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Serment militaire. Le foldat romain qui avoit violé le ferment militaire n'étoit plus cense soldat i en perdoit tous les droits, ceux même qui étoient confervés aux foldats condamnés à mort pour d'autres crimes. Ils perdoient le droit de tefter.

Traîtres. Chez les Grecs les traîtres étoient

punis de mort leurs biens étoient confifqués & leur corps privé de fépulture fur les terres de la république. En Perfe; ils étoient aussi punis de mort. Chez les Germains, ils étoient pendus à des arbres. Sous Charles VII, on leur interdifit le fervice & l'ufage des armes. Sous François premier, les chefs étoient décapités, & les foldats enchaînés & condamnés aux ouvrages publics.

Transfuges. Chez les Grecs les transfuges étoient lapidés. A Rome, ils étoient punis de mort; quelquefois auffi on leur coupoit la main droite, on les vendoit comme efclaves, on les faifoit combattre dans l'arêne contre les bêtes féroces, on les faifoit fouler aux pieds par les éléphans. Sous le Bas-empire, ils étoient punis comme ceux qui avoient abandonné leur rang. Sous le règne de Charles VII, ils furent ou décapités ou pendus; les chefs étoient chaffés du fervice & déclarés indignes de porter les armes. Se vanter d'une adion qu'on n'a pas faire. Celui qui chez les Romains fe vantoit d'une action qu'il n'avoit pas faite, recevoit la baftonade & étoit noté d'infamie. En un mot, on le traitoit comme les voleurs.

Ville mal défendue. Chez les Grecs le coupable étoit puni de mort. Les Romains faifoient décimer la garnison qui s'étoit mollement défendue; ceux qui fous le Bas-Empire rendoient une ville qu'ils auroient Pu défendre étoient punis du dernier fupplice. Sous François

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dégrada de nobleffe & on punit de mort les gouverneurs qui avoient rendu lâchement

une

place. Depuis cette époque on les a tantôt exilés, tantôt enfermés dans des châteaux forts.

Viol. Un foldat de l'armée de l'empereur Aurélien ayant ufé de violence contre une femme, il le fit écarteler, en le faifant attacher à deux branches d'arbre courbées avec force porté depuis contre ce crime la peine de la corde.

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on

toute l'armée: & tout ce qu'on put obtenir de lui fut que les dix foldats rendroient au paysan chacun dix coqs & qu'aucun d'eux ne feroit rien cuire, & ne vivroit que de nourriture froide pendant toute la campagne. On faigna auffi quelquefois les voleurs à la tête du camp. Sous la première race de nos rois, on les obligea de payer une amende triple. Lors des croifades on coupoit les cheveux aux voleurs, on verfoit fur leur tête de la poix bouillante, on la couvroit de plumes & on les expofoit dans cet état fur le premier rivage. L'eftrapade fut enfuite la punition des voleurs; aujourd'hui c'eft la corde.

DÉMANTELER. Démanteler une place. C'est en démolir les fortifications. La guerre de Hollande apprit à Louis XIV qu'il faut démanteler les places qu'on prend dans le pays ennemi, fi l'on ne veut point ruiner fon armée ou la diminuer exceffivement par les garnifons qu'on eft obligé d'y laiffer, & qu'on perd enfuite au premier revers qu'on effuie.

Il faudroit en France démanteler toutes les places inutiles, & réparer avec foin le manteau de celles que l'on jugeroit néceffaires.

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DÉNONCIATEUR. (Celui qui dénonce.) Ce n'eft point à nous à montrer la difference qui existe entre le dénonciateur public & le dénonciateur fecret, qui n'eft qu'un délateur; entre celui qui nomme un coupable & celui qui avertit les adminiftrateurs d'un délit projeté. Ce n'eft point à nous à faire voir que dans un Etat régi par de bornes lois conftitutionnelles, tout citoyen doit dénoncer les hommes qui les ont violées, ou qui ont formé le projet de les violer; mais nous devons examiner fi l'on doit obliger les militaires à dénoncer leurs camarades coupables; fi l'on doit défirer qu'ils les dénoncent; quelles font les fautes qu'ils doivent dénoncer; fi l'on doit récompenfer les dénon& comment on doit les récompenfer.

Vol. Le vol étoit puni chez les Romains par la dégradation, peine plus forte. Tibère condamna à mort un foldat prétorien qui avoit volé un paon dans n verger. Niger ordonna de trancher la tête aux dix foldats d'une chambrée pour avoir mangé d'un coq volé par un d'entre eux, il ne le reAacha de cette rigueur que fur les prières de Art. Milit. Suppl. Tome IV.

ciateurs mais plus fouvent par une

; On eft frappé d'un grand étonnement, lorfqu'en parcourant les ordonnances militaires françoiles, on voit que les légifateurs ont ordonné au foldat de dénoncer ceux de fes camarades qui ont commis une faute; qu'ils le puniffent quand il ne les dénonce cint, & qu'ils lui

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donnent de l'argent ou fon congé militaire quand il les dénonce. Montrer au foldat le terme de fon engagement comme une récompenfe, n'eftce pas lui en faire regarder la durée comme une peine? Voyez RÉCOMPENSE & CONGE. Le récompenfer parce qu'il a trahi la confiance & l'amitié, n'eft-ce point l'avilir, n'eft ce point le priver des avantages précieux que la confiance & l'amitié lui procurent, voyez AMITIE? n'eft-ce point conduire les hommes comme Louis XI régnoit? punir le foldat parce qu'il n'a point dénoncé fon camarade, n'est-ce point mettre P'honneur en oppofition avec la crainte des châtimens? n'eft-ce point enlever en quelque forte aux peines toute leur force morale? s'il est vrai, comme je le penfe, qu'on ne peut guères répondre qu'affirmativement à toutes ces queftions, il en reiulte que nous devons faire difparoître de nos ordonnances militaires tous les articles qui tendent à transformer les foldats en dénonciateurs; que nous ne devons jamais mettre le congé militaire au rang des récompenfes; que Pargent ne doit point non plus être employé à cet objet; que nous devons défendre aux chefs de corps de faire ufage de ces punitions générales qui n'ont d'autre but que de créer des dénoncia

teurs.

Il eft cependant, j'en conviens, des fautes que les lois doivent preferire aux militaires de dénoncer, mais ces fantes ne font point du nombre de celles qui fe commettent journellement dans l'armée. C'est à une bonne police, c'est à la vigilance des chefs à découvrir le foldat qui a dérobé quelques fruits dans la campagne; celui qui dans un démélé particulier s'eft oublié jusqu'à frapper un citoyen; celui qui a violé des lois qu'il ne pouvoit ob ferver fans encourir le déshonneur; celui qui a troublé le fpectacle par des huées ou des fiflets COMÉDIE. Mais c'eft à tous les voyez citoyens à dénoncer fans en être requis tous les hommes qui ont formé le projet d'attenter même de la manière la moins grave aux lois conftitutionnelles de l'Etat ; ceux qui font en connivence avec Pennemi, & tous ceux qui ont formé des projets funeftes à la gloire & au bonheur de l'Empire; voilà des dénonciations que la loi doit ordonner, que l'opinion doit prefcrire. Si l'on me demandoit une réponse plus générale encore, je dirois qu'il eft toujours permis de dénoncer une action qui n'eft que préméditée, & qui ne l'eft que bien-rarement de dénoncer l'homme coupable d'une faute confominée.

Il eft encore une queftion importante à réfoudre. Un militaire interrogé par fon chef, doit-il lui faire connoître les coupables d'un délit quelconque ? Je répondrai oui. La formule imaginée pour arracher la vérité devroit

être bannie de toute fociété, & principalement de toutes les corporations dont les membres femblent s'être plus particulièrement impofe la loi de ne mentir jamais fans encourir un déshonneur public.

DÉPÉCHES. Voyez dans le dictionnaire l'ar

ticle LETTRES.

Les

DÉPORTATION, Punition militaire. Romains faifoient ufage de la déportation contre plufieurs délits commis par leurs guerriers. Cette punition étoit un banniffement hors de l'enceinte de l'Italie; elle differoit de la délégation en ce que le lieu de l'exil n'étoit point déterminé.

Nous devrions, ce me fenible, introduire la déportation & fur-tout la relégation dans notre code militaire penal. J'aimerois bien mieux qu'on rélégât un foldat aux Antilles, ou dans les landes de Bordeaux que de le conferver dans l'armée, lorfqu'il a commis quelque faute qui annonce en lui un défaut de courage, de probité ou de délicatoffe.

Parmi les punitions auxquelles la déportation devroit être fubftituée, je compte celle qu'on fait fubir à un grenadier qu'on réduit au rang de fufilier; je compte auli la caffation des fergens & celle des caporaux. Je con viens que cette punition enorgueillit les gre nadiers, mais n'avilit-elle point les fufiliers. Le fergent caffe eft véritablement un exemple vivant des fuites de l'inconduite; mais ne tendelle point à affoiblir le refpec que le foldat devroit avoir pour les bas officiers. Je n'infifterai point fur cette dernière raifon, mais j'infifterai fur la première. Que doit dire en effet un foldat honnête homme qui peut fe trouver placé entre un grenadier renvoyé & un caporal caffé? Quelle idée doit-il concevoir du pofte qu'il occupe, & du nom qu'il porte. On n'a point jufqu'à ce jour affez vivement fenti combien il eft intéreffant d'élever l'ame du foldat, de lui infpirer du refpe& pour lui-même & pour la profeffion qu'il a embraffée. En déportant ou en rélégant le grenadier ou le bas-officier qui auroit été caffe, en déportant ou en rélégant de même le fufilier qui fe feroit montré indigne du nom de foldat, on feroit naître dans l'armée un elprit qui lui manque, & on délivreroit la France de quelques hommes qui ne peuvent que devenir funeftes à la tranquillité à la sûreté publique. Voyez BANNISSEMENT.

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DERRIÈRES. Les derrières d'un pofte, d'une armée font la partie oppofée au front, & on le fait, le front eft la partie qui eft en face

de l'ennemi.

Les écrivains militaires, appuyés fur les fait que l'hiftoire prefente, conviennent unanime

ment, qu'il n'y a de bon pofte, ni de bon champ de bataille que celui dont les flancs & les derrières font couverts & dont les communications ne peuvent être coupées; or les communications peuvent être coupées, & les derrieres font découverts toutes les fois qu'on a for tes flancs ou fes derrières une ville forte ou un corps confidérable ennemi, donc celui qui s'avance en laiffant derrière lui une ville au un corps de troupes eft un imprudent prefque toujours puni par une défaite. L'écolier de Sylla, difoit Sertorius en parlant de Pompée, devroit apprendre qu'il eft effentiel à un général de regarder plutôt derrière que devant.

Les écrivains militaires convaincus de cette é confeillent aux généraux d'attaquer pendin un combat toutes les fois qu'ils le peuvent l'ennemi par fes derrières. Les batailles de Zama, d'Adis, de Naiffus, de Cocherel, d'Azincourt, d'Aurai, de Tongres, de Marig & beaucoup d'autres plus récentes, font les faits fur lefquels ils appuyent cette maxime; is ajoutent encore avec raifon, c'eft lorfque la male eft bien engagée que les corps détachés doivent fe montrer. Ils difent enfin, c'eft la cavalerie qui eft la plus propre à ce genre de

combat.

DESARMER. Ce terme n'eft plus guère afité en Europe pour les armées de terre. Les puiffances ceffent de faire la guerre, mais pour cela elles ne défarment point, elles ne congédient point la plus petite portion de leurs armées. Ce lyftême d'avoir toujours des armées énormes fur pied eft infiniment nuifible à la population, aux arts, aux métiers & fur-tout à l'agriculture, le premier, le plus utile des arts; il a cependant cet avantage qu'il met les princes dans Timpoffibilité de faire de longues guerres, & c'est là un grand bien. Comme il feroit cependant, malgré cet avantage, heureux pour les peuples qu'il plût aux fouverains de défarmer pendant la paix, nous devons examiner quelle eft la voie qu'une puiffance fage doit fuivre. pour défarmer & cependant paroître toujours ar mée; la folution de ce problême important eft préparée dans les articles AUGMENTATION, CONGE INDETERMINE, & REFORME. Voyez ces

mots.

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finon four

& qu'il feroit affez d'impreffion tout changer d'après fes idées, au moins pour ne pas faire encore pire qu'auparavant en fe foumettant à des innovations auffi fréquentes fur un objet qui tient à la vie ou à l'honneur d'un affez grand nombre de citoyens.

Cependant comment s'étonner d'une pareille inconfequence quand on fait que la dernière ordonnance fur les déferteurs du premier juillet 1786 n'a été faite, ainfi que tant d'autres, que par un des commis des bureaux de la guerre, fans doute très-honnête homme, mais plus certainement encore très - ignorant fur tout ce qui regarde les différentes parties militaires qui doivent entrer en confidération, lorfqu'il s'agit de prononcer une loi criminelle.

Mais qu'importe, hélas, à tous ces faifeurs de lois; d'ailleurs écoutez-les vanter leur ouvrage,.. ce n'eft qu'un cri, lois admirables, chef-d'œuvre de fageffe..... Pour vous, meffieurs, à merveille; mais pour les foldats! tout le monde convient que fur vingt foldats qui périffent ou manquent à l'armée, dans huit annees à peine en trouvezvous un que l'ennemi ait tué; accordons-en quatre pour le droit univerfel de la nature fur les pauvres mortels; .... c'eft beaucoup pour des jeunes gens robuftes ou qui doivent être : refte donc fur vingt foldats quinze de tués ou civilement ou phyfiquement. Et par qui, & pour quoi fi ce n'eft ni par l'ennemi, ni par la nature, à vous meilleurs les intéreffés aux lois militaires; ils font tous tués par vos lois, ou, ce qui revient au même, par les agens de ces

lois,

De grâce foyez vrais, & ne vous fauvez pas en criant à l'exagération. C'eft une retraite qui élude toutes les victoires de la vérité..... Pour vous le prouver, permettez-moi de la fouiller en paflant.

Et d'abord quel eft le début de votre dernière ordonnance criminelle.

Sa majefté a jugé qu'il étoit de fa fageffe & de fa bonté d'abroger les ordonnances qui avoient été précédemment rendues, & d'établir contre les déjerteurs un nouvel ordre de peines ».

Sans doute que la fageffe de fa majesté n'a été décidée à un pareil changement qu'après les plus mûres réflexions; mais avez-vous oublié que ce même roi que vous faites juger ainfi d'après fa fageffe, en 1786, avoit déja tenu le même langage, lorfqu'en décembre 1775 on lui faifoit auffi abroger les ordonnances antérieures relativement aux déferteurs. --- Encore en 1775 le militaire, & le roi lui-même, pouvoit donner fon approbation à la nouvelle loi avec bien plus de confiance; elle étoit propofée par un miniftre, excellent officier & avec des intentions droites, entouré d'ailleurs de plufieurs bons militaires

pour l'aider dans fes travaux. Mais en 1786. comment avez-vous pu vous faire entendre à la fageffe de fa majesté comment avez - vous pu exciter fa bonté !... non, non, le roi n'a point été inftruit, & il n'a figné une pareille loi que fur des expofés informes ou imparfaits.... D'après cette vérité accablante, n'ofant ni tout accorder, ni tout nier, vous allez prendre votre milieu ordinaire; vous allez crier de toutes vos forces cela eft exagéré; mais mefurons exactement ma propofition pour en féparer ce qu'il pourroit y avoir de faux, au lieu de la rejeter tout entière avec dédain.... Pour cela revenons, & je vous demande fi c'est une exagération de foutenir qu'un roi qui eft bon & fenfible n'auroit jamais pu fe décider, s'il avoit été bien inftruit à établir un nouvel ordre de peines contre des citoyens, dont prefque aucun ne peut être véritablement coupable d'après la manière dont ils ont contracté leurs engagemens, les lois continuellement changées auxquelles on les foumet fans. leur confentement, & fur-tout l'interprétation trop arbitraire que chaque chef donne à la loi, qu'il aime bien mieux changer à fon gré que fuivre à la lettre. Eft-ce une exagération de dire comme une vérité générale, que le roi n'a pas connu une ordonnance, où en fupprimant la peine de la chaîne on la remplace par les galères pour toujours ou pour un temps, avec le fouet & la marque.... ou par les baguettes, prolongation de fervice en ajoutant à cette punition qu'elle ne fera point fletriffante, & que ceux qui l'auront fubie feront confervés au fervice.

avec

Comment un commis des bureaux de Versailles fe croira affez puiffant pour détruire les préjugés d'un trait de plume! il écrisa, il fera imprimer it ordonnera que l'opinion publique change fon gré, & il croira que ce miracle s'opérera; & on fera figner au roi de pareilles abfurdités & on voudra faire croire auffi qu'il les a connues! Non, non, cela eft auffi impoffible qu'il le fera à l'opinion de ne pas regarder comme infamante la peine des baguettes.

A cela vous répondrez peut-être, n'accufez donc pas la loi, mais l'opinion publique qui a

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tort. A quoi je vous dirai d'abord, eh que m'importe à moi, quand je fouffre que les lois me tourmentent ou me laiffent tourmenter les lois font tout le mal qu'elles n'empêchent pas... Je vous dirai enfuite, eft-ce la loi ou vous qui avez dit, la peine des courroies ou bretelles étant infamante ceux qui l'auront fubie feront chaffés; quoi, vous confultez l'opinion publique pour les courroies ou bretelles de fufils, & vous ne la confultez pas pour les baguettes. ... Vous voyez donc bien que tandis que l'ennemi feul devroit tuer vos foldats, ce font les abus quiles font mourir. Car ne vous y trompez pas vouloir garder un foldat qui a fubi la peine des baguettes d'après ce que vous avez décidé que cette peine n'étoit pas flétriffante, c'eft l'expofer, quoique vous ayez imprimé, au mépris de fes camarades, ce qui doit le forcer à une feconde défertion ou au déshonneur (car le mépris en est un) & c'eft ou garder un mauvais foldat ou en perdre un qui probablement étoit très-bon avant fa faute..." D'un autre côté chaffer un foldat qui a fubi la peine des courroies, c'eft, fi elle a été infligée avec juftice jeter dans la fociété un mauvais fujet, & le mener bien vîte à la mort fi la police eft exacte, & fi la peine a été ordonnée injuftement, c'est déshonorer un citoyen & le forcer probablement à être coupable & puni.

A l'égard de la peine infligée à tout foldat qui paffe par les baguettes de fervir encore un certain nombre d'années fuivant les différens cas énoncés dans l'ordonnance, difons avec M. de Mirabeau (tom. 4, 2e partie de la Monarchie Pruffienne, liv. 7, pag. 76), «< que fi vous avez un grand nombre de mauvais fujets dans votre armée, ils gâteront les autres: auffi devroit-on établir dans toutes les troupes que l'on veut avoir bonnes, le principe immuable de ne jamais prendre un déferteur: bien moins encore d'en prendre un de fes troupes qui revient (a). Ils ne fervent qu'à inspirer à leurs camarades l'efprit de défertion; ils font mutins, raifonneurs indifciplinables, & ces qualités répandues dans vos régimens, peuvent influer fur votre armée, même au moment du combat, parce qu'enfin ce n'eft que le préjugé

(a) C'étoit une loi chez les Romains (au moins le jurifconfulte Arrius Ménander l'affure) un foldat chaffé avec infamie ne devoit jamais être reçu de nouveau.... Une coutume qui leur étoit abfolument inconnue & qui ne l'a point été en Allemagne, c'est la reftitution de l'honneur perdu par l'attouchement des drapeaux. Wada, profeßeur en droit à Konis berg, a écrit une Differtation fur ce fujet. Je trouve dans un morceau intitulé Recherches fur les honneurs que les Romains rendoient à leurs drapeaux ( Mémoires de la Société des Antiquités de Caffel,) une anecdote fingulière à ce fujet qui indique les procédés qu'on y obfervoit. Un pipeur du régiment Hellois de Wolchwr, qui avoit été déclaré infàme, de"manda la reftitution de íon honneur: il étoit brave homme & s'etoit fort diftingué dans quelques combats. On lui accorda "fa demande. Tout le régiment fut affemble; le coupab.e te mit à genoux a vingt pas des drapeaux: comme l'Auditeur lui avoit fait un figne de s'approcher, il s'avança jufqu'aux drapeaux. Là, les portes-enfeignes demandèrent: qui eft la "Le coupable tépondit: un coquin. Que demande-t-il, interrogea-t-on de nouveau? Son honneur perdu, réponcit le cou"pable. Nous te le rendons au nom de fon Altelje notre très-gracieux prince, répondirent les portes-enfeignes: ils touchè rent fon corps des orapeaux. Apres ces demandes & ces reponfes l'Auditeur lut une ordonnance, laquelle défendoit évé nement de faire des reproches au réhabilité, ou d'infultes en aucune manière le nouveau ¡rade qui reçut par la main

# de fon colonel fes armes & fon habillement & fe joignit à la compagnie

qui fait qu'une poignée d'officiers contient & (range à l'obéiffance votre armée; or en courant le monde, on fe défait des préjugés, & l'on apprend à connoître les chofes fuivant leurs forces & leurs propriétés réelles. Mais quand de pareils hommes ne feroient pas fort à craindre pour le moment du combat, ils le font infiniment pour tous ceux qui le précèdent. Ce font eux qui défertent & vont inftruire l'ennemi de vos mouvemens. Vous ne prenez peut-être pas un déferteur, un vagabond, qui ne vous coûtent deux hommes. Si vos gens fe trouvent un moment dans le malêtre, un de ces coureurs n'a qu'à dire : Ah! que che l'ennemi on eft mieux à cet égard! & vingt foldats vont s'y rendre le même jour: tant il eft dins la nature de l'homme de ne voir que les degremens de fa fituation préfente, & les agrémens de fa fituation paffée ».

« Les Pruffiens, non contèns de prendre des deferteurs, des vagabonds, n'ont fait aucune dificulté d'enrôler des malfaiteurs. Feu le Landgrave de Heffe répugnoit à punir de mort & condamnoit la plupart des criminels aux fers & aux travaux publics. De temps à autre il envoyoit quelques douzaines de ces malheureux à fon régiment à Wefel, (n°. 45), où ils étoient reçus avec plaifir. On n'eft pas plus délicat dans les autres corps. Cet ordre de chofes peut être tolérable dans les garnifons où la difcipline & des arrangemens ftables favent contenir de tels fujets. Mais quand les troupes fortent pour aller en campagne, l'effet pernicieux d'une pareille conftitution fe montre dans toute fa force. On ne peut compter fur rien avec une telle espèce d'hommes, & l'on emploie plus d'art, plus de foin, plus de fatigues pour les retenir, pour conferver parmi eux l'ordre & la difcipline, qu'il n'en faut pour fe garantir des entreprifes de

l'ennemi ».

L'auteur du mot Déferteur dans la partie militaire de ce dictionnaire, s'eft donc auffi trompé lorfqu'il a propofé de faire rentrer au service les foldats qui auroient déferté... A la bonne heure

leur

que l'on prolonge le fervice de ceux qui après avoir quitté les drapeaux les rejoindroient d'euxmêmes après un certain efpace de temps fixé. Mais jamais ne faites fervir plus long-temps ni de nouveau un foldat qui aura déserté, & que l'on aura arrêté comme tel. Détruifez d'abord toutes les caufes qui néceffitent pour ainfi dire la défertion, & fi vous avez encore le malheur d'être obligé de punir des déferteurs, imaginez des punitions qui en rendant le coupable utile à fa patrie, lui donnent les moyens d'expier fa faute par fes travaux & lui permettent de rentrer dans la fociété fans en être regardé comme infâme; mais pour ne pas être trompé dans vos vues, gardez-vous fur-tout de jamais confondre l'homme dont la punition devra être momentanée, avec celui que vous voudrez punir pendant toute fa vie; ce feroit l'avilir à fes yeux & à ceux de fes compatriotes. L'opinion publique le confondroit bientôt comme vous l'avez fait vous-même, & il ne pourroit plus redevenir citoyen. Ayez des galères perpétuelles pour les derniers, vendés - les comme efclaves pour vos colonies, &c; mais ayez pour les premiers de fimples travaux où ils foient plutôt furveillés qu'enchaînés, & où ils puiffent fe foumettre fans honte à mériter par leur affiduité & leur réfignation que leurs concitoyens oublient leur faute & les voient avec plaifir finir le temps de leur peine pour revenir parmi eux ( a ).

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Mais, me diront encore les faifeurs de loi : Vous qui parlez, êtes-vous du métier ? Non non, & mille fois non, je ne fuis pas de votre métier; mais je fuis foldat, & j'ofe dire la vérité; fi j'étois commis ou officier général, je ne voudrois pas la dire. Mais quand le commis ou l'officier général d'une loi m'enchaîne ou m'affaffine, je n'aurai donc rien à demander, rien même à dire à la loi? En ce cas c'eft une chofe bien étonnante qu'une loi militaire, & c'est une bien petite chofe qu'un homme qui fait la fottifè d'être foldat.

Enfin, il y a encore une des plus irréplicables des

(4) Je me bornerai à vous inftruire d'un ufage qui s'obferve à Salonique en temps de guerre par rapport à la milice .... A men arrivée dans cette ville je trouvai quantité de compagnies de volontaires Turcs prêtes a marcher fous leuts Baraiks refpectifs, ( ces compagnies font compofées de deux ou trois cents hommes qui s'obligent a fervir fous un chef dont ils reçoivent de l'argent, des armes ou des habits à titre d'engagement.) Quelques-uns de ces Baraiks devant partir pour la Bofnie, deux ou trois de leurs foldats qui réfléchirent fur les trifles effets de la guerre & qui perdirent ainti courage primitif, jugerent à propos de déferter pour retourner à leurs maifons & refter dans la vie..... Suivant la cifcipline Européenne on les auroit regardés comme déferteurs & condamnés à fubir la peine attachée à ce crime. Il n'en eft pas de même en Turquie: quand le cas arrive les chefs emploient divers moyens pour les rappeler, & les parens ou les amis du timide foldat s'efforcent de lui ouvrir les yeux fur le déshonneur qu'il fe caufe par une telle lâcheté; mais enfin lorfque la poltronnerie l'emporte fur l'honneur & que le lâche perfifte à refufer, les volontaires de fa compagnie satiemblert pour manifefter leur indignité, & voici comment ils s'y prennent. Ils font une efpèce de proceffion, ayant à leur tête des joueurs d'inftrumens & un homme qui porte une quenouille, après avoir ainfi marché dans les rues les plus frequentées, ils vont attacher la quencuille à la porte de la maiton du lâche, pour a noncer qu'il n'eft propre qu'a s6cuper comme une femme, au lieu d'exercer les fonctions militaires, puis ils le déclarent indigne de ja nais fervir dans leur Compagnie. Cet ufage a une origine fort ancienne :..... Xercès indigné contre le chef de fon elcadre qui avoit man é de courage à la bataille de Salamine, lui envoya une quenouille pour le punir en l'humiliant.... Novelle listeraure di Firenze,

Lettre de l'Abbé FESTINI, de Salonique, 2 Mai 1788.

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