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ment. Le plan du rez-de-chaussée a été levé par M. Houbigant luimême en suivant les fondations qui existaient encore à la fin de 1833.

Obligé de surveiller la démolition et l'enlèvement des arcades qu'il avait achetées, M. Houbigant resta vingt jours à Sarcus, où il employa ce temps à lever le plan, et à dessiner les fragments d'architecture que les démolisseurs réduisaient en moellons. C'est à l'aide de ces croquis, et de ceux de M. Gosse, peintre, qui l'avait accompagné, que le patient auteur est parvenu a reconstituer une vue générale du château, habilement interprétée par M. Hoffemann, architecte, dessinateur des vitraux de la cathédrale de Cologne, et gravée sur acier par M. Ri-. bault.

Ceci est une œuvre de bonne foi, pour employer l'expression de Montaigne. Cependant M. Houbigant a vu son travail relégué dans l'archéologie fantastique et romantique, par l'un des rédacteurs d'une Revue qui a pour mission officielle de régenter les travaux académiques des provinces. En vain M. Houbigant a fait lithographier et graver des fragments du château de Sarcus, en vain il en a réuni à Nogent une notable partie, en vain M. Daudin en a recueilli de son côté d'importants vestiges dans son parc; en vain on en conserve d'autres fragments au Musée de Beauvais, tout cela, pour la Revue ministérielle, n'empêche point les merveilles de ce château d'étre problématiques. Peu s'en faut même que l'existence du château, qui n'a été ni décrit ni gravé lorsqu'il était debout, et que M. Houbigant ne regrette pas plus que nous, ajoute le critique, n'ait été révoquée en doute. Heureusement pour l'auteur et pour la Société académique de l'Oise, qui a publié dans ses Mémoires les Notices de M. Houbigant, le château de Sarcus avait eu quelque réputation dans le passé le P. Daire en a parlé au XVIIIe siècle; Cambry, dans sa Description du département de l'Oise, comparait ses murs à de la dentelle, et en publiait une arcade; Nodier et Taylor, dans le texte des Voyages romantiques et pittoresques dans l'ancienne France, citent un ancien dessin de Sarcus, conservé à Amiens par M. Frédéric Villette d'Acheux, et, plusieurs années avant sa démolition, le somptueux manoir trouvait encore des dessinateurs. Une réponse vient donc d'être publiée par M. Houbigant, et nous regretons seulement qu'elle n'ait pas été imprimée sur un format égal à celui des deux Notices dont elle est désormais l'inséparable complément.

Est-ce à dire, pour cela, que l'on doit proclamer à l'abri de toute critique l'œuvre vraiment patriotique de M. Houbigant? Evidemment non: nul livre n'est sans défaut, et nous noterons ici quelques points contestables. Est-il bien certain, par exemple, que le petit

vitrail orbiculaire figuré page 57 date du xir siècle? Si nous en jugeons par le dessin, il serait seulement du xvi, ce dont il est facile de s'assurer à la nature du verre, à la mise en plomb,à la présence ou à l'absence du jaune en apprêt.

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Mais j'ai un bien autre reproche à faire au consciencieux auteur. Comment se fait-il qu'après avoir justement stigmatisé certaines dévastations polissonnières ou démagogiques, il ajoute foi, une page plus loin, à cette vieille histoire des oubliettes, qu'il est grand temps de reléguer, avec cette autre facétie du droit du seigneur, au nombre des superstitions historiques? Le moyen âge a eu bien assez de misères sans qu'on aille le gratifier encore de tous ces ressorts usés de mélodrame. Passez au crible de la critique ces apocryphes légendes, et les oubliettes se trouveront être aussi imaginaires que les revenants, Non, les culs de basse-fosse n'ont jamais été obligés que dans les romans, et quant aux tombeaux à vivants, COMME ON DISAIT ALORS, je crois ce mot fort étranger à la langue du XIIIe siècle. M. Houbigant convient loyalement avoir fait une fouille pour découvrir des oubliettes à Sarcus et n'avoir rien trouvé; qu'il explore sérieusement les prétendues oubliettes qu'on lui a fait voir dans l'ancien évêché de Beauvais, et il reconnaîtra aussi un conte de cicerone.

Il y aurait encore une grosse question à débattre, mais l'espace me fait défaut; c'est celle de l'origine italienne de l'architecture de Sarcus. M. Houbigant présume que Sarcus fut l'œuvre du même architecte

que Gaillon, et contrairement à M. Deville qui, dans ses Comptes de la construction du château de Gaillon, refuse aux Italiens l'honneur d'avoir créé ce féerique monument, M. Houbigant maintient que Gaillon et Sarcus durent leurs splendeurs à Jean Joconde. Je dirai seulement qu'en Normandie aussi, on attribue communément à des architectes italiens, les principaux monuments du style de Sarcus, tels que le chœur de Saint-Pierre de Caen, et les plus belles maisons de Caen et de Rouen : or, toutes les fois que l'on a recours aux documents contemporains, on trouve, pour ces édifices, l'indication d'architectes nés dans le pays et qui probablement ne virent jamais l'Italie. Cette partie du livre de M. Houbigant n'en est pas moins digne d'attention. Pour justifier l'hypothèse que Sarcus fut décoré par les mêmes sculpteurs que Gaillon, l'auteur a fait graver des motifs empruntés à ces deux châteaux.

Gaillon,

Sarcus.

Gaillon.

Sarcus.

Gaillon.

Sarcus.

Gaillon.

Sarcus.

Nous dirons encore ici que la présence de ces ornements, et particulièrement des cordelières, est ordinaire sur les édifices et les boi

series de la Renaissance, tant dans la haute que dans la basse Normandie.

Nous ne pouvons terminer ce long compte rendu d'une publication très-digne d'intéresser tous ceux qui s'occupent de l'art du xvie siècle, tous ceux que passionnent les ouvrages de la Renaissance, sans leur dire que M. Houbigant est aussi un collectionneur infatigable. Il ne s'est pas contenté de rapporter les arcades et les médaillons de Sarcus à l'extérieur de son château de Nogent-les-Vierges, il a de plus formé à l'intérieur un véritable musée. Voici encore un fragment qu'il a fait graver pour son livre après l'avoir sauv des ruines.

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C'est l'image d'un toutou du xvIe siècle, méritant vraiment de lenir sa place dans la dissertation spéciale où l'iconophile parisien, M. Bonnardot, a traité des petits chiens de dames. Et ce cavalier en terre

cuite vernissée de Savignies, qui galopait autrefois sur le faîte aigu d'une tourelle, n'est-il pas digne d'exciter la convoitise de nos amateurs de céramique?

Mais ce qui tient surtout une large place dans le musée de Nogentles-Vierges, ce sont les antiquités du Beauvaisis, à commencer par l'époque celtique. M. Houbigant vient de donner un excellent exemple aux possesseurs de collections, en consacrant un beau volume tout parsemé de gravures sur bois, d'eaux-fortes et de lithographies à la description et à l'interprétation des richesses de son cabinet. Les 125 pages de la première partie sont consacrées à l'époque celtique. Espérons que M. Houbigant donnera bientôt la suite de ce travail, en faisant connaître ce qu'il possède en monuments gallo-romains et mérovingiens du pays des Bellovaques.

Raymond BORDEAUX.

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