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ARICIE.

Seigneur, vous ne pouvez refufer de l'entendre.
Quoique trop convaincu de fon inimitié,
Vous devez à fes pleurs quelque ombre de pitié.
HIPPOLYT E.

Cependant vous fortez. Et je pars. Et j'ignore
Si je n'offense point les charmes que j'adore.
J'ignore fi ce cœur que je laiffe en vos mains....

ARICIE.

Partez, Prince, & fuivez vos généreux deffeins. Rendez de mon pouvoir Athènes tributaire. J'accepte tous les dons que vous me voulez faire. Mais cet Empire enfin, fi grand, fi glorieux, N'eft pas de vos préfens le plus cher à mes yeux.

SCENE Iv.

HIPPOLYTE, THÉRAMENE.

AMI,

HIPPOLYTE

MI, tout eft-il prêt ? Mais la Reine s'avance. Va, que pour le départ tout s'arme en diligence. Fais donner le fignal, cours, ordonne, & revien Ma délivrer bientôt d'un fâcheux entretien.

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PHEDRE, HIPPOLYTE, ŒNONE, PHEDRE à Enone, dans le fond du Théâtre.

LE

E voici. Vers mon cœur tout mon fang se retire; J'oublie, en le voyant, ce que je viens lui dire.

NONE.:

Souvenez-vous d'un fils qui n'espère qu'en vous¿
PHEDR E.

On dit qu'un prompt départ vous éloigne de nous,
Seigneur. A vos douleurs je viens joindre mes larmes,
Je vous viens pour un fils expliquer mes allarmes.
Mon fils n'a plus de père, & le jour n'est pas loin
Qui de ma mort encor doit le rendre témoin.
Déja mille ennemis attaquent son enfance.
Vous feul pouvez contre eux embrasser sa défense.
Mais un fecret remords agite mes efprits.

Je crains d'avoir fermé votre oreille à fes cris
Je tremble que fur lui votre jufte colère
Ne poursuive bientôt une odieuse mère.

HIPPOLYTE.

Madame, je n'ai point des fentimens fi basa

PHEDR E.

Quand vous me haïriez je ne m'en plaindrois pas, Seigneur. Vous m'avez vu attachée à vous nuire; Dans le fond de mon cœur vous ne pouviez pas lirea

A votre inimitié j'ai pris foin de m'offrir.
Aux bords que j'habitois je n'ai pu vous (buffzir,
En public, en fecret, contre vous déclaréep
J'ai voulu par des mers en être féparée.
J'ai même défendu, par une expreffe loi,
Qu'on ofat prononcer votre nom devant moi,
Si pourtant à l'offenfe on mefure la peine;
Si la haine peut feule attirer votre haine,
Jamais femme ne fut plus digne de pitié,
Et moins digne, Seigneur, de votre inimitié.

HIPPOLYT E.

Des droits de fes enfans une mère jalouse
Pardonne rarement aux fils d'une autre épouse,
Madame, je le fais. Les foupçons importuns
Sont d'un fecond hymen les fruits les plus communs?
Tout autre auroit pour moi pris les mêmes ombrages
Et j'en aurois peut-être effuyé plus d'outrages.

PHEDRE.

Ah, Seigneur, que le Ciel, j'ofe ici l'attefter,
De cette loi commune a voulu m'excepter!
Qu'un foin bien different me trouble & me dévore!

HIPPOLYT E.

Madame, il n'eft pas temps de vous troubler encore,
Peut-être votre époux voit encore le jour.

Ciel peut à nos pleurs accorder fon retour
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e le protège, & ce Dieu tutélaire

pas en vain imploré par mon père.

PHÉDRE.

On ne voit point deux fois le rivage des morts,
Seigneur. Puifque Théfée a vu les fombres bords,
En vain vous espérez qu'un Dieu vous le renvoie ;
Et l'avare Achéron ne lâche point fa proie.

Que dis-je ? Il n'eft point mort puisqu'il respire en vous.
Toujours devant mes yeux je crois voir mon époux.
Je le vois, je lui parle, & mon cœur.......... Je m'égare,
Seigneur; ma folle ardeur, malgré moi, fe déclare.

HIPPOLYT E.

Je vois de votre amour l'effet prodigieux.
Tout mort qu'il eft, Thésée est présent à vos yeux,
Toujours de fon amour votre ame est embrasée.
PHÉDRE.

Oui, Prince, je languis, je brûle pour Thésée.
Je l'aime, non point tel que l'ont vu les Enfers,
Volage adorateur de mille objets divers,

Qui va du Dieu des morts deshonorer la couche;
Mais fidèle, mais fier, & même un peu farouche,
Charmant, jeune, traînant tous les cœurs après foi,
Tel qu'on dépeint nos Dieux, ou tel que je vous voi.
Il avoit votre port, vos yeux, votre langage,
Cette noble pudeur coloroit fon visage,
Lorfque de notre Crête il traverfa les flots,
Digne fujet des vœux des filles de Minos.
Que faifiez-vous alors? Pourquoi, fans Hippolyte
Des Héros de la Grèce affembla-t-il l'élite?
Pourquoi, trop jeune encor, ne pûtes-vous alors

Entrer dans le vaisseau qui le mit fur nos bords?
Par vous auroit péri le monftre de la Crête,
Malgré tous les détours de fa vafte retraite.
Pour en développer l'embarras incertain,
Ma fœur du fil fatal eût armé votre main.
Mais non,
dans ce deffein je l'aurois devancée.
L'amour m'en eût d'abord inspiré la pensée.
C'est moi, Prince, c'est moi, dont l'utile fecours
Vous eût du labyrinthe enfeigné les détours.
Que de foins m'eût coûté cette tête charmante!
Un fil n'eût point affez raffuré votre amante.
Compagne du péril qu'il vous falloit chercher,
Moi-même devant vous j'aurois voulu marcher;
Et Phédre au labyrinthe avec vous defcendue,
Se feroit avec vous retrouvée ou perdue.
HIPPOLYT E.

Dieux, qu'est-ce que j'entends? Madame, oubliez-vous
Que Théfée eft mon père, & qu'il eft votre époux?

PHEDR E.

Et fur quoi jugez-vous que j'en perds la mémoire, Prince? Aurois-je perdu tout le foin de ma gloire?

HIPPOLYTE.

Madame, pardonnez. J'avoue, en rougiffant,
Que j'accufois à tort un difcours innocent.
Ma honte ne peut plus foutenir votre vue ;
Et je vais....

PHÉDRE.

Ah, cruel, tu m'as trop entendue !

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