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jamais ofé faire tant qu'elle auroit cru que fon mari étoit vivant.

Au refte, je n'ofe encore affurer que cette Piéce foit en effet la meilleure de mes Tragédies Je laiffe, & aux Lecteurs & au temps, à décider de fon véritable prix. Ce que je puis affurer, c'est que je n'en ai point faite où la vertu foit plus mise en jour que dans celle-ci. Les moindres fautes y font févèrement punies. La feule pensée du crime y est regardée avec autant d'horreur que le crime même. Les foibleffes de l'amour y paffent pour de vraies foibleffes. Les paffions n'y font Préfentées aux yeux que pour montrer tout le défordre dont elles font caufe; & le vice y eft peint par-tout avec des couleurs qui en font connoître & haïr la difformité. C'est là proprement le but que tout homme qui travaille pour le Public doit fe propofer; & c'est ce que les premiers Poëtes tragiques avoient en vue fur toute chose. Leur Théâtre étoit une École où la vertu n'étoit pas moins bien enfeignée que dans les Écoles des Philofophes. Auffi Aristote a bien voulu donner des régles du Poëme Dramatique ; & Socrate, le plus fage des Philofophes, ne dédaignoit pas de mettre la main aux Tragédies d'Euripide. Il feroit à fouhaiter que nos Ouvrages fuffent auffi folides & auffi pleins d'utiles inftructions que ceux de ces Poëtes. Ce feroit peut-être un moyen de réconcilier la Tragédie avec quantité de perfonnes célèbres par leur piété & par leur doctrine, qui l'ont condamnée dans ces derniers

temps, & qui en jugeroient, fans doute, plus favorablement, fi les Auteurs fongeoient autant à inftruire leurs Spectateurs qu'à les divertir, & s'ils fuivoient en cela la véritable intention de la Tragédie.

Q

ACTEURS.

THÉSÉE, Fils d'Egée, Roi d'Athènes.

PHEDRE, Femme de Théfée, Fille de Minos & de Pafiphać.

HIPPOLYTE, Fils de Théfée & d'Antiope, Reine des Amazones.

ARICIE, Princeffe du fang Royal d'Athènes.

NONE, Nourrice & Confidente de Phédre.

THERAMENE, Gouverneur d'Hippolyte.
ISMENE, Confidente d'Aricie.

PANOPE, Femme de la fuite de Phédre.

GARDES.

La Scène eft à Trégène, Ville du Péloponèses

*XXXX XXX XXXX XXXXX

PHEDRE,

TRAGÉDI E.

371

ACTE PREMIER.

SCENE PREMIERE. HIPPOLYTE, THERAMEN E.

HIPPOLYT E.

LE deffein en eft pris, je pars, cher Théramène

Et quitte le féjour de l'aimable Trézène.
Dans le doute mortel dont je fuis agité,
Je commence à rougir de mon oifiveté:
Depuis plus de fix mois, éloigné de mon père,
J'ignore le deftin d'une tête fi chère.

J'ignore jufqu'aux lieux qui le peuvent cacher.

THERA MENE.

Et dans quels lieux,Seigneur,l'allez-vous donc chercher?

Déja, pour fatisfaire à votre jufte crainte,
J'ai couru les deux mers que fépare Corinthe.
J'ai demandé Théfée aux peuples de ces bords
Où l'on voit l'Achéron fe perdre chez les morts.
J'ai vifité l'Elide, &, laiffant le Ténare,
Paffé jufqu'à la mer qui vit tomber Icare.
Sur quel espoir nouveau, dans quels heureux climats
Croyez-vous découvrir la trace de fes pas?
Qui fait même, qui fait fi le Roi votre père
Veut que de fon abfence on fache le mystère?
Et fi, lorfqu'avec vous nous tremblons pour les jours,
Tranquille, & nous cachant de nouvelles amours,
Ce Héros n'attend point qu'une amante abufée....

HIPPOLYTE.

Cher Théramène arrête, & refpecte Théfée.
De fes jeunes erreurs déformais revenu,

Par un indigne obftacle il n'eft point retenu;
Et, fixant de fes vœux l'inconftance fatale,
Phédre, depuis long-temps, ne craint plus de rivale.
Enfin, en le cherchant, je fuivrai mon devoir,
Et je fuirai ces lieux que je n'ofe plus voir.

THERA MENE.

Hé, depuis quand, Seigneur, craignez-vous la préfence
De ces paifibles lieux, fi chers à votre enfance,
Et dont je vous ai vu préférer le féjour

Au tumulte pompeux d'Athènes & de la Cour?
Quel péril, ou plutôt quel chagrin vous en chaffe?

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