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Moi-même, il m'enferma dans des cavernes fombres,
Lieux profonds & voifins de l'Empire des ombres.
Les Dieux, après fix mois, enfin m'ont regardé.
J'ai fçu tromper les yeux par qui j'étois gardé.
D'un perfide ennemi j'ai purgé la nature.
A fes monftres lui-même a fervi de pâture.
Et lorfqu'avec transport je pense m'approcher
De tout ce que les Dieux m'ont laiffé de plus cher;
Que dis-je? Quand mon ame, à foi-même rendue,
Vient fe raffafier d'une fi chère vue;

Je n'ai

pour tout accueil que des frémiffemens.
Tout fuit, tout se refuse à mes embrassemens.
Et moi-même, éprouvant la terreur que j'inspire,
Je voudrois être encor dans les prifons d'Épire.
Parlez. Phédre se plaint que je fuis outragé.
Qui m'a trahi? Pourquoi ne fuis-je pas vengé?
La Grèce à qui mon bras fut tant de fois utile,
A-t-elle au criminel accordé quelque asyle?
Vous ne répondez point. Mon fils, mon propre
Eft-il d'intelligence avec mes ennemis ?
Entrons. C'est trop garder un doute qui m'accable.
Connoiffons à la fois le crime & le coupable.
Que Phédre explique enfin le trouble où je la voi,

fils

SCENE

V I.

HIPPOLYTE, THERA MENE,

HIPPOLYT E.

OÙ tendoit ce difcours qui m'a glacé d'effroi ?

Phédre, toujours en proie à sa fureur extrême,
Veut-elle s'accufer & fe perdre elle-même ?
Dieux! Que dira le Roi? Quel funefte poison
L'amour a répandu fur toute fa maison!
Moi-même, plein d'un feu que fa haine réprouve,
Quel il m'a vu jadis; & quel il me retrouve?
De noirs preffentimens viennent m'épouvanter.
Mais l'innocence enfin n'a rien à redouter.

Allons, cherchons ailleurs par quelle heureufe adreffe
Je pourrai de mon père émouvoir la tendreffe ;
Et lui dire un amour qu'il peut vouloir troubler,
Mais que tout fon pouvoir ne fauroit ébranler.

Fin du troifiéme Alte.

ACTE IV.

SCENE PREMIERE.

THÉSÉE, NONE.

THESE E.

AH, qu'eft-ce que j'entends? Un traître, un témé

raire

Préparoit cet outrage à l'honneur de fon père?
Avec quelle rigueur, destin, tu me pourfuis!
Je ne fais où je vais, je ne fais où je suis.
O tendreffe! O bonté trop mal récompensée!
Projet audacieux! Déteftable pensée!

Pour parvenir au but de fes noires amours,
L'infolent de la force empruntoit le fecours.
J'ai reconnu le fer, inftrument de få rage,
Ce fer dont je l'armai pour un plus noble ufage
Tous les liens du fang n'ont pu le retenir !
Et Phédre différoit à le faire punir!

Le filence de Phédre épargnoit le coupable!
ŒNONE.

Phédre épargnoit plutôt un père déplorable.
Honteuse du deffein d'un amant furieux,
Et du feu criminel qu'il a pris dans les yeux,
Phédre mouroit, Seigneur, & fa main meurtrière
Éteignoit de fes yeux l'innocente lumière.

■ J'ai vu lever le bras, j'ai couru la fauver.
Moi seule à votre amour j'ai sçu la conserver.
Et, plaignant à la fois fon trouble & vos allarmes,
J'ai fervi, malgré moi, d'interprète à fes larmes.

THÉ SÉ E.

Le perfide! Il n'a pu s'empêcher de pâlir.
De crainte, en m'abordant, je l'ai vu treffaillir.
Je me fuis étonné de fon peu d'allegreffe.
Ses froids embrassemens ont glacé ma tendresse.
Mais ce coupable amour, dont il est dévoré,
Dans Athènes déja s'étoit-il déclaré?

NONE.

Seigneur, fouvenez-vous des plaintes de la Reine,
Un amour criminel causa toute sa haine.

THESE E.

Et ce feu dans Trézène a donc recommencé?

NONE.

Je vous ai dit, Seigneur, tout ce qui s'eft paffé.
C'eft trop laiffer la Reine à sa douleur mortelle.
Souffrez que je vous quitte, & me range auprès d'elle.

Ан

SCENE II.

THESÉE, HIPPOLYTE.

THÉSÉE.

H, le voici. Grands Dieux, à ce noble mainten, Quel œil ne feroit pas trompé comme le mien? Faut-il que fur le front d'un profane adultère, Brille de la vertu le facré caractère ? Et ne devroit-on pas, à des fignes certains, Reconnoître le cœur des perfides humains?

HIPPOLYT E.

Puis-je vous demander quel funefte nuage,
Seigneur, a pu troubler votre augufte vifage?
N'ofez-vous confier ce fecret à ma foi?

THESE E.

Perfide, ofes-tu bien te montrer devant moi?
Monftre, qu'a trop long-temps épargné le tonnerre,
Refte impur des brigands dont j'ai purgé la terre.
Après que le transport d'un amour plein d'horreur,
Jufqu'au lit de ton père a porté ta fureur,
Tu m'ofes préfenter une tète ennemie!
Tu parois dans des lieux pleins de ton infamie;
Et ne vas pas chercher fous un Ciel inconnu,
Des pays où mon nom ne foit point parvenu!
Fuis, traître. Ne viens point braver ici ma haine,
Et tenter un courroux que je retiens à peine.

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