PRÉFACE. 1. Les rapports de peuple à peuple engendrent nécessairement des conflits, comme les rapports entre les particuliers d'un même État. Mais, dans la manière de trancher les conflits privés et les conflits internationaux, aussi bien que dans les causes qui produisent les uns et les autres, il existe des différences essentielles résultant de la condition inégale des parties en cause. Entre les particuliers d'un même État, les litiges sont jugés par un pouvoir judiciaire préexistant, qui applique des lois établies déjà par un pouvoir législatif interne, et dont les décisions sont exécutées par la force publique. Entre les États, au contraire, il n'y a, en principe, ni lois communes, ni tribunaux internationaux, ni force publique internationale. D'autre part, les conflits privés diffèrent des conflits internationaux, autant que les intérêts privés diffèrent des intérêts des nations. Les particuliers poursuivent la réparation de dommages causés à leurs personnes ou à leurs biens; les États ont le souci d'intérêts complexes, multiples, qu'il est impossible de réunir dans une formule unique; il faut, d'ailleurs, tenir compte ici de certaines données qui ne se retrouvent pas dans les rapports des particuliers entre eux. On a dit, avec raison, que chaque époque produit «< une série de faits d'une nature spéciale, qui passionnent les esprits et surexcitent l'opinion publique une matière particulière facilement inflammable'. » Le moyen âge s'est surtout ému de la question religieuse; la question coloniale a été soulevée de nos jours, mais elle ira s'effaçant devant la question sociale qui pèsera de tout son poids sur le siècle futur. 2. Les différences incontestables qui séparent les conflits privés et les conflits des États, font hésiter sur le point de savoir si les uns et les autres seront un jour tranchés de la même façon; et s'il existera jamais un code international, une organisation judiciaire et une force publique internationales. Dans la situation internationale actuelle, des difficultés nombreuses surgissent, lorsqu'il s'agit de déterminer exactement quand il y a violation d'un droit, et de trouver des sanctions efficaces, soit pour rétablir le droit violé, soit pour obtenir les réparations nécessaires. L'incertitude est grande, d'abord, lorsqu'on se demande quels sont les préceptes dont un État peut exiger l'accomplissement dans ses rapports avec les autres États. Dira-t-on qu'un État peut s'affranchir d'une obligation imposée par le droit des gens général, par ce motif que cette obligation ne figure pas dans sa législation interne? non assurément; et, dans ce cas, il n'y a qu'à combler la lacune sur ce point, procédé que suivirent l'Angleterre et la Belgique, en 1870 et 1875. Nous allons même plus loin et nous estimons qu'une nation doit suivre les préceptes du droit des gens général, en dehors de toute prescription de sa législation interne, soit parce que cette législation ne peut renfermer tous les préceptes de ce droit, soit parce que celuici, considéré comme législation commune, n'a pas besoin d'être promulgué spécialement par chaque législateur local. Mais, alors, on retombe dans l'incertitude que nous venons de signaler au sujet des principes de ce droit, que 'Kamarowski, Le tribunal international, traduction française de Serge de Westman, p. 3. |