Imágenes de página
PDF
ePub

& à leur exceffive cherté, je ne puis y croire. L'avoué, ne fervant qu'un petit nombre de mois, étant bien traité & par l'état & par le citoyen qu'il repréfentera, fera mille fois plus heureux que ne le font nos foldats. Si l'on craint de manquer d'avoués, comment n'a-t-on point craint de manquer de foldats. Cette coalition que l'on fuppofe poffible de la part des avoués, me paroît à moi abfolument impoffible. Si les coalitions de ce genre pouvoient avoir lieu, nous en verrions s'établir entre les membres des claffes inférieures de la fociété; mais le befoin les détruit dès leur raiffance. Suppofons néanmoins que les avoués deviendront très rares & par conféquent trèschers, quel mal en résultera-t-il pour l'état ? Chacun fervira, & c'eft là ce que nous devons défirer. Le moment où chacun payera lui-même la contribution du fervice perfonnel fera celui où il n'y aura plus d'indigens, & où la liberté nationale fera le mieux affermie. Je conviens meme que j'ai trop facrifié aux anciens préjugés, alors que j'ai admis les avoués dans mon systême; on ne peut en effet s'empêcher de remarquer avec M. de Loyauté « que pour fe procurer un avoué, la charge feroit en proportion beaucoup plus forte pour le pauvre que pour le riche: car tandis que l'un épuiferoit fes reffources pour payer cent livres, l'autre pourroit, fans la moindre gêne, en donner mille & chacun étant refponfable de fon avoué, il pourroit arriver auffi que l'infortuné qui auroit facrifié tout fon avoir pour fe fouftraire à la confcription, feroit encore forcé de s'y foumettre far la défertion de fon repréfentant ». On doit obferver encore avec le même écrivain «< que s'il eft permis à tous les citoyens de fe faire remplacer, alors l'amour propre détournera des milliers de jeunes gens aifes de leur inclination Four le parti des armes ils craindront d'être confondus avec ceux qui n'auront pu fe racheter de la confcription militaire: ainfi l'armée n'étant plus compofée que d'hommes vendus, tomberoit dans un grand aviliffement ». Ces deux objections font fortes, font très-fortes, elles font peutêtre les feules qui méritent une grande attention; mais pour les lever, il ne faut que s'attacher rigoureufement au principe, & dire les citoyens employés dans quelques-unes des parties de Padminiftration de l'état feront, avec les hommes mariés, les feuls qui pourront fe faire fuppléer. Ainfi la fociété ne fera point privée de ceux de fes membres qui lui feroient plus utiles en gérant leurs emplois, qu'en embraffant le métier des armes; ainfi les familles conferveront ceux de leurs membres qui leur feront néceffaires; ainsi l'armée, n'ayant plus dans fon fein qu'un trèspetit nombre d'avoués, fera infiniment meilleure ; ainfi enfin, perfonne ne rougira de fervir luimeme, car ce ne fera plus l'effet de la volonté perfonnelle, mais celui de l'utilité publique. Nous efayerons de remplir ces différens objets par des

amendemens à l'article 3 du projet de confcrip tion, qui fe trouve à la fin de ce mot.

Pour infpirer de la répugnance contre le fervice perfonnel, on l'a comparé au fort; mais n'auroit-on pas vu que ces deux moyens d'alimenter nos armées, n'ont entre eux aucune reffemblance. Si la milice infpiroit une efpèce d'horreur, c'étoit l'effet de fon injufte répartition ; c'étoit l'effet du mépris que nous avions conftamment & d'une main libérale, répandu fur la tête des miliciens. La confcription militaire feroit la plus affreufe de toutes les inftitutions, fi l'efprit de partialité la dirigeoit, mais du moment où tous les citoyens y feront foumis, elle rentrera dans l'ordre commun des impôts; & fans doute on en viendra à regarder comme honnorable le payement de cette contribution.

On a fuppofé encore que fi l'on emploie ce moyen, l'armée manquera de foldats; eh comment cela pourra-t-il arriver? elle n'en manquera que lors que l'empire manquera d'habitans. Dès le moment où l'on fuppofe que les François fe refuferont à payer ce tribut, on peut fuppofer de même qu'ils fe refuferont à verfer dans le tréfor public les contributions pécuniaires qui leur feront impofées.

Je ne diffimulerai point que l'établiffement de la confcription militaire aura pour antagonistes tous ces hommes qui ne peuvent voir de fang froid l'égalité s'établir entre les citoyens; tous ceux qui, captivés par l'égoïlme, ne fongent qu'à leur bonheur individuel, & tous les hommes qui aiment la liberté comme les avares la bonne chère; mais font-ce bien là les hommes dont les défirs doivent être confultés au moment où l'on veut fe donner une conftitution folide & durable.

A ces objections on auroit pu en ajouter quelques autres; on auroit pu dire que ce moyen ne nous convient point puifqu'il eft établi dans des pays courbés fous le joug du defpotifme. Oui, la confcription militaire est fous un defpote le comble, l'excès du defpotifme; être obligé de porter les armes pour s'opprimer foi-même, pour fatisfaire au caprice d'un tyran, ou affouvir les paffions de fes miniftres, c'eft l'excès de l'infortune. Mais en est-il de même quand c'eft la nation qui commande quand on eft affuré d'obéir à des lois fages, & de n'obéir qu'à elles. Ia confcription militaire feroit encore faite pour révolter, fi le citoyen étoit forcé de paffer huic ans confécutifs fous fes drapeaux, & dans une ville très éloignée du lieu qui l'auroit vu naître, mais nous favons aujourd'hui qu'il est inutile de garder tous les foldats qui font formés, réunis fous leurs drapeaux, pendant plus de deux ou trois mois, chaque année; nous favons qu'il eft utile de répartir les troupes fur la furface entière de l'empire, nous avons qu'il eft utile de fixer les militaires dans les provinces où ils ont vu le jour.

On auroit pu dire encore la confcription militaire s'oppofera à ce que nous ayons une armée aufli inftruite que celles de nos voisins; nos foldats n'auront point le temps de fe former aux exercices militaires; ou, pour parler notre ancien langage, nous n'aurons point de foldats mais des miliciens. J'ai répondu à cette objection : cela fût-il vrai , ai-je dit dans mon projet de confli tution pour l'armée des François, cela fût-il vrai? vous ne devriez point vous en effrayer; gardez vous cependant d'adopter cette opinion, elle est l'effet de l'amour propre de vos anciens défenfeurs. Eh! que deviendroit le mérite dont ils fe font targués pendant long-temps, fi l'on favoit que les exercices dont ils faifoient leur unique occupation, ne font prefque que des jeux d'enfant ; fi l'on favoit que les devoirs du foldat font infiniment moins difficiles à apprendre & à remplir qu'on ne le dit; fi l'on favoit que fon inftruction, même celle du cavalier, eft beaucoup plus bornée qu'on n'affecte de le croire? Il faut beaucoup d'étude & de temps pour former un bon écuyer; mais fix mois fuffifent au cavalier qui ne doit manoeuvrer qu'en efcadron; mais trois mois fuffifent pour former un fantaffin qui eft doué d'une intelligence ordinaire & qui eft intéreffé à être promptement inftruit. N'aurons-nous point d'ailleurs nos avoués qui formeront une espèce de noyau, autour duquel les hommes qui paieront eux-mêmes la contribution, viendront fe ranger? N'aurons-nous point nos bas-officiers, qui par le traitement qu'on leur fera, les efpérances qu'ils auront, fe fixeront conftamment fous nos drapeaux? N'aurons-nous pas nos officiers qui feront inftruits & animés par un vif patriotisme avec tous ces fecours, les foldats ne fuffent-ils que des miliciens, ils n'en formeroient pas moins une excellente armée.

&

Quand on a voulu exalter les avantages des enrôlemens faits à prix d'argent, on a demandé que deviendront dans le système de la confcription, ces ouvriers qui, manquant quelquefois de travail, s'engagent pour n'être point forcés à voler? Ils s'engageront comme ils s'engageoient auparavant, La confcription ne bannit point les engagemens parfaitement libres : les hommes qui voudront par goût ou par befoin devenir foldats, le deviendront pourvu qu'ils en foient dignes. Il femble qu'on a voulu infinuer encore que la confcription rendroit les ouvriers inutiles à leur profeffion mais non, cela ne peut être des foldats qui ne feront tenus qu'à trois mois tout au plus de fervice actif, n'auront point le temps d'oublier le métier qu'ils avoient appris pour vivre.

:

:

La dernière objection qu'on peut faire contre le fervice perfonnel eft celle-ci la confcription engagera les citoyens à fe marier dans l'âge le plus tendre, & ces mariages précoces produi fent de très-grands maux. Je fais qu'un gouver

nement fage doit prévenir ces affociations prématurées; auffi ai-je cherché a y mettre des obftacles. C'est pour cela, & pour m'affujettir au décret de la vie civique, que j'ai propofé de ne faire commencer la confcription militaire que du moment où le jeune François auroit été admis à prêter le ferment de citoyen; qu'après le mo ment où le corps de l'homme auroit acquis tout fon développement, à vingt-un ans.

Mais fât-il vrai que je n'ai fait que pallier quelquesuns des inconvéniens de la confcription militaire, fitil vrai qu'il m'en eft échappé quelques autres, eft-ce que les avantages ne contrebalanceront point fes vices? Pour nous en affurer, écoutons un écrivain qu'on ne peut point foupçonner d'avoir exagére le bien qu'elle produira.

« L'exécution d'un pareil systême pourroit avoue-t-il, n'être pas très-difficile; la contribution que chacun auroit à payer, feroit bien légère, car chaque citoyen feroit tout au plus appelé une fois, ce moyen procureroit à l'armée une efpèce d'hommes meilleure & plus sûre que celle qu'on obtient par les enrólemens faits à prix d'argent; les dépenfes de l'entretien de l'armée diminueroient confidérablement; ce moyen fourniroit aifément à toutes les augmen. tations fucceflives que les befoins de la guerre pourroient néceffiter; perfonne ne feroit humilié d'être ajetti à cette contribution; on rendroit au foldat la contidération qu'il devroit avoir; un meilleur efprit s'introduiroit dans les troupes; la défertion s'éteindroit ou feroit infiniment peu confidérable, & le nombre des célibataires deviendroit prefque nul ». Comment après avoir reconnu tous ces avantages peut-on ne pas fe ranger parmi les partifans de la confcription militaire? Mais n'offre-t-elle réellement que ceux-là? gardons nous de le croire; il en eft d'autres encore, & ceux-là font les plus grands on n'a pas prononcé le mot liberté, & c'eft préci fément ce mot que M. de Servan & moi avons eu toujours fous les yeux, quand nous avons formé notre projet de confcription militaire; c'eft le patriotifme qui nous l'a infpiré ce projet, & c'est parce que le fervice perfonnel nous a paru le vrai palladium de la liberté Françoile, que nous l'avons adopté & préfenté à P'Affemblée Nationale. Nous avions vu que le fervice perfonnel a été le feul moyen connu dans les fociétés naiffantes & jaloufes de leurs droits nationaux : nous avions vu que ce moyen a été le feul mis en ufage par les peuples qui ont voulu en même temps avoir des arces & ne point compromettre leur liberté : nous avions vu que ce moyen eft celui dont on s'eft fervi parmi nous pendant tout le temps où nous avons eu des lois conftitutionnelles : nous avions vi que c'eft du moment où le fervice perfonnel a ceffé que datent les impôts, le defpotitme royal,

ministeriel

miniftériel & militaire, notre dette nationale, & la perte de notre liberté. Nous favions qu'avec des foldats on a des impôts, & des impôts avec des foldats nous favions que les hommes qui ont été formés aux exercices militaires, ont, un jour de mêlée, une grande fupériorité fur les citoyens qui n'y ont point été exercés, & qu'il eft par conféquent de l'intérêt de la nation Françoife de ne plus concentrer la profeffion des armes & la fcience militaire dans un petit nombre d'hommes voués par état aux volontés du pouvoir exécutif : nous favions que la confcription militaire peut feule affurer la gloire des François, car quelle eft la puiffance étrangère qui ofera attaquer un empire dont toutes les provinces feront couvertes d'hommes formés aux exercices militaires? nous favions enfin, que la confeription militaire peut feule affurer le bien fuprême de la liberté, quel miniftre fera affez infenfé pour concevoir le projet de nous afervir, ou feulement de nous tyrannifer, quand il n'aura plus pour exécuter fes ordres, que des hommes ennemis naturels de l'oppreffion, de citoyens; quand il faura que les défenfeurs des druits nationaux ne font plus une tourbe fans difcipline, fans ordre & fans adreffe militaire, mais des millions de François accoutumés aux fignaux aux manœuvres & aux exercices de la guerre.

Pendant l'intervalle qui s'eft écoulé depuis le moment où l'on a commencé à imprimer cet article, Paffemblée nationale a décrété que l'armke feroit recrutée par la voie des enrôlemens faits à prix d'argent. Les deux orateurs qui ont entraîné les fuffrages des repréfentans de la nation, font M. le duc de Liancourt & M. Bureaux de Pufy; les difcours que ces deux membres de l'affemblée ont prononcés font éloquens & remplis de raifons fortes; mais l'éloquence peut quelquefois féduire une affemblée nombreufe, & des raifons qui ont vaincu pouvoient n'être point faites pour convaincre. Perfuadé de ces vérités, je perfifte donc à croire que la France reviendra fur fes pas & adoptera la confcription militaire, à moins qu'elle ne foit affez heureufe pour être gouvernée par des princes & des miniftres citoyens, je veux dire par des princes & des miniftres qui tous foient défabufés du pouvoir defpotique : c'est là le vœu le plus ardent de mon cœur; mais je connois trop les hommes pour que ce foit en même temps l'objet d'une efpérance folide.

Les raifons qu'ont données contre la confcription militaire MM. de Liancourt & Bureaux de Pufy, ne nous ont pas paru affez fortes pour nous déterminer à abandonner notre opinion fur le mode de recrutement pour l'armée Françoise; mais elles nous ont déterminé à propofer nousmêmes des amendemens, ou plutôt des explications au projet de loi que nous avons donné dans le commencement de ce mot. Ces explications portent fur le troifième article. Nous penArt. Milit. Suppl. Tome IV.

[merged small][merged small][ocr errors]

L'utilité générale étant la loi fuprême de toute fociété politique, toutes les perfor nes qui feront indifpenfablement néceffaires à la chofe publique feront exemptes du fervice perfonnel pendant tout le temps qu'ils exerceront leurs emplois.

Toutes les perfonnes qui fort éminemment plus utiles à la chofe publique, dans leur cité qu'à l'armée, auront le droit de le faire fuppléer par un avoué.

Toutes les perfonnes qui feront en même temps dans l'impoffibilité de fervir par ellesmêmes & de fournir un ayoué, feront exemptes du fervice perfonnel,

[ocr errors]

Dans la première claffe feront compris, 1o. les cfficiers municipaux, 29. tes membres de l'administration de diftri& & de département 3°. les députés à l'affemblée nationale, 42. les chefs de chaque recette des deniers publics, 5o. les perfonnes qui fe feront vouées au culte religieux, 6. les juges de paix, & tous les membres des cours de judicature, en y comprenant un notaire par canton 7°. un médecin & chirurgien auli par canton, 8. tous les profeffeurs & inftitateurs publics, pour la religion, les fciences & les arts, reconnus par les municipalités ainfi que ceux de leurs élèves qui auront moins de vingtcinq ans, 9°. Le chef de chaque feu lorfqu'il fera marié, & qu'il cultivera lui-même la terre de fes mains 10°. les maîtres boulangers & meûniers, que les officiers municipaux auront reconnu néceffaires à la fubfiftance de la commune.

[ocr errors]

Dans la feconde claffe feront comprifes les perfonnes qui auront rempli une feule fois un des emplois compris fous le numéro 1 2 & 3, Dins cette même claffe feront comprifes les perfan es dont le nom, eft infcrit fous les numéros 4, 5, 6, 7, 8 9, 10; pourvu qu'ils n'aient abandonné leur profeffion qu'après dix ans de fervice. Ces mêmes perfonnes feront rayées des rôles de la confcription militaire dès qu'elles auront occupé leurs emplois pendant vingt ans. Quind aux étudians, ils reprendront leur rôle de la conf cription du jour où ils abandonneront leurs études ou atteindront leur vingt-cinquième année.

Dans la troisième claffe feront comprifes les perfonnes qui, ayant moins de 400 livres de revenu, feront dans l'impoffibilité phyfique de remplir les fonctions militaires.

A ces articles explicatifs il faudroit en ajonter un autre : nul citoyen ne pourra être fait officier, dans l'armée avant d'avoir été foldat confcriptionnaire, ou à son tour, ou volontairement pendant deux ans confécutifs.

[ocr errors]

Parcourons, d'après ces amendemens, les ob jeЯions nouvelles qui ont été faites à la conf Cc

cription mi'i ire, & nous verrons qu'i's les ré- là pour défendre les matelots; aucun des

folvent toutes.

[merged small][ocr errors]

On fe priveroit, a-t-on dit, de la faculté de choifir les fujets dont l'armée feroit compofée : cette objection eft commune à la confcription & au recrutement à prix d'argent, car on ne choifit réellement que parmi ceux qui le préfentent, qu, pour mieux dire, on prend tout ce qui fe préfente, pourvu qu'il ne foit point incapable de fervir; avec la confcription on jouiroit du même avantage.

Je ne répéterai point ce que j'ai dit plus haut relativement à la comparaifon qu'on a faite entre la confcription & le fort; je crois avoir démontré qu'il n'y a entre ces deux moyens d'alimenter une armée, qu'une fimilitude apparente.

On s'eft appuyé de nouveau pour combattre la confcription fur les avoués, & l'on a dit : « ce fyftême ne fera plus qu'un fyftême d'enrôlement volontaire, puifque l'homme remplaçant le citoyen qui ne voudra point perfonnellement fervir acquiefcera volontairement à cette condition & ae fera qu'un foldat engagé. La feule différence de ce fyftême de remplacement, au fyftême d'enrôlement actuel, fera que les hommes qui confentiront à fervir, vendront leurs fervices plus cher qu'ils ne de font aujourd'hui, qu'ils fe donneront au plus offrant, & qu'alors le citoyen chargé d'affaires & de famille, & dont la préfence feroit néceffaire dans fes foyers, ne pouvant atteindre au prix exigé, fera forcé de fervir perfonnellement ». L'objection de la cherté des avoués tombe dès le moment où ils deviennent plus rares. J'oblerverai qu'on n'eft guères chargé d'affaires quand on n'eft point en état de payer une fomme de 100 livres en deux termes éloignés de quatre ou fix ans ; j'obferverai encore que les citoyens actifs étant les feuls appelés l'objection de la pauvreté tombe d'elle même.

[ocr errors]

On a argumenté de la néceffité, où se trouve Ja France, de traniporter fes armées des bords de l'Elbe jufqu'aux rives du Gange. Mais je demanderai où eft la necellité d'avoir des armées dans des contrées fi, lointaines. Si vous voulez être confequent à vos principes, ajouterai je, ne tranfportez plus à l'autre extrémité du monde des matelots arrachés à leurs foyers par la force, o confentez d'y tranfforter aufli les foldats. Ne nous diffimulons point la vérite; perfonne n'étoit

[ocr errors]
[ocr errors]

membres de l'affemblée ne craignoit qu'un commiffaire aux claffes, envoyât à fon fils le fatal ordre de départ, & tous voyoient qu'ils feroient appelés par la confcription. Ne nous faifons point illufion à nous-même nous ne fommes, malgré nos grands mots, ni pénétrés de l'égalité des hommes, ni d'un grand amour pour la liberté, ni d'un grand efprit de juftice. On est toujours forcé d'en revenir à cette chanfon triviale, mais précieuse par la vérité : nous aimons la bonté, l'exade probité dans les autres; faire le bien eft fi doux, pour ne rendre keureux que Rous & les nôtres.

On a demandé comment les citoyens d'un grand empire pourront être retenus dans les liens de cette confcription : l'homme inscrit paffera dans une autre ville, dans un autre dif tric, changera de nom; comment pourra-t-il être retrouvé ? il faudra exercer une adive inquifition fur les allans & les venans, & cette inquifition feroit deftructive de la liberté. Certes je ne m'étois point fait cette objection; certes je l'avois cru trop légère pour avoir besoin de la réfoudre. Tout citoyen qui aura payé fon contingent ayant fon congé, celui qui ne Paura point payé fera aifément reconnu, & obligé de le payer partout où il fera reconnu fi fon tour est arrivé dans fa municipalité. Obfervons d'ailleurs que tout homme confcriptionnaire n'est que rarement un vagabond, car il paye une contribution directe, au lieu que les hommes fujets au fort le font prefque tous, parce qu'ils font tirés des dernières claffes de la fociété. Ne donne-t-on point d'ailleurs à la liberté une étendue bien incertaine. Je crois m'apercevoir que comme nous ne la connoiffons point bien nous la rendons fuivant nos petites paflions, quelquefois démefurément grande, quelquefois ridiculement petite.

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

On a dit qu'on mettroit les citoyens entre l'al ternative de payer une contribution à laquelle ils répugneroient, ou d'être corporellement punis. Mais oui, fans doute, il n'eft pas poflible d'agir autrement, & cette imposition ne diffère en rien de toutes les autres.

car il a

On ne pourra plus dire que la confcription arrêtera les progrès de l'éducation été pourvu à ce que les jeunes citoyens, qui fe livrent à l'étude des fciences & des arts, ne foient appelés qu'à l'âge où l'inftitution eft finie.

Nous ne montrerons point de nouveau la dife férence qui exifte entre la confcription fous un defpote, & la confcription fous la loi; mais nous obferverons que les vices qu'on a reconnus à la confcription Pruffienne & Autrichienne, n'avoient point été transportés dans la conjcription Françoife: le defpoufme peut faire, des

exceptions; mais la loi d'un peuple libre porte égi'ement fur toutes les têtes.

Pour montrer que la confcription, dans fes rapports militaires, eft moins vicieufe qu'on n'affede de le croire, je ne me fervirai que d'une feule réflexion. Vous dites qu'on ne peut pas, avec une continuelle efpérance de fuccès, oppofer à des armées bien exercées & bien difciplinées, des armées fans inftruction & fans difcipline; je conviens de cette vérité; mais vous nous avez dit vous-même que les armées de Pruffe & d'Autriche font en grande partie formées d'hommes produits par la confcription; on peut donc conclure que nos foldats étant aufli confcriptionnaires, pourront être inftruits & difciplinés.

Quelque perfuadé que je fois des avantages que la confcription militaire a fur tous les autres modes de recrutement ? j'aurois, fi je n'avois écouté que mon efprit, abandonné fa défense. MM. Bureaux de Pufy, de Bouthillier & de Liancourt, avoient ébranlé mon opinion; mais mon cœur m'a ramené à la confcription, il m'a montré la liberté en péril, nos droits nationaux attaqués, & notre conftitution renverséc. Qael François refifteroit à un pareil fpectacle? Je me feliciterai d'avoir fuccombé, fi mes préffentimens ne fe vérifient point: il eft plus fimple, plus facile, plus commode de donner un peu d'argent, que d'abandonner fes affaires, fa famille, fes amis, pour aller vivre dans une ville étrangère, avec des inconnus; que d'expofer fes jours à de très-grands dangers, pour aller défendre des hommes qui ne vous tiendroient guères compte de tous vos facrifices. Mais cela eft-il plus sûr? Non.

CONSEIL D'ADMINISTRATION, (fupp.) Les confeils d'adminiftration dont M. de S. Germain étoit l'instituteur, & dont nous avons donné une idée dans notre article confeil d'adminiftration, ont éprouvé entre les mains du confeil de la guerre les changemens fuivans.

:

Le confeil d'adminiflration d'un régiment d'infanterie eft compofe de neuf membres, depuis le 15 de juin julqu'au 15 d'octobre de chaque année les membres de ce confeil font les quatre officiers fupérieurs & cinq capitaines depuis le 5 d'octobre jufqu'au 15 de juin il n'eft compofé que de cinq membres; un chef du corps & quatre capitaines.

Le confeil d'adminiflration d'un bataillon de troupes légères eft compofe en tout temps de cinq membres, les deux officiers fupérieurs & les trois capitaines les plus anciens.

Le confeil d'adminiftration des régimens de troupes à cheval eft compofé comme celui d'un régiment d'infanterie.

Tous les membres du confeil ont voix délibérative.

Les officiers les moins anciens du grade le moins élevé opinent les premiers; les membres qui font d'un avis différent de celui de la pluralité ont la liberté d'infcrire eux-mêmes, fur le regiftre, les motifs qui ont déterminé leur opinion.

Le premier de feptembre de chaque année les membres du confeil d'été, & ceux qui doivent composer le confeil d'hiver, doivent fe réunir pour terminer les arrêtés de l'année expirée, & préparer ceux de l'année suivante.

Le confeil d'hiver ne peut s'écarter des mefures d'administration qui ont été adoptées dans les différens confeils d'été, il doit s'attacher uniquement à bien fuivre leur exécution, à expédier les affaires courantes & à vérifier la comptabilité. ce confeil d'hiver peut être regardé comme une espèce de commiflion intermédiaire. Pour rendre cette commiffion plus utile ne faudroit-il point qu'elle affiftât, non à un feul confeil en feptembre, mais à tous les confeils d'été.

Les matières à mettre en délibération dans les affemblées du confeil d'admifiration y font rap-. portées par l'officier fupérieur qui doit paffer l'hiver au corps; fes fonctions conmmencent aú premier de feptembre, & finiffent le dernier d'août de l'année fuivante.

Le confeil n'étant établi que pour la direction & la furveillance des objets relatifs à l'adminiftration, il ne doit point s'immifcer dans ce qui concerne le fervice, la police, la difcipline.

Tels font les principaux changemens que l'or donnance du roi du 20 juin 1738 a introduits dans le confeil d'adminifiration : tous font heureux. Peut-être ne manque-t-il à nos confeils d'adminiftration qu'une autorité plus étendue relativement aux approvifionnemens néceffaires aux foldats; voyez directoire & régie. Peut-être faudroit-il auffi qu'il y eût, dans chaque confeil un membre qui eût le droit du veto, pour touc ce qui s'éloigneroit de la lettre de la loi ; droit pourroit être confié au commiffaire des guerres, qui déja y a entrée tous les deux mois qui doit y être admis toutes les fois qu'il en a requis le commandant du corps, & qu'il veut communiquer au confeil quelque objet relatif au bien du fervice; le comniiffaire feroit là l'homme du roi, ou plutôt de la loi.

CONSEIL DE CONCOURS. L'ordonnance concernant la hiérarchie des emplois militaires établit un confeil de concours. Ce confeil doit être compofé du lieutenant-général divifionnaire, de l'offi cier général commandant la brigade, de l'inspecteur divifionnaire, des officiers fupérieurs du régiment, & de deux capitaines du corps.

Les devoirs de ce confeil font de juger, dans les troupes à cheval, quel est le lieutenant en premier ou en fecond du régiment qui eft le plus

« AnteriorContinuar »