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militaires; 7. enin, Padmiffion des troupes étrangères au fervice de l'état.

Il est évident, Meffieurs, que les objets que vous croirez ne devoir mettre ni au nombre des articles conftitutionnels, ni parmi ceux qui feront du refforc des légiflatures, feront par là même à la difpofition du pouvoir exécutif. Il est donc inutile, & il feroit long, & prefque impoilible, d'en faire l'énumération.

Mais après avoir, Meffieurs, en vatre qualité de pouvoir conftituant, ftatué fur les bafes de la conflitution militaire, & diftingué parmi les points qui restent à traiter, ceux qui font du reffort de la législature, & ceux qui doivent être confiés au pouvoir exécutif, il vous refte, en qualité de pouvoir légiflatif, à porter les décrets dont la conftitution attribue la compétence aux légiatures, & que l'organifation actuelle de l'armée peut rendre néceflaires.

Je développerois ici, Meffieurs, les idées que j'ai conçues fur cette matière, fi je ne croyois pas que vous choifiricz une marche plus prompte & plus avantageufe, en demandant au pouvoir exécutif de mettre d'abord fous vos yeux fes projets & fes vues fur l'organifation de l'armée. En effet, Meifieurs, c'eft après avoir pris une connoiffance approfondie de l'ensemble du plan & du rapport des diverfis parties entre elles ; c'eft après avoir reçu les inftructions que le pouvoir exécutif peut feul nous donner, foit fur l'état actuel de nos frontières, foit fur ce qu'exigent nos relations extérieures, foit fur les details de diverfes parties d'adminiftration, confiées à fes foins, que nous ferons à même de ftatuer, avec connoiffance de caufe, fur les points généraux dont nous nous fommes réservés la décision. Jufque-là, nous ne pourrions nous en occuper fans éprouver l'embarras d'avoir à nous décider indépendamment de toutes données précifes, de toute notion exacte, & fans nous expoler à adopter des refolutions qui ne fauroient s'accorder enfuite avec les conditions ultérieures d'une bonne organisation.

Je penfe donc qu'il ne peut y avoir aucun inconvénient, & que vous trouverez au contraire de grands avantages à demander préalablement au pouvoir exécutif une communication qui, fans pouvoir gêner votre liberté, me paroît indifpenfable pour éclairer votre décision.

Vos intentions, Meffieurs, font connues, & je pense que le pouvoir exécutif aura toin de ne vous préfenter que des mefures qui foient compatibles avec les diverfes améliorations que vous avez réfolu de faire.

Vous avez aboli les priviléges, & vous ne fouffrirez pas qu'il en fubfifte parmi les corps militaires. Ainfi, les avantages & les préférences accordés jufqu'à ce jour à certains régimens, dif

paroitront devant les principes de justice & d'éralité qui doivent régner dans toutes les parties de l'organisation fociale.

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Des régimens er tr tenus par la nation, & deftinés à la défendre ne feront plus la propriété des particuliers, tranfmis de génération en génération, & donnés en dot à leurs filles.

Aucun citoyen, fat - il prince du fang, ne pourra prétendre au grade, fans en être reconnu digne par fon mérite ou l'ancienneté de fes fervices.

Les chefs des régimens ne fe feront plus ut titre d'honneur d'être affranchis, pendant la plus grande partie de l'année, du fervice militaire & de la furveillance des corps qui leur font confiés. Le temps de leurs fervices fera le même que celui des autres officiers, & ils acquerront, par le même nombre d'années, la récompenfe hono rable attachée à la valeur & à l'ancienneté.

Une nouvelle organisation de l'armée augmen tera fa force réelle, en fupprimant le luxe des emplois inutiles, qui, loin d'augmenter fon ac tivité, l'embarraffent & la furchargent d'un poids ruineux.

Les commandans de province, remplacés dars leurs fonctions civiles par les affemblées adminif tratives, feront fupprimés.

Les officiers généraux feront réduits au nombre ftrictement néceffaire, & les grades fupérieurs, en ceffant d'être prodigués, recevront un nouve

éclat.

Les colonels généraux, meftres-de-camp ge néraux, & commiffaires généraux dans les dif férentes armes, ces places fi avantageufes à ceux qui les poffédoient, & fi inutiles au fervice toujours condamnées & toujours ménagées fous l'ancien régime, difparoitront avec les autres abus que votre fageffe a profcrits.

du

Toutes ces fuppreflions indifpenfables ferviront encore, Meffieurs, à faciliter l'accomplifement de vos intentions en faveur des foldats, des bas-officiers, & des divers grades dont la paye eft reconnue infuffifante. En vous occupant traitement des foldats, vous ne vous borrerez point à l'augmentation de 20 deniers par je qui vous a été proposée par votre comité militaire, & vous penicrez qu'un fou de plus, for mant pour l'état une augmentation de dépens d'environ deux millions, lui fera certainement bien rendu par l'aifance qu'il répandra fur une claffe, jufqu'ici fi injustement traitée, & l'att chement que lui infpirera pour la nouvelle conf titution ce grand acte de justice dont elle aura été pour eux le fignal. Le même efprit de jul tice vous portera à affurer leur avancement, ouvrir devant eux la carrière des honneurs mi litaires, & à leur affurer, après de longs fer vices, une retraite honorable.

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Enfin, Meffieurs, dans tout ce qui peut intéreffer l'organisation de l'armée, vous ne perdrez jamais de vue tout ce que doit une grande nation à cette claffe généreufe de citoyens, qui dévoue pour elle fa vie & une partie de fon indépendance. Mais combien ce fentiment naturel ne fera-t-il pas fortifié par le fouvenir de tout ce qu'ont fait dans ces derniers temps ces militaires citoyens, dont nous allons régler la destinée Combien n'avons-nous pas dû à leur patriotifme, & combien tout ce que nous aurons fait pour eux, ne nous fera-t-il pas rendu ea actions de grâces, par cette nation qu'ils ont fi bien fervie! Ah, fans doute, elle s'eft montrée digne de fa deftinée, quand on a vu les peuples s'armer de toutes parts pour la défense de les repréfentans, & pour ainfi dire des bataillons fortir de la terre aux premières alarmes de la liberté. Mais il eft auffi digne d'elle de reconnoître les fervices de ceux qui l'ont fi bien fecondée, & de leur accorder cet efpoir, ce bien-être & cette dignité qui doivent diftinguer les guerriers d'une nation libre, des fatellites des defpotes.

M. le duc de Liancourt, qui prit la parole après M. de Lameth, s'exprima en ces termes : L'affemblée nationale, dit-il, revétue du pouvoir conftituant, a, fans doute, le droit d'entrer dans les détails de toutes les différentes parties de Padminiftration de l'empire; mais fi elle en a le droit, il ne lui eft pas moins néceffaire d'examiner quels moyens elle peut employer pour l'exercer.

Il eft, relativement à la conflitution militaire, des parties fur lesquelles il faut abfolument qu'elle prononce, des parties qui ne peuvent recevoir un ordre certain & fixe que par elle; des parties auxquelles il convient qu'elle appofe le fceau de fa a pulffance; mais il en eft fur lefquelles elle ne peut pas être affez profondément inftruite pour prononcer fans inconvéniens; il en eft qu'elle ne peut pas prétendre fixer par des lois ou des réglemens pofitifs, parce que leur perfection est encore en problême; il en eft fur lesquelles, par prudence, elle ne devra pas prononcer, pour ne pas préparer, par des décifions précises, des embarras ultérieurs au pouvoir exécutif. D'ailleurs, comme affemblée nationale confidérée en ellemême, ne fe pourroit-il pas qu'elle ne comptât parmi fes membres aucun militaire ? Dans les motifs divers qui ont déterminé le choix de nos commettans, les connoiffances réfléchies fur l'armée & fur l'art de la guerre ont dû être comptées pour rien: cependant, pour prétendre statuer en détail fur les combinaifons les plus parfaites de la formation de l'armée, il faut connoftre les différentes parties de cette fcience; & cette fcience tient néceffairement à la connoiffance des plus grands principes militaires, à la connoiffance Art. Molit. Suppl. Tome IV.

de tout ce qu'il y a de plus parfait en ce genre chez nos voisins, à leur comparaifon avec nos mœurs, nos befoins, notre population.

Les armées de PrufTe & de l'empereur, géné ralement reconnues fupérieures à la nôtre par leur formation, ont cependant entre elles des différences auxquelles elles tiennent en les croyanc préférables. De quelle autorité l'affemblée oferoitelle s'appuyer pour ftatuer au milieu de ces différences qui partagent les fentin ens des peuples les plus inftruits, les mieux exercés dans l'art de la guerre? Si les progrès de votre armée pour la combinaison & la divifion des forces différentes, pour l'artillerie, pour l'armement, &c, ne fuivent pas celles des armées contre lefquelles vous poùvez avoir à combattre, le fuccès de vos armes, & par conféquent celui de votre empire, de votre conflitution, peut être en danger.

La fcience de la guerre fe perfectionne chaque jour. Il n'eft peut-être aucune partie du fyftême général de l'administration, où le mieux poffible dépende autant que dans le fyftême militaire de l'exemple des autres & de la réflexion; car le mieux abfolu n'y eft pas encore trouvé.

Trop d'élémens mobiles entrent dans la compofition des armées, pour que l'affemblée nationale puiffe ofer entreprendre de fixer par un décret, quelle doit être la meilleure formation de l'armée françoife.

des

Vouloir fixer, en affemblée, la proportion précife de la cavalerie, de l'infanterie, troupes légères, la quantité & l'efpèce des armes, la queftion des places fortes, le fyftême des fortifications, celui de l'artillerie, & les nombreux & importans détails qui en dépendent, c'est vouloir s'expofer avec une grande vraisemblance, décréter des erreurs.

La formation d'une armée n'eft qu'un détail d'administration, qu'il ne faut pas confondre avec la légiflation de l'armée, qui appartient effentiellement à l'affemblée nationale: elle ne doit, fi j'ofe le dire, s'occuper que de la partie morale de l'armée. Ceft fur ces lots fondamentales qu'elle doit prononcer, fur celles qui attachent la force militaire à la conflitution: c'est à elle à pofer les bafes fur lesquelles doit s'élever cet édifice protecteur de nos libertés, & impofant pour qui voudroit les attaquer.

Il faut, ajouta M. de Liancourt, après avoir parlé de la force de l'armée, il faut, en affurant la conftitution de l'armée de manière à pouvoir puiffamment écarter les menaces d'une guerre étrangère, placer dans fa conflitution même, des moyens de sûreté pour la confervation de notre liberté, des moyens qui ne laiffent aucune inquié tude aux efprits les plus méfians.

Je trouve ces moyens dans l'impoffibilité pour le roi d'augmenter, fans un décret de l'affemFf

blée, le nombre de les troupes étrangères; d'augmenter même, à un certain point, la force de l'armée, dans l'impollibilité d'employer les troupes dans l'intérieur du royaume, autrement que par les formes ordonnées par la conflitution. Ces moyens acquerroient une nouvelle force encore, en y ajoutant celui de la refponfabilité des miniftres & des agens militaires.

Cette précieuse refponfabilité, puiffant régulateur de l'autorité, eft une indispensable précaution contre le pouvoir militaire.

Cependant, pour le falut de l'armée & par conféquent pour celui de l'état, elle doit être employée avec mefure. La refponfabilité des agens militaires ne peut concerner aucun de ceux qui agiffent comme fubalternes; la fubordination fi néceffaire aux armées se trouveroit détruite fi chacun, en vertu de fa refponfabilité particulière, avoit le droit de difcuter les motifs de fon obéiffance. Les fubalternes ne peuvent répondre que de l'exécution arbitraire qu'ils auroient donnée aux ordres dont l'exécution leur eft confiée; mais la refponfabilité doit être bornée à celui qui donne des ordres, à celui qui agit en chef, de quelque grade qu'il foit, à celui qui agit fans ordre. Ou Fordre peut être montré, la responsabilité n'attaque que celui dont il émane; là, fi elle attaque les lois, elle doit s'exercer avec la plus grande rigueur.

Le caractère de cette refponfabilité eft fimple, ne peut caufer d'erreurs, & elle réunit le double avantage de protéger la liberté civile, fans donner prétexte à l'indépendance militaire.

Qu'il me foit permis d'ajouter encore quelque mots fur les précautions prifes dans la conflitution de l'Angleterre, pour la confervation de fa liberté contre l'exiftance d'une armée, pour répondre à ceux qui voudroient les introduire en France, dans leur entier.

Les Anglois ayant, ainfi que nous, recouvré leur liberté, & voulant, ainsi que nous, conferver auffi le gouvernement monarchique, comme le plus propre à unir la force publique & à défendre les intérêts d'un grand état, reconnurent la néceffité de conferver à la prérogative royale la levée, la difpofition & le gouvernement entier des forces de terre & de mer; mais pour prévenir le danger dont la liberté conftitutionnelle pouvoit être menacée par la préfence d'une armée conftamment fur pied, ils eurent recours à deux actes préf rvateurs.

Le premier, dont l'objet eft de punir la défertion & la révolte, & d'affurer le paiement des troupes, n'a de force que pour un an : s'il n'eft pas renouvelé, l'armée eft, dès l'inftant, licenciée & dégagée de tous les liens de la difcipline militaire.

Le fecond acte de sûreté eft celui des droits,

dans lequel il eft déclaré que, lever ou tenir fur pied une armée régulière dans l'intérieur du royaume en temps de paix, fans le confentement du parlement, et un acte illégal.

De ces deux actes garans de la liberté angloise, le dernier nous eft commun; il ne doit y avoir de troupes dans le royaume que celles que vous aurez confenti de payer; quand au premier, convenable pour des infulaires, mais peu propre notre pofition géographique, il eft heureufement remplacé en France par l'organisation de nos municipalités & de nos milices nationales, qui fourniffent à la confervation de la liberté, une force bien plus réelle que l'inutile poffibilité de licencier une armée qu'il faut néceffairement conferver; & la conftitution de votre armée peut encore accroître vos motifs de confiance, fans diminuer vos moyens ttede force.

Ces lois fondamentales pofées, préfervatrices de la conflitution du royaume, il en est encore qui tiennent à la conftitution de l'armée, & fur lefquelles il convient à l'affemblée nationale de prononcer, foit qu'elle les préfente dans leur complet à l'acceptation du roi, foit qu'elle fe borne à les préfenter au pouvoir exécutif, comme bafes des ordonnances qu'elle doit rendre.

Votre comité militaire vous a préfenté des vues fur les rapports des milices nationales & de l'armée, de la force militaire & de la force civile; il vous a parlé de la néceffité d'établir des tribunaux permanens auxquels feroit attribuée la révifion des grands jugemens militaires; enfin, il vous a entretenus de la néceffité de pourvoir à l'augmentation de l'armée, quand la néceffité obligeroit de la porter au pied de guerre. Le préopinant a développé ces vues avec plus d'étendue encore. Je penfe avec lui & avec le comité militaire, que ces lois doivent fortir dans leur perfection de votre prévoyance & de votre fageffe. C'est à votre comité de conflitution à s'entendre avec votre comité militaire pour nous les préfen ter; & bien pénétrés de l'efprit de juftice & de liberté qui vous a fait rejeter avec unanimité l'idée de la confcription militaire pour le fervice de l'armée, ils vous foumettront des moyens qui porteront l'armée à la force que les circonftances rendront néceffaire, par la volonté libre de ceux qui compoferont cette augmentation.

Il, eft encore du devoir de l'affemblée nationale de prononcer pofitivement & promptement l'aug mentation de folde pour le foldat. On ne peut trop fouvent répéter que la payc eft évidemment infuffifante. Le mal-aife qui ôte à l'homme une partie de fes forces, lui ôte encore l'énergie fi nóceffaire pour faire un métier honorable qui ne peut être bien fait par celui que la comparaison de fon état avec l'état des autres citoyens peut faire fouffrir: il faut au foldat une bonne pave tant qu'il fert, & une expectative affurée pour le

temps of la diminution de fes forces ne lui permettra plus de continuer fes fervices.

Vous croirez donc, fans doute, Meffieurs abfolument néceffaire de décréter promptement une augmentation à la paye du foldat.

un

Votre comité militaire vous propofe, en l'augmentant de vingt deniers, de la porter à neuf fous. Cette augmentation, forte en apparence, ne portera pas dans fon entier, ainfi qu'il vous a été dit, fur la fubfiftance du foldat, Une partie ajoutée avec néceffité à la maffe aujourd'hui infuffifante, deftinée à fon entretien, réduira à fou l'augmentation véritable de bien-être qu'il recevroit. Vous délibérerez donc, fans doute, Meheurs, d'ajouter encore à la propofition de Votre comité, & vous aurez facilement le moyen d'élever à neuf fous fix deniers la totalité de la paye, c'est-à-dire, d'augmenter de vingt-fix deBiers chaque folde actuelle.

Le préopinant a propofé de porter à un fou ce furcroit d'augmentation: je n'avois ofé le propofer que de fix deniers; mais j'adhère de toute ma volonté fans doute à cette plus grande améoration. Le plus grand bien-être des défenfeurs de l'état, eft toujours le vœu d'un bon citoyen.

Quel que foit le fyftême que vous croyez devoir adopter dans l'ensemble de l'armée & dans la combinaifon des différentes armes qui la compolent, quelle que foit la fomme générale que Vous attribuież au département, cet accroiffement de dépenfes qui ne s'élève pas à un million deux cent mille livres pour fix deniers, & à deux millions quatre cent mille livres pour un fou, eft trop peu confidérable pour qu'il ne vous foit pas facile d'y fuffire. Il vaudroit mieux d'ailleurs ne pas avoir d'armée que d'en avoir une dont les individus mal payés & mécontens, ne rendroient à l'état que des fervices incomplets, les rendroient à contre- cœur, & foupireroient fans ceffe après la poffibilité de quitter un état où le befoin les auroit pouffés, & qu'il faut aimer pour en remplir honorablement les devoirs.

L'économie à faire relativement aux forces militaires d'un grand empire, ne confifte qu'à éviter toutes dépenfes inutiles, à ne rien payer au-delà de la valeur, à n'employer que le nombre d'officiers & de foldats néceffaires, enfin, qu'à bien adminiftrer toutes chofes; car celle qui porteroit fur le nombre indifpenfable, comme celle qui auroit lieu fur le traitement convenable à faire à chaque individu de l'armée pour l'attacher à fon état, feroit une épargne deftructive des résultats heureux qu'une nation doit fe promettre de l'entretien d'une armée.

Il faut autfi, fans doute, que l'affemblée s'occupe d'affarer à l'officier un bien-être certain pour le préfent & pour l'avenir, il faut une augmen

tation à fon traitement, dans prefque tous les grades; mais bien perfuadé de cette indifpenfable néceffité, je ne penferois pas cependant que vous puiffiez dans ce moment décréter positivement l'augmentation précise que vous propose le comité militaire.

Pour connoître quelle augmentation vous pouvez faire au fort de l'officier, il vous faut connoître quel nombre dans chaque grade vous en devez employer dans l'armée. Cette connoiffance ne peut être que le réfultat du fystême qui fera adopté, & pour le nombre des régimens qui compoferont l'armée, & pour le nombre de compagnies dans chaque régiment, d'officiers dans chaque compagnie, & pour plufieurs autres parties encore du régime militaire. Il eft temps de reconnoître que le nombre d'officiers, dans tous les grades, ne doit être qu'en raison des véritables befoins de l'armée. Cette jufte proportion n'eft pas univerfellement jugée la même. L'armée de Pruffe a, comme vous l'a dit votre comité, plus d'officiers dans la même proportion de troupes, que l'armée autrichienne, & bien moins que l'armée françoife. L'ufage ancien qui en a attaché un nombre plus grand à nos armées, est-il fondé fur des raifons que l'on ne puiffe contredire ? ou ce nombre pourroit-il être diminué? Cette queftion doit être examinée foigneufement avant fa décifion; mais de quelque manière qu'elle le foit, toujours eft - il vrai que les officiers employés doivent être affez bien traités, pour qu'ils défirent conferver leur état, & craignent de le perdre.

Le métier des armes ne fera plus à l'avenir un métier néceffaire; & bien que les fentimens d'honneur, de devoir & de patriotifme portent, avec néceffité, l'officier françois à faire exactement, & de toutes fes facultés, le métier qu'il a volontairement embraffé, & qu'il peut quitter à chaque instant de fa vie, toujours eft-il vrai que fi les confidérations de l'intérêt préfent & d'un fort affuré pour l'avenir, ne préfentent pas quelqu'attrait, la profeffion des armes fera moins follicitée, &, ce qui eft peut-être pis encore pour le bien du fervice, elle ne fera qu'un état de paffage, & nous ne devons pas oublier que cette continuelle mutation d'officiers eft, dans le militaire françois, un des plus grands vices, un de ceux auxquels il eft le plus néceffaire & le plus inftant de porter remède.

Cette dernière confidération fi importante vous fera fans doute défirer, Meffieurs, de trouver dans le systême des retraites à accorder aux officiers, un nouveau moyen de les attacher avec plus de conftance au fervice.

Peut-être, en examinant differens projets, croirez-vous utile d'adopter celui qui, plaçant la reffource des retraites dans une retenue annucllement faite fur les appointemens, donneroit à

un

l'officier, dans chaque grade, pour le temps de fon fervice, un traitement plus fort que celui dont il jouit act ellement, & lui en affureroit encore, à l'époque où il voudroit le ceffer, beaucoup plus confidérable que celui auquel à préfent il peut prétendre. Ce fyftême, en fouftrayant l'ancien officier à l'arbitraire de fes fupérieurs & du miniftre, pour la certitude, l'époque & la fomme de fon traitement, auroit encore le précieux avantage de diminuer, dans un certain temps, les charges du tréfor public de prefque toutes les fommes affectées à préfent aux penfions des militaires.

Ces penfions s'élèvent aujourd'hui à dix - huit millions qui, avec beaucoup d'économie, ne peuvent, dans le régime nouveau, s'élever à moins de neuf à dix; & ce projet, facile à réaliser, n'exigeroit, après un certain nombre d'années, qu'une fomme affectée tout au plus d'un million; parce que les feu'es penfions deftinées, ou à quel. ques officiers bleffes à la guerre, ou à quelques officiers généraux, dont la maffe ne feroit pas affez confidérable feroient payées fur ce fonds.

Le même principe d'équité vous portera fans. doute à chercher les moyens de pourvoir au fort du foldat après l'expiration de fon engagement, de manière qu'une fomme dont il auroit alors la difpofition, & qui ne diminueroit, par aucune retenue, fa folde pendant le temps de fon fervice, lui donneroit la poffibilité de quitter fon état s'il ne défiroit pas le continuer, de faire un établiffement, d'embraffer avec quelque reffource une profeffion nouvelle, ou de ne continuer le métier de foldat, qu'autant que fon goût & fon intérêt l'y détermineroient; & ces moyens fe trouveroient peut-être fans difficulté.

Parmi les différens objets fur lefquels vous croirez devoir arrêter quelques principes, vous compterez fans doute les engagemens vous avez dû déterminer le mode de recrutement de l'armée, parce que l'obligation générale du fervice militaire attaquoit directement la liberté des citoyens, & que vous ne deviez pas mutiler cette liberté fous le fpécieux prétexte d'affurer des défenfeurs à l'état, quand vous pouviez pourvoir à la défenfe commune, en refpectant les droits d'un chacun. Si les enrôlemens à prix d'argent ont pu donner lieu à de grands abus, les plaintes multipliées les ont fait connoître : cette connoiffance vous fuffit pour exiger des lois propres à lés détruire & à les empêcher de reparoître.

L'affemblée doit prendre dans toute fa follicitude le rétabliffement & le maintien de la difcipline. Sans difcipline, vous aurez des foldats, mais vous n'aurez jamais d'armée. Ce que vous croirez dépenser pour votre sûreté, pourroit tourner contre vous-mêmes.

On fuppoferoit, fans fondement, que la fubor

dination militaire pourroit porter atteinte à la liberté publique, & comprendre des devoirs contraires aux droits du citoyen. La difcipline n'eft que le maintien de l'ordre jugé néceffaire. L'imperfection du commandement qui ordonneroit ce que le foldat auroit droit de ne pas faire, ne peut être regardée comme faifant partie de la fubordination militaire; mais les objets fur lefquels elle s'élève font facrés; le falut de la république en dépend, & dès-lors ils deviennent les premiers devoirs du citoyen.

Le rétabliffement de la difcipline dans l'armée, fi effentiel pour le falut de tous, doit être une loi de l'état, émanée de l'affemblée nationale, & fanctionnée par le roi. Revétue de ce grand caractère, elle fera, fur tous les individus de l'armée, une impreffion profonde qui ne pourra laiffer douter du fuccès. Ainfi les fautes contre la difcipline & la fubordination deviendront un délit national; la fubordination & la difcipline, des vertus vraiment patriotiques; & l'armée attachée à l'observation de fes devoirs par les fentimens de citoyen, les remplira dans tous fes détails avec plus de dévouement & de patrio

tifme.

Pour écarter tout arbitraire dans la punition des crimes & délits militaires, l'affemblée nationale croira fans doute devoir établir les points effentiels d'un code pénal bien précis, où les peines proportionnées aux fautes ne feroient point arbitrairement ordonnées, où tout moyen de juftification feroit donné à l'accufé, & tout moyen d'équitable application de la loi, au juge. Ainfi vous compléterez, par la certitude de la juftice, le bonheur du foldat.

L'affemblée doit encore indiquer fes vues fur les règles à établir pour l'avancement. Il eft temps, fans doute, de détruire les barrières infurmontables que la claffe la plus nombreuse voyoit oppofer à fon avancement foit par les ordonnances qui lui interdifoient l'accès de certains grades, foit par la faveur qui l'en repouffoit.

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Mais en voulant reconnoître & fervir les droits de l'ancienneté, on ne fauroit perdre de vue qu'une armée n'eft pas feulement inftituée pour affurer le bien-être de ceux qui la compofent, qu'elle l'eft plus particulièrement encore pour l'utilité de l'empire. Cet important objet feroit mal rempli, fi les lois militaires affuroient les mêmes avantages à l'homme incapable, à l'homme inappliqué, inaffidu à fes devoirs, & à l'homme que fes talens, fa conduite & fon intelligence feroient diftinguer par l'opinion publique.

Ainfi, fi vous croyez devoir adopter, pour règle générale de l'avancement, le fyftême de l'ancienneté, vous croirez fans doute auffi devoir laiffer place à des exceptions pour le mérite diftingué & l'incapacité reconnue; & comme

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