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1 leur doit foins & protection; bien loin d'abufer du pouvoir que la force peut lui donner fur eux, il doit les accoutumer à l'obéiffance par les voies les plus douces ; les châtier mal à propos feroit les rendre vicieux, exiger d'eux un travail au-delà de leurs forces feroit les ruiner.

Septième qualité. Les mœurs.

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Si les mœurs font effentielles à tous les hommes, elles font encore bien plus néceffaires à l'écuyer qui par fon état doit être chargé d'apprendre à des jeunes gens à monter à cheval & à devenir eux-mêmes des écuyers; n'euffentis même que des chevaux à conduire & à dreffer, encore feroit-il important pour les écuyers qu'ils fent fobres & tempérans pour la confervation de leur fanté & de leurs forces; fans des mœurs il feroit bien difficile qu'un écuyer eut aucune des qualités phyfiques & morales dont nous venons de parler & que nous avons regardées comme effentielles à l'excellent homme de cheval;.... mais destiné à préfider à l'instruction des jeunes gens dans la partie de l'équitation,... deftiné à avoir fous fes ordres un grand nombre de fubordonnés, combien n'eft-il pas important que l'écuyer mène une vie irréprochable ; . . . . tout feroit perdu pour lui, pour fon état, pour fes élèves, fi l'on pouvoit feulement le foupçonner d'inconduite ou de mauvaises mœurs.

Nous nous arrêtons ici pour ne pas paroître trop vouloir exiger de la part des perfonnes qui fe deftinent à l'état fi pénible d'écuyer;..... mais lorsqu'on aura eu le bonheur de trouver réunis dans un homme de cheval les connoifLances & les qualités dont nous venons de tracer l'efquiffe, qu'on fe hâte de lui marquer toute l'eftime & de lui accorder toutes les diftinctions que mérite un talent qui peut être aufli utile, on oferoit me dire qui eft devenu auffi néceffaire chez nous. En effet nous avons besoin d'avoir une cavalerie nombreuse, & nous n'avons rien encore ftatué de ftable ni d'avantageux pour la remonte, la nourriture, les harnois des chevaux de nos troupes à cheval, & encore bien moins de quelle manière doit monter un cavalier..... Tous ces objets ne peuvent être reglés fuivis & dirigés que par d'excellens ecuyers; mais bien loin de nous occuper à en former, nous en fommes encore à difputer fur les premiers principes de l'équitation, au lieu de les avoir fixés tous d'une manière invariable, s'arrêtant aux meilleurs d'après les difcuffions de gens inftruits & impartiaux. (Le Chevalier de Servan.)

en

EDUCATION MILITAIRE. Cet article fera divifé en deux fections: dans la première nous effayerons de diriger la marche des perfonnes qui veulent élever un enfant destiné à l'état militaire dans la feconde nous parlerons des Art. Milit. Suppl. Tome IV.

moyens que la nation doit employer pour se procurer des défenfeurs qui aient reçu une éducation analogue aux fonctions qu'ils doivent remplir la première fection fera intitulée de l'éducation militaire privée, & la feconde de l'éducation militaire publique.

Nous n'offrirons point tous les rameaux de ces deux branches de l'éducation militaire, il faudroit four en graver les détails un champ vafte, une main très-exercée, & un excellent ftyle. Raffembler quelques principes généraux, ne rien dire qui ne foit poflible, qui ne foit utile à exécuter, tel eft le but que nous voudrions atteindre. Qu'on daigne donc fe reffouvenir fans ceffe que nous n'écrivons point un traité général fur Péducation, & que nous nous propofons tout au plus d'inférer dans cet article les modifications & les exceptions aux lois génerales des éducations ordinaires.

§. I.

De Péducation militaire privée.

J'ai entendu par les mots éducation militaire privée l'éducation qu'un père peut donner ou faire donner, dans fa maifon, à ceux de fes enfans qu'il deftine à l'état militaire.

Mais je me trouve arrêté dès le premier pas dans la carrière qui s'ouvre devant moi : quoi, me dit-on, vous préférez donc l'éducation privée à l'éducation publique quoi, vous fuppofez qu'il peut y avoir un père affez téméraire, affez infenfe pour prédeftiner fon fils à l'état militaire, avant de favoir s'il aura du goût, des difpofitions pour la prfellion des armes !

Un jour viendra, fans doute, & ce jour n'eft peut-être pas loin, où nos légiflateurs après avoir rétabli la nation dans fes droits, remis nos finances dans l'ordre, s'occuperont enfin de compléter & d'affurer notre régénération, s'occuperont, dis-je, de la manière d'élever les enfans; alors, fans doute, il vaudra mieux les livrer à l'éducation publique qu'à l'éducation privée ; mais jusqu'au moment où ce grand œuvre fera opéré, tout homme fage & à qui fa fortune le permet, doit, ce me femble faire élever les fiens fous fes yeux & dans fa maifon obfervons d'ailleurs que dans toutes les fuppofitions, enfans ne peuvent être livrés à l'éducation publique que vers leur dixième année, & que cette première époque entre pour beaucoup dans le plan de cet article.

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Je fais & je l'ai fouvent dit; le plus grand des malheurs c'est d'avoir embrafé un etat pour lequel on n'eft point né; une profeflion pour laquelle on n'a ni un talent ni un gout décidés: j'ai dit & je répéterai fans ceffe, qu'un père qui contrarie les inclinations de fon fils dans le choix d'un 00

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ou alloit longuement à pied, pour s'accoutumier à avoir longue haleine, & fouffir longuement travail. Autrefois fériffoit d'une coignée, ou d'un mail grand pièce, & longuement, pour bien fe duire aux harnois, & endurcir fes bras & fes mains à longuement ferrir, & qu'il s'accouftumaft à légèrement lever fes bras. Pour les chofes exercer duifit tellement fon corps, que en fon temps n'a efté un nul autre gentilhomme de pareille appertife; car il faifoit foubretaut armé de toutes pièces, forts le bacinet, & en danfant le faitoit armé d'une cotte d'acier. Item, failloit fans mettre le pied à l'eftrier fur un courfier armé de toutes pièces. Item, à un grand homme, monté fur un grand cheval, failloit de terre à chevauchon fur fes épaules &

état, perd une grande partie de fes droits au nom facré de père, puifqu'il compromet le bonheur de fes enfans j'ai fenti en commençant cet article, toute la force de cette objection, mais elle ne m'a point étonné. Je n'ai point cru qu'il dût y avoir avant l'age de 16 ans une éducation différente pour les magiftrats, les administrateurs, les ecclefialiques & les militaires; fortifier le corps, préparer l'efprit à l'inftruction, & diriger le cœur, voilà le vrai but de la première education & il eft commun à celle de toutes les claffes de la fociété. Si l'éducation qui convient plus particulièrement aux militaires exige quelques modifications, elles font légères & ne peuvent produire aucun effet funefte chez un peuple qui a comme le françois un goût vif la guerre, pour qui, pour conferver fon heureufe conftitution, doit défirer que tous fes enfans foient aptes à la profeffion des armes, Il est d'ailleurs certain que tout enfant qui aura reçu une éducation dirigée vers l'état militaire acquerra les connoiffances néceffaires à un guerrier, contractera les goû s & l'humeur belliqueufe. Cette opinion n'eft point exagérée, je le prouverai dans le cours de cet article.

L'éducation militaire privée peut-être divifée en deux époques; la première commence avec celui qui doit la recevoir, & finit vers le moment où il approche de fa feizième année: ce fera de la première de ces divifions dont nous no.s occuperons dans cet article: le feconde, qui eft la véritable éducation, fera traitée dans les articles MENTOR, CAPITAINE, LIEUTENANT ECOLES MILITAIRES, EXAMEN, &c.

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De Péducation phyfique ou de l'art de procurer au corps le plus haut degré de force & de janté.

Les peuples de l'antiquité que nous citons fi fouvent, & que nous imitons fi peu, donnoient l'attention la plus grande à cette première partie de l'éduction des enfans: je ne retracerai point les lois de Licurgue, je ne ferai point le tableau des ufages de Rome, ces détails appartiennent au dictionnaire des antiquités; je dos convenir d'ailleurs que l'exemple des Grecs & des Romains ne feroient point d'une grande utilité à un père ; un Gymnafe un champ de Mars, des jeux publics, tous ces objets ne fe trouvent que dans nos livres.

Les François des premiers fiècles donnoient aufli des foins infinis à l'art de procurer aux enfans un grand degré de force & de fanté, c'étoit le principal & prefque l'unique but de leur éducation. Je ne rapporterai qu'un exemple à Pappu d: cette vérité, c'est l'éducation donnée au jeune Boucicaut, « dont maintenant, dit l'hiftorien cet homme célèbre, s'effayoit à faillir fur un courlier tout armé, puis autrefois couroit

en prenant ledit homme par la manche à une main, fans autre avantage. Item, en mettant une main fur l'arçon de la felle d'un grand courfier, & de l'autre empres les oreilles, le prenoit par les crins en picine terre, & failloit par entre fes bras de l'autre part du courfier. Item, fi deux parois de plaire fuffent de la hauteur d'une tour, à force de bras & de jambes, fans autre ailde, montoit au plus hault, fans cheoir au monter, ne au dévaler. Item, il montoit au revers d'une grande échelle dreffée contre un mur tout au plus hault, fans toucher des pieds, mais feulement fautant des deux mains enfemble d'efchellon en efcheilon, armé d'une cotte d'acier, & oftée la cotte, à une main fans plus montoit plufieurs efchellons. Et ces chofes font vries, & à maintes autres grandes appertifes fe duifit tellement fon corps, que à peine peuft-on trouver fon pareil; puis quand il eftoit au logis, s'effayoit avec les autres efcuyers à jerter la lance, ou à autres effais de guerre, ne jà ne ceffoit ».

Telles étoient, dans les temps reculés, les leçons que recevoient prefque tous les hommes qui fe deftinoient à la profeflion militaire: on donnoit alors beaucoup trop, fans doute, à cette partie de l'éducation; mais nous, nous lui donnons beaucoup trop feu. Entre les deux extrêmes il est un jufte milieu, & c'eft ce point que je vais effayer de trouver.

Si j'avois à élever ou mon fils ou celui de mon ami, & fi je deftinois cet enfant, qui me feroit cher, à devenir l'un des defenfeurs de fon pays, c'est à la campagne qu'il feroit allaité par fa mère, & qu'il pafferoit les douze premières années de fa vie : il n'eft point d'homme fait qui ne foit affez inftruit pour être jufqu'à cet age le directeur des études, l'inftituteur, le guide de fon fils. Jamais fes membres délicats ne fentiroient les dures étreintes du maillot, & jamais on ne le provoqueroit au fommeil, pas même par des chanfons. 11 paffcroit la journée prefque enière dans les champs; on le verroit raremen dans les bras de fa bonne, mais prefque toujour

folatrant librement fur le gazon, ou dans la maifon fur une natte épaiffe: on ne chercheroit cependant point à hâter le moment où la nature permet à l'homme de fe tenir debout & de marcher. Une tunique de toile, une chauffure d'un cuir doux, feroit fon vêtement de toutes les faifons. Chaque jour un bain pur recevroit fes membres delicats & leur donneroit une nouvelle force. Une paillaffe placée fur le parquet, & une couverture légère formeroient toujours fon lit, & jamais ce lit ne feroit entouré de rideaux. Des alimens fains abondans, mais communs & prelque tous froids, feroient fa nourriture. Il fortiroit pendant toutes les faifons, à toutes les heures du jour & de la nuit; ainfi il s'habitueroit à l'obfcurité aux ardeurs du foleil, & aux rigueurs du froid. Ses jeux fe prolongeroient qelquefois long temps après que le jour auroit ceffe, afin que la privation de la lumière ne reveillat point dans fon efprit des idées triftes. Dès que fes membres raffermis lui permettroient de former des pas affurés, j'effaierois de le rendre leger à la courfe; bientôt je l'exercerois à courir fr toute efpèce de terrain, à gravir contre des rochers efcarpés, à monter à des échelles prefque droites, à grimper leftement fur des arbres à franchir des foffés & des haies, & enfin à traverfer des canaux, des rivières à la nage. Il apprendroit en même temps à juger des hauteurs, des diftances, des dimenfions des corps, de l'éloignement d'une lumière qu'il apercevroit pendant la nuit, & de celui du foyer d'un fon qui frapperoit fon oreille; il fauroit marcher à petit bruit & retrouver fon chemin au aifment pendant la nuit que pendant le jour. Ce feroit l'effet des fréquentes pro nenades nocturnes qu'il feroit, foit dans les bois, foit dins de vaftes édifices, foit dans les temples, foit dans les lieux confacrés au filence de la mort. Il ne connoitroit point l'art de conduire un cheval, mais il fauroit s'élancer deffus fans fecours étranger, le guider fans bride, le monter fans felle, l'attaquer fans crainte; cet art, il l'auroit appris des jeunes pâtres dont il feroit le rival & l'ami. Vers fa dixième année

fauroit déja frapper un but éloigné à coups de pistolet & de fufil; bientô: la chaffe deviendroit la fource de fes plaifirs les plus ordinaires. Ifauroit conduire un chariot, peut être même maniere groffièrement la hache da charpentier, le marteau du maçon, le citeau du menuifier: ce ne feroit point la crainte d'un avenir incerthin qui m'auroit infpiré le défir de lui rendre ces arts familiers, mais le befoin d'affouplir, de fortiter fes membres; c'eft par les mêmes motifs qu'il s'adonneroit aux travaux de la campagne; il ennobliroit & fortifieroit fes bras en quidant la charrue, maniant le hoyau, la faux & la ferpette; ce feroit encore & pour l'exercer &pour empêcher la vanité de fe développer

dans fon cœur, que je l'habituetois à ne point recourir pour fon fervice perfonnel à des mains étrangères; il feroit pour lui-même tout ce qu'il pourroit faire. Des vêtemens aufli fimples que ceux qu'il portoit dans fon enfance, feroient ceux qu'il préféreroit parce qu'ils lui feroient les plus commodes; il auroit indifféremment la tête nue ou légèrement couverte. Je n'aurois point ordonné à fa nourrice, comme Licurgue l'avoit prefcrit aux femmes de Sparte, de ne point lui donner toute la nourriture dont il auroit befoin, & mê ne quelquefois de le faire jeûner, mais vers fa huitième année, je commencerois à ne plus rendre l'heure de fes repas toujours la même, & je parviendrois bientôt à lui faire fupporter la faim pendant quelques heures fans fe plaindre. Tous les liquides qui peuvent fervir à défaltérer lui paroitroient égaux pour la boiffon, & tous les alimens fains pour fa nourriture. Vers fa douzième année il pafferoit quelques mois de chaque année dans une ville pour y apprendre les principes de l'équitation, de l'efcrime, des exercices militaires & de la danfe, fes maîtres chercheroient moins dans ces premiers momens à lui faire acquérir de l'adreffe que de la force, de la grâce que de la foupleffe. Ce feroit au milieu de ces jeux & de ces plaifirs qu'il arriveroit enfin au moment où il iroit recevoir l'éducation militaire publique.

Comme nous nous fommes défendus les details, nous allons indiquer à nos lecteurs les ouvrages qu'ils peuvent confulter fur l'éducation phyfique. Voyez les effais de Michel Montagne; en annonçant que l'immortel citoyen de Genève a beaucoup puilé din ins cette fource, nous en faifons l'éloge. Voyez le Syflême de Locke fur l'éducation des enfans. Voyez Emile de J. J. Rouffeau. Voyez un ouvrage du baron Haller intitulé de l'Education; voyez celui d'Helvétius qui porte le même titre. Il est encore d'autres ouvrages qui renferment d'excellens préceptes far l'éducation phyfique; il en eft fur-tout dont les principes m'ont paru excellens; il eft intitulé de l'Art d'élever les enfans, avec épigraphe Experientia magifler artium. Nous ne pouvons trop recommander la lecture de ce livre aux perfonnes qui veulent donner à leurs enfans un corps fort & robufte; voyez enfin l'article EDUCATION dans le dictionnaire de l'économie politique.

cette

D: l'inflitution ou d Part d'éclairer l'esprit & de lui procurer le plus haut degré de jufteffe & de capacité qu'il peut obtenir.

Quoique nous n'ayons, pour ainsi dire, fait qu'effleurer l'éducation phyfique des enfans que l'on deftine à l'état militaire, nous toucherons.. plus légèrement encore à la premiere éducation

de l'efprit. Les pères & les inftituteers ont pour cette partie de l'éducation un nombre de guides bien plus grand que pour celle qui regarde le corps & le cœur de leurs élèves.

S'il n'étoit point démontré que l'homme qui dès fon enfance n'auroit point été habitué à étudier & à réfléchir, feroit peut être toujours incapable d'une grande application, je n'occuperois mon élève, jufqu'à fa douzième année, qu'à être libre & heureux; mais convaincu qu'il eft aufli néceffaire d'exercer l'efprit que le corps, je commencerai fon inftitution vers fa feptième annee, ou même un peu plutôt s'il en a un extrême défir, fi fon caractère & fa fanté me le permettent. Un enfant bien portant, d'un naturel gai, eft bien plus capable d'inftruction qu'un enfant valétudinaire, trifte ou férieux. Ma principale attention fera cependant, dans le cours entier de cette première époque, de préferver fon efprit de fauffes impretlions, & d'empêcher qu'il n'apprenne rien qu'il foit obligé d'oublier un jour.

Parmi les différentes connoiffances que les hommes peuvent acquérir, il en eft qui font néceffaires à tous, d'autres qui leur font utiles, d'autres qui ne leur font qu'agréables, & d'autres enfin qui ne font néceffaires qu'à un petit nombre d'entre eux. Bien diftinguer, bien claffer les différentes connoiffances humaines, c'eft un art difficile, & dont on ne s'eft point encore affez occupé. J'eflaierai de faire pour mon élève cette clarification importante & qui me fervira conftamment de régulateur. Trop embraffer, ou embraffer tout d'une ardeur égale, c'eft un moyen prefque certain de ne rien conferver. On trouvera dans l'article CAFITAINE quelques idées fur l'ordre & l'importance des connoiffances néceffaires à un citoyen que l'on deftine à l'état militaire.

:

Je ne fais quel moyen j'emploirai pour lui apprendre à lire; mais ce dont je fuis certain, c'eft que cette étude pénible fera pour lui une efpèce de jeu; ce que je puis affirmer encore, c'eft que les droits de l'homme feront le livre fur lequel il fixera fa première attention avec cet ouvrage je ferai concourir une collection de gravures choifies, elle préfentera l'image des guerriers célèbres & de tous les hommes qui fe font illuftrés par leur patriotifine ou des (crits utiles; il diftinguera tous ces bons citoyens par leurs traits ou plutôt par leurs vertus, il apprendra, s'il le veut, quelques anecdotes fur chacun d'eux; je les lui réciterai moi-même, je les aurai préparées de manière qu'elles atteignent le double but d'éclairer fon efprit & d'éduquer fon cœur.

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Il défirera d'apprendre à écrire en voyant tous les hommes faits tirer de grands avantages de l'écriture; mais il n'auroit de maître

en ce genre que lorfqu'il ne pourroit abfolument s'en paffer; jufqu'à ce moment il n'aura pour inftituteurs que des modèles qui lui offriront tous une même efpèce d'ecriture: en variant les modèles que l'on offre à l'imitation des enfans, on ne parvient qu'à leur faire acquérir une efpèce d'écriture fans proportion & fans grâces

Il apprendra à deffiner comme il aura appris à écrire. Imite fera le feul confeil, la feule leçon qu'il recevra. Ce ne fera point des deflins que j'offrirai à fon imitation, mais la nature ellemême. Je ne conçois point comment on n'a pas encore fenti qu'en obligeant les enfans à imiter des copies on double leur travail & on les dégoûte d'un art qu'ils aimeroient avec pallion, fi on leur offroit d'abord la nature pour modèle; je conçois moins encore comment on leur donne d'abord à imiter les parties de la figure humaine les plus difficiles à repréfenter; un vafe, une chaife, un arbre, feront les objets que j'offrirai d'abord à fon imitation, ainfi je me conformerai à la loi générale qui nous pretcrit d'aller du fimple au compofe, & du facile au difficile.

Comme je n'oublierai jamais que j'élève un militaire, & que les François auront toujours fans doute des affemblées nationales & adminif tratives, je m'occuperai de bonne heure à former la voix de mon pupille; cet organe eft fufceptible, comme tous les autres, d'acquérir, par un exercice continuel, un haut degré de perfection. Je l'habituerai auli de bonne heure à parler en public, mais fur-tout à ccouter. Ce dernier eft bien plus difficile & plus important qu'on ne l'a cru jufqu'à ce jour. Nos jeunes gers accoutumés à lire toujours eux-mêmes dans des livres, ayant la facilité de relire les endroits qui les ont le plus vivement frappés, de fuivre au moyen des titres ou des tables des matières la feric des idées & des preuves d'un écrivain, Ségarent avec une extrême facilité dès que ces fils leur manquent; ils font d'ailleurs aifes à féduire par un fophifme adroit, à étonner par les dehors impofans & par les grands mot dont fait ufage un orateur difert ils favent peut-être répondre, dans leur cabinet, à un raifonnement vicieux, repouffer une attaque mal formée; mais improvifer & furtout répliquer fans préparation eft un art inconnu à la plupart d'entre eux. Ma méthode pour parvenir à ces réfultats néceffaires fera de lire ou débiter devant lui un difcours peu confidérable, dont les divifions feront fenfibles, les vices de raifonnement frappans, & d'exiger qu'il en faffe tout de fuitele réfumé & la critique: bientôt l'opinion que je lui donnerai à combattre fera plus développée, la contexture en fora moins marquée, & les fophifmes plus adroits; je finirai entin par employer pour le feduire tout ce que l'éloquence aura de plus

:

impofant, & par exiger qu'il ne réponde que le lendemain à l'attaque que j'aurai dirigée contre lui. Quand il aura acquis une certaine habileté dans cette efpèce de lutte, je m'occuperai à lui faire acquérir l'art de prendre des

notes avec

une grande promptitude, je veux dire, à faire de lui un bon tachygraphe.

Les mathématiques feront comme on l'imagine bien, un des objets vers lefquels je tournerai mon attention: elles font le meilleur cours de logique; mais il ne recourra aux livres que lorsqu'il poffidera la pratique : il aura fouvent meluré to jardin, avant de jeter les yeux fur un traité de trigonométrie, il fe fera convaincu de même, par des obfervations ou par des expériences fouvent réitérées, de la vérité de la plupart des propofitions de géométrie avant de connoître Part d'en démontrer l'évidence; ainfi tandis que dans les éducations ordinaires, & fur-tout dans les éducations publiques, on néglige les chofes four les mots, lui il négligera les mots pour les chofes.

La même marche que j'aurai fuivie pour les fences mathématiques je la fuivrai encore Four l'étude de la nature; il connoitra toujours les faits avant les fyftêmes, les règles particulieres avant les maximes générales; je lui laifferai aufli le foin de trouver ces maximes & d'élever ou de choisir à fon gré, quand il aura fait ou répété un très-grand nombre d'obfervations, lefyfteme qui lui paroitra le plus probable.

La langue de fon pays fera la première qu'il apprendra il ne paffera aux langues étrangères eu mortes que lorfqu'il poffédera l'art de bien Ire la fienne, que lorfqu'il aura acquis une prononciation correcte, une orthographe exacte, une ciation pure & régulière; que lorfqu'il connoitra Peymologie des mots & la vraie acception des termes. En voulant faire apprendre en même temps plufieurs langues aux enfans, on les met dans l'imFollibilité d'en apprendre aucune. Dès qu'il poffédera fa langue maternelle par principes, paffera à une des langues vivantes, mais cette étude fera précédée de celle d'une grammaire generale, & de la connoiffance du vocabulaire de la langue qu'il voudra apprendre. Quant aux langues mortes, elles feront réfervées pour la feconde éducation.

il

La critique ou l'art de juger les hommes & les faits, fera encore un des grands objets de mon travail. C'est là ce qu'on néglige le plus dans nos éducations publiques & particulières, & c'eft là cependant la partie à laquelle on doit donner les foins les plus affidus, elle est l'origine de la jufteffe de l'efprit, de ce qu'on appelle ton Jens. C'eft cette jufteffe d'efprit qui fera de lui un ton adminiftrateur un bon militaire homme fage; c'eft elle qui lui apprendra à faifir Petat des queftions, le véritable point de vue

un

des affaires, à diftinguer le vrai d'avec le fpécieux, le vraisemblable d'avec le faux.

Comme il eft auffi malheureux qu'impolitique de facrifier le bonheur actuel à un bonheur incertain, j'effayerai toujours de répandre des fleurs fur la voie que je lui ferai tenir pour arriver à l'instruction : eh : comment peut-on efpérer de faire aimer aux hommes les fciences &les, arts quand on en fait haïr l'étude aux enfans on ne fait point affez que les préjugés, les dégoûts de l'enfance fe reproduifent dans la jeuneffe fous mille formes différentes, & qu'ils fe perpétuent même très-fouvent jufques dans un âge avancé. Pour éviter cet écueil funefte, je chercherai à exciter fa curiofité pour ce que je voudrai qu'il apprenne; je bannirai les études abftraites, sèches, ennuyeufes; je l'entretiendrai dans la gaîté naturelle à cet âge; je flatterai fon amour propre, & fur tout je lui ferai re. connoître, fans le lui dire, le rapport que les connoiffances que je veux lui donner ont nonfeulement avec ce qu'il fera un jour, mais même avec ce qu'il eft aujourd'hui, avec ce qu'il fera demain.

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Les ouvrages qu'il importe le plus de confulter fur l'éducation de l'efprit font, outre ceux que nous avons cités dans le paragraphe précédent, le Traité des études de Koliin, les œuvres de l'abbé de Condillac, & un ouvrage de M. de La Chalotais, ce procureur général du Parlement de Bretagne, aufli célèbre par fes talens & fes vertus que par fes malheurs, voyez auti les articles de ce Dictionnaire que avons cités à la fin du paragraphe précédent. De l'Education du cœur ou de l'Art de faire acquérir au caradère des Enfans le plus haut degré poffible d'élévation & de bonté.

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Comme je ne puis & ne dois point me borner à donner à la fociété un homme fort & favant " je m'occuperai à former pour elle un citoyen plein de courage & de vertu.

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Beaucoup de gens prétendent que l'on naît valeureux ou lâche, comme l'on naît peintre ou poète quant à moi je ne le crois point: fufféje dans l'erreur me l'eût-on démontré, je 'en publierois pas moins que la bravoure s'apprend. Cette obftination dans une erreur que j'aurois reconnue eft l'effet de la perfuafion intime où je fuis, que fi tous les hommes croyoient qu'il dépend de chacun d'eux d'être valeureux ou laches, on ne verroit parmi nous que des braves. Cette opinion fût-elle une erreur, ne produiroit que des avantages; l'opinion contraire fût-elle une vérité ne pourroit produire que des maux. Pour terminer cette difcution, je vais prouver que l'humeur belliqueufe fe donne, & que la bravoure s'acquiert.

La nature a imprimé d'une main forme dane

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