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Rappellez fa raison, perfuadez-le bien,

Pour vous, pour mon repos, & fur-tout pour le fien;
Je perds trop de momens en des discours frivoles,
Il faut des actions, & non pas des paroles.

(à Clytemnestre.)

Madame, à vous fervir je vais tout difpofer.
Dans votre appartement allez vous reposer.
Votre fille vivra, je puis vous le prédire.
Croyez du moins, croyez que, tant que je refpire,
Les Dieux auront en vain ordonné fon trépas.
Cet oracle eft plus sûr que celui de Calchas,

Fin du troifiéme Alte

ACTE I V.

SCENE PREMIERE.

ERIPHILE, DORIS.

DORIS.

AH, que me dites-vous ? Quelle étrange manie

Vous peut faire envier le fort d'Iphigénie?

Dans une heure elle expire. Et jamais, dites-vous,
Vos yeux de fon bonheur ne furent plus jaloux.
Qui le croira, Madame? Et quel cœur fi farouche...

ERIPHILE.

Jamais rien de plus vrai n'est sorti de ma bouche.
Jamais de tant de foins mon efprit agité
Ne porta plus d'envie à fa félicité.

Favorables périls! Espérance inutile!

N'as-tu pas vu fa gloire, & le trouble d'Achille?
J'en ai vu, j'en ai fui les fignes trop certains.

Ce Héros, fi terrible au reste des humains,

Qui ne connoît de pleurs que ceux qu'il fait répandre¿
Qui s'endurcât contre eux dès l'âge le plus tendre,
Et qui, fi l'on nous fait un fidèle discours,
Suça même le fang des Lions & des Ours,
Pour elle de la crainte a fait l'apprentissage:
Elle l'a vu pleurer & changer de visage.

Et tu la plains, Doris? Par combien de malheurs

Ne lui voudrois-je point difputer de tels pleurs?
Quand je devrois,comme elle, expirer dans une heure....
Mais que
dis-je expirer! Ne crois pas qu'elle meure.
Dans un lâche fommeil crois-tu qu'enfe veli,
Achille aura pour elle impunément pâli?
Achille à fon malheur faura bien mettre obftacle.
Tu verras que les Dieux n'ont dicté cet oracle,
Que pour
croître à la fois fa gloire & mon tourment,
Et la rendre plus belle aux yeux de fon amant.
Hé quoi! ne vois-tu pas tout ce qu'on fait pour elle?
On fupprime des Dieux la fentence mortelle ;
Et, quoique le bûcher soit déja préparé,

Le de la victime eft encore ignoré.

nom

Tout le camp n'en fait rien. Doris, à ce filence,
Ne reconnois-tu pas un père qui balance?

Et que
fera-t-il donc? Quel courage endurci
Soutiendra les affauts qu'on lui prépare ici ?
Une mère en fureur, les larmes d'une fille,
Les cris, le défespoir de toute une famille,
Le fang à ces objets facile à s'ébranler,

Achille menaçant tout prêt à l'accabler:

Non, te dis-je, les Dieux l'ont en vain condamnée? Je fuis, & je ferai la feule infortunée.

Ah, fi je m'en croyois!

DORIS.

Quoi, que méditez-vous?
ERIPHILE.

Je ne fais qui m'arrête & retient mon courroux;

Que, par un prompt avis de tout ce qui fe paffe,
Je ne coure des Dieux divulger la menace,
Et publier par-tout les complots criminels
Qu'on fait ici contre eux & contre leurs autels,

DORIS.

Ah, quel deffein, Madame!

ERIPHILE.

Ah, Doris, quelle joie!

Que d'encens brûleroit dans les Temples de Troye!
Si, troublant tous les Grecs & vengeant ma prison,
Je pouvois contre Achille armer Agamemnom ;
Si leur haine, de Troye oubliant la querelle,
Tournoit contre eux le fer qu'ils aiguisent contre elle
Et fi, de tout le camp, mes avis dangereux
Faifoient à ma patrie un facrifice heureux.

DORIS.

J'entends du bruit. On vient. Clytemneftre s'avance. Remettez-vous, Madame, ou fuyez fa présence.

ERIPHILE.

Rentrons. Et, pour troubler un hymen odieux,
Confultons des fureurs qu'autorifent les Dieux.

SCENE II.

CLYTEMNESTRE, EGINE.

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GINE >

CLYTEM NESTRE.

tu le vois, il faut que je la fuie. Loin que ma fille pleure, & tremble pour fa vie, Elle excuse fon père, & veut que ma douleur Respecte encor la main qui lui perce le cœur. O conftance! ô respect ! Pour prix de fa tendreffe; Le barbare, à l'autel fe plaint de fa pareffe. Je l'attends. Il viendra m'en demander raison: Il croit pouvoir encor cacher fa trahison. Il vient. Sans éclater contre fon injustice, Voyons s'll foutiendra fon indigne artifice.

SCENE

111.

AGAMEMNON, CLYTEMNESTRE, ÆGINE.

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AGAMEMNON.

UE faites-vous, Madame ? Et d'où vient que tes
lieux

N'offrent point avec vous votre fille à mes yeux?
Mes ordres par Arcas vous l'avoient demandée :
Qu'attend-t-elle ? Eft-ce vous qui l'avez retardée?
juftes défirs ne vous rendez-vous pas ?
Ne peut-elle à l'autel marcher que fur vos pas?
Parlez

A

mes

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