Chatirdag, qui signifie la montagne de la tente, parce qu'elle a effectivement la forme d'une tente, le traducteur dit dans sa naïveté que la montagne a la forme d'une tante!!! Il suffit de ces exemples pour montrer combien nos traducteurs comprenaient peu leur devoir. Mais revenons à l'auteur des Réflexions dont je vous entretiens. Le prince Boris Vladimirovitch Galitzin (1769-1813) était le frère du prince Dmitri Galitzin, ci-devant gouverneur général de Moscou, En 1799, le prince Boris était lieutenant général; en 1800, l'empereur Paul Jer l'obligea de quitter le service pour avoir amené dans le logement du consul Trompovsky à Riga tous les tambours de son régiment, qui firent un tel tintamarre, que l'enfant de Trompovsky mourut de frayeur. En 1801, le prince rentra au service, prit part à la guerre de 1812 et mourut à Vilna en 1813. Voici une liste des ouvrages que nous savons être de sa plume: Notice sur Risbeck, jeune auteur allemand, mort le 5 février 1786, insérée dans le Mercure de France, du 12 juillet 1788. Paris, in-12, p. 99-102. Doris, églogue, 1790, insérée dans la correspondance littéraire de Grimm et de Diderot. Paris, 1831, p. 18-21 (1). M. Quérard, dans la France littéraire, cite du prince B. Galitzin : Contes moraux, traduits de l'anglais de Goldsmith. 1804. Notes sur Esther. Paris, 1790, in-12. Diogène et Glycère et autres morceaux de poésie du même genre, imprimés dans l'Almanach littéraire de 1788. M. POLOUDENSKY. ALBERT DURER, SA VIE ET SES OEUVRES, par E. GALICHON.-Paris, chez Aug. Aubry. 1861, in-4 de 88 pages. Vite, vite, la plus belle reliure pour ce splendide in-4, tiré vraiment à trop peu d'exemplaires, et dont l'édition s'enlève si rapidement que je suis forcé d'en rendre compte en grande hâte, sous peine de voir mon article paraître lorsque les cinquante exemplaires mis en vente seront écoulés. C'est seulement un tirage à part de la Gazette des Beaux-Arts, recueil où M. Emile Galichon, admirateur enthousiaste des peintres-graveurs, a déjà retracé la vie de Martin Schongauer, dont les musées de Bâle et de Colmar possèdent de précieuses toiles; mais ce tirage à part, parsemé de gravures sur bois (1) Voy., pour ces renseignements, les Notices bibliographiques du prince Nicolas Galitzin dans les n° 23 et 25 de la Renommée (Molva) de 1857, et sur métal, est exécuté dans le format in-4 sur un papier vergé si égal et si fort, qu'il ne peut recevoir pour enveloppe que le maroquin le plus habilement employé. Je m'aperçois que la perfection extrinsèque de ce volume m'empê che trop longtemps de parler de son contenu. Voyons d'abord les estampes. Une grande eau-forte mêlée d'acqua-tinta reproduit un superbe dessin à la plume, lavé de couleurs, tiré de la riche collection de M. F. Reiset, dessin d'Albert Dürer, qui fait connaître la composition complète du retable de la Sainte-Trinité, peint en 1511 et conservé à Vienne. Sur le titre même du livre et à la page 58, nous trouvons une reproduction, signée de M. E. Sotain, de l'estampe de la sainte Véronique, a pièce exquise et d'une rareté extraordinaire qui fut très-probablement exécutée entièrement à la pointe sèche. Aussi la planche n'a-t-elle pu tirer qu'un très-petit nombre d'épreuves, et Albert Dürer, de son vivant déjà, l'offrait aux grands seigneurs dont il attendait quelques grâces. Elle se trouvait à la vente Verstolk de Soelen, en 1851, où elle atteignit la somme de 410 florins. >> Voici, comme lettre initiale, l'écusson à armoiries parlantes du grand peintre de Nuremberg. Cet écusson contient une porte à deux vantaux ouverts qui laissent apercevoir le chiffre A. D. C'est un véritable rébus: Thur, signifiant porte,-dürer ou thürer, équivaut en allemand à nos noms français, Laporte ou Desportes.-Les deux gravures suivantes reproduisent des dessins inédits du grand artiste : d'abord des cavaliers hongrois de la collection de M. His de La Salle, puis un portrait de Gaspard Sturm, daté de 1520 et tiré de l'album de voyage d'Albert Dürer. Viennent ensuite une grande reproduction de la Dame à cheval, gravée au burin avant l'année 1496, et une copie de la Nativité, pièce gravée avec une finesse merveilleuse et l'une des plus jolies de l'œuvre de Dürer. N'oublions pas non plus une médaille rarissime marquée sur le fond du monogramme A D et du millésime 1554, et que M. Galichon a fait graver sur bois d'après l'exemplaire appartenant à M. Niel, ni le fac-simile d'un dessin d'ornement de la collection de M. Gatteaux. Un autre fac-simile d'une estampe en bois représente l'instrument imaginé par Dürer pour tracer des portraits : il est tiré du Traité de géométrie de l'illustre artiste. Enfin, M. Galichon a terminé son volume par une vignette d'une extrême finesse, imitation d'une gravure célèbre connue sous le nom de Pommeau de l'épée de l'empereur Maximilien. Les exemplaires de la gravure dite Pommeau de l'épée, appelée aussi le petit Crucifix, paraissent être les produits d'une nielle sur or, plutôt que d'une gravure proprement dite, car le dessin n'a pas été retourné comme cela eût été nécessaire pour une gravure, ce qui est cause que dans les épreuves dont M. Galichon donne le fac-simile fidèle, saint Jean se trouve à droite, tandis que Notre Dame est à gauche, et les lettres I. N. R. I. sont à rebours. des M. Galichon, dans son catalogue de l'oeuvre de Dürer, donne une liste bien moins longue que celles fournies pár André Bartsch et par le Manuel de l'amateur d'estampes de M. Charles Blanc. Cela tient à ce qu'il n'a entendu parler d'une manière développée que planches exécutées entièrement par Albert Dürer lui-même, et qu'il n'a point énuméré les gravures sur bois faites seulement d'après ses dessins. D'ailleurs il n'était pas nécessaire de faire un nouveau catalogue pour guider les collecteurs de gravures. Il valait mieux suivre pas à pas, comme l'a fait M. Galichon à l'aide de l'ordre chronologique, le développement du talent du maître. L'intérêt de cè plan nouveau est d'ailleurs rehaussé par des remarques curieuses et par l'indication de plusieurs copies intéressantes et non décrites. Félicitons M. Galichon du succès obtenu par cet heureux début, succès qui doit l'encourager à présenter au public de nouveaux ouvrages. L'intérêt qui s'attache au livre dont nous venons de rendre compte s'accroît à raison du petit nombre d'écrits relatifs à Albert Dürer. Avant la monographie de M. Galichon, on n'avait guère sur çet artiste fameux que l'article de l'Abecedario de Mariette, le livre spécial publié à Leipzig en 1831 par Heller étant resté inachevé. Raymond BORDEAUX. BIBLIOGRAPHIE TOURANGELLE. A Monsieur l'éditeur du Bulletin du Bouquiniste. En parcourant le n°88 de votre Bulletin, dans lequel un de vos abonnés complète la liste des auteurs dont les ouvrages touchent à l'Orléanais, je regrettais qu'un travail si utile ne fût pas entrepris pour les autres provinces. Toutes les parties de la France subissent l'influence des événements qui modifient la face de l'État, mais en prenant un pays séparément, il est plus facile d'apprécier la cause des faits, les changements opérés dans les coutumes, en un mot, ce que l'on peut appeler l'histoire morale d'un peuple. C'est ainsi qu'en s'attachant aux rapports d'une province, même d'une seule famille avec la royauté, l'étude devenant plus approfondie et plus complète, on pourrait soulever un coin du voile qui nous dérobe l'esprit véritable de la féodalité au commencement de la troisième race, sur laquelle nous n'avons que des documents entachés de prévention; jeter du jour sur ces querelles de religion au xvie siècle, si difficiles à étudier, même dans les contemporains, qui ne laissent tomber des louanges de leur plume que pour ceux qui ont suivi la bannière qu'ils encensent. Cette connaissance de l'esprit de l'époque serait le phare lumineux qui guiderait l'historien dans le récit impartial des événements, et lui permettrait d'en montrer le principe et le but. C'est pour favoriser cet élan que j'ai voulu faire quelques recherches dans les annales de la Touraine, dont l'importance donne bon droit à une histoire. Puissante au moyen âge, et devenue, à son déclin, la résidence d'un de nos rois, elle a vu Henri III, proscrit de sa capitale venir y chercher un asile assuré contre un peuple en délire, et y sceller son union avec le roi de Navarre. Les états généraux s'y sont tenus sous Louis XI (1468), Charles VIII (1484) et Louis XII (1506). La littérature y est glorieusement représentée, à l'origine de la monarchie, par saint Grégoire, l'un des plus illustres successeurs de saint Gatien, pasteur des Gaules. Plus tard, elle a vu naître Gabriel Chappuis, l'historien de la lutte de la nation flamande contre l'Espagne, pour conquérir sa liberté (1546); André Duchesne, le grand chroniqueur de France (1584); Rabelais, qui semble revendiquer pour lui le Cas |