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leur a volés ou qu'ils ont perdus l'acheteur ferd le prix qu'il a payé, parce qu'il eft défendu par les ordonnances militaires d'acheter, à farmée, des chevaux à d'autres perfonnes qu'à des officiers connus.

CHEVAUX D'OFFICIER. Quant au nombre de chevaux permis aux différens officiers qui compolent une armée, voyez le tit. I, n°. 43 & so; & le tit. 27, n°. 3 du réglement qui a été déja plufieurs fois cité dans cet article.

CHEVAUX POUR LES OFFICIERS, Ou CHEVAUX D'ORDONNANCE. Quand un régiment voyage, pendant la paix, dans l'intérieur du royaume, le roi fait fournir à chacun des officiers qui compofent ce corps, un cheval conru fous le nom de cheval d'ordonnance.

Les officiers municipaux font chargés, dans plusieurs provinces, de faire faire la fourniture de ces chevaux; dans d'autres, ce font les propofes de la compagnie chargée des étapes & des convois militaires. Le nombre des chevaux derdeanance eft fixé d'après l'extrait de la revue de route. Les officiers payent les chevaux d'ordannance vingt-cinq fous pour chaque marche ; Le roi ajoute à cette fomme ce qui eft néceffaire pour parfaire le prix ordinaire de la journée d'un cheval & de fon conducteur; ce fupplément s'élève ordinairement jufqu'à deux liv. quinze fous.

Dans les villes fituées fur les grandes routes, la fourniture des chevaux d'ordonnance n'eft point très à charge à l'agriculture on trouve dans ces villes autant de chevaux de louage qu'on en a befoin; mais il n'en eft pas de même dans les villages & dans les bourgs; il faut là, pour fe procurer les chevaux néceffaires à un régiment, en faire venir de trois ou quatre fieues de diftance. Lorfque les chevaux d'ordonnance font arrivés au lieu d'où part le régiment, & ils doivent y être rendus une ou deux heures avant le point du jour, des valets ou des foldats les enlèvent aux malheureux payfans, quelquefois avec des menaces, & toujours avec un ton méprilant. Dans les régimens bien policés, un officier de fortune eft chargé, je le fais, de la diftribution des chevaux d'ordonnance, & il ne doit permettre à perfonne d'en amener fans qu'on ait payé le conducteur, & fans qu'on lui ait donné par écrit le nom de l'officier qui doit s'en fervir; mais ce réglement de police intérieure n'étant point prefcrit par la loi, n'eft point généralement obfervé; je dis plus, là où il eft étabi, il eft fouvent mal gardé de là il arrive que le payfan ne fait prefque jamais, quand il eft au nouveau logement, à qui redemander le cheval qu'il a fourni; il perd donc à le chercher un temps qui lui eft précieux, trop heureux quand il le retrouve fain & fauf, & portant fa felle &fa bride, car il arrive fouvent que l'officier Art. Mdit. Suppl. Tome IV.

ayant une felle & une bride à lui, laiffe, au lieu du départ, celles du cheval qu'on lui a amené. On fent aifément combien eft à plaindre, dans cette circonstance, le citoyen qui a fourni le cheval & dont l'habitation eft fouvent aufli proche de la nouvelle ftation que de l'ancienne. Le fort de cet infortuné eft cependant encore plus fâcheux, quand fon cheval meurt entre les mains du jeune officier à qui il a été forcé de le donner; il lui faut un temps très-long & des courfes trèsrépétées pour en obtenir le paiement : c'eft bien encore pis quand, ayant été attelé à un cabriolet d'officier, ou à un petit chariot de vivandier, le cheval ne meurt pas avant d'arriver au nouveau logement, mais quelques heures ou quelques jours après la corvée; le cultivateur perd alors dans une feule journée le fruit d'un an de travail & l'espoir de la moiffon prochaine. Voyez l'article MARCHE DANS L'INTÉRIEUR DU ROYAUME. Voilà des abus dont j'ai fouvent été le témoin, & qu'il importe de détruire. On les rendra moins fréquens en rendant les garnifons plus ftables; on les détruira en donnant à chaque officier un fupplément de paye pour cet objet. En attendant le moment où l'on aura adopté l'un & l'autre de ces moyens, tous deux très-fages, indiquons la manière de rendre à la corvée des chevaux pour les officiers plus légère & moins dangereufe. Il faudroit pour cela que les bas-officiers, les foldats & les valets ne puffent, fous quelque prétexte que ce fût, monter, même un feul inftant, des chevaux d'ordonnance; que les officlers ne puffent atteler ces chevaux, ni à des charrettes ni à leurs voitures; qu'ils ne puffent en changer la felle ou la bride; il faudroit qu'un capitaine fut nommé à l'ordre la veille de chaque jour de marche pour veiller au raffemblement & à la diftribution de ces chevaux, & pour faire exécuter à la lettre le réglement dont nous nous occupons; il faudroit encore qu'un officier municipal du lieu fût obligé d'affifter à cette diftribution; il faudroit aufli qu'aucun officier n'eût la liberté, pendant la marche, de s'éloigner de plus de 30 ou 40 pas de la première ou de la dernière file du régiment; il faudroit que chacun de ces Meffieurs fut obligé, une demi-heure après l'arrivée du régiment à la nouvelle ftation, de faire conduire fon cheval à un endroit désigné pour cet objet; il faudroit enfin que le capitaine & l'officier municipal, qui le matin auroient affifté à la diftribution des che vaux, fuffent obligés de fe trouver à ce rendezvous, afin d'aflifter enfemble à la réception de ces mêmes chevaux dans le cas où tous les chevaux feroient rendus en bon état, l'officier municipal donneroit au capitaine un certificat, dans lequel il attefteroit que la diftribution des shevaux a été faite dans les formes prefcrites, & qu'il n'y a eu aucune plainte portée par les citoyens dans le cas contraire, l'officier muni

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cipal ne donneroit le certificat ci-deffus, que lorfque le citoyen qui auroit fouffert quelque dommage auroit reçu un dédommagement dont il fe feroit librement contenté. Ce certificat feroit toujours joint au certificat de bien vivre. Voyez CERTIFICAT.

Des hommes durs par caractère, ou qui ignorent combien la claffe des agriculteurs mérite d'attention & d'égards de la part de l'adminiftration, ou enfin qui n'ayant point voyagé avec un régiment, n'ont point une idée jufte des abus que nous dénonçons ici, regarderont peut-être le réglement que nous venons de propofer comme inutile, ou du moins comme trop minutieux, mais j'ofe me flatter que les bons efprits & les militaires fenfés l'approuveront, ou du moins qu'ils reconnoitront la pureté de nos intentions, à la vérité des traits que nous avons jetés dans cet article.

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CHEVAUX - LÉGERS DE LA GARDE DU ROI. (Suppl.) Depuis le moment où l'article CHEVAUX LEGERS DE LA GARDE DU ROI a été imprimé, le roi a jugé à propos de réformer cette compagnie de fa maifon. Elle a été fupprimée le premier octobre 1787. Le roi a confervé au lieutenant de cette compagnie la totalité de fes appointemens, de fes priviléges & de fes prérogatives; au lieutenant en furvivance 12000 liv. de traitement annuel, les priviléges dont il jouiffoit, & fon activité au fervice; aux autres officiers, leur rang dans le militaire, l'activité de leur fervice fuivant les commiffions & les brevets qu'ils avoient obtenus, & leurs appointemens jufqu'à ce qu'ils aient été promus au grade de maréchal de camp, ou remplacés dans les troupes.

La finance de ces différentes charges doit être rembourfée aux époques que le roi indiquera.

On a confervé aux chevaux-légers furnuméraires & aux élèves de l'école militaire de cette compagnie, l'activité de fervice militaire pendant dix ans, & le droit aux grâces dont ils feront fufceptibles.

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Le roi a confervé à l'aide-major de la compagnie, à l'aide - major adjoint en furvivance aux maréchaux des logis, porte-étendart, fourrier major, brigadiers & chevaux-légers, favoir; à ceux qui ont fervi cinquante ans, leur paye entière; à ceux qui ont fervi quarante ans & audeffus, les trois-quarts de leur paye; à ceux qui ont fervi trente ans & au-deffus les deux tiers; a ceux qui ont fervi vingt ans & au-deffus, la moitié à ceux qui ont fervi de dix à vingt ans, le tiers; & à ceux qui n'ont pas dix ans de fervice, le quart de leur paye, jufqu'à ce qu'ils aient obtenu des emplois dans fes régimens d'infanterie, de cavalerie, de dragons ou de chaffeurs. Sa majefté leur accorde de plus la jouifance des honneurs, des prérogatives & des priviléges attribués à leurs emplois.

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Rien de plus fage que cette distinction, elle forme une récompenfe véritable & bien choifie. Je l'appelle véritable récompenfe, car elle diftingue d'avec le foldat de recrue, l'homme qui a déja confacré plufieurs années au fervice de la patrie; & l'on fait que les foldats françois ont tous la manie de paffer pour foldats formés, pour vieux foldats: c'eft une véritable récompenfe, puifqu'elie évite quelquefois à celui qui l'a reçue un traitement mortifiant ; quel eft en effet l'officier fenfé qui traitera avec la même légéreté l'homme dont il verra le bras chargé d'un ou de deux chevrons, & celui qui n'en portera aucun? Cette récompenfe eft bien choisie, car elle est trèsvifible & point chère. Il feroit à défirer que l'étar pût accorder aux hommes diftingués par les chevrons une petite haute paye; quelque peu confidérable qu'elle fût, elle les fatisferoit, elie détermineroit beaucoup de foldats à fe rengager. Il faudroit que la haute paye pour les deux chevrons fût double de celle qu'on accorderoit pour un: fi le délabrement de nos finances ne permet point d'accorder de l'argent aux foldats diftingués par le chevron, au moins pourroit-on leur accorder quelques petites prérogatives; les faire jouir de quelques exemptions, & leur confier une légère autorité. Voyez APPOINTE & CHEF-DE-FILE. Peut-être auroit- il fallu pour rendre le chevron plus flatteur, en étendre l'ufage jufqu'aux officiers; peut-être faudroit-il enfin accorder à tour citoyen qui auroit fervi l'état plus de huit ans & moins de feize, le droit de porter, fur toute efpèce d'habits, un chevron d'une couleur tranchante; & à ceux qui auroient fervi plus de feize ans, & cependant point affez pour obtenir la croix ou le médaillon, la permiflion de porter deux chevrons. Je ne fais fi je fuis dans l'erreur mais j'imagine qu'un pareil établiffement auroiz attiré & tetenu plufieurs foldats dans nos régimens; & qu'il auroit rendu le nombre des retraites, pour les officiers, moins grand, & pa conféquent moins à charge à l'état.

Depuis le moment où cet article a été livré à l'impreflion, l'affemblée nationale a rendu un décret qui rentre parfaitement dans les vues que j'avois eues. Ce décret porte: Tout militaire qui aura fervi Pefpace de feize ans, fans interruption & Jans reproche, jouira de la plénitude des droits de citoyen adtif, & fera difpenfe des conditions relatives à la propriété & à la contribution, fous la rejerve exprimée dans l'article précédent, qu'il ne peut exercer fes droits s'il eft en garnifon où eft fue jon domicile.

Ce décret, plein de fageffe, crée une récompenfe véritable & bien choisie; & il rend encore plus Déceffaire l'adoption de mon idée fur les chevrons.

CHIEN DE FUSIL. On donne le nom de dien à une partie de la platine du fufil de munition. Voyez le dictionnaire des arts & métiers, article ARQUEBUSIER.

CHIFFRE. On donne ce nom à certains caracrères inconnus, déguifés ou variés dont on fe fert pour écrire des dépêches qui contiennent quelque chofe de fecret les chiffres doivent être Compotes de manière qu'ils ne puiffent point être compris par les perfonnes qui n'en ont point la clef.

Nous ne traiterons point de l'art de compofer les chiffres chiffians, déchiffrans, &c; ces détails appartiennent à d'autres parties de cette encyclopedie, voyez le dictionnaire d'économie politique; nous nous bornerons à indiquer le meilleur, le plus fimple & celui dont les militaires peuvent aifement faire ufage. Pour fe fervir de ce chiffre, on eft convenu avec la perfonne avec laquelle on doit être en correfpondance, de faire ufage de telle édition d'un ouvrage imprimé; fi l'ouvrage dont on eft convenu de fe fervir eft compofé de plufieurs tomes, il faut quatre chiffres pour chaque mot, un pour le tome, un pour la page, un pour la ligne, un pour le mot; fi l'ouvrage n'eft compofé que d'un tome, il ne faut que trois chiffres pour chaque mot, un pour la page, un pour la ligne, un pour le mot ; ce chiffre ne peut être dechiffré que par ceux qui favent quel eft le livre & l'édition dont on fe fert: il a cet avantage fur tous les autres, que le même mot fe trouvant à diverfes pages du livre, il eft rarement repréfenté par les mêmes caractères.

On doit féparer chaque nombre particulier par une virgule, chaque mot par un point & une virgule; il refte pour marquer le fens, les deux points, le point & les alinéa.

Comme il est généralement reconnu que les généraux ne doivent écrire qu'en chiffre aux commandans des places frontières, & à ceux des corps détachés qui leur obéiffent, je me contenterai d'appeler un feul exemple à l'appui de cette maxime. La principale caufe des malheurs que les François éprouvèrent en Italie, en 1512, ce fut ne lettre écrite de la manière ordinaire, dans

laquelle La Palice peignoit au vrai la situation fâcheufe où il fe trouvoit : cette lettre ayant été interceptée par les ennemis, ils acquirent de la hardieffe & de la confiance, & ils réuffirent bientôt à nous chaffer d'Italie.

Pour prouver aux chefs des armées combien il leur importe de compofer leurs chiffres avec art, & de n'en confier la clef qu'à des hommes d'une fidélité bien éprouvée, je leur indiquerai le fratagême employé en 1544 par le cardinal de Grandvelle pour fe rendre maître de S. Dizier. On fait que Sancerre, gouverneur de cette ville, arrêtoit depuis un temps confidérable l'armée de l'empereur; qu'il fe flattoit de l'arrêter encore pendant plufieurs jours, & de donner ainfi à fon roi le temps de fecourir la place; « fur ces entrefaites un tabourin françois, dit Dubellai, étant allé au camp impérial pour quelques prifonniers, apporta au comte de Sanxerre des lettres en chiffre, lefquelles lui avoient été baillées en fecret par un homme interpofé, & à lui incogneu, qui difoit avoir charge de M. de Guife, de les faire tenir fecrétement audit comte: lequel les ayant reçues & fait déchiffrer, fait affembler les capitaines pour en ouir la fubftance: c'eftoit que M. de Guife efcrivoit que le roi, fçachant l'extrémité des vivres & des poudres en laquelle ils entroient, leur mandoit de trouver moyen de faire compofition fi honorable, que les hommes fuffent fauvez, parce qu'il n'y avoit ordre de les pouvoir fecourir. Or avoit le feigneur de Grandvelle fait furprendre un paquet, dedans lequel fut trouvé l'alphabet du chiffre que le feigneur de Guife employoit avecques le comte de Sanxerre, fur lequel il avoit contrefait ladite lettre au nom dudit feigneur de Guife. Le comte & les autres capitaines n'ayans cognoiffance de cette falfité, furent en diverfes opinions; mais enfin ayans refpe&t au grand travail que les foldats avoient porté, pour avoir été afliégés l'efpace de fix fepmaines, & que les vivres & munitions leur commençoient à deffaillir, de forte que malaifément euffent-ils eu poudres pour fouftenir encore un affaut, conclurent de tenter la volonté de l'empereur, ils envoyèrent un trompette au camp impérial, afin d'obtenir fauf-conduit pour envoyer un gentilhomme devers l'empereur, ce qui leur fut accordé ». L'empereur à qui il tardoit infiniment de marcher en avant, accorda à la garnifon de S. Dizier une capitulation honorable.

Les mémoires de Montluc nous offrent un fecond exemple d'un ftratagéme fondé fur la furprife du chifre des ennemis. « Le marquis du Guaft, dit cet homme célèbre, pour engager le feigneur de Dros, commandant de Mondovi, à capituler, chercha à lui enlever tout cípoir de fecours; pour cela il fit contrefaire des lettres de M. Botières, par lefquelles il lui cfcrivoit qu'il print parti, n'y ayant moyen de le fecourire

il ne peut defcouvrir la rufe, & fe rendit vies & bagues fauves ».

On trouve enfin, dans les mémoires de Boivin du Villars, un troisième exemple du même ftratagême. En ce temps-là, dit le baron du Villars, le duc d'Alve furprint un paquet de Gonnort, tout en chiffre,qui s'adreffoit à Bonnivet. Il l'envoya à Florence, où tout fut déchiffré, & fur icelui une lettre dreffée auffi en chiffre au nom du Marefchal, par laquelle il mandoit à Bonnivet de fe rendre; mais la fineffe ayant été préveue advis en fut donné à Bonnivet, à ce qu'il fe tînt plus réfoluement fur fes gardes que jamais, car il feroit fecouru.

CHOC. (action de choquer.) Dans le mament où deux corps militaires marchant l'un contre l'autre, viennent à fe rencontrer, existet-il un choc réel, un choc phyfique ? je veux dire, le choc eft-il en raifon compofée de la maffe ou profondeur des troupes, & de la vîteffe avec laquelle elles fe meuvent?

Les partifans de l'ordre profond tiennent pour Paffirmative; ceux de l'ordre mince prétendent qu'il n'y a que le premier rang qui choque, & dont les forces agiffent. Cette queftion importante ayant été difcutée avec autant de clarté que d'impartialité, par un écrivain moderne dont nous avons eu déja occafion de citer l'opinion ave éloge nous allons tranfcrire ici fes propres paroles.

« Quoique je me prépare, dit M. Mauvillon, à foutenir l'ordonnance moderne, je ne puis m'empêcher d'accorder aux partifans de l'ordre profond, comme un point incontestable, que deux corps d'infanterie, s'abordant l'un l'autre, dont l'un fera rangé fur une grande profondeur, & l'autre fuivant l'ordonnance moderne, le premier percera, battra, emportera infailliblement le fecond. C'eft un pur fophifme de dire qu'il n'y a que le premier rang qui donne le choc parce que les hommes d'une file ne font pas iés entre eux comme les particules d'un corps phyfique. Quoique la chofe foit vraie à la rigueur, c'eft en tirer une très-fauffe conclufion, que de foutenir que la profondeur n'influe point fur le fuccès de la charge. En voici la preuve. Lorfque des hommes marchent d'un pas vif à la fuite l'un de l'autre, l'obftacle que le premier rencontre ne fe faifant pas fentir à l'inftant au fecond, ne fauroit l'arrêter, & ne peut par confequent, & encore moins, arrêter le troisième, le quatrième &c. Pour en avoir la preuve, on n'a qu'à ranger un bataillon en colonne ferrée, le faire marcher au pas redoublé, & commander halte à la tête, fans avertir; on verra les rangs fe précipiter les uns fur les autres, à moins qu'ils ne foient fort attentifs, ou que, prévenus que l'on va faire ce commandement, ils ne fe

retiennent infenfiblement en marchant; ce n'e même que pour cela qu'on a imaginé, pour les marches par le flanc, ce pas racourci, cette efpèce de pas de cheval, qui fatigue beaucoup, mais qui laiffe l'homme toujours maître de fon corps, & qu'on peut employer utilement pour de petites diftances. Si les rangs qui fuivens ne fauroient s'arrêter tout de fuite au mot de halte, qu'ils entendent pourtant tous au même inftant, comment s'arrêteroient ils au moment où le premier rang rencontre l'ennemi, qui eft proprement celui du choc? Il est vrai que, pour celui-ci, ce n'eft jamais que le premier rang qui le donne; mais à l'inftant où ce rang eft arrêté, ceux qui fuivent tombent fur lui, & la pouffent en avant avec leur force réunie. Alors le bataillon moins profond fera infailliblement emporté, non pas par le choc même, fi on la veut ainsi, mais par l'impulfion qui le fuit. Je laiffe à penter, au refte, fi cette différence eft bien importante. Le fond de la chose refte toujours le même, c'eft-à-dire, que le bataillon profond mettra toujours l'autre en defordre ».

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Il fuit de cette obfervation fur la manière dont le choc s'opère entre deux corps d'infanterie, que l'effet du choc, ou celui qui en réfulte ne peut s'étendre que jufqu'à une certaine profondeur, & que tout ce qu'on y ajou teroit au delà ne fauroit le rendre plus efficace. Il n'y a point d'action fans réaction; ainfi le choc ne fe donnant pas par tous les rangs à la fois, mais fucceffivement, le fecond rang trouve la premier arrêté par la contre-action de l'ennemi, lorfqu'il tombe fur lui. Ce premier rang réagitfant fur le fecond, rompt en partie fa force, & l'empêche d'agir pleinement avec elle fur l'en nemi. Le troifième perd encore davantage de fa force par la réaction de deux rangs, & ainfi des autres, jufqu'à un certain point, où la refiftance des rangs antérieurs empêche l'action de ceux qui fuivent de parvenir, & de fe faire fentir jufqu'à l'ennemi. "Que l'on faffe feulement atten tion, dit M. de Maizeroi, à ce qui arrive dans un lieu où il y a une foule d'hommes raffemblés & preffés; par exemple, au parterra de l'opéra; ceux qui font à un bout, fe ,, trouvant foulés & mal à leur aife, pouffent leurs ,, plus proches voisins; ceux-ci, les autres, & dans un moment le mouvement fe commu,, nique jufqu'à l'autre extrémité, d'où il reflue vers fon origine par la réaction des der,, niers, qui repoulent ou qui réfiftent. Il en eft de même à l'égard d'une troupe militaire" qui en choque une autre ennemie,,..

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Telles font les paroles & les idées de ce militaire, &, généralement parlant, elles font juftes; mais elles ont befoin d'être rectifiées par bien des obfervations ultérieures, pour en tirer des résultats lumineux, & les calculs qu'il établit

Sur ces idées ne doivent pas être regardés comme mathematiquement démontrés & pouvant fervir de bife à la formation d'une ordonnance.

Il eft ûr qu'au moment du choc, le premier 12ng arrête rompt l'effort du fecond rang; les deux premiers celui du troifième, & ainfi des autres; il est tout aufli clair, que le choc des rangs qui fuivent les premiers, le faifant fuccellivement, tous ces momens réunis forment à I fin un efpace de temps fenfible. Dès que celui-ci eft égal à celui où l'action du premier

rang fur l'ennemi ceffe totalement, alors le choc des rangs fuivans ne parvient plus jufqu'à l'ennemi, & eft inutile pour l'effort du choc: il d'enfuit donc naturellement qu'il n'y a qu'une certaine profondeur qui foit capable d'agir dans le choc; tout ce qui eft au delà eft inutie. Je crois même, fans entrer dans les calculs de M. de Maizeroi, que le nombre de feize rangs eft le plus grand, dont l'effort réuni puiffe fe rendre fenfible à l'ennemi, dans le petit etpace temps que l'on peut nommer le choc.

de

Mais cela n'eft exactement vrai que lorfque Vous confidérez l'homme comme un agent purement phyfique, & il faut pourtant faire entrer fa volonté & fon ame pour quelque chofe dans ces matières-là; cette volonté fait, d'un côté, qu'après que dans le choc l'action du premier rang a été arrêtée par la contraction de l'ennemi, il renait une nouvelle tenfion de forces de fa part contre l'ennemi. Cette action feconde d'a bord l'effort des derniers rangs & les met en état d'agir far l'ennemi, même après le moment où ils ne pourroient plus le faire naturellemeat, s'ils n'étoient que des corps phynques féparés, qui n'agiroient jamais qu'en railon compolée de leur maffe & de leur viteffe; c'eft ce qui m'a fait porter à feize le nombre des rangs dont le choc peut faire effet fur l'ennemi; fans cela il au roit, je penfe, fallu le fuppofer moindre. En fecond lieu, l'action de tenfion contre l'ennemi, fuccédant à celle du choc, peut avoir lieu de la part de tous les rangs réunis fur quelque profondeur qu'une troupe foit rangée. Il s'enfuit que cette action de tention iera plus forre de la part de feize rangs que de celle de huit, & de la part de trente que de celle de feize. Cela pofe, il s'enfuivra qu'une profon deur de bien plus de feize rangs pourra fervir à rompre l'ennemi, non pas à la vérité par la violence du choc, mais par la force de l'action de tenfions, où les hommes n'agiffent point par leur mafe & leur viteffe, mais uniquement par leur maffe mife en action par leur volonté. Le flux & le reflux d'un peuple occupé à regarder quelque fpectacle ne forme pas ici un objet. comparaifon exact, parce que cette foule Occupée à toute autre chofe fe laiffe aller entièrement à toutes les impulfions qu'on veut lui:

de

donner; mais l'affaire principale & unique des combattans, c'eft d'ouvrir, de percer, de culbuter leurs ennemis. Là, à moins d'une fupériorité de forces décidée, les deux acions fe détruilent jufqu'à ce que l'une gagne le deffus. Suppofez deux corps d'infanterie qui fe choquent; fuppofons encore que feize rangs agiffent dans le choc; fi le corps A a feize rangs, & le corps B trente, le choc aura ceffé dès que le dernier rang du corps A aura ferré fur tous les autres, mais alors le feizieme rang de B aura ferré auffi, & en fuppofant, comme il le fant, égalité de force & de courage, aucun parti n'aura cédé. Il fe fera alors un effort de tenfion qui durera toujours un certain temps. Quelque court qu'on l'admette, il fuffira pour que les quatorze rangs de B fe ferrent fur les autres & ils emporteront alors par leur effort réuni, le corps A infailliblement. Il s'enfuit évidemment que plus un corps eft profond, plus il eft affuré, toutes chofes d'ailleurs égales, de percer & de vaincra l'ennemi, & il eft faux de vouloir donner des bornes à la profondeur par le principe de la ceflation d'action lorfqu'elle a atteint un certain point. D'autres raifons peuvent & doivent y faire mettre des bornes, mais non pas celle-là.

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Cependant ce n'eft pas là encore tout ce qu'il faut confidérer. L'homme ne choque pas fon ennemi avec fon corps feulement, il y joint fon arme; il n'eft pas non plus mis en mouvement par le feul inftina de vaincre & de repouffer fon adverfaire; la vue & la crainte du danger, dont la rencontre de fon ennemi armé le menace, agit aufli très-vivement fur lui, précilement parce qu'il n'eft pas fimplement un être phyfique ou animal, mais auffi un être moral. Cette crainte doit fans doute influer fur le choc, le ralentir, le rendre inégal. Eile peut même faire que les premiers rangs, au lieu de pouffer contre l'ennemi, réfifleront à ceux qui les fuivent, & au lieu d'augmenter l'effor de la profondeur de leur côté, agiront dans le même fens que l'ennemi, & ajouteront par confequent prefque autant à fon action, que s'ils for trouvoient de fon parti. Cette crainte varie fouvent, fuivant les occafions, dans les mêmeshommes, à plus forte raifon chez le même peuple dans différens temps. Elle emptchera donc toujours de calculer avec une précifion fou-tenable l'effet de la proferdeur dans les combats. Mais en général il eft conforme à la nature des chofes, qu'un corps rangé für l'ordre profond batrra toujours celui qui ne l'eft pas, lorfqu'il le joindra..

CIBE ou CIBLE. Ce mot n'eft configné dans aucun de nos dictionnaires de la langue. françoife, mais il eft ufité dans l'armée, mais il est néceffaire, il eft donc fait pour trouver places dans notre vocabulaire,.

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