourrez, ni même tout ce que vous devrez faire.

ces

Un homme fenfé n'attache fans doute point dans le fond de fon coeur une grande importance à une foule de petites pratiques, & à de minutieux décalls qu'on exige des militaires, mais il n'en verbe pas moins à ce qu'ils foient remplis avec exuditude; il fait que l'habitude rend tout facile; que l'on devient exact comme l'on devient adroit; que, dès le moment où l'on a compofé une fois avec fedevoirs, on parlemente

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EXAMEN. On donne le nom d'examen aux queftions qu'on fait à un candidat, pour favoir s'il eft capable de remplir l'emploi auquel il veut être admis.

Les ordonnances militaires, rendues d'après les avis du confeil de la guerre, vouloient que les infpecteurs, avant d'admettre un jeune citoyen à faire les fonations de cadet gentilhomme, & avant d'admettre un cadet gentilhomme aux fonctions de fous-lieutenant, leur fiffent fubir un examen fur toutes les parties de la difcipline du fervice & des devoirs des foldats, caporaux, bas-officiers & officiers, jufqu'au grade de capitaine inclus ces examens devoient porter auffi fur l'application de la théorie à la pratique. A cun cadet gentilhomme ou fous - lieutenant ne pouvoit s'abfenter qu'il n'eût été admis par l'infpecteur; fi un cadet gentilhomme ou un fous-lieutenant étoit deux ans de fuite fans être reçu, la feconde année de fon service, & tout le refte du temps qu'il paffoit fans être reçu, ne devoit être compté ni pour fon rang, ni pour la croix; & s'il perfiftoit dans fon inaptitude ou fon inapplication, on devoit nommer à son emploi.

Les infpecteurs devoient encore faire fubir des examens aux capitaines qui étoient fufceptibles d'être faits officiers fupérieurs; car, dit l'ordonnance, leur avancement devoit dépendre & des comptes rendus par les lieutenans-généraux diviGionnaires, les infpecteurs divifionnaires, les commandans des brigades. Ces examens des infpecteurs devoient rouler fur toutes les parties du fervice & de l'inftru&ion d'un régiment, tant théoriquement que pratiquement, en y comprenant les fonctions & les détails du grade fupérieur à celui auquel ils afpiroient, & s'attachant aufli à favoir s'ils avoient, indépendamment de l'intelligence & du talent, les qualités convenables

un chef de corps. Pourquoi l'ordonnance ne nous a-t-elle point fait connoître ces qualités, dont les rédacteurs des lois précédentes n'ont jamais parlé? Pourquoi les majors en fecond & les colonels ont-ils été les feuls qui n'aient point été foumis à un examen? Les rédacteurs avoientils fuppofé que la première nobleffe poffédoit certainement toutes les connoiffances & les qualités qu'elle devoit avoir, ou qu'il n'en falloit aucune pour être colonel ou major en fecond?

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On peut encore confidérer comme des examens les théories que les infpecteurs doivent faire lors de leurs revues. Voyez REVUES & THEORIE.

C'eft beaucoup fans doute que les examens dont nous venons de parler, c'est beaucoup que ces théories; mais en eft-ce aflez? c'est ce que nous allons examiner dans la fuite de cet article.

Si les miniftres, les généraux & prefque tousles militaires n'étoient pas convaincus que la guerre eft une fcience qui a fes principes & fes règles; que Pcxp rince ne fuffit point aux officiers les plus fubalternes, voyez EXPÉRIENCE; que l'ignorince rend toujours l'homme de guerre indocile, fouvent incertain & quelquefois timide; que l'ignorant cenfure plus légèrement, plus haut & avec plus d'aigreur que l'homme inftruit; & enfin qu'une raifon cultivée eft le plus puiffant antidote contre la corruption des mœurs, voyez MOURS; nous aurions prouvé, en commençant cet article, qu'il eft utile de porter auffi haut qu'elle peut atteindre l'inftruction des officiers françois; mais puifque l'on convient affez généralement de la vérité des propofitions que nous venons d'avancer, nous nous occuperons uniquement des moyens faits pour augmenter cette inftruation fi défirable, & pour la répandre également dans toutes les claffes de notre militaire.

Il n'y a que deux moyens capables de déterminer les militaires françois à s'inftruire la perfuafion & la contrainte.

:

La perfuafion feroit inutile, le paffe l'a prouvé ; il faut donc recourir à la contrainte.

Avant de faire ufage de ce dernier moyen, attendrons-nous que les citoyens aient été reçus dans l'état militaire, ou l'emploierons-nous avant de les y admettre? Une infinité de raifons, que nous nous difpenferons de rapporter ici, parce que nous les avons détaillées dans l'article CAPITAINE, démontrent que pour avoir des officiers inftruits, il faut que les citoyens aient acquis, avant de recevoir leurs brevets, la théorie de l'art qu'ils doivent profeffer.

Pour procurer aux jeunes citoyens cette théorie indifpenfable, les raffemblerons - nous dans des maifons d'éducation, & les y retiendrons-nous jufqu'au moment où nous les jugerons affez inftruits? Ce moyen coûteroit infiniment cher à l'état & aux familles, il feroit très-compliqué & ne produiroit certainement pas tout le bien qu'on en auroit efpéré. Puifque ce moyen n'eft point admiffible, il faut ou en imaginer ou en adopter un autre, qui ne conftitue ni l'état, ni les citoyens en dépenfes extraordinaires; qui n'exige que le concours de peu de perfonnes; qui atteigne le but avec facilité, & dont la bonté ait été démontrée par l'expérience.

Après avoir confidéré avec attention les différens moyens dont on pourroit faire ufage, nous

avons trouvé que la voie des examens eft la feuls praticable; la feule qui n'offre aucune difficulté, qui ne préfente aucun inconvénient; en un mot, la feule qui condait au but.

Avant de donner les preuves de cette vérité, nous croyons devoir indiquer les objets fur lefquels les examens devroient rouler; c'eft-à-dire, quelles font les connoiffances néceffaires à celui qui fe deftine à l'état militaire.

Les officiers d'infanterie doivent connoître les ordonnances militaires relatives au fervice des troupes dans les places & dans les quartiers, ainfi que celles qui fixent le fervice de campagne; ils ne peuvent ignorer fans crainte les difpofitions du Code Pénal; ils doivent pofféder les détails relatifs, tant à l'inftruction du foldat & à l'administration intérieure des compagnies qu'à celle du corps entier, &c.

Après ces connoiffances, qui font la base de l'inftruction des officiers, vient la fcience qu'on a nommée la Science des Poffes, ou mieux encore la Science de l'Officier particulier.

Tous les officiers doivent connoître la forme, les proportions & la deftination des divers ouvrages qui peuvent leur être néceffaires pendant le cours d'une campagne; ils doivent favoir tracer ces ouvrages, les conftruire, augmenter leurs forces, les garder, les défendre & les attaquer; ils doivent auffi favoir mettre en état de défenfe une maison, une églife, un cimetière, un château, un village, un bourg, une ville ouverte, un chemin, une chauffée, une digue, un défilé, un ravin, un gué, un débarquement; augmenter la force de tous ces objets, les garder, les défendre & les attaquer, &c.; marcher en avant & en retraite, faire une reconnoiffance militaire ; conduire, défendre, & attaquer un convoi; dreffer des embuscades à l'ennemi, éviter les fiennes & lever des contributions.

A cette théorie les officiers de cavalerie doivent joindre la connoiffance du cheval, de fa conformation & de fes maladies.

Telles font à peu de chofes près les connoiffances qui font néceffaires aux militaires, & par confequent tels font les objets fur lefquels les jeunes citoyens devroient être exam nes; j'ofe dire & même affirmer que je n'ai point aggrandi inutilement le champ que j'ai ouvert devant eux, & qu'un jeune homme de quatorze à quinze ans peut à cet age l'avoir parcouru avec fruit, fans avoir négligé le refte des connoiffances qui concourent à former un citoyen eftimable. Convaincu de la néceflité & des avantages des examens, j'avois propofe au comité militaire de l'affemblée nationale de 1789, le travail que je vais transcrire ici. Il pourra quelque jour être utile.

Perfuadé, difois-je au comité militaire, que c'est du bon choix des officiers & de leur inftruction

que dépendent, en grande partie, la bonté d'une conftitution militaire, & par conféquent la gloire & le falut de l'état, car les objets font intimemint lies, je me fuis occupé du remplacement des ofciers de votre armée & des moyens de leur procurer les connoiffances qui leur font néceffaires. Je m'eftimerai heureux, fi en vous fourniffant quelques matériaux utiles au grand édifice que Vous avez entrepris d'élever, je parviens à voas convaincre de mon zèle pour la chofe publique, de ma fidélité à vos principes, & du défir que j'ai de rendre votre travail plus court & plus facile.

Je n'ai point balancé un inftant à vous propofer cadmettre tous les citoyens françois aux emplois minaires; vous favez que la valeur, le patriotime, &e refte des qualités néceffaires aux guerriers e font uniquement concentrés, ni dans cette fe de citoyens que le hafard a fait naître de parens qui comptent une longue fuite d'aïeux, ti moins encore dans cette claffe d'hommes que la fortune a favorife de fes dons; éclairé par vos dcrets je vous propoferai donc de confacrer de touveau cette vérité éternelle: Les hommes naiffent gaux en droits; & ce principe de votre conftitution : Tous les citoyens font également admiffibles aux dignités, places & emplois publics, fans Bucune diftin&ion que celle des talens & des vertus. Ces premiers points ont été faciles, mais j'ai rencontré des difficultés affez grandes dès le moment où j'ai voulu mettre à exécution la feconde partie de ce dernier décret.

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La profeflion militaire, telle qu'elle eft aujourd'hui, exige, vous le favez mellieurs, que tous ceux qui l'embrafient s'y livrent de bonne beure, afin qu'ils puiffent, pendant qu'ils font encore dans la force de l'àge, arriver aux emplois pénibles qu'ils doivent remplir. Ma tâche confiftoit donc à fournir aux examinateurs le moyen de reconnoître parmi les jeunes citoyens qui fe propoferont d'entrer dans l'armée qualité d'officiers, ceux qui réuniront le plus de talens & de vertus militaires, ou plutôt, car il eft impoflible que cette réunion foit bien marquée dans de jeunes adolefcents, de faire reconnoître ceux qui donneront les espérances les mieux fondées à cette réunion. J'ai penfe que des examens fur toutes les branches des connoiffances néceffaires à des officiers françois, donneront au pouvoir exécutif le moyen de faire avec facilité cette diftinction néceffaire. J'ai été conduit à ce résultat par des obfervations bien fimples j'ai vu que les deux corps de votre armée qui jouiffent, dans l'Europe, de la reTommée la plus grande & la mieux méritée lant foumis aux examens pour le choix de leurs efficiers, & l'on convient généralement que c'eft aux examens qu'ils doivent une grande partie de leurs connoiffances. Puifque les examens ont produit ces effets heureux dans les corps du génic

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& de l'artillerie, ils les produifent encore dans l'infanterie & les troupes à cheval, car des mêmes caufes naiffent prefque toujours les mêmes effets.

La feconde obfervation qui m'a conduit à vous propofer d'adopter les examens pour l'infanterie & les troupes à cheval, c'eft que je n'ai vu aucun autre moyen qui foit vraiment conftitutionnel, aucun autre moyen qui puiffe écarter l'arbitraire dans le choix des officiers, aucun autre moyen qui affure à vos troupes des otliciers. inftruits, aucun autre moyen capable d'écarter de ces emplois importants tous les hommes qui n'auront d'autre titres pour les remplir que leur ambition ou leur nom.

La dernière obfervation qui m'a conduit à vous propofer les examens, c'eit que j'ai reconnu," ainsi que j'espère vous le prouver, que ce moyen ne fera difpendieux ni pour l'état ni pour les citoyens, qu'il eft d'une grande fimplicité, d'une exécution très-facile & qu'il n'offre aucun inconvénient réel.

Il a été un temps, meffieurs, où j'aurois da chercher à m'excufer du foin que je prends de répandre dans l'armée un grand faifceau de lumières; mais devant l'affemblée des reprefentans d'une nation illuftrée par fes connoiffances, mais dans le fiècle de la philofophie & de la liberté, on ne craint & on ne peut craindre que le manque de lumières. Il eft d'ailleurs certain. que la guerre étant une fcience difficile qui a fes principes & fes règles, ne peut être trop tôt & trop profondément étudiée; il eft certain que l'expérience ne fuffit point toujours aux militaires même les plus fubalternes, que fes leçons font quelquefois incertaines ou fauffes; fouvent couteules pour celui qui les reçoit, fouvent funeftes à l'état & prefque toujours tardives... Il est encore indubitable que c'eft lignorance qui rend prefque toujours l'homme de guerre indocile, qui le rend fouvent incertain & quelquefois timide: il eft inconteftable que c'est l'ignorant qui cenfure fes généraux & fes chefs le plus légèrement, le plus haut & avec le plus d'aigreur; & qu'une raison cultivée eft le plus puiffant antidote contre la corruption des mœurs.

Mais l'objection du trop de lumières ne fera point colle à laquelle on s'arrêtera; on dira au contraire que les examens n'en produiront qu'une quantité bien fuible, & prefque nulle. Les jeunes citoyens, dira-t-on, fe borneront fans doute à apprendre par coeur les objets für icfquels ils devront être examinés, ainfi ils ne feront point réellement plus inftraits après l'etabliment des examens qu'ils ne le font aujourd'hui.

Nous ne favons point aufli bien ce que nous avons appris de mémoire feulement, que ce qui eft entre dans notre efprit par la voie de la réflexion; mais ne yaut-il pas mieux favoir ainsi

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que de ne rien favoir? Obfervons que l'on n'oublie jamais entièrement ce que l'on a appris dans fa jeuneffe on eft quelquefois étonné de retrouver dans l'âge mûr des chofes qu'on avoit perdu de vue depuis la plus tendre enfance & que l'on croyoit ignorer: & d'ailleurs une feule lecture ne fuffit-elle point pour nous rendre préfentes les connoifances que nous avons autrefois poffedées. Lorfque les jeunes militaires verront mettre à exécution dans les camps de paix, en campagne, ou dans leurs garnifons ce qu'ils auront appris pendant leur éducation, toutes leurs idées fe réveilleront avec promptitude & le clafferont d'elles-mêmes avec facilité. Les explications que leurs profeffeurs leur auront données & les réflexions qu'ils auront faites eux-mêmes, fe repréfenteront à eux & répandront une vive lumière fur les objets qu'ils auront fous les yeux. Je vais plus loin, je fuppofe que les jeunes citoyens n'acquerront aucune lumière, au moins ne pourra-t-on nier qu'ils contra&teront l'habitude de l'étude les examnens ne produiroient-ils que cet avantage, il faudroit les admettre. L'habitude du travail en fait naître le goût; ce goût fe transforme en befoin, & la fatisfaction de ce besoin devient un plaifir.

N'ayant aucun ouvrage qui renferme toutes les connoiffances nécefaires aux militaires, comment dira-t-on encore, les jeunes citoyens pourront-ils fe préparer aux examens? cette objection fera levée par un projet de réglement que je mettrai fous vos yeux, & qui nous procurera avec promptitude un ouvrage élémentaire dans lequel les jeunes citoyens trouveront & puiferont avec facilité toutes les connoiffances que votre fageffe leur aura fait une loi de poffeder.

En exigeant beaucoup de connoiffances des citoyens qui fe deftineront à entrer dans l'armée en qualité d'officiers, vous fermez, dira-t-on autli peut-être, la porte de ces emplois à tous les citoyens qui ne jouiffent point d'une fortune confiderable, & par confequent vous violez le principe. Cette objection, fi elle n'eut pas été prévue, feroit d'une grande force, mais elle ne m'a point échappé; je crois l'avoir complettement levée en vous propofant l'établiffement de rois cents cinquante primes d'éducation militaire, qui feront diflribuées aux jeunes citoyens qui auront répondu avec le plus de diftinction aux questions que l'examinateur pourra leur faire. Permettez-moi, meffieurs, de vous arrêter un moment fur l'établiffement de ces primes & de développer devant vous tous leurs avantages.

Les primes dont je propofe l'établiffement, coûteront à l'état 320,000 liv., en y comprenant les frais relatifs à leur jufte diftribution; il s'agit de favoir fi cette dépente de 320,000 liv. en primes d'éducation produira plus d'avantages à la corporation entière, qu'une pareille fomme qui feroit

diftribuée en penfions gratuites. Nous ferons abstraction dans ce moment de la difficulté qu'il y auroit à répartir avec juftice & d'une manière conftitutionnelle, les quatre cents penfions gratuites dont l'état entier feroit les frais; nous devons nous borner dans ce moment à examiner s'il vaut mieux créer ou conferver quatre cents penfions gratuites ou créer trois cent cinquante primes d'education militaire.

Avec 320,000 liv. réparties en pensions gratui tes, l'état ne feroit annuellement élever que cent jeunes citoyens, car dans un collége qui n'a aucuu intérêt à hater l'inftruction des élèves, il faudroit au moins quatre ans à chaque afpirant pour s'inf truire. Avec la même fomme répartie en primes d'éducation militaire, l'état engagera un nombre infini de familles à faire des facrifices pour l'éducation de leurs enfans; & il procurera ainfi une bonne inftitution à tous ceux qui les ambitionneront. Mais les ambitionnera-t-on ces primes? oui fans doute on les ambitionnera, foit à caute de leur valeur intrinsèque, foit à caute des avantages militaires qu'on y attachera. Comme chaque. famille efpérera que fes enfans gagneront une des plus fortes primes, aucune ne fe refutera à faire des dépenfes qu'elle ne regardera que comme des fimples avances; il y aura même, j'en fuis perfuadé, des maisons d'éducation qui feront des fpeculations fur les primes, & par-là il arrivera fouvent que les familles feront donner gratuitement une excellente éducation à leurs enfans.

Les perfonnes qui ne feront point entraînées par la valeur des primes, le feront par les autres avantages dont elles feront accompagnées. Ces avantages feront la certitude d'avoir un emploi militaire, l'affurance d'occuper un rang proportionné à la valeur de la prime, & une gratification en mois de fervice qui fera auffi proportionnée à la prime.

Si au lieu des primes d'éducation on adoptoit les penfions gratuites, il arriveroit fouvent ce qui arrive aujourd'hui, que l'état après avoir dépensé 3 ou 4,000 liv. au moins, pour fe former un défenfeur inftruit & éclairé, pour fe procurer un bon citoyen, n'auroit fouvent qu'un jeune homme inepte, qu'an homme incapable par fa conftitution physique & par fes qualités morales de devenir un bon militaire. Il arriveroit encote quelquefois que des maladies longues rendroient les dépenfes de l'état plus grandes, & que la mort de l'élève les rendroit abfolument inutiles. Avec les primes on n'a aucune de ces craintes Pétat ne marche jamais d'un pas certain, il n'achète jamais des efpérances, ne paie que lorsqu'il a tout vu, tout examiné, que lorfqu'il s'eft affuré que ce qu'on lui propofe lui convient fous tous les rapports. Ces differences font aufli heureufes que feztibles.

in

il

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