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quatre hommes de front chacune, porteroient plus de trouble dans la ligne ennemie, que trois qui auroient trente-deux hommes de front chacune. Le nombre vingt-quatre n'a pas, j'en conviens, comme le nombre trente-deux, l'avantage d'être toujours exactement divisible par deux; mais cela eft-il ici abfolument néceffaire? Il eft bien rare, i eft impoffible qu'une colonne qui attaque foit obligée, après avoir percé, de former des divifions perpendiculaires à fon front qui aient moins de trois hommes de profondeur: obfervons de plus que fi une colonne de vingt-quatre files de front & de douze de profondeur eft obligée de fe divifer pour en former deux, chacune de ces nouvelles Cannes, ayant douze files de profondeur & doute de hauteur, eft également forte par quelque face qu'elle marche : obfervons enfin que les plus petites fubdivifions d'une colonne de vingtquatre files, font naturellement marquées par nos caporaux placés dans le rang: mais, fans nous occuper plus long-temps des détails des colonnes, cherchons plutôt les principes généraux qu'on doit fuivre dans leur formation, ou, ce qui eft la même chofe, difons quelles font les qualités qu'elles doivent réunir pour être bonnes.

Une colonne parfaite feroit celle qui fe mouveroit en avant, en arrière & fur fes flancs avec la plus grande légéreté; qui feroit également forte fur chacun de fes différens fronts; qui fe formeroit & fe déploieroit avec promptitude & facilité; qui fe diviferoit fans rifque & avec vivacité, pour tomber fur les flancs d'une troupe qu'elle auroit percée; qui répareroit fans peine les défordres arrivés dans fon intérieur ; qui, malgré les pertes, présenteroit toujours à fes adverfaires un front égal & une profondeur fuffifante;

par fon feu éloigneroit l'ennemi ; qui pourroit être compofée avec des divifions inégales; & qui fe préteroit enfin avec facilité à tous les terrains qu'elle devroit parcourir.

Les colonnes faites pour fixer l'attention des militaires peuvent fe réduire à trois, les autres n'en font en effet que des variétés. Ces trois colonnes font: 1. celle que notre infanterie exécute; 2o. celle que M. Dumenil-Durand a imaginée, & 3. celle que M. de Seguier a créée.

La colonne formée en arrière & fur le centre du bataillon, eft, fans doute, une des meilleures qu'on puiffe imaginer; elle réunit plufieurs des qualités que nous avons demandées, & nous ne devrions même point en chercher d'autre, s'il étoit poffible d'éviter dans fa formation ce calcul de files qui eft néceffaire pour en rendre les divifions égales; fi l'on habituoit les troupes à la former & à la déployer en marchant; fi l'on trouvoit le moyen de placer ailleurs que dans fon intérieur les officiers & les bas-officiers de ferre-file.

Nous nous difpenferons de parler de la colonne

de M. Dumenil-Durand & de fon mécanisme ; il n'eft, j'ofe le croire, aucun militaire inftruit ou défireux de s'inftruire, qui ne la connoiffe qui ne l'ait étudiée : paffons donc à la colonne de M. de Seguier.

M. de Seguier, après avoir prouvé, dans l'ouvrage qu'il nous avoit confié, les avantages de l'ordre profond & des colonnes qui en font la bafe; après avoir payé aux créateurs des différentes colonnes le tribut d'éloges qu'ils méritent; apprécié leurs ouvrages avec équité, & démontré qu'il eft de l'intérêt général de permettre l'expofition & la difcuffion de tous les fyftêmes & de toutes les opinions, parce que les débats produifent les jugemens folides, demande fi c'eft par réflexion ou par imitation qu'on a divifé, par des intervalles parallèles à leur front, toutes les colonnes qui ont paru depuis celle de Folard. Cette manière de divifer les colonnes paroît, à M. de Seguier, vicieufe à beaucoup d'égards.

1°. Lorsque la colonne, dont les intervalles font parallèles au front, eft ferrée en maffe, elle ne fait plus qu'un corps contigu; il n'est donc plus poffible de remédier aux défordres qui arrivent dans fon intérieur, & les hommes qui ont été bleffés, n'ayant pas la poflibilité de fe retirer de la mêlée, font ou foulés aux pieds par la colonne entière, ou la caufe qu'elle dérange fon mécanisme pour leur ouvrir une iffue.

2o. Les colonnes dont les intervalles font parallèles au front, ont bien toujours la même ptofondeur, parce qu'elles font compofées du même nombre de divifions, mais leur front varie de la manière la plus grande, foit à caufe des pertes fucceflives qu'elles éprouvent, foit par les détachemens, la mort ou les maladies, &c.; or, s'il eft important de conferver aux colonnes une certaine profondeur, il eft bien plus effentiel encore de leur conferver, un front toujours le même, & c'eft ce que le mécanisme de ces colonnes ne permet point.

3°. Si les colonnes tranfverfales veulent faire feu, elles ne le peuvent guères que par leur front; leurs flancs font en effet compofés de bouts de rang foumis à différens commandemens, & d'officiers qui ne doivent jamais tirer: cependant ce font les flancs des colonnes qui feuls peuvent être obligés de faire fouvent feu.

4. Si les colonnes tranfverfales font dans le cas de marcher par leur flanc, elles ne préfentent encore que des bouts de rangs entremélés d'offi ciers & de bas-officiers, qui, mal armés ou mal foutenus, ne peuvent faire un grand effort.

5°. Si les divifions qui compofent une colonne tranfverfale ne font point égales, ce qui arrive très-fouvent, fes flancs ne font point contigus.

6o. Si l'on eft obligé de détacher d'une de nos colonnes la troupe qui forme un de fos

flancs, cette troupe fe trouve compofée de quatre divifions, tires de quatre compagnies différentes, qui ne font habituées ni à marcher, ni à tirer enfemble, & qui ne font point foumifes au même commandement.

7°. Si après avoir fait une trouée on veut tomber, comme on le doit, fur les flancs des troupes qu'on a renverfées, quel effet peuvent produire des bouts de rangs foibles & défunis? La colonne de l'ordre françois a bien une division de profondeur qu'on nomme tranche; les pelotons de celles de l'exercice fe partagent bien auffi en fections, mais ces espèces de divifions peuvent fi on être regardées comme idéales. D'ailleurs les fépare de la maffe, elles ne font plus que de pièces & de morceaux.

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8. Si l'on veut paffer un défilé, plus étroit que le front de la colonne , par fection quel défordre dans la troupe; que de temps perdu!

9°. Un général, voulant garnir un certain efpace avec des colonnes tranfverfales, calcule qu'elles ne feront qu'à telles diftances les unes des autres; cependant, comme le front de chacune de ces colonnes eft diminué, ou peut être diminué de moitié, elles fe trouvent bien plus éloignées les unes des autres qu'il ne l'avoit cru, & de là fouvent la perte de la bataille ou des échecs confidérables.

Pour parer à tous ces vices, M. de Seguier forme fa colonne avec des intervalles perpendiculaires au front & allant de fa tête à fa queue. Il en couvre la tête avec des grenadiers, & la queue avec des chaffeurs.

Le front d'une colonne perpendiculaire, compofée de deux bataillons, est toujours de trentedeux files & fa profondeur de trente le front d'une colonne d'un bataillon eft auffi de trentedeux files & fa profondeur de quinze.

Une colonne, comme nous la formons aujourd'hui, expofe fa dégradation à l'ennemi, parce que fa diminution tombe fur fon front; la colonne perpendiculaire la lui cache, parce que la dimi nution qu'elle éprouve tombe fur fa profondeur.

L'effet de l'attaque, c'est-à-dire, la largeur de la trouée, est toujours la même avec la colonne perpendiculaire, il varie avec la colonne tranfver

fale.

Le général voit toujours occuper à chaque colonne perpendiculaire le même efpace dans la ligne.

Si les flancs d'une colonne perpendiculaire font obligés de faire face pour fe défendre contre ce qui fe replie fur eux, ils font leur feu enfemble comme dans leurs exercices ordinaires, ils n'ont en effet qu'un feul & même commandant.

Si l'on détache les flancs d'une colonne perpendiculaire afin d'élargir une trouée & de prendre en

fanc une ligne enfoncée, les compagnies entières s'y portent dans leur ordre habituel.

Les bleffés du front & de l'intérieur d'une colonne perpendiculaire peuvent s'écouler, fans courir le rifque d'être écrafés, par le gros de la troupe & fans déranger la colonne.

Par quelque défilé que la colonne perpendiculaire foit obligée de paffer, fes divifions fe trouvent naturellement faites; elles y entrent par une, deux, quatre compagnies, foit en avant, foit en retraite, fans rien changer à leur forme.

De quelque nombre de files que les pelotons d'une colonne foient compofés, quelque inégaux qu'ils foient entre eux, cela eft parfaitement égal à fa formation. Il n'en est pas de même de la colonne tranfverfale.

fe

On m'objectera, dit M. de Seguier, que mes divifions étant contigues de la tête à la queue, feront obligées de marcher le pas de flanc, efpèce de pas reconnu pour défectueux, en ce qu'il diminue la viteffe de la marche, & ne peut foutenir que quelques inftans, même dans le terrain le plus favorable. On m'objecera encore que les intervalles perpendiculaires au front ne pourront être que très-petits à caufe du flottement des divisions.

A cela M. de Seguier répond les colonnes actuelles offrent les mêmes inconvéniens, car dès qu'un homme en fuit un autre & qu'il est obligé d'emboiter le pas, il lui eft parfaitement égal que la troupe dont il fait partie marche par fon front ou par fon flanc. Dans ma colonne perpendiculaire de marche ou de manœuvre, je puis, en faifant prendre un pas de distance à chaque homme, leur donner la même facilité à marcher que dans la colonne tranfverfale. Je puis encore, quand je fuis loin de l'ennemi, augmenter, fans inconvénient, la grandeur des intervalles perpendiculaires; il fuffit de faire ferrer les pelotons quand le moment de charger arrive: l'on peut d'ailleurs s'en fier içi au mouvement machinal, qui porte chaque individu à fe rapprocher de ce qui peut le fecourir.

M. de Seguier revient fur le paffage du défilé, parce que l'avantage de la colonne perpendiculaire fur la colonne tranfverfale eft ici trèsconfidérable. Suppofons, dit-il, que le front d'une colonne tranfverfale eft de trente hommes, & que le pont établi fur le foffé ou fur le ravin, &c, ne permet qu'à cinq ou fix hommes de paffer en même temps; fera-t-on paffer la colonne de l'ordre françois par tranches? ces tranches font de quatre compagnies différentes. Les pelotons pafferont-ils les uns après les autres? cela ne fe pourra qu'en marchant par leur flanc, & en détruifant l'organisation de la colonne. Comment

agiront

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agiront les partifans de la colonne de l'ordonnance? même embarras.

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Ces inconvéniens & ces difficultés ne fe rencontrent point dans la formation perpendiculaire. Quelque filière qui fe préfente, il y entre naturellement ce qu'elle peut contenir, trois, fix, neuf, douze hommes, c'eft-à-dire, un, deux, trois ou quatre pelotons. Les compagnies y entrent dans leur ordre naturel, & en reffortent formées. Cette manauvre ne requiert ni mouvement, ni commandement nouveau. La troupe qui fe trouve vis-à-vis le paffage y entre la première; celles de droite ou de gauche la fuivent & reprennent leur place en fortant.

On objecera encore que les flancs de la cole perpendiculaire fe trouveront trop courts Jorique les pelotons feront diminués par les pertes ou les détachemens à cela je réponds d'abord, j'aurai toujours autant de combattans que les autres; mais quand je ferois réduit à dix files, ce fera toujours affez pour donner à ma colonne de la folidité & de l'impulfion. Je puis d'ailleurs alonger les flancs de ma formation toutes les fois que je les trouve trop courts, & que je crois que l'ennemi cherche à les gagner. Je n'ai pour cela qu'à déboîter la moitié de ma lonne, en pouffant en avant les quatre compagnies du centre. Cette nouvelle tête ne fera plus, il eft vrai, que de feize files, mais j'aurai doublé la longueur de mes flancs. Ma colonne préfentera alors une espèce d'échelon affez reffemblant au coin des anciens. Peut-être trouvera-t-on cette dernière forme très-avantageufe pour une attaque, fur-tout fi l'on fortifie cette feconde tête en y portant une fection de grenadiers. Le vide que laifferont les pelotons déboîtés fervira à placer les officiers fupérieurs, qui feront là à portée de tout voir, & de fe faire entendre. Je crois fermement, ajoute M. de Seguier, & fofe dire que M. de Seguier ne croyoit point légérement, & qu'il ne difoit je crois que lorsqu'il étoit convaincu, je crois, difoit donc M. de Seguier, qu'une troupe ainfi ordonnée pourroit en affronter une beaucoup plus nombreuse, qui auroit la complaifance de fe tenir régulièrement étendue, & failant régulièrement feu, M. de Seguier croyoit encore que cette dernière dif pofition eft très favorable contre la cavalerie: il croyoit aufli que la colonne perpendiculaire paffe avec autant de facilité que les colonnes tranfverfales de l'ordre étendu à l'ordre profond; il coyoit enfin que le mécanifme de cette maneuvre eft infiniment fimple. Nous ne décrifons point ce mécanisme, il n'est aucun militaire qui ne puiffe aifément fuppléer à notre filence.

Je n'entreprendrai pas de juger la colonne de M. de Seguier; mais je puis dire fans fortir de mon plan qu'elle offre à mes yeux plufieurs avantages qui manquent aux colonnes que nous Art. Milit. Suppl. Tome IV.

formons. Combien ne ferois-je pas fatisfait, fi en faifant connoître, par cet extrait, le travail, d'un homme pour qui j'ai eu toujours le respect le plus profond, & qui a mérité fi bien Petime du public, en rempliffant avec diftinction fes devoirs d'homme, de citoyen, & de militaire, j'avois fourni une colonne préférable à celles qui ont été employées jufqu'à ce jour.

§. VI.

Des colonnes pour fervir d'appui aux aîles d'une difpofition.

Le général Lloyd & beaucoup d'autres militaires faits pour entraîner nos fuffrages, ayant prouvé qu'il vaut mieux appuyer les aîles de fon armée fur des colonnes bien conftituées, que fur des appuis naturels, voyez notre article AILES, nous allons examiner quelle doit être la formation de ces colonnes.

Un écrivain militaire à qui nous devons plufieurs bons ouvrages fur l'art de la guerre, M. de Turpin de Criffé prétend qu'on donne communément trop de front aux colonnes deftinées à couvrir les aîles d'une armée, & il a raifon fi l'on daignoit réfléchir fur Pobjet que ces colonnes ont à remplir, on verroit qu'il fuffit de leur donner douze files de front, & qu'on pourroit même, comme le veut le maréchal de Saxe, les réduire fans inconvénient à huit. Ce n'est point contre l'ennemi qui attaque le front de l'armée que ces colonnes font deftinées, mais contre celui qui veut la prendre en flanc; ce n'eft donc point par leur front qu'elles doivent combattre, mais c'eft par leur flanc & par conféquent c'eft leur flanc qu'on doit étendre & leur front que l'on doit rétrécir. Ce que je dis des colonnes destinées à couvrir la pointe des aîles d'une armée, est également applicable & aux brigades que l'on place entre les deux lignes de l'infanterie en bataille, & à celles qui doivent couvrir de la cavalerie. Toutes ces colonnes, pour produire l'effet qu'on attend d'elles, doivent avoir plus de profondeur que de front. C'eft principalement à ces colonnes qu'on devroit donner la machine que nous avons décrite dans le §. III de cet article; l'effet en feroit certain.

§. VII.

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De la colonne pour l'attaque des lignes & retranchemens.

Une troupe formée fur trois de hauteur ne poat efpérer ni de pénétrer dans les retranchemens que l'ennemi a conftruits, ni de forcer les lignes a élevées; une pareille victoire ne peut appartenir qu'à des troupes formées en colonne, mais quelle doit être l'organisation de ces colonnes?

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Multiplier les attaques, c'est la première maxime établie pour les opérations de ce genre ; or on ne peut multiplier les attaques, fi les colonnes ont beaucoup de profondeur & de front, donc... la conclufio eft claire: plus une colonne a de front, plus il faut qu'elle comble du foffé, & qu'elle abatte du parapet; donc il ne faut point augmenter excelfivement le front des colonnes deftinées à cet objet. Si, d'après ces vérités, vouloit réduire exceffivement le front & la profondeur des colonnes destinées à attaquer des retranchemens, on tomberoit dans d'autres inconvéniens; c'eft par-tout d'un jufte milieu que dépend le fuccès. Une colonne de douze files de profondeur, & de douze ou tout au plus de vingtquatre de front, formée fur le centre en arrière, ou d'après les principes de M. de Seguier, me paroît ici, comme prefque par-tout ailleurs, la meilleure qu'on puiffe employer,

§. VIII.

De la colonne pour le paffage des lignes.

Si une feconde ligne qui vient pour en remplacer une première, doit, afin de fe rendre fur le terrain qu'elle veut occuper, le former en colonne, & ne fe déployer que lorfqu'elle eft arrivée fur ce terrain; la meilleure colonne, pour exécuter cette manoeuvre, eft celle qui fe déploye avec le plus de promptitude & qui fe couvre dans tous les inftans de plus de feux. Nous ne dirons pas qu'elle eft des différentes colonnes, dont nous avons parlé, la meilleure pour cette opération; mais on ne la cherchera fans doute que parmi les colonnes formées fur le centre au nombre defquelles eft la colonne à intervalles perpendiculaires. Voyez l'article LIGNE, PASSAGE DES LIGNES.

§. IX.

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De la colonne pour le paffage d'un défilé. Nous verrons dans l'article DEFILE, PASSAGE D'UN DÉFILÉ, qu'il eft prefque toujours plús avantageux pour paffer un défilé de former une colonne ferrée, que de recourir aux manœuvres par file ou aux colonnes avec distance; il s'agit donc d'examiner ici qu'elle eft la colonne que l'on doit fubftituer à ces manoeuvres. Les colonnes perpendiculaires ou les colonnes ferrées en maffe & formées fur le centre font encore ici celies qui méritent preique toujours la préférence : comme il eft cependant des cas où il eft plus avantageux d'employer pour cet objet des colonnes terrées & formées fur le premier ou fur le dernier peloton d'un bataillon, que fur le centre de ce même bataillon, nous nous garderons bien de bannir abfolument ces colonnes. Il ne faut point, fans doute multiplier inutilement le nombre

des manœuvres, voyez ManœuvrÈS, mais auffi ne faut-il point en rejeter qui puiffent nous être utiles. Voyez, fur la manière de paffer un défilé, l'article DEFILE; vous trouverez encore fous ce mot des réflexions fur la manière dont doit ma nœuvrer une colonne qui rencontre un défilé.

§. X.

Des colonnes avec diflance.

Les ordonnances militaires françoifes fe fervent encore du mot colonne pour défigner une troupe rompue à droite ou à gauche par fection, par peloton, ou par divifion; & qui marche par fa droite ou par fa gauche en confervant fes diftacticiens tances. Si la définition que tous les

ont donnée du mot colonne eft bonne, il eft clair qu'on a eu tort de fe fervir de ce mot dans cette circonftance, car une troupe rompue de cette manière n'a aucune des qualités d'une colonne.

L'auteur de l'ouvrage intitulé de l'Esprit militaire s'exprime ainfi fur ces prétendues colonnes. Au refte, il n'eft pas befoin d'avertir qu'il ne peut être ici queftion de la colonne ouverte qu'on fe fouvient que j'ai profcrite. Cette colonne, fi pefante dans fa marche, par la néceffité des alignemens, fi flafque, fi foible, fi incapable de défenfe, fi impraticable devant la moindre troupe ennemie; cette colonne qui n'a que la propriété de fervir de paffage à l'ordre déployé, & qui même à cet égard eft beaucoup plus lente dans fes moyens que la colonne ferrée, à moins qu'il ne plaife à l'ennemi d'attaquer précisément du côté où l'on eft formé, cette colonne, dis-je, eft affurément, même dans le fyftême de l'ordre mince, une disposition très-absurde.

§. X I.

De la manière de former les colonnes.

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Comme une troupe est toujours très-foible au moment où elle paffe d'un ordre à un autre on doit rendre ces inftans le plus courts qu'il eft poffible, & par conféquent recourir au pas le plus vif; c'est donc au pas de manœuvre que les colonnes doivent toujours le former & fe déployer.

On devroit exercer les troupes à former & à déployer les colonnes, tant en marchant, que de pied ferme. Il eft plufieurs circonstances où il eft bon que les divifions qui doivent former la tête des colonnes continuent à gagner chemin ; & où il est avantageux de gagner quelques pas à mefure qu'on fe met en bataille.

Doit-on former les colonnes en marchant par le flanc, ou en faifant des demi-quarts de converfion & marchant enfuite par le front des pelotons? ces deux manières peuvent avoir cha

cune leur emploi; la première eft cependant prefque toujours préférable à la feconde:

Nous ne parlerons point ici de la manière dont les troupes formées en colonne doivent marcher pour joindre l'ennemi; on trouvera ces détails dans les articles MARCHE & CHARGE.

§. XII.

De l'attaque des colonnes.

Nous avons indiqué dans les différens paragraphes de cet article les principaux objets dignes de fixer l'attention des militaires; il ne nous refte donc plus qu'à parler de la manière dont on doit fe conduire quand on a à combattre une coloane.

Un grand nombre de fuppofitions différentes fe préfentent ici à nous; nous n'effayerons point de les épuifer: nous nous bornerons à fixer nos regards, fur les plus importantes. Comment doit agir un corps d'infanterie dépourvu de canon & de cavalerie, qui veut attaquer une colonne ? comment doit agir un corps d'infanterie dépourvu de canon feulement? comment doit agir un corps d'infanterie qui a du canon & point de cavalerie? comment doit agir un corps de cavalerie dépourvu d'infanterie & de canon? Nous ferons abstraction des qualités du terrain, de la valeur des troupes, & nous fuppoferons que la différence entre le nombre des combattans des deux partis eft trop peu confidérable pour être confidérée.

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Ce n'est qu'en fe formant en colonne que l'infanterie dépourvue de cavalerie & de canon peut vaincre de l'infanterie formée en colonne : tous les militaires en conviennent; voyez notre article CHOC. Mais l'affaillant doit-il fe borner à une feule attaque ou doit-il en former plufieurs? doit-il diriger fa marche vers le front, les flancs ou les angles de la colonne ennemie ? Si l'ennemi avoit affez peu de connoiffance des hommes & de Part militaire pour vous attendre de pied ferme, vous devriez former une attaque environnante, je veux dire, tomber avec quatre ou cinq petites colonnes différentes fur le front, les angles & les flancs de fa colonne ; mais comme cette fuppofition n'eft pas admissible on doit conclure que lorfqu'on eft réfolu à attaquer un ennemi formé en colonne il faut auffi former des colonnes, marcher à lui, ainsi que nous l'avons dit dans les articles MARCHE & CHARGE, & attendre tout de la fupériorité de force, d'adreffe & de valeur.

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Quand on a de la cavalerie & point de canon on doit former une attaque environnante & fimultanée. La cavalerie fe dirige, ainfi que nous le dirons plus bas; l'infanterie marche d'un pas ferme & décidé vers les flancs & le front de la colonne ennemie : ce fut à peu près ainsi que nous Vainquimes à Fontenoi.

Si on a du canon & point de cavalerie, & f l'ennemi a la patiente ineptie de le laiffer canonner, on fait feu for lui jufqu'au moment où il eft ébranlé par le canon, & puis on marche à l'attaque; mais, on le fent, cette fuppofition eft encore parfaitement inutile; eft-il de chef militaire affez peu inftruit pour le conduire ainsi.

Quand on a du canon & de la cavalerie on recourt encore à une attaque fimultanée & environnante après avoir toutefois porté, à coups de canon, le trouble dans les rangs de l'ennemi.

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Après avoir examiné comment l'infarterie doit ttaquer de l'infanterie en colonne, nous devons examiner comment de la cavalerie doit attaquer de l'infanterie en colonne. Nous prendrons ici M. le baron de Boan pour guide.

« L'infanterie doit-elle craindre, fe demande cet écrivain, la cavalerie en plaine? peut-elle lui refifter ». Cette queftion, qui agite encore quelquefois les militaires eft auffi inutile que difficile à réfoudre, puifqu'il fe trouvera toujours des exemples faits pour donner à chaque arme la confiance de la fupériorité de fa force; confiance qu'il ne faut pas détruire, mais qu'il faut au contraire augmenter par la recherche de tous les moyens qui peuvent railonnablement l'infpirer.

Les fuccès d'une arme contre l'autre font prefque toujours déterminés par la fupériorité des hommes qui la compofent. De l'excellente cavalerie battra de l'infanterie médiocre & réciproquement, de l'excellente infanterie ne fe laiffera point entamer par une médiocre cavalerie.

D'après les précautions que prend l'infanterie pour le mettre en état de défenfe, la cavalerie doit combiner fes moyens d'attaque. Cette première emploie fon feu pour porter de loin le défordre dans nos efcadrons, & elle fe renferme fous le double rempart de fes bayonnettes pour réfifter à notre impétuofité; c'eft dans cette position, réellement formidable, qu'elle prétend attendre la cavalerie fans la craindre. Attaquer de l'infanteric ainfi difpofée, c'eft je l'avoue, choifir le moment de fa plus grande résistance & hafarder fes fuccès; mais l'officier de cavalerie n'eft pas toujours maître de choisir l'inftant où il doit attaquer; fes opérations particulières tiennent fouvent à des vues générales qui les entraînent, & affujettiffent celui-ci à des ordres qu'il n'a pas le droit d'examiner:fon métier est d'exécuter avec intelligence & felon les règles de l'art.

Suppoions donc de l'infanterie dans ton ordre défentif, fuppofons aufli la cavalerie hors de la portée des coups de cette infanterie ; car c'eft toujours dans cet éloignement qu'elle doit faire fes premières difpofitions d'attaque. La cavalerie fe metra en colonne par pelotons, compagnie &c, fuivant l'étendue du front qu'elle voudra atraquer, & fi fes forces le lui permettent, elle doit toujours faire fes difpofitions de manière à attaquer deux points à la fois, choififfant les plus foibles, ceux qui

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