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Qu'entends-je ?

THESE E.

PANOPE.

Son trépas n'a pas calmé la Reine. Le trouble femble croître en fon ame incertaine. Quelquefois, pour flatter fes fecrettes douleurs, Elle prend fes enfans, & les baigne de pleurs ; Et foudain, renonçant à l'amour maternelle, Sa main avec horreur les repouffe loin d'elle. Elle porte au hafard fes pas irréfolus. Son œil tout égaré ne nous reconnoît plus. Elle a trois fois écrit ; &, changeant de pensée, Trois fois elle a rompu fa lettre commencée. Daignez la voir, Seigneur, daignez la fecourir.

O Ciel,

THESE E.

none eft morte, & Phédre veut mourir? Qu'on rappelle mon fils, qu'il vienne fe défendre ; Qu'il vienne me parler, je fuis prêt de l'entendre. (feul.)

Ne précipite point tes funeftes bienfaits, Neptune. J'aime mieux n'être exaucé jamais. J'ai peut-être trop cru des témoins peu fidèles, Et j'ai trop tôt vers toi levé mes mains cruelles. Ah, de quel défefpoir mes vœux feroient fuivis !

SCENE VI.

THÉSÉE, THERA MENE.

THÉSÉE.

THERAMENE, eft-ce toi ? Qu'as-tu fait de mon fils?

Je te l'ai confié dès l'âge le plus tendre:

Mais d'où naiffent les pleurs que je te vois répandre? Que fait mon fils ?

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J'ai vu des Mortels périr le plus aimable, Et j'ofe dire encor, Seigneur, le moins coupable.

THE SÉ E.

Mon fils n'eft plus! Hé quoi! quand je lui tends les bras, Les Dieux impatiens ont hâté fon trépas?

Quel coup me l'a ravi? Quelle foudre soudaine?........

THERA MENE.

A peine nous fortions des portes de Trézène ;
Il étoit fur fon char. Ses Gardes affligés
Imitoient fon filence, autour de lui rangés.

1 fuivoit tout penfif le chemin de Mycènes.

Sa main fur les chevaux laiffoit flotter les rênes.
Ses fuperbes courfiers, qu'on voyoit autrefois
Pleins d'une ardeur fi noble obéir à fa voix,
L'œil morne maintenant & la tête baiffée,
Sembloient se conformer à fa trifte pensée.
Un effroyable cri, forti du fond des flots,
Des airs, en ce moment, a troublé le
Et du fein de la terre une voix formidable
Répond, en gémiffant, à ce cri redoutable.
Jusqu'au fond de nos cœurs notre fang s'est glacé.
Des courfiers attentifs le crin s'eft hériffé.

repos;

Cependant, fur le dos de la plaine liquide,

S'élève à gros

bouillons une montagne humide. L'onde approche, fe brise, & vomit à nos yeux, Parmi des flots d'écume, un monftre furieux. Son front large eft armé de cornes menaçantes ; Tout fon corps eft couvert d'écailles jaunissantes. Indomptable taureau, dragon impétueux,

Sa

croupe fe recourbe en replis tortueux;

Ses longs mugiffemens font trembler le rivage.
Le Ciel avec horreur voit ce monftre fauvage.
La terre s'en émeut, l'air en eft infecté,
Le flot, qui l'apporta, recule épouvanté.
Tout fuit ; &, fans s'armer d'un courage inutile,
Dans le Temple voifin chacun cherche un afyle.
Hippolyte lui feul, digne fils d'un Héros,
Arrête les courfiers, faifit ses javelots

Pousse au monftre, &, d'un dard lancé d'une main sile
Hl lui fait dans le flanc une large blessure.
De rage & de douleur le monstre bondissant
Vient aux pieds des chevaux tomber en mugiffant,
Se roule, & leur préfente une gueule enflammée,
Qui les couvre de feu, de fang & de fumée.
La frayeur les emporte ; &, fourds à cette fois,
Ils ne connoiffent plus ni le frein, ni la voix.
En efforts impuissans leur maître se consume.
Ils rougiffent le mords d'une fanglante écume.
On dit qu'on a vu même, en ce défordre affreux,
Un Dieu, qui d'aiguillons preffoit leur flanc poudreut
A travers les rochers la peur les précipite.
L'effieu crie & fe rompt. L'intrépide Hippolyte
Voit voler en éclats tout fon char fracaffé.
Dans les rênes lui-même il tombe embarrassé.
Excufez ma douleur. Cette image cruelle
Sera pour moi de pleurs une fource éternelle.
J'ai vu, Seigneur, j'ai vu votre malheureux fils
Traîné par les chevaux que fa main a nourris.
Il veut les rappeller, & fa voix les effraie.
Ils courent. Tout fon corps n'est bientôt qu'une plaie.
De nos cris douloureux la plaine retentit.
Leur fougue impétueuse enfin se ralentit.
Ils s'arrêtent, non loin de ces tombeaux antiques,
Où des Rois les ayeux font les froides reliques.
Je cours, en foupirant, & fa garde me fuit.
De fon généreux lang la trace nous conduit.

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es rochers en font teints. Les ronces dégouttantes Portent de fes cheveux les dépouilles fanglantes. "arrive, je l'appelle ; & me tendant la main, 1 ouvre un œil mourant, qu'il referme foudain : Le Ciel, dit-il, m'arrache une innocente vie. Prend foin, après ma mort

,

de la trifte Aricie. Cher ami, fi mon père un jour défabufé

Plaint le malheur d'un fils fauffement accufé,
Pour appaiser mon fang & mon ombre plaintive,
Dis-lui qu'avec douceur il traite fa captive,
Qu'il lui rende.... A ce mot, ce Héros expiré
N'a laiffé dans mes bras qu'un corps défiguré;
Trifte objet où des Dieux triomphe la colère,
Et que méconnoîtroit l'œil même de fon père.
THESE E.

O mon fils! Cher espoir que je me suis ravi!
Inexorables Dieux, qui m'avez trop servi!
A quels mortels regrets ma vie est réservée!
THERA MENE.
La timide Aricie eft alors arrivée.

Elle venoit, Seigneur, fuyant votre courroux, A la face des Dieux l'accepter pour époux. Elle approche. Elle voit l'herbe rouge & fumante. e voit (quel objet pour les yeux d'une amante!) olyte étendu, fans forme & fans couleur. veut quelque temps douter de fon malheur ; connoiffant plus ce Héros qu'elle adore, oit Hippolyte, & le demande encore.

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