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aux guerriers des motifs affez puiffans pour les déterminer à faire à la patrie tous les facrifices qu'elle exige? celui qui nous apprend que nous devons allumer dans l'ame des militaires le feu d'une vive émulation, & que cette émulation re peut exifter quand on met des bornes à leurs défirs & à leurs efpérances?

Nous nous garderons de blâmer les opinions que nous venons de tranfcrire: elles étoient, au moment où elles ont été énoncées, un effort de liberté & de justice. L'ariftocratie étoit dans fa force, la preffe dans l'efclavage; & l'on remarque aifement que les deux auteurs cités n'ont point developpé leur véritable penfée. Si MM. de B... & de L... avoient écrit aujourd'hui, ils diroient avec nous une haute naiffance peut accorder les honneurs du Louvre, mais le mérite combiné avec l'ancienneté peut feul donner les honneurs militaires. Voyez GRADATION & HIERARCHIE.

COLONEL COMMANDANT. I es ordonnances militaires rédigées d'après les avis du confeil de la guerre, ont fubftitue au grade de brigadier celui de colonel commandant.

Le colonel qui s'eft fait diftinguer à la guerre par une action d'éclat bien conftatée, doit obtenir le titre de colonel commandant. Ce titre lui donne le commandement fur tous les officiers de fon grade, quoique plus anciens de fervice que lui.

Le colonel commandant porte pour marque diftintive une étoile d'or ou d'argent fur les épaulettes & fur le cordon de la dragonne de fon grade.

Le brevet de colonel commandant doit fpécifier en outre le nombre d'années de fervice dont fera gratifié celui qui l'obtiendra, afin de parvenir plutôt au grade d'officier général.

Dans une conftitution militaire qui donnoit le nombre des années de fervice pour base de l'avancement, la création des majors, des lieutenans colonels & des colonels commandans, étoit fans doute néceffaire; elle le feroit auffi dans une conftitution militaire où l'ancienneté feroit le feul mérite; mais le feroit-elle encore dans une conftitution où les chefs & les pairs de chaque militaire feroient les feuls juges du mérite? non fans doute. Dans une pareille conftitution, le guerrier qui feroit une action éclatante, action utile, une action qui mériteroit une grande récompente & qui annonceroit un grand talent, obriendroit certainement bien plus qu'un brevet de commandement; il feroit élevé par acclamapremier grade fupérieur vacant.

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forment des colonnes toutes les fois qu'elles font difpofces de la manière que nous venons d'indiquer on fe fert auffi du mot colonne pour défigner une longue file d'affûts, d'avant-trains, de caiffons, de chariots deftinés à transporter des vivres ou des bagages: on emploie encore le niême mot pour défigner le chemin que l'une de ces colonnes fuit.

§. I.

Des colonnes en général.

Les colonnes font naturellement divifées en deux claffes; en colonnes de troupes & en colonnes de chariots. Les colonnes de troupes peuvent être confidérées comme fubdivifées en colonnes pour la marche & en colonnes pour le combat; la dernière de ces deux claffes a un nombre affez confidérable de nouvelles fubdivifions, dont nous nous occuperons dans le cours de cet article.

Les colonnes de chariots font fubdivifées en colonnes de bagages & en colonnes d'artillerie. Voyez, pour les colonnes de bagages, les articles BAGAGES & EQUIPAGES, & pour les colonnes d'artillerie, le dictionnaire de l'artillerie.

§. I I.

Des colonnes pour la marche.

Comme on dut s'apercevoir de bonne heure qu'il eft impoffible à une armée entière de fe tranfporter déployée en bataille, d'une pofition. ou d'un camp qu'on vouloit lui faire abandonner, à une pofition, à un camp nouveau qu'on vouloit lui faire occuper, on dut chercher de bonne heure comment on pouvoit lui faire parcourir avec plus de facilité, l'efpace compris entre les deux pofitions; & bientôt auffi on dut reconnoître qu'il falloit pour cela la divifer en plufieurs parties, à chacune defquelles on donneroit beaucoup plus de profondeur que de front: comme chacune de ces divifions d'une armée avoit plus de longueur que de largeur, & comme elles obfervoient entre elles des diftances à peu près égales, on crut remarquer vraisemblablement qu'elles avoient quelque reffembiance avec les piliers dont l'architecture fe fert pour foutenir & pour orner les bâtimens, & de là on leur donna le nom de colonne que portent ces piliers: mais abandonnons de vaines & inutiles conjectures & fans chercher à faire le roman des colonnes de marche, en les fuivant depuis leur naiffance jufqu'à ce jour, confignons plutôt dans cet article ce que les écrivains les plus fenfès & les géné→ raux les plus habiles ont penfe fur le nombre de colonnes de marche qu'une armée doic former, fur leur mécanifme intérieur, fur leurs dimenfions.

Le réglement provifoire pour le fervice de l'infanterie en campagne, veut que l'armée françoife marche ordinairement fur fix colonnes, & quelquefois fur quatre il prefcrit la manière dont chacune des colonnes doit être compofée, dans l'une & dans l'autre circonftance. Voyez l'article 11 & fuivans du titre 25.

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Il faut bien, fans doute, que le chef d'une armée détermine d'une manière générale, au commencement d'une campagne, le nombre de colonnes de marche que fon armée doit former, le front que chacune de ces colonnes doit avoir & le rang que chaque efpèce de troupe doit occuper dans la colonne dont elle fait partie : mais il est bien difficile il est même prefque impoffible que ce premier ordre fubfifte conftamment; les événemens de la guerre, les circonftances du terrain, les opérations de l'ennemi, mille autres caufes difficiles à prévoir & trop longues à énumérer, peuvent, doivent même le détruire très-fouvent ce qu'il y a de certain c'eft dans les plaines, dans les pays ouverts que il faut multiplier autant qu'on le peut le nombre des colonnes. Plus les colones font multipliées, moins elles font longues; or, moins les colonnes font longues, plus la marche eft prompte & rapide moins les colonnes font longues, plus les officiers généraux qui les conduifent ont de facilité à prévenir les défordres & à les réparer moins les colonnes font longues, plutôt l'armée eft en bataille. Tout cela eft vrai, mais comme il est vrai auffi que plus les colonnes font multiplices, plus il faut ouvrir des marches; que plus on ouvre de marches, plus on détruit de grain, plus on gâte un pays, plus on donne de peine aux pionniers; il refulte de ces obfervations qu'il y a des avantages & des inconvéniens par-tout; de quel côté y a-t-il le plus ou le moins d'inconvéniens? c'est aux généraux à en juger quant nous croyons qu'il eft prefque toujours avantageux de multiplier le nombre des colonnes.

nous,

:

à

Plus le front des colonnes de marche fera confidérable, moins leur profondeur fera grande, mais plus il faudra de temps pour ouvrir les chemins des colonnes, & plus il fera difficile de combler les ravins, de jeter les fonts, &c.; il y a donc ici, comme par-tout, un milieu à faifir: ce milieu a été indiqué par quelques écrivains à cinq toifes ou trente pieds. Quant à nous, nous penfons que trente pieds eft le minimum de largeur; car une ouverture de trente pieds ne peut guères fuffire qu'à douze hommes ou tout au plus à quinze. Il réfulte en effet d'un grand nombre d'expériences que j'ai faites à Metz, qu'une troupe en bataille occupe près de deux pieds par homme; or s'il faut deux pieds à un homme immobile portant fes armes, il faut au moins vingt-fix, vingt-huit ou même trente pouces à un homme On pleine marche. Il en eft donc du front de

chaque colonne comme de leur nombre, il ne peut être déterminé d'une manière conftante, uniforme, car il dépend de la qualité des chemins que les colonnes doivent parcourir, & d'un grand nombre d'autres combinaisons, que les circonftances obligent de faire.

Il eft de même très-difficile de dire quelle doit être la compofition intérieure de chaque colonne de troupes, quels font les corps qui doivent ea avoir la tête, & quels font ceux qui doivent en avoir la queue; quel doit être le rang, l'emplacement & la compofition des colonnes d'artillerie & de celles des équipages, &c. Tous ces objets font foumis aux circonftances des temps & des lieux. Voyez l'article MARCHE; l'auteur à qui nous le devons y a fait des fuppofitions propres à répandre de la lumière fur cette branche bien importante de l'art de la guerre.

Quant aux petites précautions relatives à la police des colonnes de marche voyez le titre 25 du réglement provifoire, déja cité dans cet article, l'article MARCH, & POLICE DES ARMÉES.

On donne auffi " comme nous l'avons dit, le nom de colonne au chemin que doit fuivre une colonne de troupes ou de bagages. Voyez, relativement à la manière dont ces colonnes doivent être tracées & ouvertes , les articles CHEMIN, & MARCHE.

§. III.

Des colonnes pour le combat.

Ce n'est point ici que nous devons examiner si les armées françoifes doivent combattre fur trois rangs de hauteur, ou fi elles ne doivent fe préfenter au combat que formées en colonne. La place de cette difcuffion importante, dont le fujet occupe & partage, depuis un grand nombre d'années, tous les militaires françois, est naturellement fixée aux articles ORDRE PROFOND, ORDRE MINCE & ORDRE MIXTE : mais comme les partifans de chacun de ces différens fyftêmes conviennent qu'il eft plufieurs circonfiances dans lefquelles l'infanterie doit, pour vaincre, ou pour n'être pas défaite, être formée en colonne, nous allons examiner quelles font les proportions, quelle est l'organisation la plus convenable aux différentes colonnes que nous avons nommées colonnes pour le combat.

On convient généralement que l'infanterie menacée par la cavalerie, doit, pour n'être point défaite, fe ployer en colonne; on convient aufli qu'il eft beaucoup de circonftances où l'infanterie doit, pour renverfer de l'infanterie, prendre un ordre plus profond qu'étendu; que l'infanterie doit , pour réfister à un corps compofé de cavalerie & d'infanterie, fe ployer aufli en colonne ; qu'il faut placer de l'infanterie en colonne dans

Fintervalle compris entre les deux lignes d'une armée en bataille; qu'il faut des colonnes pour couvrir les flancs de la cavalerie; qu'il faut fe mettre en colonne pour attaquer des retranchemens, pour paffer un défilé; on convient enfin qu'il faut fe former en colonne pour exécuter un paffage de ligne; il s'agit donc de trouver quelle eft, pour chacune de ces circonftances, la colonne la meilleure. Je dis pour chacune de ces circonflances, car la colonne la plus propre contre la cavalerie peut n'être point la plus propre pour exécuter un paffage de ligne, pour paffer un défilé, &c. Je ne prétends cependant point qu'il faille créer une colonne différente pour chacune des circonftances que nous venons d'indiquer, mais feulement pour celles qui, n'ayant point une analogie parfaite avec les autres, rendent indispensable la formation d'une colonne différente.

§. IV.

De la colonne contre la cavalerie.

Nous donnons le nom de colonne contre la cavalerie à la difpofition que l'infanterie doit prendre, pour réfifter à un corps de guerriers qui combattent à cheval.

Un grand nombre d'écrivains militaires s'étant occupés de l'ordre que doit prendre, d'après leur fytéme, l'infanterie qui eft obligée de traverfer, à portée d'un corps de cavalerie, un terrain propre à cette dernière arme; chacun d'eux donnant à la colonne qu'il a créée, perfectionnée, ou adoptée, la préférence fur toutes les autres, & appuyant fon opinion fur des raifons plaufibles, fur des autorités refpe&tables, & fur des exemples heureux, le militaire qui veut s'inftruire doit néceffaire ment, après avoir flotté long-temps dans une incertitude cruelle, concevoir un certain mépris pour la tactique, ou du moins pour les effets qu'on lui attribue. Comme ce pyrrhonifme peut avoir, à la guerre, les fuites les plus funeftes, nous devons effayer de le détruire pour y parvenir, nous annoncerons d'abord les différentes conditions qu'une colonne contre la cavalerie devroit remplir pour mériter d'être généralement adoptée; & puis nous indiquerons les principales colonnes qui ont été propofées ou exécutées : ainfi nos lecteurs pourront, en rapprochant ces différentes colonnes du modèle intellectuel que nous allons leur offrir, juger avec facilité celle qui mérite d'obtenir la préférence.

Une colonne contre la cavalerie devroit, pour être parfaite, 1°. fe former avec une grande promp titude & avec une extrême facilité : avec une grande promptitude, car fes ennemis marchent grande vélocité; avec une grande facilité, car ceux qui doivent la former font quelquefois ou peu habiles ou troublés par la vue

avec une

d'un danger imminent: 2°. elle devroit avoir la faculté de faire face par-tout; car elle peut être inveftie: 3°. de marcher fur toute efpèce de terrain & par toutes fes faces, car elle a frefque toujours befoin d'avancer chemin; car elle peut être obligée de fuivre tous les rayons du cercle dont elle peut fe confidérer comme le centre; car la campagne n'offre que très-rarement des peloufes unies, des terrains artiftement nivelés: 4°. elle devroit n'avoir que peu de pourtour & aucun côté foible; plus fon périmètre eft confidérable, flus elle offre des points d'attaque, & l'on fait qu'un feul endroit foible la rendroit la proie de l'ennemi: 5°. elle devroit pouvoir fe couvrir de beaucoup de feu, car ce n'eft que par des armes de jet qu'elle peut efpérer de tenir fon ennemi éloigné d'elle : 6°. elle devroit être également propre à un corps fuivi de Jon canon & de fes équipages, & à un corps dépourvu de l'un & de l'autre de ces objets; à un corps compofé de plufieurs bataillons, ou d'un feul, & même à un détachement de deux ou trois cents hommes ; de l'infanterie peut fe trouver en effet dans ces diverfes circonftances: 7". elle devroit pouvoir fe remettre en bataille avec facilité, ou former avec promptitude une colonne d'attaque; car elle peut être obligée de faire un grand feu, ou d'attaquer de l'infanterie; 8°. elle devroit enfin pouvoir réparer aifément les défordres occafionnés dans fon intérieur, ou par le canon de l'ennemi, ou par d'autres caufes qu'on ne peut prévoir, parce que c'eft de l'ordre qui règne dans fon intérieur que dépend fon falut.

Telles font les principales conditions que doit réunir une colonne d'infanterie deftinée à reFouffer les efforts de la cavalerie.

Quelle eft des différentes difpofitions imaginées ou employées jufqu'à ce jour celle qui approche le plus du modèle intellectuel que nous venons d'offrir? Est-ce la colonne du chevalier Folard? eft-ce celle de M. Dumefnil-Durand ? eft-ce la difpofition de M. de Guibert ? eft-ce la colonne que nous a donnée l'auteur anonyme d'un ouvrage intitulé, nouvelles Conftitutions militaires? eft-ce le quarré long à centre vide,. qui eft prefcrit par l'ordonnance pour l'exercice de l'infanterie donnée le 1er juin 1776? font-ce plufieurs petites colonnes, placées toutes à la même hauteur & à une distance égale à leur front font-ce quatre petites colonnes pleines placées aux quatre angles d'un grand quarré à centre vide? eft-ce la colonne de M. le chevalier Dutheil? eft-ce une colonne ferrée en masse par pelotons & formée en arrière fur le centre ? eft-ce enfin une colonne imaginée par un officier général françois, que nous avons perdu depuis peu? colonne dont, felon les apparences, je tuis le feul dépofitaire, & que je ferai connoître dans le cours de cot article..

Je n'entreprendrai certainement point, je l'ai

déja dit, de juger entre ces différentes difpofitions; je n'ai point la vue affez étendue, afez exercée, pour faifir en même temps ce grand nombre d'objets qu'il faudroit comparer an de les bien juger; & je ne pourrois d'ailleurs, dans un ouvrage du genre de celui-ci, tranfcrire toutes les pièces néceffaires à l'éclairciffement de cette question importante: je me bornerai donc à ne mettre dans cet article fous les yeux des lecteurs, que celles de ces colonnes qui ne font point très-connues, quoiqu'elles méritent cependant de l'être, ou qui n'ont point été livrées au public par la voie de l'impreflion; renvoyant pour les autres à l'ordonnance du 1er juillet 1776, & aux ouvrages de MM. les chevaliers Folard, de Guibert, Dumefnil Durand, &c ouvrages que tous les militaires connoiffent, ou qu'ils font à portée de connoître, puifqu'ils font trèsrépandus.

corps,

M. Dutheil, major du régiment de Toul artillerie,& aujourd'hui lieutenant-colonel de ce même a fait imprimer à Metz en 1782 un ouvrage intitulé, Manoeuvres d'infanterie pour réfifler à la cavalerie & l'attaquer avec fuccès. Ce militaire favant, après avoir avancé que toute difpofition d'infanterie en bataille, dont les flancs & le front ne font point couverts, fût-elle fur fix de hauteur, eft infuffifante pour réfifter à la cavalerie; après avoir combattu la difpofition des colonnes placées à côté les unes des autres; celle des colonnes placée en crémaillère; la colonne de l'ordonnance, & quelques-autres du même genre; propofe, en citoyen qui ne veut pas fe borner à détruire, une colonne qu'il croit moins aifée à vaincre que celles qu'il a renverfées. Nous ne donnerons point le détail de la formation de cette colonne, on le trouvera dans l'ouvrage que nous venons d'indiquer; mais nous croyons devoir dire que fi la difpofition de M. Dutheil ne réunit point tous les avantages poflibles, elle n'en eft pas moins de beaucoup fupérieure à la plupart de celles que nous connoiffons. Fouillant dans un ouvrage militaire imprimé en 1615, & compofé par jeanjacques de Walhanfen, nous avons trouvé une manoeuvre d'infanterie contre la cavalerie, qui a avec celle de M. Dutheil une analogie sensible : ce jean-jacques de Waihanfen, qui avoit toujours fervi fous les ordres du fameux Maurice, prince d'Orange, declare, dans l'introduction de fon livre, que fon art militaire eft felon la pratique de ce très-illuftre & très-excellent chef de guerre. Ce n'eft point certainement pour enlever à M. le chevalier Dutheil la gloire de nous avoir donné une bonne colonne, que nous avons rapproché fon ouvrage de celui de J. J. de Walhanfen; fommes convaincus que cet officier ne connoiffoit ni l'ouvrage de Walhanfer, ni la colonne du prince d'Orange; mais c'eft pour fixer fur le travail heureux de ce tacticien moderne l'atten

nous

tion de ces hommes qui jugent des ouvrages d'après le nom de leurs auteurs, & pour prouver que le génie arrive naturellement, dans tous les temps, aux mêmes réfultats. M. Dutheil, eût-il connu d'ailleurs la colonne du prince d'Orange; n'en méritoit pas moins beaucoup de reconnoiffance de notre part pour l'avoir reftituée & appropriée à notre formation & à nos ufages.

L'auteur du Mémoire fur l'armée pruffienne, a donné auffi une difpofition pour l'infanterie qui a de la cavalerie à combattre; il penfe « que l'infanterie n'a alors d'autre ordonnance à prendre que de fe former en maffe, par pelotons, en arrière fur le centre du régiment, avec la plus grande célérité poffible; qu'elle doit placer fon canon à la tête des intervalles des colonnes, & mettre fes tambours, fes muficiens & tous ceux qui n'ont pas de place, dans les rangs contre les colonnes ».

« Cette ordonnance eft précise : dans un instant, on peut, dit-il, faire face de quatre côtés, faire tel feu que l'on veut, faire même paffer les fufils des derniers rangs au premier, & flanquer les quatre angles morts par le canon; on peut cheminer affement dans cet ordre; l'on donne trèspeu de points d'attaque à la cavalerie; l'on peut détacher des tirailleurs, fi cela eft néceffaire ». Cette ordonnance eft à peu-près celle de M. de Claufen, que MM. les infpecteurs avoient adoptée & fait inférer dans une ordonnance provifoire, excepté que le canon étoit placé dans les angles, & que l'intervalle qui refte entre chaque colonne étoit fermé par des pelotons doublés: je crois que cet ordre eft très-bon à employer lorfqu'on a temps de le former.

le

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les articles GARDE & LIEUTENANT-DE-ROI, me confia, , peu de temps avant fa mort, un mémoire qu'il avoit fait en faveur de l'ordre profond ce mémoire rempli de vues fages, contient une manœuvre contre la cavalerie qui m'a paru mériter d'être rendue publique. L'auteur voudroit qu'un régiment d'infanterie fur le point d'être attaqué par de la cavalerie formât avec fes deux bataillons une colonne ferrée en maffe; mais avec des intervalles perpendiculaires au front, & qu'il couvrit la tête de la colonne qu'il auroit formée avec des grenadiers, & la queue avec des chaffeurs. Nous ne parlerons point dans ce moment plus au long de cette colonne, étant obligé d'y revenir dans le paragraphe des colonnes d'auaque.

Chacune des colonnes dont nous venons de nous occuper, & chacune de celles dont nous

nous

nous fommes contentés de nommer les auteurs, ont fans doute leurs avantages; toutes annoncent du génie, de l'étude, de profondes réflexions; les militaires qui les ont imaginées ont, fans doute, de grands droits à notre admiration & à la reconnoiffance publique. Convenons-en cependant, aucune de leurs colonnes n'a frappé le but; aucune ne réunit toutes les conditions qu'on peut, qu'on doit exiger. Je dis plus, quelques efforts qu'on faffe, on ne formera, peut-être, jamais de colonne contre la cavalerie qui foit parfaite : chaque fcience a fes problêmes infolubles & la colonne contre la sävalerie est à mes yeux celui de la tactique. Oui, il me paroît impoffible qu'un corps d'infanterie, armé à la moderne & dépourvu de tous fecours étrangers, puiffe, quelque bien ordonné qu'il foit, résister aux efforts réitérés & bien dirigés d'une savalerie nombreuse & brave. Je pourrois appuyer cette opinion fur un grand nombre de preuves, je me contenterai cependant d'en donner une, mais elle eft concluante.

Une preuve certaine que la formation la meilleure ne peut mettre l'infanterie, armée à la moderne, à l'abri des efforts de la cavalerie, c'eft que de tous les auteurs qui ont créé ou adopté une manœuvre pour l'infanterie contre la cavalerie, il n'en eft aucun qui n'ait renforcé fa difpofition foit avec des armes de longueur, des piquets ou des pieux; foit avec des avanttrains, des chauffe- trapes ou des chevaux-defrife, foit enfin avec quelqu'autre machine plus ou moins ingénieuse.

M. le chevalier Dutheil a avancé, j'en conviens, que fa colonne dépourvue de canon feut, par la fupériorité de fa formation, résister à la cavalerie; mais en lifant le livre de cet officier avec toute l'attention qu'il mérite, on découvre que ce n'eft que pour tout prévoir & pour parer tout, que l'auteur a fuppofé fes bataillons dépourvus d'artillerie, de caiffons, &c, & qu'il fonde, en effet, prefque tout l'efpoir du fuccès fur fon artillerie & les machines qui en dépendent. Comme nous avons d'ailleurs pour détruire l'opinion de M. le chevalier Dutheil, celle de plufieurs auteurs militaires & notamment celle de M. de Guibert, (voyez l'effai général de tactique: Tauteur dit, il n'y a ni feu ni ordonnance fur fix, qui puiffe empêcher notre infanterie nue & mal armée d'être renversée par la cavalerie); nous nous croyons autorisés à conclure que l'infanterie doit, pour réfiiter à la cavalerie feulement prendre le meilleur ordre poffible mais encore oppofer à fon ennemi quelque obftacle phyfique, capable de rompre fon ensemble & de diminuer fon impétuofité.

non

Puifque l'infanterie doit, pour résister à la cavalerie, recourir à des fecours étrangers & se fortifier par des moyens mécaniques, devons à préfent examiner les différens moyens Art. Milit. Suppl. Tome IV.

nous

mécaniques qui, jusqu'à ce jour, ont été créés par les écrivains, ou mis en ufage par les guerriers ; & voir s'il en eft un qui réuniffe toutes les qualités qui lui font néceffaires, c'eft-à-dire, quf foit fimple, facile, sûr & peu difpendieux.

Les armes de haft, telles que la fariffe & la pique,s'offrent d'abord à nos regards, comme elles Le préfentèrent naturellement à ceux des premiers guerriers une colonne fraifée de longues piques réfifteroit facilement, j'en conviens, aux attaques réiterées de la cavalerie; mais comme le même homme ne peut conftamment porter la pique & le fufil, nous fommes réduits à opter entre ces deux armes il n'eft guères poffible que notre choix refte fufpendu, car fi la pique eft encore excellente contre la cavalerie, elle n'a point le même avantage contre l'infanterie; les gens de pied ont d'ailleurs plus fouvent à combattre des fantaflins que des cavaliers. Quant au fufil-pique," il a fans doute fes avantages, mais il eft compliqué, il est une machine & une machine trop lourde pour la plupart de nos fantassins.

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Les Romains, les Anglois les Turcs, Ruffes & les François, ont fait fouvent ufage de pieux pour mettre leur infanterie à l'abri des attaques de la cavalerie. Voyez l'article PIEUX. Ce moyen étoit excellent; l'hiftoire romaine en offre des exemples, & plufieurs journées marquées dans nos faftes avec des traits de fang, en font la preuve cependant l'écrivain qui propoferoit aujourd'hui de faire porter par chaque foldat, pen¬ dant toute une campagne, deux ou trois pieux du poids de cinq à fix livres, pour ne s'en fervir Feut-être qu'une fois, exciteroit de vives réclamations & peut-être même des ris amers; malgré ces éclats & ces clameurs, nous n'hésiterions pas à demander qu'une arme défenfive fi heureufe fût rétablie, fi nous n'avions pas en main de quoi la remplacer avec avantage.

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Une colonne entourée de bons chevaux de frife a bien peu à craindre de la cavalerie: mais quelle fomme d'argent ne dépenferoit-on point pour fe procurer tous ceux qui feroient néceffaires à une armée entière ? quelles fommes n'en couteroit-il point pour les faire parvenir jufqu'au premier camp? que d'embarras pour les tranfporter d'un camp à l'autre ! comment les faire marcher à la fuite d'un corps obligé de faire une traite forcée ? Les chevaux de frife ont encore plufieurs autres inconvéniens: il eft poffible à un ennemi valeureux de les enlever; il lui eft facile de les détruire avec le canon; les débris d'une de ces machines, frappée par un boulet, peut être trèsnuifible à ceux qu'elle protégeoit ; une troupe entourée de chevaux de frife veut-elle changer de pofition, il faut qu'elle abandonne ce qui faifoit fa sûreté elle ne peut fortir de fon fort fans faire des ouvertures par lefquelles l'ennemi peut entrer lui-même ; & fi elle est suivie avec vîtesse ¿ V

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