Imágenes de página
PDF
ePub

la manière de conduire les hommes. Ils cherchoient prefque toujours à parler aux yeux. Ils n'avoient point oublié encore à force de métaphyfique ce précepte de la nature qu'Horace a rendu en vers fi énergiques Segnius irritant &c. Avant de parler de la dégradation moderne qui eft infiniment petite & mefquine, retraçons celle dont nos pères faifoient ufage, elle peut être utile à quelque homme de génie, en lui infpirant des idees heureufes. Les détails que nous allons donner font tirés d'un ouvrage moderne dont les éditeurs ont acquis des droits à la reconnoiffance publique par les obfervations intéreffantes qu'ils ont jointes aux mémoires qu'ils font imprimer de nouveau. Frauget ou Franget, gouverneur de Fontarabie avoit mal défendu cette place, il fut condamné à perdre la tête fur un échafaud, mais à être auparavant dégradé. Le cérémonial feul de cette dégradation dut être pour lui cent fois plus cruel que la mort. D'abord on affembla plufieurs chevaliers devant qui il comparut. En leur préfence un héraut d'armes, après avoir détaillé le fait, l'accufa hautement de lâcheté. Les juges le condamnèrent à être dégradé de nobleffe, & déclaré roturier. Pour l'exécution de cet arrêt, on dreffa deux échafauds. Sur l'un étoient placés les chevaliers & écuyers, affiftés de hérauts avec leur cottes d'armes. Sur l'autre on voyoit le malheureux Franget armé de toutes pièces. Son écu blazonné de fes armes mis fur un pal devant lui, étoit renverfé la pointe en haut, aux côté de Franget douze prêtres chantoient l'office des morts. A la fin de chaque pfeaume, ces prêtres faifoient une paufe, durant laquelle les hérauts dépouilloient le patient de quelques-unes de fes armes. A mefure qu'on lui ôtoit une portion de fon armure, les hérauts crioient à haute voix ceci eft la cotte d'armes du traître &

déloyal Franget, .. & ainfi de fuite. A coups

une

de marteau ils brisèrent fon écu en trois morceaux. L'office étant fini, les rois d'armes publièrent de nouveau fa fentence, les prêtres chantèrent fur fa tête le pfeaume Deus laudem meam ne tacueris on fait quelles malédi@ions & imprécations ce pleaume contient. Enfuite on le defcendit de l'échafaud, lié avec corde fous les aiffelles. On le transporta à l'églite fur une civière, couvert d'un poêle & du drap 'mortuaire. Ses juges l'accompagnoient, vétus de robes & de chaperons de deuil. Là, Franget fut déclaré roturier, ignoble, & incapable lui & fa poftérité, de porter les armes, fous peine d'être fuftigé de verges, comme vilain & infame; en confidération de fa vielleffe, on lui fit grace de la vie. Cette faveur étoit fans doute le dernier outrage qu'on lui réfervoit.

De nos jours la dégradation pour l'officier eft

[ocr errors]

peu ou point ufitée mais on en fait ufage pour le foldat que la loi condamne à paffer par les mains de l'exécutcur de la haute juftice. Dès qu'un des fergens de la compagnie du foldat coupable a reçu ordre du major de le dégrader, on le conduit défarmé en face de la compagnie dont il etoit membre; on lui met fa giberne & on lui donne un fufil. Dès qu'il eft armé, on lui enlève fon fufil en le prenant par derrière & par le milieu du canon; on lui ôte enfuite la giberne en la faifant paffer fous fes pieds: puis on le livre à l'exécuteur. Pour donner plus d'apparat à la dégradation du foldat, je voudrois que fes camarades lui enlevaffent fa cocarde & fon habit militaire, & qu'ils le déchiraffent fous fes yeux; ou au moins qu'ils lui enlevaffent les boutons, les paremens & toutes les autres diftin&tions; ne pourroit-on pas peut-être auffi renouveler la cérémonié ufitée chez les Romains & chez nos antiques preux, de faire couper la robe au coupable, ce qui fe réduiroit à enlever les bafques de l'habit.

Il me femble qu'il feroit aujourd'hui poffible & utile d'inftituer une dégradation civique; ce qui n'eût été qu'une cérémonie puérile fous l'ancien gouvernement, deviendroit, je pente, une cérémonie impofante fous le nouveau.

DÉGUISEMENT. (Supp.) Pourquoi les peuples de l'antiquité faifoient-ils plus fréquemment ufage que nous des déguifemens pour furprendre les places? eft-ce l'invention de la poudre qui a produit ce changement? eft-ce la manière dont nous fortifions nos villes, ou la police que nous y avons établie ? cette dernière caufe eft fans doute la feule ou du moins la plus réelle. Mais ne feroit-il point encore poffible de faire ufage des furprifes par déguifement? oui fans doute cela eft poffible & l'hiftoire moderne en offre des preuves. Il eft done utile, il eft donc néceffaire de faire connoître aux militaires les déguifemens les plus favorables, & la conduite qu'ils doivent tenir pour en rendre le fuccès affuré. Ces détails feront confignés dans notre article furprife, il en fera de même des précautions à prendre pour fe mettre à l'abri des entreprifes de cette nature. Voyez SURPRISE par déguilement.

DÉLITS MILITAIRES. Un tableau fidèle & complet des actions que les différens peuples connus ont mis au rang des délits militaires, & des peines qu'ils ont infligées à chacune de ces actions, feroit intéreffant pour le légiflateur, pour le philofophe & pour l'homme défireux de s'inftruire. Ce tableau, j'aurois voulu le, placer dans cet ouvrage, mais je n'ai ni le temps, ni les talens, ni les matériaux qu'il faudroit pour le bien compofer. L'informa

efquiffe que j'en offre prouvera ma volonté, & déterminera peut-être quelque militaire favant à le finir. Ce travail eft pénible pour le cœur, i eft ingrat pour la renommée, mais il peut tre utile, ce mot répond à tout.

J'ai fuivi l'ordre alphabétique comme le plus commode pour le lecteur, je n'ai point tranfcrit la table des délits militaires françois, elle eft incomplette, & va bientôt être changée. Ce fera là encore un des bienfaits de l'Affemblée Nationale. Notre code militaire pénal étoit plus informe & plus barbare que notre code criminel civil.

Abandonner fon rang dans le combat. Ce crime étoit puni en Egypte par la dégradation; en Perfe par la mort; à Athènes par la note d'infamie, par l'exclufion de l'afperfion luftrale, par la privation d'obtenir des couronnes & d'affifter aux facrifices publics; à Lacédémone, & chez d'autres peuples de la Grèce, le coupable étoit obligé de fe tenir debout en public; à Syracufe comme à Athènes; fous la République Romaine, par le fuftuarium ou la mort; fous le bas empire, par le dernier fupplice, les biens du coupable étoient faifis & livrés à la troupe dont il faifoit partie; fous François Ier, par la mort; fous Henri II, le coupable étoit paffé par les piques; fous Henri III, par les armes, fous Louis XIV, il étoit puni de mort: Gufave-Adolphe avoit infligé la même peine.

Abandonner l'armée fans congé. Voyez plus bas DESERTION.

Abandonner fes armes offenfives ou défenfives. Les feuls Spartiates ont puni l'abandon des armes défenfives plus févèrement que celui des offenfives; parmi eux le guerrier coupable de ce crime étoit noté d'infamie, déclaré incapable d'exercer les emplois publics, d'acheter & de vendre; chez les Athéniens celui qui avoit abandonné fes armes étoit puni comme celui qui avoit abandonné fon rang dans le combat; Il en étoit de même à Syracufe; les Romains en usèrent toujours de même; les Germains puniffoient ce crime par l'infamie; celui qui s'en étoit rendu coupable étoit banni des facrifices & des affemblées publiques. Sous Charlemagne & la fuite de nos rois jufqu'à Henri II, il fut puni par la diffamation. Je n'ai pu fuivre ce crime jufqu'à nos jours.

Abandonner une brèche. Celui qui, fous François Ier, étoit convaincu d'avoir abandonné une brèche, étoit puni de mort.

ont

Abandonner fon chef. Prefque tous les peuples puni l'abandon du chef comme celui du rang, du pofte ou du drapeau. Les lois de François Ier font encore plus févères : il veut que celui qui ne fecourt point fon chef soit puni de mort.

Abandonner fon drapeau. Les Thuriens qui abandonnoient leurs drapeaux étoient traînés trois fois par jour dans la place publique revétus d'habits de femmes; les Romains faifoient décimer les troupes qui avoient abandonné leurs drapeaux, ceux fur qui le fort tomboient étoient battus de verges & frappés de la hache; ceux qui échappoient à la décimation campoient féparément & étoient nourris avec de l'orge au lieu de l'être avec du blé. François Ier porta contre ce crime la peine de mort; Henri II voulut que les coupables fuffent dévalifés, dégradés & bannis des bandes; Henri III, qu'ils fuffent dégradés des armes, déclarés ignobles, affajettis à la taille; Louis XIV & Louis XV ont laiffé fubfifter ces ordonnances; mais ils ont laiffé au confeil de guerre le foin de juger fi le coupable mérite la mort.

Perdre fon drapeau. Chez les Romains celui qui avoit furvécu à la perte de l'enfeigne militaire, avoit la tête tranchée.

Abandonner fon pofle pour une troupe. Ce crime étoit puni chez les Romains comme l'abandon du drapeau; quelquefois on fe contentoit de décimer le corps, de réduire ceux à qui le fort avoit été favorable à vivre avec de l'orge au lieu de froment, & à camper hors des retranchemens; ceux à qui le fort avoit été contraire mouroient fous le bâton.

Abandonner fon pofle pour un individu. Chez les peuples de l'antiquité ce crime étoit puni comme l'abandon du rang ou du drapeau : fous François Ier, le coupable étoit puni de mort; fous Henri II, paffé par les piques; fous Henri III, par les armes; fous Louis XIV, & Louis XV puni de mort. En Pruffe, l'officier général qui abandonne dans le camp le pofte qu'on lui a fixé eft condamné à payer 2000 1., à la caiffe des invalides, & l'officier particulier qui le quitte même pour un demi-quart d'heure eft mis en prifon dans une place de guerre pendant un an, & fa paye eft remife à la caiffe des invalides.

Abandonner la troupe que l'on commande. Ce crime étoit puni chez les Romains par les verges & par la hache.

Ne point fe trouver à une alarme. Celui qui ne fe trouvoit point à une alarme étoit, fous François 1, puni de mort.

Perdre fes armes. Celui qui, chez les Romains, perdoit fes armes même par un accident impoffible à prévoir étoit dégradé. Guftave-Adolphe adopta cette loi. A Rome le chef dont la troupe étoit mal armée étoit condamné à avoir en préfence de l'armée fa robe coupée par le liteur.

Vendre fes armes. Celui qui vendoit à Rome une partie de fes armes etoit battu de verges; & celui qui les vendoit toutes étoit puni de

[ocr errors]

mort; chez les Grecs il étoit même défendu de les mettre en gage. Guftave-Adolphe transporta encore cette loi en Suède. Les Romains puniffoient de même les foldats qui changeoient d'armes.

Armes brifées. Le foldat Romain dont les armes avoient été brifées dans le combat étoit obligé de demander grâce à fon général.

Voler des armes. Le foldat Romain qui voloit des armes étoit puni par la baftonnade, & on fait que la mort étoit la fuite la plus ordinaire & même la plus douce de cette punition. Aujourd'hui le foldat qui vole des armes eft pendu.

Blafphemer. Sous François Ier on faifoit chevaucher le canon au blafphémateur & on lui perçoit la langue, la dernière partie de cette punition eft la feule portée par nos ordon

nances.

Détourner une partie du butin. Celui qui se rendoit coupable de ce crime fut d'abord condamné par les Romains à l'interdiction du feu; la déportation fut bientôt fubftituée à cette première peine, puis on impofa au coupable une amende qui s'elevoit à la hauteur du quadruple de ce qu'on avoit pris; la mort fut enfin infligée à ce crime.

Butiner fans ordre. Celui qui fous le bas empire couroit au bagages de l'ennemi ou butinoit fans ordre, étoit puni comme celui qui avoit abandonné fon rang. François Ier porta la peine de mort contre le même crime.

Ne point fe trouver qu combat. Ce crime étoit fous Henri II puni par les piques.

Refufer d'aller au combat. Sous Charlemagne & fes fucceffeurs, celui qui refufoit de marcher à l'ennemi étoit puni comme celui qui prenoit la fuite. Voyez ci-deffous le paragraphe Láche.

Aller trop lentement au combat. François 1er. porta fon attention jufques fur les hommes qui alloient trop lentement au combat, il les condamna à la mort.

Fuir pendant le combat. Voyez LACHES.

Combattre fans avoir reçu l'ordre. On connoît la févérité des Romains contre ce crime. Perfonne n'ignore la conduite de Manlius avec fon fils. Perfonne n'ignore non plus que le conful Aurelius Cotta deftitua Caffius, tribun légionnaire qui avoit combattu fans ordre, & qu'il réduifit Aurélius fon parent, collègue de Caflius, à la condition de fimple foldat, après Pavoir toutefois fait battre de verges. Corbulon donna auffi un exemple de févérité en ce genre. Des cohortes de fon armée ayant malgré fa défenfe combattu l'ennemi, ce général, pour les punir de leur témérité & de leur défobéiffance, les fit camper hors du camp

& ne leur accorda leur grâce qu'à la prière de fon armée.

Concuffion. L'empereur Niger condamna à la mort les tribuns qui oferoient exiger de l'argent du foldat pour les exempter des travaux militaires, Ou pour les difpenfer du fervice. Quelques autres empereurs imitèrent la conduite de ce prince; les exactions des tribuns ayant été bientôt décorées d'un furnom honnête, elles furent adoptées par les lois. Niger & les empereurs qui l'imitèrent faifoient lapider les tribuns coupables de péculat, quelques colonels & quelques capitaines de l'armée du duc d'Albo ayant été convaincus d'avoir retenu une partie de la paye de leurs foldats, ce général les fio défarmer à la tête des troupes, les déclara infames, & les obligea de fervir quelque temps, en qualité de fimples foldats.

Contrebande. Ce délit eft puni & fur les foldats qui le commettent & fur les chefs qui le tolèrent ou qui ne l'empêchent point. Voyez CONTREBANde,

Courir après les fuyards fans avoir reçu Pordre. Ce crime étoit, fous le bas-empire, puni comme l'abandon de fon rang.

Dépouiller les morts fans avoir reçu l'ordre. Celui qui commettoit ce crime étoit fous le bas-empire, puni comme celui qui avoit abandonné fon rang.

&

Défertion. Chez les Grecs les déferteurs étoient lapidés; chez les Romains ils furent quelquefois attachés à un poteau, battus de verges, vendus comme efclaves, & quelquefois précipités du haut du roc Tarpéien. Les Germains pendoient les déferteurs à un arbre, en Efpagne ils font condamnés aux travaux publics, fous Charlemagne ils furent punis de mort; il en fut de même fous François I; la peine de mort fut enfuite fufpendue jufques fous Louis XIV; depuis Louis XIV jufqu'à Louis XVI, ils eurent la tête caffée. Les changemens fur cet objet, qui ont été opérés depuis cette époque, font confignés fous le mot Désertion. Voyez cet article,

Défobéiffance. Chez les Romains, la défobéiffance étoit mife au rang des crimes capitaux & punie, comme l'abandon du drapeau. Il étoit permis aux généraux de faire mourir les coupables fans forme de procès. Quatre cents chevaliers romains ayant refufé d'obéir aux ordres du conful Aurélius dans l'ifle de Lipari, ils furent rejetés dans les rangs les plus bas du peuple, o12 leur ôta leurs chevaux, on les priva du droit de fuffrage dans les centuries, & on confifqua les gages qui leur étoient dûs pour leurs fer-, vices paffés.

Dommages. Ceux qui chez les Grecs fe permettoient de caufer des excès ou des dommages dans l'armée étoient bannis du camp. En France,

[ocr errors]

les lois de Louis XIV veulent qu'ils foient réparés par les officiers qui les ont tolérés ou qui ne les ont point prévenus. Ces mêmes lois défendoient aux foldats, non feulement de rien prendre de force à leurs hôtes, mais même d'accepter ce que leurs hôtes voudroient leur donner. Cette ordonnance eft du premier juin 1668.

Dormir en fadion. Depuis François Ier ce crime a été puni en France par la mort. GuftayeAdolphe laiffa aux chefs le droit de choifir & d'infliger la peine.

Duels. Depuis qu'on a mis les duels au rang des délits militaires, les duéliftes ont toujours été condamnés à la mort; on les a tantôt pendus, tantôt décapités; on a porté aussi des peines contre les cadavres de ceux qui ont fuccombé, on les a quelquefois décapités & quelquefois traînés fur la claie.

Fautes ordinaires. J'ignore la manière dont la plupart des peuples de l'antiquité puniffoient les fautes ordinaires; j'ai trouvé feulement que les Romains les puniffoient fur les citoyens par la vigne, fur les étrangers par le bâton; on faifoit aufli quelquefois tenir les coupables dans le camp debout une longue perche à la main. En Pruffe, la punition des fautes légères eft le piquet, le cheval de bois & le carcan; en France, les fautes ordinaires font punies par la configne à la chambre, la configne au quartier, la falle de difcipline, la prifon, ou les coups de plat de fabre. Le piquet eft encore connu ; on faifoit auffi, il n'y a pas long-temps encore, porter au coupable plufieurs fufils en même temps.

Frapper un officier. Par-tout le fubalterne qui frappe fon fupérieur eft puni de mort. Chez les Romains, il étoit battu de verges & frappé de la

hache.

Général qui avoit été battu; ils étoient punis chez quelques peuples de la Grèce par un amende qui s'élevoit quelquefois jufqu'à la hauteur des frais de la guerre; chez les Carthaginois, étoient quelquefois crucifiés & mis à mort; quelquefois on fe contentoit de les bannir. Les Romains rappeloient ceux de leurs généraux qui avoient été battus ou les faifoient fervir en qualité de lieutenant d'un autre général, quelquefois auffi ils leur faifoient payer une groffe amende; quelquefois ils les exiloient ou les decleroient incapables d'occuper aucun emploi dans les armées romaines. Hormidas, roi de Perfe, envoya un habit de femme à un de fes généraux qui avoit été battu par les Romains, & lui ôta le commandement de fon armée les empereurs du Bas-empire adoptèrent cette punition. Les Achéens puniffoient même par une forte amende les généraux qui ne retiroient pas de la victoire tout le parti qu'ils en pouvoient tirer.

[ocr errors]
[merged small][merged small][merged small][ocr errors]

Lácheté. Au fiége de Troye le chef avoit le droit de tuer les foldats qui par lâcheté fe tenoient loin du combat. Par les lois de Solon ceux qui refufoient d'aller à la guerre, qui abandonnoient l'armée ou qui donnoient quelqu'autre figne grave de lâcheté étoient condamnés à ne point entrer dans l'enceinte privilégiée du forum, à ne jamais porter ni couronnes ni guirlandes, & à n'être admis dans aucun lieu d'affemblée folemnelle. La fuite rendoit les Lacédémoniens infànies, & les expofoit à être tués par leurs propres mères pour avoir déshonoré leurs familles. Les Spartiates qui s'étoient fauvés du combat de Luares furent dégradés de leurs emplois & obligés de paroître en public en habits bigarrés, à n'avoir la barbe qu'à demi rafce, & à fouffrir que le premier venu leur donnât des conps fans avoir le droit de leur réfifter. Karondas ordonna que tous ceux qui s'étoient enfuis dans une bataille fuent affis pendant trois jours dans la place publique, vêtus d'habits de femme. En Egypte, ils étoient punis par l'infamie & quelquefois étranglés; à Rome, les lâches étoient punis de mort. On décimoit les légions qui s'étoient mal conduites, on les caffoit enfuite, on en répartifoit les membres dans les autres légions, & on les nourriffoit à l'orge au lieu de froment. Vegèce rapporte que les lâches recevoient le fouet en prefence des nouvelles levées , ayant le con paffe dans une fourche & qu'ils étoient enfuite vendus comme esclaves; on leur faifoit aufli quelquefois creufer des foffes en préfence de l'ennemi, n'étant couverts que de leur fimple tunique, & fans ceinture militaire; on les privoit de leur part de butin, & on les obligeoit auffi quelquefois à prendre leur repas debout. Les Germains noyoient les lâches ou les étouffoient dans un bourbier. Les Saxons qui s'étoient comportés avec lâcheté dans un combat étoient livrés aux prêtres d'Irminful, une de leurs principales divinités; ces prêtres les battoient cruellement de verges. L'empereur Julien condamna les lâches

[ocr errors]

de fon armée à être dégradés & à fouffrir la mort; dans une autre circonftance il les condamna à fervir fous l'enfeigne du bagage. Sous le bas-empire, la troupe qui la première prenoit la fuite étoit décimée, & ceux que le fort avoit condamnés étoient tués à coups de flèches par le refte de l'armée. Tout homme qui fuyoit étoit traité comme celui qui avoit abandonné fon rang. Sous Charlemagne & Charles le Chauve, celui qui prenoit la fuite perdoit fon emploi, il étoit déclaré infame, & fon témoignage étoit nul en juftice. Le lâche devint enfuite homme taillable à volonté, que ftable, corvéable, main-mortable, fi méprifable enfin qu'on ne croyoit pas pouvoir le réduire à un état plus humiliant. Pendant le règne de la chevalerie, tout chevalier qui donnoit des preuves de foibleffe voyoit les pièces honorables de fon écu changées, diminuées ou même retranchées; celui qui s'étoit montré lâche étoit exclus de la table des chevaliers, chacun étoit en droit de venir tailler la nappe devant lui, il ne pouvoit plus porter l'habit de l'ordre, fon timbre, fon écu étoient tournés à l'envers; celui qui avoit été juridiquement condamné étoit publiquement dégradé. Voyez DÉGRADATION. Sous François Ier la lâcheté fut punie par la mort, elle l'eft aujourd'hui par l'ignominie, on chaffe l'homme lâche, on laiffe à Popinion publique le foin de fa punition, mais le lâche la craint-il.

Luxe militaire. Celui qui chez les Grecs étaloit le luxe dans les camps étoit puni par une augmentation d'impôt. Sous Louis XIV les officiers qui avoient violé les lois portées contre le luxe étoient condamnés à demeurer pendant une campagne entière dans une place voifine de la frontière.

Maraude. La maraude a été punie prefque toujours par la mort on l'a punie en France par des coups de bâton. Le maréchal de Saxe vouloit qu'on la punît différemment. Voyez ce

mot.

Maurs. Sous S. Louis les militaires qui manquoient de mœurs étoient punis par la honte. On trouve dans le fire de Joinville l'anecdote fuivante. Pendant que l'armée de S. Louis étoit à Céfaire un chevalier ayant été pris dans un mauvais lieu, on lui donna le choix entre les deux peines fuivantes, ou que la ribaulde avec Jaquelle il avoit été trouvé le meneroit parmi Poft, en fa chemife, une corde liée à fes génitoires, laquelle corde la ribaulde tiendroit d'ung bout; ou, s'il ne vouloit telle chofe fouffrir, qu'il perdroit fon cheval, fes armeures & arnois, & qu'il feroit déchaffé & fourbany de l'oft du roi le chevalier eluft qu'il aima mieux perdre fon cheval & armeures, & s'en partir de l'oft ».

Mutins. Les mutins & les féditieux furent fous

la première race de nos rois lapidés par l'armée.

Négligence dans les exercices militaires. On puniffoit à Rome les foldats qui faifoient l'exercice militaire avec négligence, en les réduifant à l'orge, & en ne leur rendant le froment que lorfqu'ils étoient inftruits & attentifs. Pourquoi ne pouvons-nous faire ufage de cette punition? Il feroit bien à défirer que nos foldats puffent craindre une punition de ce genre.

Se rendre prisonnier de guerre. Ceux qui chez les Romains s'étoient rendus trop tôt étoient mis dans une arme moins honorée que celle dans laquelle ils fervoient, & campoient en dehors des retranchemens. Le gendarme qui fous François Ier fe rendoit prifonnier de guerre avant d'avoir perdu fon cheval ou un bras, étoit puni de mort. Sous Henri II, celui qui fe rendoit fans de grandes raifons étoit paffé par les piques celui qui fe rend aujourd'hui fans être réduit à la dernière extrémité eft chaffé de fon corps & puni plus févérement encore par l'opinion; il est déshonoré.

Ne point punir fes inférieurs. Chez les Romains tout fupérieur qui ne puniffoit point fes inférieurs, ou qui ne dénonçoit point les fautes qu'ils avoient faites, étoit puni par la baftonade.

Querelleurs. Les Romains puniffoient les querel◄ leurs par la bastonade.

Refus de fervice. Le refus de fervice militaire étoit puni à Athènes comme l'abandon de fon rang. A Sparte, le coupable perdoit le droit de voter, d'entrer dans les temples, & d'affifter aux cérémonies publiques. A Syracufe comme à Athènes; les Thuriens les puniffoient comme les lâches. A Rome, le citoyen qui à la fommation du conful ne fe préfentoit point pour être enrôlé, étoit pris par les licteurs, dépouillé & battu des verges: quelquefois en puniffoit le coupable par une amende; quelquefois on faififfoit fes biens; quelquefois on le mettoit en prifon & l'enrôloit par force; quand la punition confiftoit en une amende elle étoit évaluée au prix d'une brebis, & on la payoit tous les jours tant que duroit l'expédition. Quelquefois on faifoit couper les arbres & ruiner les maifons des coupables; quelquefois on fe bornoit à enlever leurs beftiaux & leurs inftrumens aratoires. D'autres fois on réduifoit le coupable à la fervitude, & en le faifoit vendre comme efclave, le conful difoit que la république n'avoit pas befoin d'un citoyen qui ne favoit point obéir; d'autres fois on le dépouilloit de tous les priviléges de citoyen & on le notoit d'infamie. Sous Charlemagne, ce délit étoit puni par une amende de foixante fols. Si le coupable ne pouvoit payer cette amende, il devenoit ferf du roi jufqu'à l'entier payement. Philippe Augufte confifqua les fiefs des coupables. Philippe III les condamna à payer une fomme proportionnée à leur qualité & à l'argent qu'ils aurqient dépensé pour leurs voyages & leur fejour

[ocr errors]

à l'armée

« AnteriorContinuar »