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ARBATE jettant le poison.

Ceffez, vous dis-je, & laiffez-moi,

Madame, exécuter les volontés du Roi.

Vivez; & vous, Arcas, du fuccès de mon zèle
Courez à Mithridate apprendre la nouvelle,

SCENE IV.

MONIME, ARBATE, PHŒDINE

MONIM E.

AH, trop cruel Arbate, à quoi m'expofez-vous?

Eft-ce qu'on croit encor mon fupplice trop doux?
Et le Roi, m'enviant une mort si soudaine

1

X

-་

Veut-il plus d'un trépas pour contenter fa haine?

ARBATE.

Vous l'allez voir paroître, & j'ofe m'affurer
Que vous-même, avec moi, vous allez le pleurer.

Quoi, le Roi!...

MONIM E.

ARBAT E.

Le Roi touche à fon heure dernière,
Madame, & ne voit plus qu'un refte de lumière.
Je l'ai laiffe fanglant, porté par des foldats,
Et Xipharès en pleurs accompagne leurs pas.

MONIM E.

Xipharès? Ah, grands Dieux ! Je doute si je veille, Et n'ofe qu'en tremblant en croire mon oreille, Xipharès vit encor? Xipharès que mes pleurs....

ARBAT E.

Il vit, chargé de gloire, accablé de douleurs.
De fa mort en ces lieux la nouvelle femée
Ne vous a pas vous feule & fans cause allarmée.
Les Romains, qui par-tout l'appuyoient par des cris,
Ont par ce bruit fatal glacé tous les efprits.
Le Roi, trompé lui-même, en a verfé des larmes.
Et déformais certain du malheur de ses armes,
Par un rebelle fils de toutes parts preffé,
Sans efpoir de fecours, tout près d'être forcé,
Et voyant, pour furcroît de douleur & de haine,
Parmi les étendarts porter l'aigle Romaine,
Il n'a plus afpiré qu'à s'ouvrir des chemins,

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Pour éviter l'affront de tomber dans leurs mains.
D'abord il a tenté les atteintes mortelles
Des poisons que lui-même à cru les plus fidèles;
Il les a trouvés tous fans force & fans vertu.
Vain fecours, a-t-il dit, que j'ai trop combattu!
Contre tous les poifons foigneux de me défendre,
J'ai perdu tout le fruit que j'en pouvois attendre.
Efayons maintenant des fecours plus certains,
Et cherchons un trépas plus funefte aux Romains.
Il parle ; & défiant leurs nombreuses cohortes,
Du palais, à ces mots, il fait ouvrir les portes."
A l'aspect de ce front, dont la noble fureur

Tant de fois, dans leurs rangs, répandit la terreur,
Vous les euffiez vus tous, retournant en arrière,
Laiffer entre eux & nous une large carrière;
Et déja quelques-uns couroient épouvantés,
Jufques dans les vaiffeaux qui les ont apportés.
Mais le dirai-je, ô Ciel ! Raffurés par Pharnace,
Et la honte en leurs cœurs réveillant leur audace,
Ils reprennent courage, ils attaquent le Roi,
Qu'un refte de foldats défendoit avec moi,
Qui pourroit exprimer par quels faits incroyables,
Quels coups, accompagnés de regards effroyables
Son bras, fe fignalant pour la dernière fois,'
A.de ce grand Héros terminé les exploits?
Enfin, las & couvert de fang & de pouffière,
Il s'étoit fait de morts une noble barrière.
Un autre bataillon s'eft avancé vers nous

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Les Romains, pour le joindre, ont fufpendu leurs coups.
Ils vouloient tous enfemble accabler Mithridate.
Mais lui: C'en efst assez, m'a-t-il dit, cher Arbate,
Le fang & ma fureur m'emportent trop avant.
Ne livrons pas fur-tout Mithridate vivant.
Auffi-tôt dans fon fein il plonge fon épée.
Mais la mort fuit encor fa grande ame trompée.
Ce Héros dans mes bras est tombé tout fanglant,
Foible, & qui s'irritoit contre un trépas fi lent ;
Et fe plaignant à moi de ce refte de vie,
Il foulevoit encor fa main appefantie,
Et,.marquant à mon bras la place de fon cœur,
Sembloit d'un coup plus sûr implorer la faveur.
Tandis que, poffédé de ma douleur extrême,
Je fonge bien plutôt à me percer moi-même,
De grands cris ont foudain attiré mes regards.
J'ai vu, qui l'auroit cru? j'ai vu de toutes parts
Vaincus & renverfés les Romains, & Pharnace,
Fuyant vers leurs vaiffeaux, abandonner la place;
Et le vainqueur, vers nous s'avançant de plus près,
A mes yeux éperdus a montré Xipharès.

Jufte Ciel! :

MONIM E.

ARBAT E.

Xipharès, toujours refté fidèle, Et qu'au fort du combat une troupe rebelle, Par ordre de fon frère, avoit enveloppé, Mais qui, d'entre leurs bras à la fin échappé

Forçant les plus mutins, & regagnant le refte,
Heureux & plein de joie en ce moment funeste,
A travers mille morts, ardent, victorieux,
S'étoit fait vers fon père un chemin glorieux.
Jugez de quelle horreur cette joie est suivie.
Son bras aux pieds du Roi l'alloit jetter fans vie.
Mais on court, on s'oppose à son emportement.
Le Roi m'a regardé dans ce trifte moment,
Et m'a dit, d'une voix qu'il pouffoit avec peine:
S'il en eft temps encor, cours, & fauve la Reine.
Ces mots m'ont fait trembler pour vous, pour Xipharès,
J'ai craint, j'ai foupçonné quelques ordres fecrets.
Tout laffé que j'étois, ma frayeur & mon zèle
M'ont donné, pour courir, une force nouvelle ;
Et, malgré nos malheurs, je me tiens trop heureux
D'avoir paré le coup qui vous perdoit tous deux.

MONIM E.

Ah, que de tant d'horreurs justement étonnée,
Je plains de ce grand Roi la triste destinée !
Hélas, & plût aux Dieux, qu'à fon fort inhumain
Moi-même j'euffe pu ne point prêter la main ;
Et que, fimple témoin du malheur qui l'accable,
Je le puffe pleurer fans en être coupable ! !...
Il vient. Quel nouveau trouble excite en mes esprits
Le fang du père, ô Ciel, & les larmes du fils?

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