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C'est un titre qu'en vain il prétend me voler.
Ne fait-il des fermens que pour les violer?
Vous-même, que retient un devoir si sévère,

Quand il vous donne à moi, n'est-il point votre père ? Suivez-vous feulement fes ordres abfolus,

Quand il ceffe de l'être, & ne vous connoît plus?
Enfin c'eft trop tarder, ma Princeffe ; & ma crainte....
IPHIGÉNIE.

Quoi, Seigneur, vous iriez jufques à la contrainte?
D'un coupable tranfport écoutant la chaleur,
Vous pourriez ajouter ce comble à mon malheur?
Ma gloire vous feroit moins chère que ma vie?
Ah, Seigneur, épargnez la triste Iphigénie!
Affervie à des loix que j'ai dû respecter,
C'est déja trop pour moi que de vous écouter.
Ne portez pas plus loin votre injufte victoire.
Ou
par mes propres mains immolée à ma gloire,
Je faurai m'affranchir, dans ces extrémités,
Du fecours dangereux que vous me présentez.

A CHILL E.

Hé bien, n'en parlons plus. Obéiffez, cruelle,
Et cherchez une mort qui vous semble si belle.
Portez à votre père un cœur, où j'entrevoi
Moins de refpect pour lui, que de haine pour moi.
Une jufte fureur s'empare de mon ame.
Vous allez à l'autel, & moi, j'y cours, Madame.
Si de fang & de morts le Ciel eft affamé,
Jamais de plus de fang fes autels n'ont fumé:

A mon aveugle amour tout fera légitime.
Le Prêtre deviendra la première victime.
Le bûcher, par mes mains détruit & renversé,
Dans le fang des bourreaux nagera difperfé.
Et fi, dans les horreurs de ce défordre extrême,
Votre père frappé tombe, & périt lui-même,
Alors, de vos respects voyant les tristes fruits,
Reconnoiffez les coups que vous aurez conduits.

IPHIGÉNIE.

Ah, Seigneur! Ah, cruel!... Mais il fuit, il m'échappe
O, toi, qui veux ma mort, me voilà feule, frappe,
Termine, jufte Ciel, ma vie & mon effroi;
Et lance ici des traits qui n'accablent que moi!

SCENE III.

CLYTEMNESTRE, IPHIGÉNIE, ÆGINE, EURYBATE, GARDES.

CLYTEM NESTRE.

Our, je la défendrai contre toute l'armée.
Lâches, vous trahiffez votre Reine opprimée!

EURY BATE.

Non, Madame, il fuffit que vous nous commandier, Vous nous verrez combattre, & mourir à vos pieds. Mais de nos foibles mains que pouvez-vous attendre? Contre tant d'ennemis qui pourra vous défendre? Ce n'eft plus un vain peuple en défordre affemblé,

C'eft d'un zèle fatal tout le camp aveuglé.

Plus de pitié. Calchas feul regne, feul commande.
La piété févère exige son offrande.

Le Roi, de fon pouvoir, se voit dépofféder;

Et lui-même au torrent nous contraint de céder.
Achille à qui tout cede, Achille à cet orage
Voudroit lui-même en vain oppofer fon courage.
Que fera-t-il, Madame ? Et qui peut diffiper
Tous les flots d'ennemis prêts à l'envelopper?

CLYTEMNESTRE.

Qu'ils viennent donc fur moi prouver leur zèle impie Et m'arrachent ce peu qui me reîte de vie.

La mort feule, la mort pourra rompre les nœuds Dont mes, bras nous vont joindre & lier toutes deux. Mon corps fera plutôt féparé de mon ame,

Que je fouffre jamais.... Ah, ma fille!

IPHIGENIE.

Ah, Madame!

Sous quel aftre cruel avez-vous mis au jour

Le malheureux objet d'une fi tendre amour

?

Mais que pouvez-vous faire en l'état où nous fommes ?
Vous avez à combattre & les Dieux & les hommes.
Contre un peuple en fureur vous expoferez-vous?
N'allez point, dans un camp rebelle à votre époux,
Seule à me retenir vainement obstinée,
Par des foldats, peut-être, indignement traînée,
Préfenter, pour tout fruit d'un déplorable effort,
Un fpectacle à mes yeux plus cruel que la mort.

Allez. Laiffez aux Grecs achever leur ouvrage,
Et quittez pour jamais un malheureux rivage.
Du bûcher, qui m'attend, trop voifin de ces lieux,
La flamme de trop près viendroit frapper vos yeux.
Sur-tout, fi vous m'aimez, par cet amour de mère,
Ne reprochez jamais mon trépas à mon père.

CLYTEM NESTR E.

Lui, par qui votre cœur à Calchas présenté!...

IPHIGÉNIE.

Pour me rendre à vos pleurs que n'a-t-il point tenté ?

CLYTEM NESTRE.

Par quelle trahifon le cruel m'a déçue!

IPHIGÉ NIE.

Il me cédoit aux Dieux dont il m'avoit reçue.
Ma mort n'emporte pas tout le fruit de vos feux.
De l'amour qui vous joint vous avez d'autres nœuds,
Vos yeux me reverront dans Oreste mon frère.
Puiffe-t-il être, hélas, moins funeste à sa mère!
D'un peuple impatient vous entendez la voix.
Daignez m'ouvrir vos bras pour la dernière fois,
Madame; & rappellant votre vertu fublime....
Eurybate, à l'autel conduifez la victime.

SCENE IV.

CLYTEMNESTRE, ÆGINE, GARDES;

CLYTEM NESTRE.

AH, vous n'irez pas feule, & je ne prétends pas..........
Mais on fe jette en foule au-devant de mes pas.
Perfides, contentez votre foif fanguinaire.

ÆGINE.

Où courez-vous, Madame? Et que voulez-vous faire ?
CLYTEM NESTRE.

Hélas, je me confume en impuiffans efforts,
Et rentre au trouble affreux, dont à peine je fors.
Mourrai-je tant de fois, fans fortir de la vie!

ÆGINE.

Ah, favez-vous le crime, & qui vous a trahie,
Madame? Savez-vous quel ferpent inhumain
Iphigénie avoit retiré dans son sein?

Eriphile, en ces lieux par vous-même conduite,
A feule à tous les Grecs révélé votre fuite.

CLYTEM NESTRE.

O monftre, que Megère en fes flancs a porté!
Monftre, que dans nos bras les enfers ont jetté !
Quoi,tu ne mourras point? Quoi,pour punir fon crime...
Mais où va ma douleur chercher une victime?
Quoi, pour noyer les Grecs & leurs mille vaiffeaux
Mer, tu n'ouvriras pas des abysmes nouveaux ?

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