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Et fembloit fe promettre une heureuse victoire.
Mais en vain par ce calme il croit nous éblouir,
Il affecte un repos dont il ne peut jouir.

C'est en vain que, forçant ses soupçons ordinaires,
Il fe rend acceffible à tous les Janiffaires.
Il fe fouvient toujours que fon inimitié,
Voulut de ce grand Corps retrancher la moitié,
Lorfque, pour affermir fa puissance nouvelle,
Il vouloit, difoit-il, fortir de leur tutelle.
Moi-même j'ai fouvent entendu leurs difcours;
Comme il les craint fans ceffe, ils le craignent toujours.
Ses careffes n'ont point effacé cette injure.

Votre abfence eft pour eux un fujet de murmure.
Ils regrettent le temps, à leur grand cœur fi doux,
Lorfqu'affurés de vaincre ils combattoient fous vous.

A COMA T.

Quoi, tu crois, cher Ofmin, que ma gloire paffée.
Flatte encor leur valeur, & vit dans leur pensée ?
Crois-tu qu'ils me suivroient encor avec plaifir,
Et qu'ils reconnoîtroient la voix de leur Vifir?

OSMIN.

Le fuccès du combat réglera leur conduite.
Il faut voir du Sultan la victoire ou la fuite.
Quoiqu'à regret, Seigneur, ils marchent fous fes loix.
Ils ont à foutenir le bruit de leurs exploits.
Ils ne trahiront point l'honneur de tant d'années.
Mais, enfin, le fuccès dépend des destinées.
Si l'heureux Amurat, fecondant leur grand cœur

Aux champs de Babylone eft déclaré vainqueur,
Vous les verrez foumis rapporter dans Byfance
L'exemple d'une aveugle & baffe obéiffance.
Mais, fi dans le combat le deftin plus puiffant
Marque de quelque affront fon Empire naissant;
S'il fuit; ne doutez point que, fiers de fa disgrace,
A la haine bientôt ils ne joignent l'audace,
Et n'expliquent, Seigneur, la perte du combat,
Comme un arrêt du Ciel qui réprouve Amurat
Cependant, s'il en faut croire la Renommée,
Il a, depuis trois mois, fait partir de l'armée
Un efclave chargé de quelque ordre fecret.
Tout le camp interdit trembloit pour Bajazet.
On craignoit qu'Amurat, par un ordre févère,
N'envoyât demander la tête de fon frère.

A COMA T.

Tel étoit fon deffein. Cet Efclave eft venu;
Il a montré fon ordre, & n'a rien obtenu.

OSMIN.

Quoi, Seigneur, le Sultan reverra fon vifage,
Sans que de vos refpects il lui porte ce gage

A COMA T.

Cet Efclave n'eft plus. Un ordre, cher Ofmin,
L'a fait précipiter dans le fond de l'Euxin.

OSMIN.

Mais le Sultan, furpris d'une trop longue abfence, En cherchera bientôt la cause & la

vengeance.

Que lui répondrez-vous ?

A COMA T.

A COMA T.

Peut-être avant ce temps,

Je faurai l'occuper de foins plus importans.
Je fais bien qu'Amurat a juré ma ruine.

Je fais à fon retour l'accueil qu'il me deftine.

Tu vois, pour m'arracher du cœur de fes Soldats,
Qu'il va chercher, fans moi, les fiéges, les combats 1
Il commande l'armée ; & moi, dans une Ville,
Il me laiffe exercer un pouvoir inutile.

Quel emploi, quel féjour, Osmin, pour un Vifir!
Mais j'ai plus dignement employé ce loifir.
J'ai fçu lui préparer des craintes & des veilles;
Et le bruit en ira bientôt à ses oreilles.

OSMIN.

Quoi donc, qu'avez-vous fait ?

A COM A T.

J'espère qu'aujourd'hui

Bajazet fe déclare, & Roxane avec lui.

OSMIN.

Quoi, Roxane, Seigneur, qu'Amurat a choifie
Entre tant de beautés, dont l'Europe & l'Afie
Dépeuplent leurs Etats, & rempliffent fa Cour ?
Car on dit qu'elle seule a fixé fon amour ;
Et même il a voulu que l'heureufe Roxane,
Avant qu'elle eût un fils, prît le nom de Sultane:

A COMA T.

Il a fait plus pour elle, Ofmin. Il a voulu
Qu'elle eût dans fon absence un pouvoir abfolu.

Tome II.

E

Tu fais de nos Sultans les rigueurs ordinaires!
Le frère rarement laiffe jouir fes frères

De l'honneur dangereux d'être fortis d'un fang
Qui les a de trop près approchés de fon rang.
L'imbécille Ibrahim, fans craindre fa naiffance,
Traîne, exempt de péril, une éternelle enfance;
Indigne également de vivre & de mourir,

On l'abandonne aux mains qui daignent le nourrir.
L'autre, trop redoutable, & trop digne d'envie,
Voit fans ceffe Amurat armé contre la vie.
Car enfin, Bajazet dédaigna de tout temps,
La molle oifiveté des enfans des Sultans.
Il vint chercher la guerre au fortir de l'enfance,
Et même en fit fous moi la noble expérience.
Toi-même tu l'as vu courir dans les combats,
Emporter après lui tous les cœurs des Soldats;
Et goûter, tout fanglant, le plaisir & la gloire,
Que donne aux jeunes cœurs la première victoire.
Mais, malgré les foupçons, le cruel Amurat,
Avant qu'un fils naissant eût rassuré l'Etat,
N'ofoit facrifier ce frère à fa vengeance,
Ni du fang Ottoman profcrire l'espérance.
Ainfi donc, pour un temps, Amurat défarmé,
Laiffa dans le ferrail Bajazet enfermé.
Il partit, & voulut que, fidèle à fa haine,
Et des jours de fon frère arbitre fouveraine,
Roxane, au moindre bruit, &, fans autres raisons
Le fit facrifier à fes moindres foupçons.

Pour moi, demeuré feul, une jufte colère
Tourna bientôt mes vœux du côté de fon frère.
J'entretins la Sultane, &, cachant mon deffein,
Lui montrai d'Amurat le retour incertain,
Les murmures du camp, la fortune des armes.
Je plaignis Bajazet, je lui vantai ses charmes,
Qui,
, par un foin jaloux dans l'ombre retenus
Si voifins de fes yeux,
leur étoient inconnus.
Que te dirai-je enfin? La Sultane éperdue
N'eut plus d'autres défirs que celui de fa vue.

OSMIN.

Mais pouvoient-ils tromper tant de jaloux regards, Qui femblent mettre entre eux d'invincibles remparts

A COMA T.

Peut-être il te fouvient qu'un récit peu fidèle
De la mort d'Amurat fit courir la nouvelle.
La Sultane, à ce bruit, feignant de s'effrayer,
Par des cris douloureux eut foin de l'appuyer.
Sur la foi de fes pleurs fes Efclaves tremblèrent;
De l'heureux Bajazet les Gardes fe troublèrent;
Et les dons achevant d'ébranler leur devoir,
Leurs captifs, dans ce trouble, oferent s'entrevoir
Roxane vit le Prince; elle ne put lui taire
L'ordre dont elle feule étoit dépofitaire.
Bajazet eft aimable; il vit que fon falut
Dépendoit de lui plaire, & bientôt il lui plut.
Tout confpiroit pour lui. Ses foins, fa complaisance
Ce fecret découvert, & cette intelligence,

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