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fanterie, un pour les troupes à cheval, un pour Partillerie, & un pour le génie; le confeil entier Le raffembleroit une fois par femaine, & plus fouvent fi l'un des quatre bureaux le jugeoit convenable.

Ce feroit devant le confeil affemblé qu'on arrêteroit définitivement chacun des articles de la conftitution de chaque arme. Ce feroit de même le confeil raffemblé qui fixeroit toutes les chofes communes à l'armée entière, le fort, le nombre & les devoirs des officiers généraux; celui des commiffaires des guerres, & tous les autres objets qui ne font que des acceffoires de l'armée.

Dans toutes les circonstances poffibles, les voix feroient comptées par tête.

Quand on feroit divifé par bureaux, il y auroit à chaque bureau un nombre déterminé d'officiers géneraux dans celui de l'infanterie, un maréchal de France, trois lieutenans généraux, trois maréchaux-de-camp, & un commiffaire des guerres; dans celui de la cavalerie, un maréchal de France, deux lieutenans généraux, deux maréchaux-de-camp, & un commiffaire des guerres; dans celui de l'artillerie, un lieutenant général, un maréchal-de-camp, & un commiffaire des guerres il en feroit de même du génie.

La formation de ces deux confeils ne couteroit prefque rien à la nation; elle ne feroit obligée de rembourfer aux officiers qui les compoferoient que les frais de leur voyage; car les députés vivroient à Orléans, à Blois, Ou à Bourges avec les mêmes appointemens & de la même manière qu'à Metz, qu'à Strasbourg.

Après que le code auroit été rédigé, & qu'il auroit obtenu la fanétion du roi, il feroit envoyé à l'armée pour être effayé jufqu'aux prochains états-généraux; chaque régiment feroit, pendant ce temps, de nouvelles obfervations: lors de la première affemblée de la nation, un comité tisé de fon fein y feroit les changemens que les corps auroient montré néceffaires, & ceux que les états auroient cru devoir ordonner. Cette dernière opération terminée, les ordonnances militaires recevroient la fan&tion du roi & de la nation, & deviendroient des lois invariables que les états feuls pourroient changer.

Ou je m'abufe étrangement, ou un confeil, tel que je viens de le décrire, produiroit des avantages inappréciables, & feroit éclore une conftitution militaire que lui feul peut nous donner.

M. de Keralio, auteur d'une partie de ce dictionnaire, nous a donné quelques jours après le commencement de la révolution actuelle, un ouvrage intitulé de la Conflitution Militaire, dans lequel il profeffe la même opinion que je viens d'expofer & que j'avois développée dès le mois de décembre 1788: aucune loi, dit-il, ne peut affujettir aucun citoyen qu'il ne l'ait confentie.

Ce droit qui exifte pour les militares comme citoyens à l'égard des lois communes, n'exifte pas moins pour eux à l'égard des lois qui leur font particulières; l'affemblée nationale leur doit de le maintenir & de l'affurer.

Les réglemens concernant les devoirs, le fervice, les exercices, la difcipline, la préfentation des fujets au roi pour les emplois militaires, feront propofés, difcutés & arrêtés, à la pluralité des voix, dans un congrès compofé d'officiers généraux, officiers fupérieurs & inferieurs, basofficiers, & foldats choifis & députés, par leurs corps & grades, à la pluralité des voix; & tellement balancé, par rapport au nombre de chaque corps & grade, que nul ne puiffe y avoir la prépondérance. L'artillerie députera à ce congrès, pour ce qui concerne tout ce que ce corps a de commun avec les autres.

L'artillerie, le génie & la marine, formeront chacun un congrès particulier pour décider ce qui concerne leur art, leurs écoles, leurs exercices, leurs difciplines, & la préfentation des fujets pour remplir les emplois vacans.

Les lois arrêtées par ces différens congrès ne pourront être miles à exécution qu'après qu'elles auront été fan&tionnées par l'affemblée nationale, qui, en fa qualité de législateur fuprême, écoutera toutes les repréfentations fur les objets de ces lois, & y apportera les modifications qu'elle jugera utiles à l'intérêt général.

Il n'appartient qu'au roi feul, chef fuprême de l'armée françoife, de régler la forme des convocations, le temps & les lieux de ces congrès.

Par ces inftitutions, les militaires françois jouiront pleinement de l'état d'hommes libres qu'ils tiennent de Dieu & de la nature: ils ne balanceront pas fans doute entre la jouiffance de leurs droits, fous la garantie de la nation, & l'état fervile & humiliant dont ils ont trop longtemps fupporté le poids.

Quelques militaires, foit faute d'examen, foit par un intérêt perfonnel mal entendu, pourroient penfer ou dire, fuivant ou contre leur confcience, que ces conftitutions nuiroient à l'autorité du roi, à l'autorité des chefs, à l'autorité des lois militaires mais ont ils une idée bien précife de ce que c'eft qu'autorité? ont-ils jamais recherché quel en eft le plus haut & le plus bas degré?

L'ambition prétend au premier; mais cette aveugle paflion fe trompe fréquemment jufqu'à prendre l'ombre pour le corps, le haut pour le bas : une de fes chimères eft l'autorité fans bornes; eh! Dieu même ne l'a pas !

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Je demande à tous les militaires, je demande à tous les citoyens quelconques, s'ils n'ont pas étrouvé cent fois ce fentiment, s'ils n'ont pas agi d'après lui dans toutes les occafions, s'ils n'ont pas éludé de concert l'injonction par laquelle un feul homme ou un petit nombre avoient prétendu captiver la liberté générale. Mais s'ils euffent eu part à cette injonction, s'ils en avoient connu, difcuté, approuvé l'objet; fi un affentiment libre, formel & public, l'avoit convertie en loi, & les eut engagés à l'obferver & à la maintenir; quelle difference: & que feront-ils dans cette difpofition? ils la refpe&teront, la fuivront, la défendront, la feront exécuter comme leur propre

volonté.

Les chofes fe paffent ainsi à l'égard des ordres de l'autorité indéfinie, quand leur objet n'eft pas d'une grande importance; mais s'ils concernent des intérêts majeurs, la conduite eft différente, quoique l'on y fuive la même loi de nature. Tout tend à Péquilibre; dès qu'une force agit, il s'en Fréfente d'autres pour la balancer. Au moindre mouvement de l'autorité indéfinie, comme on ignore jufqu'où elle ira, une crainte générale faifit les efprits; tous ont la volonté de s'opposer au mouvement qui commence; mais n'étant point prépares à la réunion, & ne pouvant former certe oppofition en maffe, ils agiffent en détail : corps, corporations, claffes, individus, chacun Jette quelque obftacle fur la route de l'autorité, qui fe trouve bientôt encombrée. Veut-elle en prendre une autre? même conduite & nouveaux obftacles: fon orgueil s'étonne, s'indigne de fon impuiffance, & ceux qui l'ont opérée en rient en fecret.

Je demande à tous ceux qui connoiffent les faits paffes, fi les choles ne font pas arrivées ainsi dans les temps récens comme dans les anciens.

Suppofons maintenant une autorité dont la loi

confentie par tous a déterminé les limites: elle agit fous la garantie de toutes les forces de la nation; au dedans de fes limites, elle ne craing aucun obftacle fi quelques infenfés lui en oppofoient, ils feroient détruits à l'inftant par une puiffance irrésistible. Ainfi, tandis que l'autorité fans limites & fans ceffe refferrée, gênée, concentrée, fouvent réduite à ne pouvoir faire un feul pas, l'autorité limitée par de fages & juftes lois, agit librement dans un vafte efpace : l'une eft un pouvoir précaire, toujours difputé, une licence réprimée fans ceffe ; l'autre eft la plus grande, la plus belle, la plus noble liberté, la feule digne d'un prince honnête homme & citoyen. Ceux qui la veulent pour lui, voilà ses vrais amis & ceux de la patrie; voilà ceux qui défendent en effet l'autorité royale, autorité de néceffité abfolue dans un grand état, qui l'élèvent fur une base inébranlable, & lui ouvrent une vafte carrière. Ceux qui défirent & confeillent l'autre genre d'autorité, font de perfides flatteurs, de cruels ennemis dont l'unique but eft de faifir cette autorité, de divifer, par des calomnies, le roi & la nation, & de s'enrichir des dépouilles du peuple & du prince.

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CONSEIL DE REGIMENT. Une ordonnance concernant la défertion rendue le premier juillet 1786 a créé un confeil de régiment. L'objet de ce confeil c'eft de juger les foldats qui fe font abfentés fans congé, ou qui n'ont pas rejoint leur corps au terme qui leur avoit été prefcrit, mais qui font cependant dans le cas d'être admis à profiter de la grâce du retour volontaire. Voyez RETOUR VOLONTAIRE.

Ce tribunal eft compofé de cinq juges deux premiers officiers fupérieurs, le premier capitaine commandant du régiment, le capitaine commandant & le lieutenant en premier de la compagnie du foldat délerté. Ces differens officiers font, en cas d'abfence, fuppléés par ceux qui les fuivent immédiatement. C'eft le major du régiment qui doit faire l'information, la confrontation, voyez INFORMATION, & donner fon avis motivé. Si le major commande le régiment alors c'eft à un capitaine à le. fuppléer.

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Ce tribunal s'affemble indiftinctement le matin ou le foir chez le commandant du régiment, au jour & à l'heure indiquée par cet officier. Le major y lit l'information. Après la lecture du procès, on fait entrer le foldat coupable, qui a été amené par deux bas-officiers de fa compagnie armés de leur fabre; les juges le queftionnent s'ils le jugent à propos; ils le font enfuite fortir; les juges, en commençant par les moins avancés du grade le moins élevé, prononcent leur avis, & la pluralité des voix forme le jugement. Ce jugement eft tranferit à la fuite

des informations & des conclufions du major & figné par tous les juges.

Si le foldat eft reconnu dans le cas de profiter du retour volontaire, le préfident ordonne qu'on le faTe entrer on lui lit le jugement qui le fait participer à la grâce; on tranfcrit en fa préfence un extrait de ce jugement, fur le contrôle des fignalemens; le préfident du confeil & le major fignent cet extrait. Le foldat eft remis en pleine liberté, & dans la jouiffance de tous les avantages qu'il avoit acquis par fes fervices.

Si le confeil déclare que le coupable n'eft point dans le cas de profiter du bénéfice de la loi, & qu'il doit être jugé par un confeil de guerre, alors le commandant de la compagnie forme une plainte motivée du jugement de ce confeil pour demander que le coupable foit jugé par un conjeil de guerre. Cette plainte eft tranfcrite au bas du jugement qui eft écrit au bas de l'information, & on fait reconduire le coupable en prifon. La plainte eft adreflée auffitôt au commandant de la place, qui ordonne que le procès foit fait au coupable & qu'il foit jugé par un confeil de guerre.

CONSIGNE. Cette punition, dont nous avions démontré les avantages dans notre article CoNSIGNE, a été adoptée par le réglement pour le fervice intérieur.

Cette loi a diftingué deux efpèces de configne, configne au quartier, confine à la chambre.

Les bas-officiers & les caporaux peuvent être confignés au quartier. Les bas-officiers & caporaux confignés au quartier ne font difpenfes d'aucun fervice tant intérieur qu'extérieur. Ce mot difpenfe eft celui dont fe fert la loi j'aurois bien mieux aimé ne feront point privés. Elevons toujours les devoirs militaires.

Le foldat configné au quartier n'eft difpenfé d'aucune espèce de fervice; il porte, tant que fa punition dure, la lettre C en drap rouge ou bleu, fuivant la couleur du fond de l'uniforme, attachée fur la poitrine, il fait toutes les corvées du dehors des chambres, c'est-à-dire, des efcaliers, des coridors, de la cour, &c.

Le foldat configné dans la chambre n'eft difpenfé d'aucune efpèce de fervice, il porte auffi la lettre C, fait toutes les corvées du dedans, telles que le balayage de chambre, fciage ou portage de bois, nettoyage des habits, des armes des abfens, corvées des magafins des régimens, & autres de ce genre dans les bâtimens du quartier.

La différence entre ces deux punitions n'est peutêtre point affez fenfible, auffi ne font-elles point deux degrés diftin&ts dans l'échelle des peines.

CONSIGNE. J'ai lu avec la fatisfaction la plus douce l'art. 8 du titre 12 du Réglement pour

le fervice intérieur : il a rendu au foldat françoi ce degré de liberté qu'il doit avoir dans les gar nifons, & que les ordonnances militaires lu avoient malheureufement & mal-adroitement ravi. Mais, je dois le dire, le fentiment do l'huma nité n'a pas contribué feul à la fatisfaction que j'ai éprouvée, j'ai cru reconnoître dans Particle que je viens de citer les principes que j'avois développés dans l'article CONSIGNE. Ah! fi je pouvois me glorifier d'avoir été le premier moteur de cet article du réglement, je défierois les hommes de me priver d'une grande récompenfe elle feroit dans mon cœur. Quoi qu'il en foit, ne nous laffons point d'interroger les hommes inf truits, de recueillir dans les livres les penfees que nous croirons pouvoir être un jour utiles, d'écouter les converfations.des militaires qui paroiffent même les moins inftruits, il eft prefque toujours quelques bonnes obfervations à recueillir; ne nous laffons point non plus de dire les vérités que nous croirons utiles, un jour viendra où elles feront adoptées fi elles font telles qu'elles m'ont paru être.

dans une

&

CONSTITUTION MILITAIRE. Unir grande monarchie une puiffance formidable au dehors, avec une liberté folide au dedans; concilier dans une armée nombreuse une difcipline exacte avec les droits facrés que des foldats citoyens ne peuvent jamais aliéner ce font là, fans doute, les problêmes politiques les plus importans & les plus difficiles à réfoudre. Les plus importans, car s'ils ne font point réfolus, ou s'ils le font mal, la liberté intérieure & extérieure de l'état font compromifes, & les droits des individus violés : les plus difficiles, car jufqu'à ce jour aucun peuple n'a fait cette combinaifon, & aucun écrivain ne l'a cru poffible. Jetons les yeux fur les divers états de l'Europe, nous verrons prefque par-tout les preuves de cette vérité. Les armées qui d'abord n'ont été levées que pour défendre les peuples, ne font aujourd'hui occupées qu'à les contenir; deftinées à protéger la liberté, elles l'oppriment; à conferver les droits des citoyens, elles les violent font une espèce de propriété royale entretenue à grands frais par les peuples pour affurer leur oppreflion. Si dans un coin de l'empire quelques hommes généreux ont affez d'énergie pour n'être point arrêtés par la crainte, & réclament l'exercice des droits naturels, on y envoie des foldats: les citoyens courageux meurent les foibles plient, & tout rentrent dans l'ordre, c'est-àdire dans l'efclavage. Les officiers & les foldats vivant, je ne dirai point au fein de leur patrie, mais de leur pays, comme des conquérans au milieu de peuples vaincus, font les aveugles inftrumens des volontés d'un maître, & ne fongent qu'à étendre fa gloire, c'est-à-dire, fon autorité en entrant au fervice ils renoncent

elles

aux

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ax plus chères affections de la nature; leur religion eft de ne connoître ni parens, ni amis & leur unique fcience eft d'obéir. L'Angleterre offre feule un tableau moins affligeant; les forces qu'elle entretient pour fa défenfe ne font pour elle ni une fource de ruine ni un moyen continuel d'oppreffion; mais comme la pofition géographique des autres Puiffances Européennes ne peut être comparée à celle de l'Angleterre, les inftitutions Angloifes ne peuvent être copiées par elles. La difficulté de lier l'exiftence d'une grande armée avec une conftitution libre, & de concilier cette même existence avec l'économie des finances refte donc entière. Je vais l'aborder cette difficulté ; je n'efpère point la vaincre, mais peut-être en l'affoibliffant faciliterai-je la victoire de quelque combattant plus fort & plus adroit. Je n'en reprendrai point de réfoudre ce problême d'une manière abftraite, je m'occuperai uniquement de la France; les principes que je poferai pourront néanmoins, je l'efpère, être appliqués à d'autres états, car je les puiferai dans le droit naturel, & j'effaierai de les énoncer d'une manière générale.

Je demanderai d'abord une nation jaloufe de conferver la liberté doit-elle abandonner au pouvoir exécutif le foin de donner une conftitution à la force publique, ou bien doit-elle exercer elle-même cette portion fi-importante de la fouveraineté ? fi la nation garde pour elle Pexercice de ce droit, doit-elle en ufer dans toute fa latitude? & fi elle le confie à fon délegue, doit elle le lui abandonner fans réferve?

§. I..

La nation francoife doit elle placer le droit de conflituer la force publique parmi les droits régaliens, ou parmi les droits nationaux.

Si le droit de donner une conflitution à l'armée françoile n'est pas mis par les représentans de la nation au rang des droits nationaux, qui nous aurera que notre conflitution militaire aura, avec notre conflitution nationale, cet accord parfait qui fait la force de l'une & de l'autre? qui nous affurera que les lois particulières auxquelles on, foumettra les défenfeurs de l'état, lois qui ne font que des lois inférieures, ne feront point en contradiction avec les lois conftitutionnelles, qui font des lois fupérieures? & j'ai prouvé dans mon article lois militaires, que les lois inférieures ne font bonnes que lorfqu'ciles ont la plus grande analogie avec les lois fupérieures: qui nous affurera que notre conflitution militaire ne fera point en contradiction avec nos mœurs, nos préjugés, notre climat, notre comnierce, notre gouvernement? & j'ai prouvé dans le même article que la conflitution de la force publique doit Art. Milit. Suppl. Tome IV.

être diffrente chez un peuple libre & chez un peuple efclave; chez un peuple agricole & chez un peuple commerçant; dans une grande fociété & dans une petite affociation. Voyez dans le dictionnaire noire article LOIS MILITAIRES.

Si les rois ont feuls le droit de conftituer l'armée, qui nous répondra que nos neveux ne verront point l'exécution des lois & la défense du royaume confiés à de vils mercénai es, à d'avides étrangers? & ceux-là ne reconn iffent prefque jamais pour loi que la volonté du monarque; & ceux-là obéiffent prefque toujours aveuglément à tous les ordres que leur donnent des miniftres fauteurs du defpotifme ou partifans de l'ariftocratie; & ceux-là vous abandonnent dès que vous manquez d'argent pour les payer, trop heureux quand ils ne vendent point les places qu'ils gardent, ou ne livrent point les poftes qu'ils occupent; voyez TROUPES ÉTRANGÈRES.

Si nous abandonnons aux fouverains le droit de conftituer l'armée, qui nous répondra que cette armée, fût-elle compofée de foldats nationaux, ne tiendra pas davantage, par fa conflitution, aux engagemens qu'elle aura contra&tés avec un prince, qui par politique l'aura long-temps comblée de grâces, qu'à la nation elle-même qui, en méconnoiffant fes droits ou en dédaignant d'en ufer, aura para la négliger?

Si nous abandonnons au Monarque le foin de conftituer l'armée, qui nous répondra qu'elle n'éprouvera point chaque jour, dans fa conftica tion, des variations qui dégoûteront les citoyens du fervice militaire, & qui les forceront à nous laiffer fans défenfeurs au moment où un étranger inquiet ou amoureux de la gloire, voudra envahir nos provinces? Si nous abandonnons au monarque le foin de conftituer l'armée, qui nous répondra qu'on ne nous donnera point des efclaves pour défenfeurs? & des efclaves font plus propres à nous corrompre ou à nous enchaîner qu'à elever nos ames ou à nous defendre. En n'ulant point de cette partie de la fouveraineté, nous aurons donc toujours à craindre d'être les témoins d'un lutte violente entre l'armée & les citoyens, la nation & fon chef: la nation finira, fans doute, par être victorieufe; mais quels flots de fang ne feront point verfes avant que la victoire fe foit irrévocablement fixée fous fes drapeaux !

En abandonnant au monarque le droit de conftituer l'armée, ne montrerions-nous point à nos troupés que nous prenons à leur fort un intérêt très-foible? ne leur montrerions nous point que nous ne les comptons plus au rang des citoyens ? ne les folliciterions nous point, par cet oubli, à fe jeter entre les bras du defpotifine ou de l'ariftocratie? & ces monftres politiques vivront to ijours, auront toujours les bras ouverts. Si la n1tion abandonnoit au fouverain le droit de conftituer l'armée, il lui arriveroit ce qui adviat, dit E e

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la fable, au propriétaire d'un vafte domaine qui avoit raffemblé pour garder fes poffeffions un nombre confidérable de fuperbes dogues; ce propriétaire fe voyant chaque jour fur le point d'être dévoré par eux, tandis que fon intendant étoit obéi au moindre figne qu'il leur faifoit, & careffé quand il daignoit le leur permettre, leur dit avec colère ingrats, c'eft à moi que vous appartenez; c'est à mes dépens que vous êtes nourris; c'est moi qui paye les hommes qui vous foignent, & cependant c'eft moi fur qui vous voulez vous jeter c'eft à vous que nous appartenons, vous le dites, nous le croyons; mais qu'avez-vous fait jufqu'à ce jour pour nous l'apprendre? c'est vous qui nous nourriffez, cela peut être, mais c'eft un autre qui nous diftribue notre pitance, c'eft un autre qui nous foigne, qui nous récompenfe, qui nous punit, qui s'occupe de nous c'étoit donc un autre que nous devions reconnoître pour ne plus courir les rifques dont vous avez été menacé, montrez-vous plus fouvent à nous, veillez vous-même fur notre bien-être, & alors nous ne reconnoîtrons que votre voix alors nous vous aimerons, & nous vous défendrons envers & contre tous.

être le maître de les conftituer à fon gré pa radoxe, pur fophifme que tout cela. D'après ce raifonnement il feroit aifé de conclure qu'on doit laiffer au roi le droit de faire les lois civiles, de mettre les impôts qu'il voudroit, de conftituer d'après fa volonté l'adminiftration intérieure & l'ordre judiciaire. Quand on confie à un général le foin de vaincre les ennemis de l'état, ou de faire renaître l'ordre & la paix dans fon intérieur lui permet-on de conftituer à fon gré les corps dont on lui donne le commandement? on lui perme tout au plus d'infliger les punitions qu'il croit néceffaires, ou de décerner les récompenfes qu'il eroit utiles, mais toujours d'après les lois précédemment établies.

Ces réflexions nous paroiffant démontrer jusqu'à l'évidence que la nation doit fe réserver le droit de conftituer l'armée, nous allons paffer à l'examen de la feconde queftion.

§. II.

La nation gardant pour elle le droit de donner une conflitution à la force publique, doit-elle ufer de ce droit dans toute ja latitude.

Tous les François, dont des antiques préjugés n'ont point totalement obscurci la raison, conviennent que la nation peut &doit s'occuper de la conflitution de l'armée; mais ils ne font point auffi généra

même donner à l'exercice de ce droit. Les uns affurent que la nation doit fe borner à fixer les fommes dont le pouvoir exécutif peut difpofer pour l'entretien de la force publique; d'autres, qui fe croient démocrates, veulent que la nation aille plus loin, ils prétendent qu'elle doit fournir les hommes au roi, & lui laiffer le droit de les organiter à fon gré, que la difcipline, la police, les récompenfes, les peines, tous les détails en un mot, doivent être réglés par lui ou par Les miniftres; d'autres, qu'on nomme démagogues, croient que les fonctions du pouvoir exé cutif fe bornent à conduire l'armée pendant la guerre, à l'inftruire pendant la paix, & à lui faire obferver dans tous les temps les lois & les réglemens que la nation a décrétés pour elle.

Si nous abandonnons aux monarques le droit de conftituer l'armée, qui nous répondra qu'ils ne s'en repoferont point du foin de former la conflitution militaire fur des hommes vendus à l'ariftocratie ou entichés d'inftitutions, bonnes peut-être pour les peuples qui les ont créées,lement d'accord fur les limites qu'elle doit ellepour des armées compofées de la lie de toutes les nations, mais qui ne peuvent convenir à des François, aux défenfeurs volontaires d'un peuple libre? Si nous abandonnons aux monarques le droit de donner une conflitution à l'armée, nous verrons, comme nous l'avons vu jufqu'à ce jour, l'armée Tacrifiée à un petit nombre de familles, & nous n'aurons point le droit de nous plaindre; nous verrons renaître, ou pour mieux dire fe propager, les maux fous lefquels nous avons gémi; nous verrons une conflitution aujourd'hui bonne, demain foible, un autre jour inconftante, toujours point nationale & moins encore patriotique; alors nous craindrons les guerres étrangères, & nous aurons raifon; alors nous craindrons les diffentions intérieures, & nous aurons encore plus raison; alors nous gémirons fur nos erreurs, fur nos fautes; mais vains regrets, il ne fera plus temps: l'armée remife entre les mains des rois par le confentement libre de la nation, par une loi conftitutionnelle, ne pourra plus en fortir; il faudra une nouvelle révolution, & peut-être aujourd'hui un mot fuffiroit.

On nous dira, fans doute : le pouvoir exécutif étant chargé de l'exécution des lois & de la défense du royaume, étant, fi l'on peut s'exprimer aiali, perfonnellement refponfabl à la nation de ces deux branches de la fouveraineté, il doit

Laquelle de ces trois opinions eft la bonne ? je demanderai aux partifans de la première s'ils ne craignent point que le monarque, aux droits duquel on n'aura mis que des bornes relatives à la plus ou moins grande quantité d'argent, ne les oblige pas un jour à porter les armes pour conquérir des paifibles voifins, ou, ce qui feroit plus cruel encore, pour opprimer leurs concitoyens je leur demanderai s'ils ne craignent point qu'il les choififfe eux-mêmes pour foldats tandis qu'il me choifira moi pour les commander; s'ils ne craignent point qu'il m'accable de grâces

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