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ALLOCUTION. Terme par lequel on défigne les difcours que les généraux Grecs & Romains adreffoient à leurs troupes. L'allocution & la harangue militaire ont cela de commun qu'elles réveillent l'idée d'un difcours prononcé devant un corps de troupes; mais elles diffèrent, ce me femble, en ce que l'allocution étoit préparée avec foin, débitée dans un endroit défigné pour cet objet, le général étant placé fur une eftrade ou dans une espèce de chaire; au contraire, la harangue militaire ne confiftoit qu'en un petit nombre de mots infpirés par le moment, prononcés à la tête des troupes en bataille, ou prêtes à combattre, le général étant à cheval. Les longs difcours inférés dans les hiftoriens de l'antiquité ne font donc point des harangues militaires, mais de vraies allocutions. Voyez, relativement à ces allocutions, le mot ALLOCUTION dans le dictionnaire des antiquités.

Les tems modernes offrent plufieurs exemples remarquables d'allocutions militaires.

Charles-Quint croyant qu'il eft utile de faire connoitre à fon armée les motifs qui l'ont déterminé à defcendre en Provence affemble fes troupes, monte fur une espèce de tribune & les harangue pendant long-tems. Cette allocution eft rapportée dans les mémoires de Guillaume Dubellai; elle eft imprimée dans le tome XIX. de la collection des mémoires particuliers relatifs à l'hiftoire de France, pag. 306. Un fecond exemple d'allocution militaire eft auffi configné dans l'ouvrage, & le tome que nous venons de citer, pag. 321. Charles-Quint employa dans ces allo cations les moyens les plus capables d'augmenter le courage de fes troupes: il fit un ufage heu reux de la fuperftition ; il fit valoir tous fes avantages, & déprima autant qu'il le put François I. & fon armée. Le connétable de Montmorenci affembla de même fes troupes avant de commencer à fortifier fon camp fous Avignon: il leur parla des avantages de la pofition qu'il avoit choifie, des projets qu'il avoit formés, & de tous les moyens dont il pouvoit difpofer pour repouffer les efforts des ennemis. Il y a dans ces trois allocutions une éloquence vraiment militaire. Voyez l'article HARANGUE dans le dictionnaire de l'art militaire; il contient les principes que l'on doit fuivre dans la compofition des allocutions militaires; lifez aufli les ALLOCUTIONS que nous avons citées dans cet article.

AMBITION. Ce mot ett un terme générique, dont on fe fert pour défigner l'ardent defir de la gloire, celui de l'avancement, celui des

diftinctions honorables, & même celui des richeffes.

Nous n'examinerons point dans cet article s'il eft utile ou dangereux d'allumer l'ambition dans le cœur des militaires; ce que nous pourrions dire ne feroit point également applicable aux différentes espèces d'ambition, & moins encore aux différentes claffes dans lesquelles une armée eft divifée: telle espèce d'umbition doit animer le général, telle autre fes principaux fubordonnés, & telle autre les fimples foldats. Ce fera dans l'article GLOIRE, AMOUR DE LA GLOIRE que nous chercherons, s'il eft utile aux Etats modernes, que leurs défenfeurs foient animés par l'ambition de la gloire. Dans l'article RECOMPENSE, paragraphe des récompenfes intermédiaires, s'il eft bon que les militaires ayent l'ambition de monter à des grades plus élevés que ceux qu'ils occupent. Dans le paragraphe des récompenfes honorables, fi l'on doit chercher à éteindre ou à allumer dans le coeur des guerriers le defir d'obtenir des diftinctions flatteufes. Et enfin dans le paragraphe qui a pour titre des récompenfes pécuniaires, fi l'on doit exciter, ou réprivoir leur fortune s'accroître. Nous dirons cepenmer le defir qu'ont quelques gens de guerre de dant ici que prefque tous les gouvernemens de l'Europe doivent, s'ils veulent triompher de leurs ennemis, faire naître & entretenir dans le coeur de leurs défenfeurs ces ambitions réunies, ou au moins l'une d'entr'elles ; car la plupart des guerriers modernes fe vouent au parti des armes, plutôt par goût pour l'indépendance que pour l'état qu'ils embraffent, par libertinage, que par principes, par calcul que par fentiment. Lorfque cet article a été compofé, le fentiment du patriotifme étoit inconnu aux François. Nous pouvons efpérer qu'il fuppléera à toute elpèce d'ambition.

AMBULANCE. Mot ufité dans l'armée pour défigner l'hôpital ambulant, c'est-à-dire, qui fuit l'armée. Voyez HÔPITAL.

AMENDE, punition militaire. Prefque tous les peuples ont mis les amendes au rang des puni

tions militaires.

Les Grecs faifoient payer une groffe amende au général qui ne revenoit pas victorieux; ils fe faififfoient des biens du foldat, qui, fans en avoir reçu l'ordre, avoit dépouillé les morts, pourfuivi des fuyards, couru au camp des ennemis, ou à leurs bagages, & ils diftribuoient ce qu'ils avoient faifi, à la troupe dont le coupable faifoit partie : ils faifoient encore payer une amende à celui qui étaloit trop de luxe dans les camps: ils confifquoient enfin le bien des traîtres.

Les Romains avoient les are diruti. Voyez ce mot dans ce dictionnaire & dans celui des antiquités.

Sous Charlemagne, celui qui refufoit le ferz

impofe aux paifibles citoyens il leur enseignera encore à faire naître ce fentiment, à le conferver, à le fortifier. L'auteur du dictionnaire de politique fera connoître la différence qui exifte entre l'amitié qui unit les individus, & celle qui unit les grandes fociétés politiques, il enfeignera aux Etats à fe faire des amis & à fe les rendre utiles. Pour nous, nous bornant à ce qui eft purement militaire, nous allons montrer que fous tous les rapports, il feroit avantageux aux Etats, que leurs défenfeurs fuffent étroitement unis par les noeuds

Toutes les fois que la méfintelligence s'introduit entre les chefs de deux armées destinées à agir féparément, mais obligées de combiner leurs mouvemens, on ne remporte point de victoire & fouvent on effuie des défaites. (Voyez MESINTELLIGENCE.) Il eft donc néceffaire que l'amitié règne entre les généraux des différentes armées d'un même peuple. Convenons- en cependant, la méfintelligence entre les généraux de différentes armées enfante des maux plus grands, que leur mutuelle amitié ne produit de biens; mais il fuffit, ce me femble, que le fentiment qui nous occupe puifle procurer les avantages, même les plus légers, pour déterminer les administrateurs à examiner lorfqu'ils nomment les chefs des différentes armees, s'il n'y a point entre eux des femences de jaloufie, de divifion, ou de haine. Il n'y a qu'un defpote que fa barbarie a rendu odieux, qu'un miniftre qui fe fent chargé de l'indignation publique, qui puiffent craindre de remettre les forces de l'Etat à des généraux unis par les liens d'une vive amitié.

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vice militaire étoit condamné à une amende de
foixante fols d'or : Tous Philippe-Augufte fon fief
étoit confifqué, ce qui étoit une véritable amende:
fous Philippe III, le coupable payoit une amende
proportionnée à fa qualité, & il étoit obligé de
donner au fifc tout l'argent qu'il auroit dépensé
pendant la campagne : fous Henri II, on déva-
lifoit celui qui abandonnoit fon drapeau, ce qui
étoit une véritable amende : fous Henri III, il étoit
affujetti à la taille, ce qui étoit encore une vraie
amende fous Louis XIV, tout militaire mis aux
arrêts ou en prifon, étoit privé de fes appointe-d'une amitié inviolable.
mens pendant la durée de fa détention; ce qui étoit
encore une amende : fous Louis XV,le capitaine,
dont les foldats avoient fait la contrebande, payoit
Pamende qu'ils avoient encourue : les capitaines
payent encore aujourd'hui une amende, toutes les
fois que leur foldats ou leurs domeftiques vont
au fourrage clandeftinement, ou marchent avec
le campement, fans être commandés: cette
amende eft de trois livres pour chaque cheval.
Ces différens exemples prouvent fans réplique
que les amendes ont été fouvent employés, comme
punition militaire; mais ils ne m'induifent point
à croire, qu'elles foient faites pour entrer, ifolées
dans notre code pénal. Dès le moment où une
privation d'argent fera mife, par une loi, au rang
des punitions militaires, l'argent fera regardé
comme un des refforts de la difcipline: ce reffort
eft bien vil, ou au moins d'une force bien iné-
gale. N'eft-il pas d'ailleurs une claffe nombreuse
de militaires, à qui on ne peut enlever la plus pe-
tite partie de leur folde fans les réduire à manquer
du néceffaire abfolu? On peut, j'en conviens
punir les bas officiers pendant la paix, en leur fai-
fant payer une légère amende; mais on ne doit
jamais employer feule cette punition pniaire,
les coupables feroient bientôt peu fenfibles à ce
châtiment. Voyez notre article INTERDICTION.
Quant aux officiers, il feroit bon de faire revivre
la loi de Louis XIV. que nous avons citée dans
cet article, & qui privoit de leurs appointemens
ceux qui avoient été mis aux arrêts ou en prifon :
L'ordonnance fembleroit leur dire pendant que
vous ferez détenu dans votre chambre ou en prifon,
vous ne pourrez remplir aucun de vos devoirs,
vous n'aurez donc, pendant que durera votre dé-
tention, aucun droit à la paye que l'Etat donne à
ceux qui le fervent. Cette loi promulguée, il
s'agiroit de faire un bon emploi des fommes
qu'elle produiroit. Ne pourroit-on pas les verfer
dans la caiffe des invalides, & les employer à
procurer des objets de pur agrément aux militaires
vénérables qui font fixés dans cet afyle? Cette
loi feroit jufte & produiroit peut être d'heureux
effets, car on ne peut fe diffimuler qu'il y a des
militaires dominés par l'amour de l'argent.

AMITIÉ. L'auteur du dictionnaire de morale définira l'amitié, vantera fes charmes, dira les plaifirs qu'elle procure, & les devoirs qu'elle

Les faits confignés dans l'article MESINTELLIGENCE, & les réflexions inférées dans le paragraphe II de l'article CONSEIL, prouvant encore qu'il eft néceffaire que l'amitié règne non-feulement entre le général d'une armée & fes principaux fubordonnés, mais encore qu'elle unifse ces derniers d'une manière étroite, il ne nous refte plus qu'à montrer les avantages que l'amitié procureroit aux claffes inférieures de l'état militaire. Ce qu'on va lire eft tranfcrit en grande partie d'un dictionnaire de l'art de la guerre commencé par M. de Servan, & inféré dans le journal militaire, année 1786. Je copie avec confiance les réflexions de cet eftimable écrivain; celui qui fait fi bien remplir tous les devoirs que l'amitié impofe, doit parler dignement de ce fentiment, en faire fentir les avantages.

&

«Eh! qui a plus befoin, dit cet écrivain eftimable, de trouver des amis parmi fes compagnons, que le citoyen qui a pris les armes pour défendre fa patrie? Tranfporté dans des camps, au milieu des pays étrangers, éloigné de fa province, de fa ville, de fon hameau, de fa chaumière, de fes voifins, de fes parens; expofé à toutes les misères de la vie & à toutes les angoiffes de la mort; n'ayant devant les yeux que des pri

vations, des malencontres, des bleffures, comment réfiftera-t-il à tant de peines, qui femblent être au-deffus du peu de forces réparties à la foible humanité? L'amitié feule pourra le foutenir. En effet, voyez cet homme, il vient de fe faire En frère d'armes ; ils viennent de fe jurer muellement intérêt, fecours, confeils, défense, amitié enfin, & déja l'univers s'eft agrandi pour eux; l'un & l'autre ont fenti augmenter leur courage & leur fécurité; ils ne font plus feuls; ils fe fecourent dans les périls; ils combattent à côté l'un de l'autre ; ils feront chacun plus fort du fecours de chacun d'eux; malheur à l'ennemi qui ofera les combattre; il recevra deux coups au lieu d'un, & la mort feule pourra arrêter les actes réitérés de bravoure, de fenfibilité & d'humanité de ces deux individus, dont l'amitié n'a fait qu'un feul homme. » Voyez fur le même fujet notre article EMPLOI, NOMINATION AUX EMPLOIS.

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« Voulez-vous vous rappeller, continue M: de Servan, des exemples qui viennent à l'appui de avantages fans nombre qui réfulteroient de l'amitié, fi elle régnoit parmi les militaires Parmi un très grand nombre que l'on peut trouver chez les anciens, il fuffit de citer le bataillon facré des Thébains, qui étoit un corps de trois cents jeunes gens, unis d'une étroite & tendre amitié, & engagés par un ferment particulier à ne prendre jamais la fuite, & à fe défendre les uns & les autres jufqu'au dernier foupir. >>

:

A cet exemple fourni par M. de Servan, nous croyons devoir en joindre quelques autres avant un combat entre les Etrufques & les Romains, le général des premiers donna à chacun de fes guerriers la permiffion de choifir un compagnon, un ami pour combattre à fes côtés; jamais, dit Phiftoire, les Etrufques ne combattirent avec plus de chaleur & d'obftination. L'empereur Léon Fenfoit de même qu'il eft avantageux de réunir les amis, & de les faire combattre les uns à côté des autres. (Voyez l'empereur Léon par Mézeroi, tome I, pag. 39; tome 2, pag. 246.) Les Chinois ont la même opinion; voici ce que dit un de leurs généraux des plus célèbres : « Cinq hommes inféparablement unis, n'ayant qu'une même façon d'agir & de vivre, qu'un même but, qu'un même intérêt, ne voyant, ne parlant, n'en tendant, ne fentant qu'en commun, n'étant affectés que des mêmes objets, & n'ayant, pour-ainfidire, que les mêmes paffions, ne trouveront rien qui foit au-deffus de leur portée; ils fe foutiendront dans les marches, ils s'animeront dans les combats, ils s'éclaireront dans les doutes, ils fe foulagerent dans les peines, ils s'encourageront dans les craintes, ils fe ferviront mutuellement de frein contre les vols, les rapines, les bris gandages, & contre toute action illicite & déshonorante. >>

<< Faut-il fe rapprocher davantage de notre tems,

& chercher des exemples parmi nos aïeux ? veuillez relire l'hiftoire de notre chevalerie, fi brave & fi fameufe. En permettant l'amour, la courtoifie, le fervice & la défense des dames, les bons chevaliers avoient bien fenti que le lien de l'amitié étoit néceffaire pour entretenir parmi eux les fentimens de la loyauté & de l'honneur; & que lui feul pouvoit unir des hommes entre lesquels une double rivalité pouvoit devenir une fource de divifions. Pour prévenir ces inconvéniens ils avoient imaginé les fociétés ou fraternités d'armes. Le frère d'armes devoit être l'ennemi des ennemis de fon compagnon; tous deux devoient partager par moitié leurs biens préfens & à venir; &, comme le dit un ancien écrivain, ils devoient mutuellement fe conforter, & aider de leurs corps & de leurs avoirs; enfin l'amitié devoit avoir fur leur cœur des droits plus forts & plus facrés que l'ade n'avoir pas volé à leur fecours, fi dans le mour des dames, & un chevalier étoit difculpé même inftant il avoit été obligé de fecourir un de fes frères d'armes. de fes fières d'armes.

Je trouve dans les mémoires de la Vieilleville une anecdote que je vais tranfcrire, parce qu'elle peint d'une manière très-énergique le pouvoir de l'amitié fur nos pères, & les effets heureux qu'elle produifoit; je ne changerai rien aux expreffions de Vincent Carloix : elles prêteront, ce me femble, un charme nouveau à cet exemple: le Gaulois me paroît plus propre que le François à peindre l'amitié. « La Vieilleville s'embarque volontairement fur une efcadre vénitienne qui fecondoit les efforts des François en Italie, il a avec lui un gentilhomme nommé Cornillon; le Vaiffeau que montoit la Vieilleville eft pris. Le feigneur de Monica entre les mains duquel la Vieilleville tomba, l'ayant mis à trois mille écus de rançon, & Cornillon à mille, lui offrit liberté pour aller, fur fa foi, quérir lesdites rançons, à la charge toutefois, s'il ne revenoit dedans le tems qu'il lui avoit limité, que fon compagnon feroit mis à la cathène, en danger d'y ufer le reite de fes jours. »

сс

« M. de la Vieilleville qui avoit juré amitié avec M. de Cornillon, refufa ce parti, craignant que la longueur du chemin, & les moyens ne fe pûffent accommoder avec la briéveté du tems; mais il pria le fieur de Monica d'envoyer devers M. de Lautrec, l'avertir qu'il tenoit Vieilleville prifonnier ; & qu'il payeroit, outre fa rançon & dépens ceux que le trompette feroit pour aller jufques la diftance du lieu où ils étoient, environ foixante milles Ce que fit le fieur de Monica : & le trompette de retour, amena deux gentilshommes de la part de M. de Lautrec, qui apportèrent ce qui étoit requis pour fa liberté ; mais parce que ledit fieur de Monica avoit oublié de fpécifier la rançon & dépens de l'autre, M. de Vieilleville

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les renvoya avec leur argent, fuppliant par eux, I M. de Lautrec, après l'avoir remercié de fa bonne volonté, d'envoyer un homme sûr, en la duché d'Anjou, porter les préfentes qu'il écrivoit à fon père, étant à Durestal, pour avoir quatre mille écus, & qu'il creveroit plutôt en la prifon que d'abandonner un gentilhomme d'honneur & valeur qui étoit prifonnier avec lui, & s'en étoient mutuellement juré fidélité de courir une même fortune. Mais comme ils étoient prêts à partir avec cette créance, le feigneur de Monica confidérant la grandeur du courage, & la loyauté de M. de Vieilleville, qui aimoit mieux pâtir que de manquer de foi & de parole, lui donna fort libéralement fon compagnon, & prit ce qu'ils avoient apporté pour lui. » Voyez la pag. 127 & fuivantes du tome 28 de la collection des mémoires pour l'hiftoire de France.

Puifque l'amitié doit produire des avantages auffi grands que nombreux, occupons-nous des moyens de la faire renaître. Ces moyens font fimples, ils étoient connus des Germains & des

Gaulois nos ancêtres : les divifions de leurs armées

plus vive, mais des hommes qui ont acquis par le travail & la réflexion, de l'expérience & de la fageffe, de même on doit confier à la guerre toutes les opérations qui demandent de la science ou de l'expérience, non au plus aimé, mais au plus digne, au plus capable de s'en bien acquitter. Tout homme qui écoute la voix de l'amitié, quand il s'agit du fervice de l'Etat, eft un traître, oui, un traître, ou du moins un homme foi ble, & par cela feul indigne d'occuper un poste éminent.

AMORCE. Ce mot s'emploie pour défigner la poudre à canon qu'on a mife dans le bassinet d'une arme à feu.

AMORCER. C'eft garnir une arme à feu d'amorce. Il est intéreffant d'accoutumer les foldats à bien amorcer : quelques-uns mettent dans le basfinet une trop grande quantité de poudre, & les autres une quantité trop pétites ces deux extrêmes font également vicieux.

faut, pour vaincre, tirer très-vîte une grande Des puiffances européennes perfuadées qu'il n'étoient point, comme le font les nôtres, com- quantité de coups, ont adopté des fufils qui s'apofées d'hoinmes de différentes provinces, réunis bles à celles dont nous nous fervons, & qu'on est morcent eux-mêmes. Ces armes font-elles préféraau hafard fous un chef inconnu, mais des membres de la même famille, ou des habitans du mê- obligé d'amorcer? Des expériences très - fouvent me canton, commandés par un chef du même répétées, & faites avec beaucoup d'attention, pays : familia propinquitates, dit Tacite. « Eh! peuvent feules réfoudre cette queftion imporcomment ces hommes qui ne formoient, pour-riences à des hommes fages, également en garde tante on doit confier le foin de faire ces expéainfi-dire, qu'une même famille, n'auroient-ils pas été unis de la plus étroite amitié ? Comment n'auroient-ils pas affronté les uns pour les autres, les périls, les peines, les privations, les dangers, la mort même ? Voulez-vous vous affurer de la bravoure, de la fageffe, de la foumiffion de vos troupes ? réuniffez dans le même corps les parens, les voifins, les compagnons de l'enfance. »> Voyez encore nos articles ESPRIT DE CORPS & EMPLOI, NOMINATION AUX EMPLOIS. Voyez fur tout l'article CONSTITUTION MILITAIRE FRANÇOISE.,

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Oui, plus j'y réfléchis, plus je fuis convaincu que l'amitié entre les égaux ne peut produire dans une armée, que des effets grands & heureux; fi elle pouvoit jamais être nuifible, ce feroit quand, uniffant enfemble des hommes qui occupent des rangs différens, elle jette fon bandeau fur les yeux de celui qui eft le plus élevé. Aveuglé par ce fentiment, Agéfilas confia la flotte de Sparre à Pifandre; Céfar choifit mal les tribuns de fon armée, & Vauban fir donner trop tôt, en 1691, l'affaut à un des ouvrages de Namur: mais ce n'eft pas là l'amitié, ce font fes abus; eh, de quoi ne peut-on pas abufer! Comme dans la vie civile on confulte pour des affaires férieufes & importantes, non des hommes légers ou frivoles, quoiqu'on foit uni avec eux par les liens du fang ou par les fentimens de l'amitié la

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force de l'habitude; des militaires trop jeunes
contre le charme des nouveautés, & contre la
faire ces expériences.
ou trop âgés font par cela même incapables de

AMOUR. L'amour, dit l'académie françoife, eft un fentiment par lequel le cœur fe porte vers ce qui lui paroît aimable, & en fait l'objet de fes defirs & de fes affections: on a donc de l'amour toutes les fois qu'on a conçu un goût violent pour un objet quelconque; par conféquent, il y a autant d'efpèces d'amour qu'il y a d'objets pour lefquels on peut fe paffionner : le mot amour eft donc auffi vague que le mot ambition, auffi n'aura-t-il point dans notre dictionnaire d'article particuleir: Voyez AMBITION. Lorsqu'on voudra favoir fi telle ou telle efpèce d'amour doit être excité ou réprimé, & quels font les moyens de le faire naître ou de le détruire, de le fortifier ou de l'affoiblir, on cherchera le mot qui défigne l'objet vers lequel l'amour le porte. Voyez donc les mots ARTS, CHASSE, FEMMES, GLOIRE, HUMANITÉ, JEU, LIBERTÉ, PATRIE, RÉCOMPENSES, RELIGION, &c.

Outre ces différentes efpèces d'amour, il en eft trois qui doivent être traitées dans cet article: l'AMOUR-PROPRE, L'AMOUR DE SOI, & L'AMOUR DES SOLDATS. L'amour propre & l'amour de foi, parce qu'ils ne peuvent être renvoyés ail,

leurs ; & l'amour des foldats, parce que la particule des ne marque point, comme dans l'alinéa précédent, l'objet vers lequel l'amour fe porte, mais le fujet dans lequel l'amour réfide.

S. I.

De l'amour de foi.

On a donné le nom d'amour de foi à cette forte affection que la nature infpire à chaque homme pour lui-même: ce fentiment eft un effet néceffaire de la fenfibilité phyfique : tout être fenfible doit être profondément occupé de fa propre confervation; vivre, & vivre fans douleur, c'eft pour lui le premier, le plus grand des biens celui qui adopte une opinion contraire s'égare, à plaifir, dans de vaines spéculations, il écrit le roman du cœur humain, & nous en defirons l'hiftoire.

adopter? Le meilleur, c'eft fans contredit celui
qui eft le plus près de la nature, celui qui parle
le plus éloquemment à notre coeur, à notre inté-
rêt, celui qui eft employé par les peuples fau-
vages; mais il n'eft pas en même-tems celui qui
nous convient le plus. On ne peut efpérer de
faire naître la haine, la colère, l'indignation dans
le cœur de cent mille hommes qui n'ont jamais
eu de démêlé avec les cent mille hommes qu'ils
ont en tête; les manifeftes les plus adroits ne
peuvent produire un pareil effet: quant aux po-
tion enivrantes, elles font plus dangereufes pour
celui qui les emploie que pour celui contre qui
elles font deftinées. Voyez l'article VIN. Les hom-
mes font aujourd'hui trop éclairés pour se laiffer
entraîner par la fuperftition; la religion n'a plus
affez d'empire fur eux pour être leur feul guide,
voyez RELIGION; quant à la crainte des peines
elle eft foible auprès des terreurs que la mort inf-
pire, voyez PHILOSOPHIE DE LA GUERRE ; il n'y
a donc que les paffions factices & l'amour des
récompenfes, qu'on peut confidérer comme une
paffion factice, qui puiffent être employées au-
jourd'hui, en France, avec fuccès, pour éteindre
ou pour affoiblir l'ardeur du fentiment de l'amour
de foi. Nous n'examinerons ici ni quelle eft la
paffion factice la plus propre à l'affoiblir parmi
les guerriers la force de l'amour de foi, ni quelle
eft la récompense la plus propre à éblouir leurs
yeux; nous nous contenterons de dire que cha-

vant être confidérée comme un reffort puiffant,
ou peut-être même comme un fens nouveau, les
victoires feront d'autant plus affurées que les paf-
fions feront plus nombreuses & plus véhémentes,
& les récompenfes plus grandes & mieux choi-
fies. Voyez le paragraphe fuivant & les articles
GLOIRE, HONNEUR, LIBERTE, PATRIE, PHI-
LOSOPHIE DE LA GUERRE & RÉCOMPENSES.

Puifque l'amour de foi n'eft en dernière analyse que la crainte de la douleur & de la mort, ce fentiment eft donc le deftructeur de la première des qualités guerrières, de celle fans laquelle les autres ne font d'aucune utilité; de la bravoure ; & par conséquent celui que les légiflateurs, les généraux, & le refte des inftituteurs militaires doivent combattre avec le plus de foin & le plus de fuite. Comment effacerons-nous les traits d'un fentiment fi naturel, & fi profondément gravé? Pour nous en inftruire, interrogeons ces hom-cune de ces récompenfes & de ces paffions poumes qui, pouffés par une ambition démesurée, oa animés par quelqu'autre paffion véhémente ont réuffi à raffembler un grand nombre de leurs femblables, à leur faire prendre les armes, & à les conduire fur le champ de la douleur & de la mort. Au milieu d'un peuple fauvage, nous les verrons employer, pour bannir l'amour de foi, les moyens les plus capables d'exciter la haine, d'éveiller la colère, de faire naître l'indignation, ou d'allumer le defir de la vengeance: chez des Cet amour de foi, ce defir de fa propre conpeuples un peu plus civilifés, recourir à des po- fervation, ce fentiment dont il importe fi fort tions enivrantes, à la fuperftition & au reffort d'éteindre ou d'affoiblir l'ardeur pendant la guerre, de la crainte: au milieu des fociétés policées, cher- ne peut-il point produire, au moins pendant la cher à créer des récompenfes affez brillantes pour paix, quelques effets heureux ? Oui, fans doute, éblouir les guerriers, & à faire naître des paf-il en peut produire : les foldats comme les au fions factices allez fortes pour étouffer cette première des paffions naturelles. Convaincus par cet examen que l'homme s'occupe néceffairement de fa propre confervation, jufqu'au moment où il eft emporté par une paffion naturelle très-ardente, ou jusqu'à ce qu'il eft entraîné par une paffion factice très vive, ou enfin jufqu'à ce qu'un grand dérangement dans fes organes lui a ravi l'ufage de fa raiton, de fon inftinét, nous conclurons que tout gouvernement fage doit, pour avoir des guerriers valeureux, recourir à l'un des trois movens que nous venons d'indiquer. Mais quel eft de ces trois moyens celui qui eft le meilleur en lui-même, & quel est celui que nous devons

tres homines entendent à merveille le langage de leur intérêt ; c'est même celui qu'ils entendent le mieux; je dis plus, c'eft peut-être le feul qu'ils entendent conftamment : montrez-leur donc que leur confervation, leur bonheur, dépendent de leur obéiffance, & vous les verrez empreffés à courber la tête fous le joug de la difcipline: mettez toujours, en un mot, l'amour de foi en oppofition avec les deffeins pervers, & ces deffeins feront effacés. Cet amour de fa confervation peut fervir encore à éloigner les jeunes officiers d'un grand nombre de vices. Il eft peu d'homines que la morale retienne, & il en eft beaucoup que la crainte arrête; un des meilleurs freins contre la

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